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| Journée internationale des migrants, 18 décembre 2013 | Crédit Photo © EMA Students | migrants-matter.blogspot.it | 
Aujourd’hui
 comme demain, les États européens seront  confrontés aux défis des 
migrations. Guri Storaas, étudiante en master  de Droits de l’Homme et 
Démocratisation à Venise, mais également  fondatrice du mouvement  
"Migrants Matter" a accepté de partager son  combat, sa lueur d’espoir 
sur des problématiques souvent mal comprises  et amalgamées. 
Stéphane Hessel, dans son manifeste « Indignez-vous !  » conseille aux
 jeunes de regarder autour d’eux, pour qu’ils y trouvent les  
thèmes qui justifient l’indignation - le traitement fait aux immigrés,
  aux sans-papiers, aux Roms. Il poursuit en leur suggérant de faire émerger cette indignation :  «Vous trouverez des situations concrètes qui vous amènent à donner cours à une action citoyenne forte.» 
Après plusieurs actions au sein même de leur master, quelques 
étudiants  en Droit de l’Homme et Démocratisation de l'Université Ca'Foscari de Venise 
ont décidé  de se lever pour briser ce cercle de l’indifférence en cette
 période de  Noël.  
 
Guri Storaas, fondatrice du mouvement Migrants Matter,
  a accepté de nous révéler sa lueur d’espoir. En cette fin d’année 
2013,  elle a choisi la solidarité aux immigrés. Au cours de plusieurs  
réunions depuis début octobre 2013, une chanson a été reprise avec  
passion par plusieurs représentants européens lors des Europeans Development Days à
  Bruxelles. Le coup final de cette campagne de sensibilisation a été la
  marche silencieuse en cette fin décembre. Avec un seul espoir que les 
 migrants aussi puissent vivre dans la dignité. Les Églises chrétiennes, les communautés musulmanes, juives, bouddhistes ont manifesté leur entière solidarité.
 
Journal International : Quel est le but d’une campagne de sensibilisation et pourquoi l’avoir dirigée en faveur des migrants ? 
Guri Storaas
 : Cette mission de sensibilisation permet avant tout de  regrouper des 
personnes engagées, afin de changer les politiques à  travers différents
 moyens et afin de faire évoluer les conditions  auxquelles peuvent être
 confrontées certaines personnes exclues de la  société. Elle se 
concentre sur le secteur européen notamment, car les  migrants sont 
certainement les cibles les plus faciles pour les États.  Ils subissent 
les politiques imposées et injustes déniant les  difficultés auxquelles 
ces hommes, ces femmes et ces enfants font face  chaque jour. Ceux qui 
n’agissent pas en ayant pleinement conscience des  discriminations 
subies soutiennent au fond indirectement les violations  récurrentes 
transgressant la Déclaration universelle des Droits de  l’Homme de 1948.
 
JI
 : Justement, votre  campagne se dirige en faveur d’un certain groupe de
 migrants puisqu’elle  vise à la ratification de la Convention 
internationale sur la  protection des droits de tous les travailleurs 
migrants et des membres  de leur famille de 1990, pourquoi avoir ciblé 
cette forme particulière  d’immigration ? 
 
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| Crédit Photo © EMA Students | migrants-matter.blogspot.it | 
G.S.
 : Tout d’abord, il faut  savoir que cette convention est la seule qui 
internationalement a été  créée pour les migrants ainsi ce n’est pas un 
thème réducteur que nous  avons choisi, mais un texte d’appui officiel 
qui nous permet d’agir  activement sur différentes formes d’immigration.
 Il est également vrai  que le travail est une chose qui affecte 
particulièrement les étrangers,  les rendant plus vulnérables que les 
autres, car bien souvent les  familles se retrouvent séparées. De plus, 
les migrants sont loin d’être  privilégiés. Ainsi, ils subissent 
un traitement excessivement injuste  généralement les renfermant sur 
eux-mêmes. Aucun texte ne définit  véritablement leur statut ni ne 
reconnait leur existence même. Souvent  rejetés, seuls, les expulsions 
de plus en plus nombreuses planifiées  dans les pays européens sont la 
preuve qu’aucune garantie de protection  n’a été encore appliquée, voire
 établie. Ce que nous souhaitons, c’est  porter un message au nom de 
tous les immigrés et en appuyant le projet  de cette convention qui est 
loin de faire l’unanimité jusqu’à présent.  Nous pourrions enfin nous 
assurer que les États aient à rendre des  comptes sur les politiques 
mises en place, qu’ils aient enfin une  responsabilité officielle 
lorsque ces personnes immigrant sur leurs  terres se voient maltraitées.
 
JI : Pourquoi,  selon vous, de nombreux états sont-ils septiques à
 l’idée de ratifier  cette Convention et en quoi pensez-vous que votre 
mouvement puisse les  aider à changer d’avis ? 
G.S. : Lorsque les  Nations Unies ont proposé ce traité, il n’a 
pas été très bien accueilli.  Il a été adopté en 1990 et 13 ans après, 
en 2003, il a pu enfin entrer  en vigueur, mais seulement grâce à 20 
états signataires, ce qui est bien  trop peu ! Cette Convention a le 
potentiel de promouvoir, au moins  indirectement, le droit des immigrés,
 pour que leur protection soit  garantie par la loi même. 
Malheureusement, même si elle a été acceptée  légalement, elle n’est que
 trop peu mise en pratique. 
 Selon  moi, les États refusent de coopérer, car la définition donnée à  
l’immigration ici est bien trop large et malheureusement, de nos jours, 
 c’est une notion qui fait peur et qui doit être plus précise pour qu’on
  puisse l’accepter. Je suis persuadée que c’est notamment la peur qui  
paralyse les États jouant sur l’aspect de sécurité en l’opposant  
directement à l’immigration. Les stéréotypes que l’on entend chaque  
jour, particulièrement depuis la crise de 2008, sous-entendant que "plus les immigrés arrivent, plus les taxes pour la population seront importantes", que l’économie soit disant "s’écroulerait si nous accueillions trop d’étrangers" sont néfastes à l’égard de l’image de ces personnes. 
 Je pense également que le fait qu’aucun groupe spécifique ne se soit  
battu au nom des migrants a également joué en la défaveur de ce projet. 
 Malheureusement, nous ne sommes que de petits groupes défendant des  
intérêts totalement différents si l’on regarde au premier abord, car il 
 est vrai que l’hétérogénéité migrante peut créer quelques tensions.  
Pourtant, au fond, nous recherchons tous le même but : que les immigrés 
 bénéficient d’une protection adéquate, qu’eux aussi puissent profiter  
des droits "définis pour tous" (Ndlr, DUDH 1948). C’est  
pourquoi, à notre échelon, nous devons parler, nous devons nous  
mobiliser afin de changer quelques mentalités, afin de cibler l’aspect  
positif de l’immigration, de le partager et de sensibiliser l’opinion  
sur le bénéfice de cette nouvelle forme de multiculturalisme. 
JI : Quelles sont les actions qui ont pu ou peuvent aider votre campagne à se développer et à se faire connaitre davantage ? 
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| Crédit Photo © EMA Students | migrants-matter.blogspot.it |  |  | 
 
G.S.
 : Nous avons la chance d’avoir 50 étudiants de notre promotion  motivés
 et passionnés pour démarrer notre projet. Par la suite, chacun  de nous
 a eu un rôle spécifique dans la mise en place de la campagne.  Par 
ailleurs, une action toute simple telle que celle initiée aux European 
Development Days regroupant  quelques personnes criant, et frappant des 
mains dans les couloirs de  Bruxelles entre deux conférences, leur 
volonté de convaincre les états  membres de l’Union européenne de 
ratifier la convention a eu un impact  très positif. Nous avons pu 
rencontrer quelques politiciens qui suivent  notre projet de très près 
et le supportent et c’est un appui non  négligeable à l’échelle 
européenne. Les réseaux sont très importants  pour porter notre message. 
 
Nous discutons également  beaucoup avec les personnes autour de nous 
pour leur faire prendre  conscience de l’importance de ce projet, 
débattons également avec eux  parfois, nous sommes ouverts aux débats. 
Nous sommes une sorte de  mouvement non-lucratif qui souhaite intégrer 
tout un chacun dans son  combat. Nous sommes des membres de la société 
civile ayant décidé de se  battre pour une cause que l’on trouve noble. 
Si nous nous mobilisons en  faveur de processus légaux c’est parce que 
ce sont eux qui régissent par  la suite nos vies, nous sommes les 
citoyens du monde, nous votons donc  nous avons le droit de manifester 
au nom de ce qui nous parait juste.  Trop souvent, les politiciens 
oublient que nous leur avons accordé notre  confiance en les élisant, il
 est nécessaire via ce genre d’actions de  leur remettre un coup de 
pression. Notre groupe Facebook 
  invite à la discussion instantanée et aux soutiens surtout par  
n’importe qui souhaitant partager son opinion sur notre mouvement. Notre
 blog est notre liberté d’expression, notre façon de développer sur ce 
qui  nous indigne, sur nos actions, mais surtout sur ce à quoi l’on 
croit :  partager nos valeurs en parlant de l’immigration. 
Nous avons développé quelques partenariats avec notre université tout d’abord, mais aussi avec la PICUM (Platform for International Cooperation on Undocumented Migrants) et
  des ONG se battant pour les droits des sans-papiers. Par la suite lors
  du festival des droits de l’Homme de Venise se focalisant cette année 
 sur l’identité, nous avons eu l’honneur de rencontrer autour d’une 
table  ronde Jacopo Molina, 
conseiller du parti démocrate de Venise, nous  donnant la position 
italienne concernant les questions migratoires. Tout  en réfléchissant, 
autour de quelques films tels que "Mare Chiuso",  à la politique 
italienne et aux diverses condamnations que l’Italie a  reçu par la Cour
 européenne des Droits de l’Homme suite à des violations  très graves. 
Nous avons eu aussi notre mot à dire en traversant Venise  le 18 
décembre 2013, Journée internationale des migrants où, je pense,  nous 
avons pour ainsi dire touché les âmes de certains. 
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| Journée internationale des migrants, 18 décembre 2013 | Crédit Photo © EMA Students | migrants-matter.blogspot.it | 
 
JI
 : Comment est-ce qu’un mouvement étudiant pourrait influencer  la 
politique et faire changer les choses ? Pensez-vous que cette  journée 
récente puisse avoir de l’influence par la suite ?
  
 G.S.
 : Vous savez, je sais que les campagnes de sensibilisation  peuvent 
prendre du temps, j’ai eu des expériences totalement différentes  en 
Afrique et en Norvège quand nous défilions à cause de l’impact du  
changement climatique. Nous avons également mobilisé du monde, organisé 
 des activités diverses, récolté des signatures et même fait un tour en 
 caravane avec au moins 180 personnes pour convaincre des milliers de  
gens de nous rejoindre. Et cela a marché, ce n’était pas toujours  
évident, mais nous sommes allés à la rencontre de la population, car  
après tout dans la politique c’est d’eux dont il s’agit non ? Avoir la  
foi est essentielle. Je ne dis pas que notre mouvement universitaire  
aura autant d’impact que celui qui m’a valu un long voyage, mais  
tellement humain avec 200 000 signatures récoltées et des concerts au  
nom de notre cause du Kenya à l’Afrique du Sud, mais je crois que c’est 
 maintenant ou jamais. Un mouvement tel que celui-ci se fait au jour le 
 jour, se vit et se construit dès à présent même si le chemin est long. 
 
 
 Ce jour-là, nous avons défilé avec une quarantaine de personnes en  
marchant silencieusement en rang, certains portaient des masques  
représentant les états se voilaient la face en ne ratifiant pas,  
d’autres têtes baissées montraient leur désarroi face au manque de  
coopération puis des lettres avec une lueur d’espoir dans les yeux de  
chacun se démasquant et retrouvant le sourire apparaissait s’adressant  
directement aux États membres de l’Union Européenne. On pouvait alors  
apercevoir ce message impératif en anglais « EU, Ratify Migrants  Convention ! » avant
 que les élèves ne se mettent à chanter et  distribuer des dépliants 
pour que l’Union Européenne aille enfin de  l’avant surtout après la 
polémique de Lampedusa  Nous avons eu un impact relativement positif et 
beaucoup d’intrigués  nous ont écouté, appréciant notre engagement, donc
 je suppose que notre campagne au nom des migrants a eu son cadeau de 
Noël : elle n’a laissé personne indifférent.  
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| Journée internationale des migrants, 18 décembre 2013 | Crédit Photo © EMA Students | migrants-matter.blogspot.it 
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  * Florence carrot est étudiante en sciences politiques à l'Université Lyon II et passant un an en Inde, elle est correspondante 
dans ce pays (Chennai et Madurai) pour Le Journal International, 
mais aussi stagiaire chez People's Watch (ONG promouvant les Droits de l'Homme) et 
volontaire ponctuelle à l'école de Vellore Garden of Peace. elle cherche à privilégier un regard quelque peu critique dans ses articles toujours inspirés par les Droits de l'Homme, et 
auxquels s'ajoute souvent une dimension plus sociologique.
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