Ne
devrait-on pas parler plutôt de la langue vénitienne . Après tout le
vénitien fut la langue officielle de l'administration de la République.
Si le français et l'italien succédèrent
au latin comme moyen de communication avec les autres peuples, le
vénitien s'imposa comme la langue de la communauté vénitienne, du doge
au plus humble apprenti de l'arsenal, tous la parlaient. Ils la parlent
encore. Je
n'aurai pas la prétention de vouloir l'enseigner aux lecteurs de
TraMezZiniMag, cependant en donner quelques notions va dans le sens de
notre réflexion amorcée avec vous depuis le billet sur les
"néo-vénitiens". Et puis parce que je travaille depuis quelques mois à
l'élaboration d'un dictionnaire - un lexique - vénitien-français qui
n'existait pas alors que l'équivalent anglais a vu le jour depuis
longtemps déjà, autant "prendre la température"...
Le
dialecte trouve son origine on ne sait où. Des linguistes émérites ont
trouvé des racines communes avec le basque et plus loin avec certaines
langues parlées du côté de l'Hindus. Rien de celte contrairement à
d'autres langues régionales d'Italie. Mais n'étant pas linguiste ni
philologue, je ne saurai m'aventurer dans un domaine hautement technique
qui ennuierait mes lecteurs. Ceux qui sont souvent à Venise ne peuvent
que s'être rendus compte de la différence d'accent entre le parler
vénitien et l'italien "normal". C'est un accent que l'on attrape vite et
qui fait qu'on repère partout l'origine vénitienne de celui qui parle
avec. On peut le trouver grossier, voire vulgaire. Il m'est arrivé
d'entendre des parisiens dire la même chose du basque ou de l'occitan.
Mais laissons aussi ces considérations de peu d'intérêt. Abordons
quelques bribes de vocabulaire. ce qu'on apprend souvent en premier
quand on commence l'apprentissage d'une langue au milieu de ceux qui la
parlent, ce sont les expressions populaires, triviales. Les "gros mots" comme
disaient nos grands-mères. En voilà quelques uns avec, dans la mesure
du possible leur phonétique. J'ai en projet cette année d'enregistrer
des vénitiens à qui je demanderai de prononcer les mots usuels du
dialecte et quelques expressions courantes. De quoi s'exprimer face aux
autochtones et de leur montrer l'intérêt que l'on prend à leur culture
et le respect qui nous fait souvent défaut quand on se contente de
s'exprimer en français ou en anglais, avec force gestes pour tenter de
se faire comprendre de l'habitant. Vieux réflexes de colons
impérialistes ?
Le premier mot, nerf de toutes les guerres et liant de bon nombre de relations entre les personnes, est le mot "argent". En vénitien, il se dit "Schei" ( prononcer skeye). On devine une parenté avec le mot écu. Le terme a survécu jusqu'à nos jours, en dépit du passage à la Lire puis à l'Euro.
Ti ga schei ? : tu as des sous. Expression souvent employée pour exprimer la surprise. par exemple quand on est avec quelqu'un qui n'a pas l'habitude de sortir son portefeuille le premier et résiste à la tentation d'inviter ses commensaux. Par extension, le mot employé au singulier (il devient alors "scheo") sert à indiquer quelque chose de petite dimension ou une faible longueur. (Un sou, c'est petit dans tous les sens du terme !)
"Spòsteło de vinti sche"i " : déplace-le de vingt centimètres.
Le terme est d'usage courant avec une connotation triviale, presque vulgaire. La vieille comtesse du palazzo voisin ne l'emploiera pas quand elle fait ses courses. tout au plus le mot lui échappera quand elle recevra sa facture d'électricité ou devra payer les gages de sa vieille servante. Il est souvent sur les lèvres des gondoliers et des boutiquiers. Il serait utile d'apprendre son équivalent en chinois d'ailleurs. Mais on va encore m'accuser de mauvais esprit !
En revanche, l'arrivée de la monnaie unique a pratiquement fait disparaître le vocable "franco" qu'on utilisait pour la lire et par extension pour désigner une certaine quantité d'argent.
"Trenta franchi" correspondaient à trente lires, "na carta da mìłe franchi" désignait un billet de mille lires. Le terme n'avait pas de rapport avec le Franc français mais avec la monnaie autrichienne en vigueur pendant l'occupation et qui portait gravée l'inscription "FRANC." abréviation du nom de l'empereur François-Joseph. Les vieux vénitiens continuent de l'employer mais on l'entend bien moins qu'avant.
Le premier mot, nerf de toutes les guerres et liant de bon nombre de relations entre les personnes, est le mot "argent". En vénitien, il se dit "Schei" ( prononcer skeye). On devine une parenté avec le mot écu. Le terme a survécu jusqu'à nos jours, en dépit du passage à la Lire puis à l'Euro.
Ti ga schei ? : tu as des sous. Expression souvent employée pour exprimer la surprise. par exemple quand on est avec quelqu'un qui n'a pas l'habitude de sortir son portefeuille le premier et résiste à la tentation d'inviter ses commensaux. Par extension, le mot employé au singulier (il devient alors "scheo") sert à indiquer quelque chose de petite dimension ou une faible longueur. (Un sou, c'est petit dans tous les sens du terme !)
"Spòsteło de vinti sche"i " : déplace-le de vingt centimètres.
Le terme est d'usage courant avec une connotation triviale, presque vulgaire. La vieille comtesse du palazzo voisin ne l'emploiera pas quand elle fait ses courses. tout au plus le mot lui échappera quand elle recevra sa facture d'électricité ou devra payer les gages de sa vieille servante. Il est souvent sur les lèvres des gondoliers et des boutiquiers. Il serait utile d'apprendre son équivalent en chinois d'ailleurs. Mais on va encore m'accuser de mauvais esprit !
En revanche, l'arrivée de la monnaie unique a pratiquement fait disparaître le vocable "franco" qu'on utilisait pour la lire et par extension pour désigner une certaine quantité d'argent.
"Trenta franchi" correspondaient à trente lires, "na carta da mìłe franchi" désignait un billet de mille lires. Le terme n'avait pas de rapport avec le Franc français mais avec la monnaie autrichienne en vigueur pendant l'occupation et qui portait gravée l'inscription "FRANC." abréviation du nom de l'empereur François-Joseph. Les vieux vénitiens continuent de l'employer mais on l'entend bien moins qu'avant.
6 commentaires:
- Dans ma région (Vicenza, Val d'Astico) on dirait : "gheto schei?)
D'après le dictionnaire lo Zingarelli,les dialectes italiens- ou langues si elles sont écrites comme le vénitien - sont des langues "romanze" issues du latin vulgaire ( le latin étant lui-même une langue indo-européenne).La présence de "g" comme dans "el gaveva..." correspondrait au dialecte régional avec des éléments de "bellunese cittadino"?
Il existe un dictionnaire vénitien/italien fait par Giuseppe Boerio.
Graziella - Absolument. Merci de ces précisions. Il existe même un lexique vénitien-anglais mais rien à ce jour en français. Nous y travaillons.
- http://www.blogger.com/profile/03524487160360572243J'espère que, dans votre ouvrage, on lira aussi des mots d'amour vénitiens...
Anne - Moi je suis pour une leçon de vénitien par semaine, mots d'amour et gros mots, locutions, proverbes, je prends tout avec bonheur
- Pour le plaisir, voici une petite "poésie" que ma grand mère me récitait de temps en temps:
Veneziani gran signori,
Padovani gran dotori,
Visentini magna gati,
Veronesi tuti mati,
Udinesi castelani col cognome de Furlani,
Trevisani pan e tripe,
Rovigoti baco e pipe,
i Cremaschi fa cojoni,
i Bressan tajacantoni,
ghe n'è anca de pì tristi: Bergamaschi brusa cristi. - Le Boerio, acheté par une douce nuit à la Libreria San Geremia du temps
où elle existait toujours ( j'adorais cette librairie ouverte jusqu'à
minuit.... mais quel dommage qu'elle ait été remplacée par un negozio de
plus...fut-il affriolant...) est un petit bonheur avec ce langage si
chantant, si particulier, si imagé.Les expressions idiomatiques sont
délicieuses.Quant à ce petit poème, je l'ai moi-même découvert dans un
ouvrage dédié au venessian...mais à travers sa cuisine."Savoureux
également....
La cucina veneta( déniché chez notre bon Luigi Frizzo, amoureux des livres et des chats) dont l'auteur m'échappe....Lorenzo, peut-être pourrez aider ma pauvre mémoire défaillante... mes livres étant amoureusement emballés en vue de leur prochain déménagement à Paris.
Merci de votre aide, cher Lorenzo et bien amicalement,
Agnès