Voilà une promenade finalement assez peu connue des touristes - et c'est tant mieux - qui s'avère être vraiment l'une des plus agréables de Venise. Comme les flâneries le long des Fondamente Nuove ou sur les Schiavoni, marcher le long des quais de Dorsoduro est un régal. La lumière y est toujours différente et on peut y méditer tout à loisir ou bien poursuivre une conversation entre amis. Les enfants aiment à y courir et on rencontre des tas de gens différents. Vaste solarium en été (et dès le mois d'avril d'ailleurs), c'est en automne et en hiver un lieu assez privilégié, à l'abri des vents du nord, où les vrais vénitiens se retrouvent en fin de journée et le dimanche. Le meilleur glacier (Gelateria da Nico) de la ville et quelques bons restaurants y sont installés.
Face à la giudecca, allons donc faire un tour, de la calle del vento à la Pointe de la Douane. Nous croiserons des étudiants qui prennent le soleil sur un ponton, puis les enfants qui sortent des écoles et se précipitent chez Nico, les vénitiens qui prennent un café ou un verre. Le curé des Gesuiti qui fait constater à qui veut bien l'écouter l'état de plus en plus grave des sculptures qui ornent le fronton de son église et se transforment chaque jour davantage en talc.
Un peu plus loin quelques touristes s'attardent sur le pont. La vue sur le canal y est si belle. Le peintre Ferruzzi sera peut être installé à l'angle d'une ruelle pour croquer la Giudecca juste en face. La concierge d'un immeuble est assise devant sa porte avec une voisine. Plus loin, la Calcina de Ruskin où nous parviennent des conversations en anglais. Encore un pont et les Zattere se font plus déserts. Le mur du jardin du séminaire est éclairé par le soleil. Les feuilles des arbres commencent à tomber.
Plus loin encore, les jeunes athlètes membres de la Società Canotiera Bucintoro mettent leurs bateaux à l'eau. Le rouge vif de la grue tranche avec le vert de l'eau et le blanc écarlate de leur tenue. Les avirons sont prêts et les ardeurs fourbies. la ballade sera belle et sportive. Puis le quai se rétrécit. Un beau bateau à voile, amarré à deux pas bat pavillon néo-zélandais. Nous voilà à la pointe de la douane. A droite, San Giorgio qui touche presque la Giudecca. Les arbres du Cipriani sont une symphonie de verts et d'orange. A gauche, le Bassin de Saint Marc et son époustouflante vue : la piazzetta avec le Palais des doges, les colonnes, les dômes de San Marco et le Campanile. La lagune est toute irisée d'argent. Vaporetti, motoscafi, taxis, barques en tout genre se croisent dans un tintamarre merveilleux. C'est tellement plus agréable que la place de la Concorde ou les sorties d'autoroute...
Quand les travaux seront finis, il n'y aura plus alors, après s'être assis quelques minutes face à ce magnifique spectacle, qu'à repartir vers la Salute, l'abbaye San Gregorio, les petites ruelles qui longent les palais, la Ca'Dario, la Guggenheim, San Lio et le pont de l'Accademia. Il sera temps de reprendre des forces dans un des petits bars qui longent le chemin. A moins que vous ne préfériez traverser le grand canal avec le traghetto. Deux heures de marche dans un indicible bonheur et une grande paix. C'est cela le miracle de Venise. Le bonheur et la paix. Mais je vous ennuie avec mes radotages.
posted by lorenzo at 18:30

"Venise est plus qu’une ville, c’est un état d’esprit, une merveilleuse idée humaine. Une invention géniale. Elle est le refuge parfait du solitaire. Elle sait s’en emparer et le prend dans ses tentacules. On ne rencontre jamais mieux Venise que seul et sans but. Le cafard, la malinconia est un art vénitien. Cet état atroce et merveilleux, le solitaire s’y accroche car il y trouve un délicieux bonheur, une richesse unique. Triste et joyeux presque simultanément, le malade de Venise s’enrichit d’heures en heures de sensations spécifiques. Il repartira – s’il repart – en paix avec lui-même, harmonisé, rédimé, apaisé et riche d’une richesse intérieure très enviable de nos jours". 
L’universalité née de sa beauté et des mythes qu’elle a ainsi suscités me permet – comme à des millions d’autres adeptes (on se croit toujours seul et unique amoureux, connaisseur et de facto consommateur de Venise) de la retrouver partout presque instantanément et même sans le vouloir : sur les écrans, aux vitrines des librairies, dans les musées, les conversations. Un reflet, un son particulier, une odeur et n’importe où me voilà transporté à Venise et dans mes souvenirs aussi. Les allemands ont un nom pour cela. Proust a su décrire bien mieux que je ne pourrai jamais imaginer pouvoir le faire cette sensation. Le lecteur comprendra de quoi je veux parler.
Et puis, il nous y est donné de pouvoir vivre comme partout ailleurs – ou presque – sans les inconvénients des autres lieux urbains (l’absence de bruit et de mauvaises odeurs par exemple) et de s’y sentir aussi au large qu’au beau milieu d’un océan ou d’une montagne (toujours l’idée nature-antinature) sans les inconvénients de la solitude, du chemin toujours trop long à faire pour acheter du pain ou un journal… 







Un ami qui revient de Quito me disait avoir eu la surprise d’en trouver partout aussi bons qu’à Venise ! La France est un peu en retard dans ce domaine et quand, le matin, désireux de retrouver l’atmosphère si agréable de mes matinées vénitiennes, je réclame au serveur un café avec du lait chaud mousseux, la plupart du temps je me vois répondre "c’est un petit crème que vous voulez". D’autres me disent, sur un ton péremptoire "mais si c’est un noisette c’est un expresso avec du lait froid" ou bien "c’est un grand crème pour le monsieur" ou encore "un cappucino"… Certains pour me plaire me servent avec la tasse un petit pot de lait chaud vaguement mousseux.. J’ai vite abandonné. 














Une longue et presque mélancolique mélodie, où les sons se répètent et s’alourdissent pour marquer le temps qui passe mais avec lenteur. Comme pour saluer l’harmonie des couleurs et des odeurs de cette chute nécessaire pour que se préparent les relevailles de la nature… Il fait gris puis soudain le soleil perce à travers les nuages, le ciel redevient bleu comme en été. Nimbé d’une fraîcheur nouvelle, l’air porte mille parfums nouveaux, des feuilles et des pétales qui se décomposent, l’humus qui se répand mêlé aux senteurs profondes de la lagune. L’eau devient d’un vert presque gris et le matin parfois, la brume se répand comme un mince filet au-dessus de l’eau. Les parois des maisons s’affranchissent du conventionnel éclatement des couleurs pour s’envelopper de tons plus appropriés : rouille, bruns, rouge vigne et jaunes pâlis. Les cheminées fument et le passant qui traîne encore volontiers sur son chemin foule les feuilles mortes des campi désertés. Venise en automne a un charme fou. La lumière y est exquise, le calme délicieux. Les hordes de barbares ont regagné leurs îles lointaines et les enfants reprennent le chemin de l’école. Vous savez "le parfum d’un bouquet de crayons fraîchement taillés" dont parle 





Società Dante Alighieri
Istituto Venezia
Sergio Bettini
Ils sont rugissants. Les plus jeunes n'ont pas douze ans. Ce sont les membres du club de 

