Le  patrimoine artistique né à Venise au fil des siècles a toujours été  éminemment recherché. De tout temps, les voyageurs ont aimé rapporter de  leur séjour dans la Cité des Doges peintures, verreries, objets  d'orfèvres, livres et gravures, brocarts et soieries. Au XVIIIe siècle,  l'atelier de Guardi comme celui de Canaletto, les Bellotto et autres  vedutistes reproduisaient presque à la chaîne des vues pittoresques de  la ville qui ornent aujourd'hui les murs des plus grands châteaux et de  tous les musées du monde. 
.
 Avec  l'invasion des armées de Napoléon et le pillage systématique à peine  camouflé par des velléités d'organisation et de classement rationnel au  bénéfice de l'humanité (surtout l'humanité proche, famille et amis du  corse), l'appropriation de ces beaux objets nés du savoir-faire des  artisans vénitiens s'accéléra. C'est ainsi qu'on retrouve régulièrement  chez les antiquaires, sous le marteau des commissaires-priseurs et dans  les successions, dations et donations de la vieille Europe comme aux  Amériques de très beaux objets qui au fil des temps deviennent de plus  en plus côtés parce que de plus en plus rares.
Avec  l'invasion des armées de Napoléon et le pillage systématique à peine  camouflé par des velléités d'organisation et de classement rationnel au  bénéfice de l'humanité (surtout l'humanité proche, famille et amis du  corse), l'appropriation de ces beaux objets nés du savoir-faire des  artisans vénitiens s'accéléra. C'est ainsi qu'on retrouve régulièrement  chez les antiquaires, sous le marteau des commissaires-priseurs et dans  les successions, dations et donations de la vieille Europe comme aux  Amériques de très beaux objets qui au fil des temps deviennent de plus  en plus côtés parce que de plus en plus rares. 
.
Tout  ce discours pour vous parler d'un manuscrit qui après maintes  péripéties se retrouve sur le catalogue d'un éminent et très sérieux  libraire parisien, la maison Clavreuil, (pour la petite histoire, cette librairie est aussi spécialisée dans les parutions napoléoniennes...)  Un bijou, une pièce de musée, un témoignage important du passé de la  Sérénissime. Il s'agit du texte relatant l'installation en 1683 de la supérieure du couvent de Santa Maria delle Vergine qui était dans l'enceinte même de l'Arsenal. 
.
Fondé au XIIe siècle par le pape Alexandre III et l'Empereur Barberousse pour y installer sa fille comme première abbesse en 1177, il était régi par la règle des augustines, cette communauté fondée à Hippone par Saint Augustin lui-même pour sa sœur. Dans ce beau document, la supérieure , c'est la Nobildonna Maria Gioconda Contarini, la propre sœur du doge Ludovico Contarini. Issue d'une des plus grandes familles vénitiennes, elle naquit dans ce beau palais qu'on peut toujours admirer sur le Grand Canal à moins que ce soit à la Ca d'Oro qui appartenait aussi à cette illustre famille. Elle était la tante du célèbre général, né cette année-là (et mort en 1721) que l'on prénommera Agostino en  l'honneur de sa tante religieuse. Son  couvent fit couler beaucoup d'encre jusqu'à sa disparition au XVIIIe  siècle. 
.
C'est en effet là que plusieurs scandales éclatèrent en 1295 puis en 1499 après qu'il fut découvert à chaque fois un "commerce charnel"  entre les fils et les filles de Dieu qui avaient pourtant fait vœu de  chasteté... On trouvait beaucoup de religieuses dans ce monastère mais  peu de vierges. A la décharge de ses femmes de tous âge, il faut  rappeler que beaucoup s'y retrouvaient par la volonté d'un père ou d'un  frère (ça ne vous rappelle pas le mode de fonctionnement de  certaines sociétés contemporaines dont la religion n'est pas vraiment  très libérale e envers les femmes ?) sans vocation religieuse particulière. Mais à l'époque de notre Gioconda Contarini, l'ordre avait dû revenir...
.
Bien  sur, il existe dans de nombreuses collections, publiques ou privées,  des ouvrages de ce type et de cette qualité. Cependant, puisque depuis  une quinzaine d'années il est devenu évident que le patrimoine  artistique des nations doit, autant que faire se peut, leur être  restitué. Ce manuscrit daté de 1566 devrait reprendre sa place sinon au  monastère d'où il a été enlevé du moins à la bibliothèque Marciana ou dans le fonds des Archives Historiques, ou bien encore à la Querini Stampalia.  Je viens d'alerter diverses associations capables financièrement  d'assumer l'acquisition de cet ouvrage pour le restituer à Venise ainsi  que des amis dans l'administration de la ville. Mais une décision est  longue à prendre et l'objet peut être rapidement acquis par un riche  collectionneur. J'aurai essayé. 15.000 euros ce n'est pas une bagatelle.  Mais pour une administration ou une fondation, ce n'est pas grand  chose. 
.
Alors  je me suis mis à rêver. Nous réussissions à rassembler des bonnes  volontés dans le monde entier pour rabattre les manuscrits, les livres,  les tableaux, les objets de qualité qui participent du passé historique  de la cité des doges (et que souvent la France a dispersé du temps heureusement bref de son administration)  afin de les lui restituer, rassemblant ainsi au même endroit les plus  grands témoignages comme les plus humbles du passé grandiose et  universel de Venise. Mais le rêve n'est pas la réalité...