Les  vrais vénitiens, ceux qui sont nés de père en fils dans Venise, vivant  et habitant  le plus souvent dans les lieux mêmes où les pères de leurs  pères sont venus au monde, ceux-là hélas se font de plus en plus rares.  Triste constat dont Tramezzinimag s'est souvent fait l'écho. Mais, face à  cette hémorragie - dont nous ignorons tous si elle pourra être enrayée  et par quels moyens - apparait un phénomène qu'il faut peut-être  finalement considérer sérieusement et d'un oeil bienveillant : l'arrivée  et l'installation de "nouveaux vénitiens", des vénitiens de coeur  autant que les fils légitimes de la Sérénissime. C'est pour eux que  Tramezzinimag existe et ils en sont le plus souvent de fidèles lecteurs,  voire pour certains, de précieux contributeurs.
 
 
Au  fil de leurs séjours, par leur aptitude à pénétrer l'âme de la ville,  par leur sensibilité  qu'exacerbe sa lumière et ses parfums, ses  silences et ses bruits, ils se font peu à peu, autant vénitiens que ceux  qui les ont précédés. Ils vivent non plus en touristes à l'extérieur de  la vie vénitienne, mais s'y impliquent. Ces nouveaux arrivants se  fondent dans l'atmosphère particulière de cette vie, dans ces lieux  uniques que le voyageur pressé qui s'y rend au milieu de la masse de ses  semblables ne peut absolument pas pénétrer en vérité. Que le lecteur ne  voit pas dans ces lignes un quelconque jugement de valeur, une énième  diatribe anti-touristes ! Mais n'est-ce pas notre lot à tous lorsque  nous nous nous retrouvons au milieu d'un monde dont on sent bien qu'il  palpite ardemment. Même avec la meilleure volonté du monde,  ce qu'il  nous laisse entrevoir n'est qu'un aspect superficiel et outré de sa  réalité. Pressés, orientés, dirigés par les impératifs économiques et le  temps mesuré, nous ne faisons que frôler un univers dont nous avons  instinctivement le sentiment qu'il est bien plus riche que ce qu'on nous  donne à voir... C'est le lot des vingts millions de visiteurs qui  passent chaque année entre la Piazzale Roma et San Marco.
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Dans  cette foule, chaque jour quelques âmes sensibles, ou disponibles, se  laissent prendre toutes entières par Venise et ne peuvent plus concevoir  d'exister en dehors d'elle. Il y en a de toutes catégories, des poètes  ou des scientifiques, des gens simples comme des savants. Nul besoin  d'être milliardaire pour y trouver un point de chute. Posséder un bon  petit pécule facilite les choses, mais n'est pas la condition sine qua  non. Il est vrai que parmi les vénitiens d'adoption, il y a beaucoup  d'acteurs, de musiciens célèbres, d'écrivains ou de capitaines  d'industrie. C'est vrai aussi qu'il est moins facile d'y installer son  activité professionnelle ou d'y vivre sa retraite d'instituteur ou de  bibliothécaire. Mais on peut penser que l'évolution des mœurs,  l'aptitude à travailler chez soi, les nouvelles normes permettant à  chacun de pratiquer son métier n'importe où dans l'espace européen. Il  n'est pas réservé aux milliardaires de s'installer à Venise, que ce soit  toute l'année ou quelques semaines, voire quelques mois par an. Les  loyers sont au diapason de ce qui se pratique à Paris, à Madrid ou à  Londres. Acheter est déjà plus compliqué, mais avec de la patience et de  l'entregent, tout est possible. C'est bien plus difficile qu'il y a  dix, quinze ou trente ans mais je suis convaincu que cela peut changer, sauf catastrophe générale.
 Des  néo-vénitiens donc qui ne se contentent plus de débarquer du train de  nuit à Santa Lucia, d'utiliser un taxi pour amener leurs bagages signés  des meilleurs maroquiniers parisiens dans les hôtels chics, à la  Giudecca, sur le Grand Canal ou aux Chiavoni, passant du bar de l'hôtel  aux salles bondées du Florian, du Quadri ou de Lavena. depuis quelques  années, ils louent des appartements et, dès leur arrivée, vont au Rialto  faire leur marché. Ils se retrouvent sur un campo pour leur premier  cappuccino dans les bars où ils ont leurs habitudes et parfois un  compte. Ils papotent avec leurs voisins et déambulent dans leur  quartier, hors des circuits touristiques. Parfois même, à leur tour, ils   vont chercher à la gare ou à l'aéroport des amis qui viennent à Venise  pour la fois. Ils cuisinent des plats vénitiens, boivent du spritz ou du prosecco en grignotant des cichetti. Bref, ils vivent en "bons vénitiens" comme le recommandait expressément Henri de Régnier.
Certains lecteurs objecteront que ces Happy few  ne sont pas des chômeurs longue durée ni des titulaires du RSA. Certes.  Mais là n'est pas notre discours. Ce qui m'importe ici, c'est de  souligner, au regard des commentaires et débats suscités par la  réduction dramatique de la population autochtone de Venise, que  l'arrivée de ces amoureux de Venise peut s'avérer une des solutions au  problème de sa sauvegarde. Par ce mot, il faut entendre non seulement la  restauration et la protection des trésors architecturaux et artistiques  que contient le centre historique, mais aussi la défense d'une vraie  vie quotidienne en dehors du tourisme industriel qui ne peut pas être  jugulé et qui, ayant d'une certaine manière son utilité, doit être  organisé, réglementé pour la satisfaction de tous.
Des  néo-vénitiens donc qui ne se contentent plus de débarquer du train de  nuit à Santa Lucia, d'utiliser un taxi pour amener leurs bagages signés  des meilleurs maroquiniers parisiens dans les hôtels chics, à la  Giudecca, sur le Grand Canal ou aux Chiavoni, passant du bar de l'hôtel  aux salles bondées du Florian, du Quadri ou de Lavena. depuis quelques  années, ils louent des appartements et, dès leur arrivée, vont au Rialto  faire leur marché. Ils se retrouvent sur un campo pour leur premier  cappuccino dans les bars où ils ont leurs habitudes et parfois un  compte. Ils papotent avec leurs voisins et déambulent dans leur  quartier, hors des circuits touristiques. Parfois même, à leur tour, ils   vont chercher à la gare ou à l'aéroport des amis qui viennent à Venise  pour la fois. Ils cuisinent des plats vénitiens, boivent du spritz ou du prosecco en grignotant des cichetti. Bref, ils vivent en "bons vénitiens" comme le recommandait expressément Henri de Régnier.
Certains lecteurs objecteront que ces Happy few  ne sont pas des chômeurs longue durée ni des titulaires du RSA. Certes.  Mais là n'est pas notre discours. Ce qui m'importe ici, c'est de  souligner, au regard des commentaires et débats suscités par la  réduction dramatique de la population autochtone de Venise, que  l'arrivée de ces amoureux de Venise peut s'avérer une des solutions au  problème de sa sauvegarde. Par ce mot, il faut entendre non seulement la  restauration et la protection des trésors architecturaux et artistiques  que contient le centre historique, mais aussi la défense d'une vraie  vie quotidienne en dehors du tourisme industriel qui ne peut pas être  jugulé et qui, ayant d'une certaine manière son utilité, doit être  organisé, réglementé pour la satisfaction de tous. 
Et  puis, ce ne sont pas tous des privilégiés arrogants aux moyens  illimités. Le plus souvent, à ma connaissance, ce sont des gens qui  arrivés à un moment de leur vie professionnelle et personnelle où on  peut se permettre de souffler, où les enfants sont partis vivre leur  propre vie, où un capital s'avère disponible. Certains achètent une  villa au Pays basque, sur le bassin d'Arcachon, dans le midi, en  Bretagne ou ailleurs. Eux, les amoureux de Venise, investissent sur la  lagune. Une nuit de train, quelques heures de voiture ou deux heurs  d'avion et on retrouve ce qui peut être vite considéré comme un paradis.  D'autres sont à la retraite et viennent depuis toujours, plusieurs fois  l'année, dans la même pensione ou le même Bed & Breakfast. Ce  sont souvent des femmes, mais pas seulement. Artistes dans l'âme, elles  s'adonnent à la peinture ou à l'écriture et Venise à chaque fois les  regonfle d'énergie.  Les plus chanceux de ces Fous de Venise disposent d'un petit appartement, souvent un piano terra realzato pour éviter les inconvénients de l'acqua alta. 35 ou 45 m² à Castello, à Cannaregio ou à la Giudecca, cela leur parle mieux qu'un studio aux Arcs ou un mobilhome  près du lac de Biscarosse et on les comprend. D'autres enfin ont pu  installer leur activité professionnelle à Venise. Il y a des commerçants  (la plupart sont à Venise depuis plusieurs dizaines d'années), des  agents immobiliers, des guides, des galeristes, mais aussi des  enseignants, qui viennent s'ajouter aux écrivains, aux peintres, aux  musiciens... La qualité de la vie sur la lagune, ce rythme paisible  imposé par l'eau qui nous entoure, le charme indubitable des lieux, mais  aussi la sécurité qui y règne, vont attirer des gens plus jeunes dont  le métier pour s'exercer n'a besoin que du téléphone et de  l'informatique. Déjà certains vénitiens d'adoption continuent leur  activité professionnelle française depuis leur appartement à Venise.  N'est-ce pas un exemple à suivre quand cela est possible ? L'Europe ne  permet-elle pas ce choix ?
Les plus chanceux de ces Fous de Venise disposent d'un petit appartement, souvent un piano terra realzato pour éviter les inconvénients de l'acqua alta. 35 ou 45 m² à Castello, à Cannaregio ou à la Giudecca, cela leur parle mieux qu'un studio aux Arcs ou un mobilhome  près du lac de Biscarosse et on les comprend. D'autres enfin ont pu  installer leur activité professionnelle à Venise. Il y a des commerçants  (la plupart sont à Venise depuis plusieurs dizaines d'années), des  agents immobiliers, des guides, des galeristes, mais aussi des  enseignants, qui viennent s'ajouter aux écrivains, aux peintres, aux  musiciens... La qualité de la vie sur la lagune, ce rythme paisible  imposé par l'eau qui nous entoure, le charme indubitable des lieux, mais  aussi la sécurité qui y règne, vont attirer des gens plus jeunes dont  le métier pour s'exercer n'a besoin que du téléphone et de  l'informatique. Déjà certains vénitiens d'adoption continuent leur  activité professionnelle française depuis leur appartement à Venise.  N'est-ce pas un exemple à suivre quand cela est possible ? L'Europe ne  permet-elle pas ce choix ? 
Faisons  alors un rêve. Gageons que peu à peu de plus en plus d'amoureux  véritables de Venise franchissent le pas (et le pont de la Liberté) pour  s'installer dans le centre historique et y déployer leur savoir faire,  développant ou  reprenant des  activités qui leur permettront de vivre  et maintiendront en vie la ville. Pourquoi pas un cordonnier, un  tailleur, un ébéniste ou un luthier ? Pourquoi pas non plus des  dentistes, des architectes (il y en a) et d'autres traducteurs,  chercheurs, ingénieurs, enseignants ?
Mais pour que ces néo-vénitiens  ne soient pas considérés comme une colonie avec tout ce que cela  comporte de connotations négatives, ils devront s'intégrer. Et pour se  faire accepter, il faut s'adapter aux usages et aux traditions. Les  anglais ont un proverbe qui est valable partout et que j'ai enseigné  très tôt à mes enfants et que je dis à tous ceux qui viennent avec moi  visiter Venise : "When in Rome, do as the romans do" (Quand vous êtes à Rome faites comme font les romains").  C'est le B.A.BA du bon touriste, mais cela doit être aussi la règle de  base de tous ceux qui veulent s'installer dans une communauté qui n'est  pas celle où ils ont grandi. Cela procède du respect mais aussi de la  nécessité. Sauf à vouloir rester reclus, on ne peut vivre nulle part  sans se mêler aux autres et à Venise, qui reste une île, il nous faut  nous adapter au mode de vie des vénitiens. C'est aussi le moyen de les  aider à défendre et perpétuer leurs usages et leurs traditions. Cela ne  veut pas dire que celui qui s'installera à Venise doit abandonner ce  qu'il est et oublier ses usages et ses traditions à lui. Au contraire :  N'est-ce pas un enrichissement mutuel incroyable ?
 Aux usages de base, comme la manière de se comporter dans les ruelles étroites ou aux comptoirs des bacari, comment faire sa passeggiata, se tenir dans la gondole du traghetto ou en vaporetto, s'ajoutent les usages plus typiques : vogare et parlare. Nous aborderons ces deux sujets dans les prochains billets de Tramezzinimag.  En attendant, vos témoignages, vos idées ou vos simples commentaires  sont les bienvenus, que vous soyez de ces nouveaux vénitiens ou pas.
Aux usages de base, comme la manière de se comporter dans les ruelles étroites ou aux comptoirs des bacari, comment faire sa passeggiata, se tenir dans la gondole du traghetto ou en vaporetto, s'ajoutent les usages plus typiques : vogare et parlare. Nous aborderons ces deux sujets dans les prochains billets de Tramezzinimag.  En attendant, vos témoignages, vos idées ou vos simples commentaires  sont les bienvenus, que vous soyez de ces nouveaux vénitiens ou pas.