03 juillet 2014

Chaque rue est un canal, journal illustré d’un Noël à Venise, par Pierre et Jean Adrian

La route de fer vers Venise, le fracas du train sur les rails. Je me suis couché entre Paris et Lyon. Je me réveille dans quelque banlieue de la mer Adriatique. Un train de nuit est un train qui fend la nuit... Un début prometteur pour ce journal de voyage d'un Noël à Venise par Pierre et Jean Adrian, jeunes lauréats 2014 du concours Libé-Apaj que Tramezzinimag suit fidèlement. Rappelez-vous l'an dernier, nous fêtions en grande pompe le prix d'Antoine Lalanne-Desmet, ami très cher et collaborateur précieux de Tramezzinimag avec qui j'ai de nombreux projets en cours d'élaboration (nous en reparlerons très vite). Extraits.
"Venise n’a pas résisté à Attila, à Bonaparte, aux Habsbourg, à Eisenhower ; 
elle avait mieux à faire : survivre; ils ont cru bâtir sur le roc;
 elle a pris le parti des poètes, elle a bâti sur l’eau." (Paul Morand,Venises)
21 décembre 2013, vers Venise
La route de fer vers Venise, le fracas du train sur les rails. Je me suis couché entre Paris et Lyon. Je me réveille dans quelque banlieue de la mer Adriatique. Un train de nuit est un train qui fend la nuit. Dans ces villages tristes et vides que traverse le train, même une station d’épuration est coloriée. En Italie, le jour de l’hiver, quelques draps pendent aux fenêtres. Un crissement hystérique et le wagon s’arrête en gare de Vicenza.
Arrivée
Le train est lancé sur l’eau, bordé de pilotis. J’aperçois les premières gondoles. La banlieue industrielle laisse sa place à quelques îles froides et marécageuses. Le ciel gris sale pèse sur l’eau et confond sa couleur.
Passé les portes de la gare Santa Lucia, je débouche sur le Grand Canal. Pour la première fois du voyage, je deviens spectateur. Venise force à l’attitude passive. On accepte tout, y compris cette agitation trop italienne.
Six ans plus tôt, je tombais sur Venise inondée de soleil. Aujourd’hui, un début de pluie, une odeur d’urine : la beauté aussi a parfois ses relents.
Au petit matin nous traversons la ville pour déposer nos bagages. Des groupes de vieux Vénitiens en bonnet, à la barbe blanche et emmitouflés dans de gros manteaux d’hiver, discutent. On a peine à croire qu’ils vivent ici.
Des canaux fangeux se perdent au lieu de ruelles. On se contente de barques à moteur plutôt que des automobiles.
Une eau couleur pétrole.
Dans chaque boutique, au détour d’un kiosque, à chaque coin de rue, je cherche un peu de Pasolini.
22 décembre 2013
Les vaporetto: des bus qui roulent dans un couloir d’eau.
Promenade de fin d’après-midi sur les quais de la Ponta della Dogana. Les figures d’une crèche en carton surplombent un vieux voilier qui se repose au bord du quai. La nuit se mélange à la brume, et les lampadaires qui guident l’eau renvoient leur lumière floutée, blafarde.
Maman: "ses lacets sont défaits."
Papa, déjà un peu sourd: "c’est la saison des fées ?"
C’est amusant une famille où une phrase mal perçue devient un hémistiche.
23 décembre 2013
La crypte de l’église saint Zacharie, c’est l’intimité d’un édifice vénitien. Un parterre en eau, on n’y marche que sur un filet de pierre émergée. Laure dit que c’est un des lieux les plus bas de la ville. Au fond, inatteignable à cause de l’eau, une statue de la vierge, tête vers le ciel, semble soupirer. L’eau ronge les briques, le mur s’effrite. Venise est née sur l’eau, elle agonise et elle mourra en elle. La ville est debout, assise sur des milliers de manches de poignards plantés dans l’eau. Ça me fait croire en l’homme. L’homme est capable.
Simplicité romane. La nuit se couche derrière les lucarnes de la crypte claustrale. C’est le début des lunes.
 
24 décembre 2013
Nous partons pour les îles Murano et Burano au large de Venise. Chacune a sa spécialité : la verrerie et la dentelle.
A Murano, une drôle de sculpture surprend : deux lampadaires ont été fondus jusqu’à enlacer leur long cou. Ils tournicotent et leurs lumières s’embrassent.
Quelques vieilles dames discutent, le cabas sagement posé à leur droite. Une promenade dans un quartier vide aux potagers crevés, ses briques tremblantes de solitude, et les revoilà au même endroit. Elles n’ont pas bougé. Dans ces villages où tout le monde se connaît, partir faire son marché c’est ne retrouver son perron qu’après une longue matinée.

Burano. Ici, choisir sa maison, c’est choisir le parfum de sa glace. Je suis une nouvelle fois impressionné devant la splendeur de ces maisons cassis, vanille, pistache ou chocolat. Dans quelques mètres carrés se rejoignent une demi-douzaine de couleurs. Auraient-ils trouvé un remède à la tristesse ?
Les coups de vent agitent les linceuls accrochés devant l’entrée des maisons. Il faut se perdre parmi ces ruelles de couleur. On débouche soudain sur une pelouse qui se jette à la mer, lacérée par des sèches linge dénudés. Nous sentons les miasmes d’une grillade, une odeur de poisson grillé, de vacances au bord de la mer.
A Burano, les linges qui pendent sur un fil entre deux maisons sont des drapeaux.
Une pompe à essence pour bateaux s’ennuie, tournée vers le large.

La vigie de Noël. Nous fêtons la naissance de Jésus avec quelques verres de Spritz. Jean décide d’une promenade nocturne dans Venise. Nous lui emboitons le pas, excités par cette nuit de Noël, par les haleurs de l’alcool familial. Nous attendons plus de cette Ville. A ses oreilles endormies, nous faisons ronfler de grandes tirades de Parisiens avinés. Comme c’est agréable une ville sans trottoir. Au milieu des rues, les poètes peuvent crier à la lune sans être dérangés par les crissements des pneus des automobiles.
Jean veut prendre les photos de la vitrine d’un magasin niché dans une maigre ruelle, en face de la maison du dramaturge Carlo Goldoni. C’est une boutique de masques vénitiens, d’automates, de pendules et de poupées. Dans l’obscurité, on devine le regard laconique de Pinocchio, le sourire crispé de Pierrot, les jambes de bois pendantes d’une marionnette prête à s’animer. Quelle vision effrayante pour des enfants. Ils sont tous là, rongés par la solitude : Arlequin, Scaramouche, Léandre… Leur vie ne tient qu’à quelques ficelles qui les retiennent au plafond. C’est le bal des pendus. Je toque contre la vitre, je veux attirer le regard de Polichinelle. Mais non, son visage masqué demeure inanimé, inerte, le front baissé et les yeux écarquillés vers le vide. Quand nous partirons, Jean, après tes photos, rejoueront-ils la comédie ? Pierre, le cadran de leur vie s’est arrêté pour toujours. Tic tac tic tac tic. Plus rien. Venise est une ville comme dans les livres d’images. Ici, les poètes ont gagné.

"Il faut choisir entre le musée et la vie." (Paul Morand, Venises)


 © Pierre Adrian (Texte) et Jean Adrian (Photos).
 Avec l'aimable autorisation 
des organisateurs du concours Libération-Apaj 2014.
 Tous Droits réservés.

01 juin 2014

Venise par Virginie Dubreuil illustrée par Charles Aznavour...


Venise © Virginie Dubreuil

Oui, je sais bien ce que mes chers lecteurs vont dire, quelle scie et quel cliché, la tristesse de Venise. Roubaix-Tourcoing et les corons du Nord, c'est joyeux quand on s'aime. La beauté de Venise accroit la douleur des amours mortes, c'est clair. Ce qui est triste après tout, c'est le fait de se rendre compte qu'on ne s'aime plus.Ah l'amour, l'amour...
Mais foin de ces ratiocinations d'un matin de solstice, cela ne sied pas à Venise, ni à l'été qui commence, à la beauté du jour qui point. Le ciel est chargé d'orage, l'atmosphère lourde et pesante que les parfums de l'été ne parviennent pas à adoucir. J'entends déjà certains d'entre vous s'écrier, "mais, nous l'aimons aussi cette tristesse-là puisque c'est à Venise"... Ils n'ont pas tort.
Bonne journée et bonne plage pour ceux qui y sont déjà.

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11 mai 2014

10 choses à ne pas faire quand on est à Venise

 
© Fausto Maroder - Alloggi Barbaria


Notre ami Fausto, de l'Alloggi Barbaria, exprimait dans son (excellent) blog, sa mauvaise humeur face au sans-gêne d'une maman faisant faire pipi à son fils dans le rio san Barnaba, à l'endroit même où Katharine Hepburn tombait à l'eau dans le célèbre film de David Lean, "Vacances à Venise" (Summertime). 

S'il a raison de s'indigner, car cette attitude montre un certain sans gêne et une bien piètre éducation, c'est avant tout parce que les gestes irrespectueux se reproduisent à Venise par milliers chaque jour et que parfois, les vénitiens qui n'en peuvent plus explosent. Imaginons les proportions que prendrait l'incivilité dans un espace aussi restreint que le centro storico, la Venise que visitent les touristes, si tout le monde agissait ainsi ! 

Basons-nous seulement sur les statistiques :  Venise accueille désormais un peu plus de 21 millions de visiteurs chaque année. Tous ne veulent pas utiliser les toilettes publiques - ou ne savent pas que cela existe, d'autres, effrayés à l'idée de ne pas parler italien, l'esprit rempli des on-dit sur les italiens roublards qui profitent des pauvres touristes naïfs, n'osent pas entrer dans un bar, commander un café et amener le petit aux toilettes. Admettons que sur les 21 millions de touristes, un tiers soit formé de familles avec deux enfants, cela fait 3.500.000 gamins qui arpentent chaque année les rues de la ville, buvant force Coca Cola, Sprite et autres boissons. Donc 3.500.000 envies de faire pipi. 

Une petite minorité utilisera les toilettes publiques, celles des cafés et des restaurants, les plus avisés prendront leurs précautions avant de quitter l'hôtel, et une infime minorité de la minorité fera dans ses culottes. Donc, à la louche, on peut imaginer que près de 2.000.000 de mouflets pourraient chaque année alléger leur vessie dans les eaux des canaux de Venise ! De quoi ficher en l'air assez rapidement ce qui reste du pauvre écosystème lagunaire... 

Bon, je plaisante mais ce qui est sérieux, c'est ce qui ressort de cet indicateur de mauvaise éducation. C'est l'idée que se fait la majorité des touristes sur la Sérénissime qui est préoccupante. Leur vision engage finalement l'avenir de la ville et de ses habitants. Beaucoup de visiteurs n'ont plus conscience que Venise est avant tout une ville comme les autres, un lieu où on vit et travaille comme partout ailleurs, et pas seulement dans l'industrie touristique. Un univers où on nait, où on grandit et où on meurt. Un espace urbain magnifique et unique qui se visite et dont la découverte ne devrait jamais être anodine tant les merveilles qu'on y découvre sont partie intégrante de notre culture et de notre patrimoine universel, mais qu'on se doit de respecter et de protéger, chacun à notre niveau. 
© Fausto Maroder - Alloggi Barbaria
Fausto, ainsi, avait publié il y a quelques années un billet sur les 10 cose da non fare a Venezia que je vous recommande (voir le lien ICI). Pour nous, habitués au quotidien de la vie vénitienne, ces recommandations sur ce qu'il NE faut pas faire paraissent évidentes.

Les bons guides, ceux qui aiment la Sérénissime et pas seulement l'argent qu'ils retirent de leur activité, prennent le temps d'expliquer ces évidences. A titre d'exemple (Fausto en énumère la plupart) et en vrac : 
- On ne nourrit pas les pigeons dont les fientes et l'urine endommagent les pierres et les sculptures. 
- On ne pique-nique pas sur la Piazza 
- On ne s’assoit pas par terre au milieu des lieux de passage, ni sur les marches des ponts (surtout quand on est en groupe).
 - On ne trempe pas ses pieds dans les canaux. 
- On ne bloque pas l'accès aux vaporetti, notamment du côté sortie des passagers. 
- Sur le vaporetto, on évite de agglutiner sur le pont aux heures de pointe, empêchant les gens de monter et de descendre et le marinier d'effectuer son travail.
 - on marche à droite le long des rues et on évite de s'arrêter en plein milieu ou de couper la route aux autres piétons venant en sens inverse. 
- Quand il pleut on soulève son parapluie quand on voit la personne qu'on croise qui penche le sien ou inversement. 
- On dit buongiorno ou buona sera quand on rentre dans un café ou dans un restaurant. - On dit Grazie quand on est servi et arrivederci ou buongiorno, ou buona sera de nouveau quand on quitte un lieu. 
- On ne fait pas pipi dans la rue et encore moins dans un canal. 
- On ne laisse pas de canettes vides, de sacs plastique ni de papiers gras par terre ou sur les bancs. 
- On ne jette pas de mégots par terre. 
- On ramasse les déjections de son chien. 
- On respecte les interdictions notifiées sur les sites touristiques (pas de station assise à califourchon sur les lions de la piazza dei leoncini, à San Marco par exemple). 
- On ne s'arrête pas en haut d'un pont sous prétexte que la vue est belle et qu'on veut faire une photo. 
- On ne se promène pas en bikini ni en short de bain torse nu dans les rues. 
- On ne rentre pas dans les églises en mangeant et buvant ni en tenue de plage. 
- Etc., Etc. 

Mais revenons au petit garçon qui fait pipi dans le canal. Si je suis d'accord avec Fausto (et avec les personnes qui ont fait un commentaire), je tenais à préciser que j'ai souvent vu, dans ma vie vénitienne d'autrefois, des petits vénitiens faire pipi dans les canaux - et des adultes aussi parfois. Certes jamais dans des lieux très fréquentés (le canal San Barnaba est bordé de chaque côté d'une fondamenta (un quai) et donc uriner ainsi n'est pas des plus discrets ni des plus agréables pour l'intimité du petit jeune homme ! Idem pour les ivrognes qui se soulageaient en sortant d'une tournée trop alcoolisée en se tenant à une rambarde ou à des palli... On raconte que plus d'un de ces messieurs avinés a fini la tête la première dans l'eau ! Mais ce n'était pas un usage répandu et démultiplié comme aujourd'hui avec 21 millions de touristes !
 
© Fausto Maroder - Alloggi Barbaria

10 mai 2014

Un Grand Week-end à Venise sur europe 1 ce matin

C'était ce matin sur Europe 1, dans Un Grand Week end, l'émission de Marjolaine Koch qui parlait de l'art contemporain à la Punta della Dogana et de... tramezzini, que votre serviteur a essayé de décrire au micro, mais en quelques secondes c'est bien court. 

Pour ceux que cela intéresse, ces quelques minutes consacrées à la Sérénissime par une journaliste sympathique et passionnée en podcast  ICI

J'en ai dit davantage que ce qui est passé en ligne, mais c'est cela la radio ! L'occasion aussi d'annoncer un prochain billet consacré à ces merveilleux petits sandwiches vénitiens qu'on peut essayer de faire chez soi. A suivre donc !

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01 mai 2014

Lido de Venise : l'Excelsior endommagé par un incendie



C'est hier que s'est déclaré un incendie dans la partie en cours de restauration du Grand Hôtel Excelsior au Lido, ce fameux palace au style néo-oriental où se déroulent les meilleurs moments de la Mostra du Cinéma depuis la création de ce festival, le plus ancien au monde. Pour davantage d'informations - et d'images - Tramezzinimag vous recommande l'excellent blog du franco-vénitien, Claudio Baoretto que tous nos lecteurs connaissent (Cliquer ICI) et qui habite au Lido. 

Après plusieurs heures de travail, le feu a pu être éteint sans qu'il y ait eu trop de dégâts dans le reste de l'hôtel. C'est l'embrasement d'une gaine en matière synthétique et de plaques d'aggloméré située sous la coupole de cuivre qui semblerait à l'origine du sinistre. Purement accidentel d'après les premières expertises, l'incendie a rappelé de bien mauvais souvenirs aux vénitiens, d'autant qu'une fois encore, le feu est parti d'un chantier de rénovation à un moment où la polémique fait rage entre certains élus, dont Sebastiano Bonzio et EstCapital Sgr, l'entreprise qui est actuellement propriétaire du palace, autrefois un des joyaux de la Ciga Hôtel, au même titre que le regretté Hôtel des Bains, devenu une résidence de luxe, le Danieli, le Gritti, le Monaco et d'autres magnifiques hôtels de luxe un peu partout en Italie et dans le monde (le Meurice faisait partie de la "chaîne" dont le propriétaire était l'Aga Khan).

L'élu municipal sous-entendant que si les flammes n'avaient pu être contenues - il a tout de même fallu plus de cinq heures de travail pour circonscrire l'incendie ! - les propriétaires actuels auraient eu les coudées franches pour revendre le bâtiment à des promoteurs... Tout le monde se souvient du drame du 29 janvier 1996, quand la Fenice avait été détruite par un incendie qui menaçait toute la ville, puis plus récemment celui du Molino Stucky, à la Giudecca. Comme l'Excelsior, ces deux bâtiments étaient en cours de rénovation. La fumée que l'on a pu voir jusqu'à Mestre et plus loin encore en a fait frissonner plus d'un ! Mais cette fois-ci, fort heureusement, plus de peur que de mal. 

Crédits photographiques © 2014 - Claudio Baoretto. 


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29 avril 2014

COUPS DE CŒUR (HORS-SÉRIE 36) : Tye Sheridan, l'enfant chéri des cinéastes acclamé à la Mostra

Par Aureliano Tonet 


Il a la bouille espiègle des gamins qui s'amusent d'une bagatelle. En cet été 2013, sur la terrasse de l'hôtel Excelsior, à Venise, Tye Sheridan porte une cravate, et l'homonymie entre son prénom et l'étoffe qu'il a nouée autour du cou - "tie" en anglais - le fait rire aux éclats. Alors âgé de 16 ans à peine, il est sur la lagune pour présenter Joe, de David Gordon Green, sélectionné à la Mostra, qui lui vaudra le prix Marcello-Mastroianni du meilleur acteur débutant. 

Mais, débutant, il ne l'est plus depuis belle lurette. Dans les pattes, il a déjà une Palme d'or, The Tree of Life (2012), de Terrence Malick, et Mud (2013), de Jeff Nichols, qui a ravi la critique et le public à peu près partout où il a été montré. A l'horizon, d'autres tournages se profilent, aux côtés de Charlize Theron, John Travolta ou Ewan McGregor - excusez du peu.

De ce doux manège, cependant, il parle avec l'ingénuité des garçons de son âge, quand bien même ses camarades de jeu s'appellent Brad Pitt ou Matthew McConaughey : "Tous les jours, sur le tournage de Mud, Matthew poussait une sorte de grognement guttural, pour se détendre, j'imagine. Sans m'en rendre compte, je me suis mis à faire pareil, jusqu'à ce que Jeff me gronde : “Arrête d'imiter Matthew !", dit-il, mèche châtaine sur mine chafouine.
A l'évocation de cette bêtise, il lui en revient une autre, plus grave. Ses yeux bleus brillent d'une excitation coupable et facétieuse. Le galopin hésite, puis confesse : "Dans Mud, Ray McKinnon jouait le rôle de mon père. Au milieu de chaque scène, il se gourait. Je me suis dit : Puisque Ray a droit à plusieurs prises, je mérite le même traitement ! Et j'ai commencé à foirer toutes mes répliques… Heureusement, quelqu'un m'a engueulé tellement fort que j'ai fini par me reprendre."
 
Sur le plateau de Joe, Nicolas Cage lui a fait découvrir les films de James Dean, qui est devenu son comédien favori. L'acteur de Hell Driver n'a pas eu besoin, en revanche, de lui donner des cours de conduite : Tye, qui a eu son permis en février 2013, est un as du volant. Dès l'âge de 13 ans, il s'est fait la main à bord du pick-up des parents agriculteurs d'un de ses copains.

Car le petit n'est pas un enfant du sérail. Les Sheridan possèdent un ranch dans la campagne texane, "quelque part entre Dallas et Houston", marmonne-t-il. Le père travaille chez UPS, l'entreprise postale ; la mère tient un salon de beauté. Depuis que leur fils crève l'écran, ils l'accompagnent de tournages en festivals. "Je suis devenu le boulot à plein-temps de ma mère", s'excuse le garnement, qui a abandonné le lycée pour des cours par correspondance. 

Il y a cinq ans, Tye passe le casting de The Tree of Life, comme 10.000 autres jeunes pousses. Malick le retient, séduit par la musicalité sudiste de son accent et l'expressivité de son visage, capable, en un froncement de sourcils, de faire passer des torrents de tourments juvéniles. De fait, c'est dans ce registre torturé que Jeff Nichols et David Gordon Green, poulains officiels de Malick, et anciens camarades d'université, l'emploient. "A l'école, je suis fort en sport et en anglais. Je n'aime pas lire, mais j'adore écrire. Si je réalise un film un jour, ce sera un drame", indique Sheridan. 

Lequel ne souffre guère, pour l'heure, de sa célébrité naissante : "Entre le tournage d'un film et sa sortie, je change tellement de tête que les gens sont incapables de me reconnaître !" Il n'exclut pas de s'acheter un jour une villa près de Los Angeles, songe à s'inscrire à l'université du Texas, à Austin, où vivent presque tous ses mentors. Présentement, il aimerait regarder le match de son équipe de base-ball, les Texas Rangers, mais il a un devoir à faire : visionner le DVD de Vacances romaines, avec Audrey Hepburn. "Ça a l'air cool, cela dit."  

© 29/04/2014 - Aureliano Tonet - Le Monde

21 avril 2014

Un moment de paradis : le Nisi Dominus de Vivaldi interprété par l'Academy of Ancient Music

On n'a pas tout retrouvé des œuvres d'Antonio Vivaldi. De nombreuses pièces, des oratorios, des opéras, des concerti sont à ce jour perdus mais parfois, souvent dans le plus grand des hasards, une pépite resurgit. Parmi les partitions les plus abouties et les plus émouvantes, il y a ce Nisi Dominus (RV608) dont le Cum Dederit est un moment de paradis, surtout dans cette sublime interprétation pourtant vieille de plus de trente ans enregistrée par l'Academy of Ancient Music dirigé par Christopher Hogkwood, avec comme soliste, l'extraordinaire haut-de-contre James Bowman. Fermez les yeux et écoutez : 

  
Quelle ampleur, quelle beauté. La voix et le style très pur et nuancé de James Bowman ajoute à la profondeur de la musique du prêtre roux. certains nous rabattent les oreilles avec la facilité de ses créations, leur mièvrerie, leur fadeur même. Ceux-là n'ont jamais été à Venise et ne comprennent pas que la musique de Vivaldi est remplie des sensations qui nous prennent quand on se promène dans la cité des doges, le rythme saccadé et très doux de la rame qui porte la barque, le souffle du vent, le chant de l'eau dans les canaux, la réverbération des bruits de la vie courante et au-dessus de tout cela, la grande ferveur mystique qui préside à toute création artistique véritablement vénitienne. Même si l'homme était dispensé de dire la messe, c'était un homme d'église, un religieux. Le Cum Dederit exprime cela et renvoie à leur aigreur ses pourfendeurs. 

Et puis quel beau texte  que cet extrait du Psaume 127  :  

Cum dederit dilectis suis somnum
Ecce haereditas Domini, filii
Merces, fructus ventris.

Il comble ses bien-aimés dans son sommeil 
Voici l'héritage du Seigneur, ce sont ses fils
Sa récompense, le fruit des entrailles.  

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18 mars 2014

San Marco décrit par Michel Butor

"Ville picturale s'il en est, à laquelle je suis profondément attaché."
Michel Butor


J'avais quatorze ou quinze ans quand, par un horrible jour d'ennui, un de ces épouvantables après-midis où on ne sait que faire et que tout semble nul, et j'errais dans la grande maison. La pluie au dehors, la grisaille d'un ciel trop bas pour nourrir l'imagination, que faire ? Je poussais la porte à double battant de la bibliothèque. C'était une de mes pièces préférées. Située au rez-de-chaussée de la vieille bâtisse, c'était une salle ronde et voûtée, un ancien corps de garde de l'époque de Louis XIV autour duquel on avait construit le bâtiment aux alentours de 1780. Il restait de sa fonction originale un mur de refend tellement épais que nous pouvions nous tenir à trois entre les deux portes qui séparaient la grande salle du corridor. Combien j'aimais cette maison, elle est pour beaucoup dans l'adulte que je suis devenu. Particulièrement cette fameuse bibliothèque. Elle avait abrité jusque dans les années cinquante, une des plus admirables collections de livres anciens de France, avec notamment de nombreux Elzévirs, ces ouvrages des typographes hollandais du XVIIe dont j'ai la chance de posséder encore quelques exemplaires, maigres vestiges de cette imposante collection qui donna lieu à plusieurs jours de vente à Drouot dans les années 30 puis de nouveau à la fin des années 50...

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Ah ! - La gondola, gondola ! - Oh ! - Grazie ! - Il faut absolument que je lui rapporte un très joli cadeau de Venise ; pensez-vous qu’un collier comme celui-ci lui ferait plaisir ? Mais oui, c’est lui ! C’est bien lui ! Décidément, on rencontre tout le monde ici ! Garçon ! Garçon ! Cameriere ! Un peu de glace s’il vous plaît ! - Oh ! - Et vous, où êtes-vous logés ? Vous n’avez pas eu trop de difficultés ?
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Bien des monuments religieux à travers le monde ne sont plus aujourd'hui que de vastes halls de gare où la foule déambule en désordre, plus ou moins ahurie par toute la beauté de ces lieux nés de la ferveur des hommes et devenus des musées trop bruyants. Le visiteur à Venise qui se doit de visiter la basilique San Marco, n'aura pas cette sensation désagréable qu'on ressent désormais à Notre-Dame de Paris, à Sainte-Sophie ou à Westminster. Une autre magie s'empare de lui. Est-ce le contraste entre la lumière de la piazza et l'obscurité des lieux ? Les pavés de marbre antique qui composent le sol incliné ? l'omniprésence de l'eau qui surgit par tous les interstices et laissent quand elle se retire un parfum d'iode et d'évasion ? La splendeur des mosaïques et des pierres anciennes ?

Tout cela à la fois, mais aussi - et surtout -  la magie d'une résonance, les voix des visiteurs, qu'on entend comme autant de litanies qui s'entrecoupent, se complètent et s'harmonisent. Les chuchotements se fondent dans le le silence qui sied à la prière et au recueillement, deviennent un élément artistique constitutif des lieux, au même titre que les glorieux vestiges de pierre et d'or. Et soudain, lorsque les cloches se mettent à sonner sur la piazza puis partout ailleurs dans la ville, de la pénombre qui règne dans la basilique semble jaillir mille rayons de soleil. Notre corps s'impatiente alors, comme celui des enfants qu'on a trop longtemps retenu dans un espace clos, et veut se désincruster de tous ces trésors pour retrouver l'air et la lumière. C'est ainsi qu'on a souvent l'impression, en sortant de la basilique, d'une remontée, comme après un plongeon dans les profondeurs d'une eau sombre, le nageur retrouve la surface... Remontée vers le monde et la vie, après cette descente au plus profond de la vie mystique qui suinte des murs de la vieille chapelle dogale...

Michel Butor a traduit cette atmosphère. Non, soyons plus précis : il a su traduire cette atmosphère. Cette sensation unique qui nous prend quand, éblouis par le soleil qui se réverbère sur les dalles de l'immense piazza, le bruit de la foule, des cloches, des pigeons, des bateaux nous étourdit un instant avant de nous aspirer tout entier à notre tour. Un étourdissant mélange de sons et de bruits qui fait qu'on ne peut lire son livre sans être projeté au milieu de la foule qui prennent vie par les mots du poète. Le murmure, banal tout d'abord, prend soudain une ampleur qui partout ailleurs qu'à Venise pourrait déranger. C'est un vacarme qui envahit les pages et donne le vertige. On a la même sensation qu'avec la première ivresse, quand on a suffisamment bu pour tout ressentir avec une acuité nouvelle, une sensation qui nous rend joyeux et attentif à ce qui est autour de nous. Tout nous semble plaisant. Quand on a l'impression de flotter au-dessus de ce qui était la réalité l'instant d'avant. Une musique incroyable qui se fond totalement dans un ensemble imposant, la basilique, ses trésors, la piazza, son pavement, ses cafés, les orchestres, la foule des touristes, les pigeons, les cloches, les bateaux sur le môle... Ivresse oui. Complètement. Ivresse d'être là, sous le soleil et le ciel bleu, face au spectacle sans cesse renouvelé de la Piazza, par la simple magie des mots et la lumineuse invention d'un magicien.
- tu as vu cette femme aux ongles rouge-brun ? - Oh ! - Vous voyez où elle est la scuola san Rocco ? - How do you say church in italian ? - Nous venons de rencontrer olivier. - enchanté. - Fotografia, mademoiselle ? - La lumière de juin. - Do you really like that, doctor ? Well, you know... - Je vous croyais à Lisbonne...

La basilique, consacrée en 1094, qui est le point d’ancrage des touristes sur la place Saint-Marc, flanquée du campanile érigé jusqu’à 96m de hauteur au IXe siècle, est abondamment dépeinte et scrutée dans les guides pour voyageurs de toutes sortes. L'ouvrage de Michel Butor édité en 1963 pourrait tout à fait servir de guide touristique pour voyageur passionné. "Le regard exact, consciencieux de Butor à "San Marco", évoque et explique fort bien la basilique vénitienne et le nom de cet écrivain fera lire à des gens, qui ne s'en soucient guère d'habitude, un excellent guide." écrivit Philippe Jullian dans la revue Candide (n°137, décembre 1963).

Description de San Marco se donne une autre ambition. Elle met tout l’édifice en musique, érige les lieux en palcoscenico pour mieux rendre la basilique à son histoire qui devient poème mythologique. Il redessine son architecture jusqu’à la faire tenir, comme en réduction, dans un livre au format de catalogue. Un plan dépliable est même fourni en annexe... Par le découpage même du livre en cinq chapitres, qui figurent à la fois les piliers de l’œuvre (La Façade, Le Vestibule, L’Intérieur, Le Baptistère, Les Chapelles et Dépendances) et l’architecture en forme de croix du monument construit en cinq parties, Michel Butor nous entraîne dans une découverte où les mots deviennent des sons, où les paroles s’apparentent à des notes, où l’espace de l’édifice imposant, surmonté de ses cinq coupoles byzantines, est parcouru en quadriphonie par les mille réflexions qu’il suggère en raison de sa beauté qui a traversé le temps, et qui se réfracte toujours sur les mosaïques de marbres polychromes qui enrichissent le pavement. Replongeons-nous dans l'atmosphère de la piazza, sur le parvis de la basilique :
Où êtes-vous logés ? Vous n'avez pas eu trop de difficultés ? - Regardez cette énorme bouteille sombre, sur la première étagère, non, pas celle-ci, un peu plus loin.  - Ah !
Car l'eau de la foule est aussi indispensable à la façade de Saint-Marc que l'eau des canaux à celles des palais. Alors que tant de monuments anciens sont profondément dénaturés par le touriste qui s'y rue, nous donnent l'impression d'être profanés, même par nous, bien sûr, quand nous n'y venons pas dans un esprit de stricte étude, ces lieux réservés, secrets, fermés, interdits, brusquement éventrés, ces lieux de silence et de contemplation brusquement livrés au jacassement, la basilique, elle, avec la ville qui l'entoure, n'a rien à craindre de cette faune, et de notre propre frivolité ; elle est née, elle s'est continuée dans le constant regard du visiteur, ses artistes ont travaillé au milieu des conversations des marins et marchands. Depuis le début du XIIIe siècle, cette façade est une vitrine, une montre d'antiquités. Les boutiques sous les arcades sont en vérité son prolongement.




Pièce maîtresse de la collection : les quatre chevaux de bronze au dessus du portail principal, le seul quadrige antique subsistant, œuvre grecque, pense-t-on, du IVe ou IIIe siècle avant Jésus-Christ, pièce disputée au long des âges, déjà repérée sans doute par Néron pour couronner son arc de triomphe, transportée par Constantin dans sa nouvelle Rome où elle couronnait l'hippodrome, et raflée en dernier lieu par Napoléon où elle resta jusqu'à ce que le congrès de Vienne en eût ordonné la restitution.
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Ceci n'empêche point le secret. Même les boutiques ont des arrières, des resserres. La place fait déjà partie de la basilique. De très savants passages amèneront ceux qui voudront jusqu'à son cœur.
- Monsieur ! Monsieur! Voulez-vous une jolie photographie;? Mademoiselle;! Eh! Mademoiselle ! - Prego. - Comment dit-on en italien un jus d'orange? - Et voici la colonne de Saint-Théodore. - Una bella fotografia, Mademoiselle! - Nous avons pu trouver une chambre très convenable à l'hôtel Terminus...

La façade doit donc être étudiée non point comme un mur de séparation, mais comme un organe de communication entre la basilique et sa place, une sorte de filtre fonctionnant dans les deux sens, et que le vestibule complétera. j'ai retrouvé cette idée dans un texte de Mario Praz consacré à Palladio et à l'église du Redentore. Déjà la place est un espace fermé, avec ses pores tout autour, mais une seule grande  fenêtre, celle qui donne sur l'ouverture du Grand Canal. La façade de la basilique va émettre des avant-postes pour bien marquer la continuité. Lorsque nous tournons autour du Campanile pour aller à la piazzetta, lorsque nous passons devant la tour de l'Horloge, nous avons bien le sentiment d'être déjà, dans une certaine mesure, à l'intérieur de l'église. Et le fait que ces deux édifices ont été engendrés par la façade pour assurer sa domination sur la place, la tour de l'Horloge étant prise dans le périmètre, le Campanile en faisant partie autrefois, est considérablement souligné par ces deux pseudopodes, ces deux flèches de part et d'autre, constitués par les arches externes qui n'ont évidemment aucun rôle dans la structure propre de l'édifice, mais un considérable dans sa liaison avec l'ensemble.


La Description de San Marco que propose Michel Butor s'adresse en effet à l'oreille autant qu'à l'œil. L'intention est soulignée par la disposition du texte où se mêlent trois registres. Le premier, imprimé en italiques, occupe toute la largeur de la page : propos d'autres visiteurs saisis à la volée, par bribes, comme enregistrés sans faire exprès; le second, en caractères romains, est aligné en retrait : c'est la voix de l'auteur, qui s'attache à décrire et, parfois commente; le troisième, toujours en caractères romains, voit son retrait accentué : c'est en apparence le plus "objectif", dévolu exclusivement à la description et à l'information (contexte historique ou esthétique). L'effet de polyphonie est souligné, dans le cours de la partie médiane - L'Intérieur - par la possibilité accordée à l'auteur de poursuivre sa visite sur plusieurs niveaux ; à mi-hauteur d'abord, sur les galeries où ont résonné les œuvres d'Andrea Gabrieli, de son neveu Giovanni, celles de Monteverdi et plus tard de Stravinsky; puis plus haut encore, "à ce troisième niveau, dont nous n'avons vu jusqu'à présent que quelques passages, … dans ces coupoles qu'il faut si longtemps pour voir en entier - là, bien avant qu'une nouvelle série de prophètes fût insérée dans les marbres de la nef, toute une ronde parlait déjà (…) au-dessus du chœur." Dans la lumière d'or vieilli des mosaïques, cette polyphonie spatiale fond le présent et le passé, ouvre la basilique sur ses abords, s'étend aux parages marins, vise au-delà … Avant même que s'achève le troisième trajet et, par la grande baie, ce qui devrait être une figure de la Jérusalem céleste, Venise, le ciel de Venise". En écho, au terme du parcours, avant l'ultime retour du flux des voix éparses :"Un dernier rayon sur l'or./ L'eau/ Nuit d'eau d'or."

En ouverture du livre, la dédicace "à Igor Strawinsky pour son quatre-vingtième anniversaire". Était-ce présomptueux de la part de Michel Butor ? Mais le Dialogue avec 33 variations de Ludwig van Beethoven sur une valse de Diabelli, paru chez Gallimard en 1971 - la même année que la mort de l’auteur du Sacre du Printemps - a la puissance de l’aimant que représente la musique pour Michel Butor : défi de l'unir à la littérature, de transformer les notes en caractères et les portées en lignes d’écriture, de transformer un livre en une partition littéraire, qui se scande, se module et se rythme. Partition musicale mais aussi division, éclatement, séparation : chacun joue en effet sa propre partition, et l’harmonie naît de la manière dont l’écrivain agence alors ces multiples voix, regards, mosaïques, statues, peintures qui se mélangent pour aboutir à une cosmogonie instantanée et fugace, retranscrite sur le papier dans un désir de "fixation", au sens photographique du terme.
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 L'hommage à Stravinsky est accompagné sur la quatrième page de couverture, "dalle du tombeau provisoire que devient un livre au moment où on le referme", d'un salut à deux prédécesseurs, Marcel Proust,"le luxueux forçat dans sa fameuse cellule de liège", dont il cite quelques lignes (du Temps retrouvé),  et "le méconnu" John Ruskin, suivi d'une adresse au lecteur qui cherche à entendre et à voir". Comme lcrira Michel Foucault :

"La description ici n'est pas reproduction, mais plutôt déchiffrement: entreprise méticuleuse pour déboîter ce fouillis de langages divers que sont les choses, pour remettre chacun en son lieu naturel, et faire du livre l'emplacement blanc où tous, après dé-scription, peuvent retrouver un espace universel d'inscription. Et c'est là sans doute l'être du livre, objet et lieu de la littérature."
Littérature ciselée, précise autant que poétique, qui donne à voir au lecteur cette liaison fondamentale et tellement directe, évidente, entre la basilique et Venise et son histoire. Le contraste, l'ambiguïté même, manifestes à tous les échelons de la lecture, page après page : entre le piaillement innocent et superficiel des touristes et le commentaire archéologique, entre celui-ci et l'image décrite tellement en détail et les textes qui l'accompagnent, comme le soulignait Anne Villelaur dans sa note de lecture. Ce qui rend précieux ce livre, c'est aussi la manière dont l'auteur suggère cette idée de l'éphémère et "des transformations effectuées par le temps sur les pierres, l'architecture, les mosaïques, mais aussi sur les hommes." Ce décalage, magnifié par le côté visuel du livre, pourrait en faire la matière d'un scénario bien plus que d'un livre d'art, comme semble le suggérer le prière d'insérer.
 "Personne n'avait encore comme Michel Butor, par le mystérieux et concerté agencement des perceptions brutes rendues dans une langue banale, atteint cette force poétique où l'épique côtoie le religieux. Cette fois, je crois, le pari est gagné : intégrer à l'intérieur de la banalité la plus plate les pouvoirs de la poésie'."
Jacqueline Piattier
Le lecteur comprendra l'emprise qu'a pu ainsi prendre sur le jeune garçon rêveur et passionné que j'étais. Hormis les Trois Mousquetaires, qui avec L'Ami fritz, L'Homme à l'oreille cassée et la série des Princes Eric, La bande des Ayacks et les Aventures de Tintin composaient ma bibliothèque personnelle, je n'avais encore rien lu. Ces pages dévorées dans la grande bibliothèque furent pour moi une double révélation. Je pénétrais pour la première fois dans le monde magique des mots et des sons (je n'ai cessé depuis de lire à haute voix les livres que j'aime dès que j'en ai le loisir) et Venise commençait de m'apparaître comme l'île où il me fallait impérativement accoster un jour. Mon Ithaque... Pour à jamais "transformer mes deuils en fanfare"...
"Voici la foule sur la place Saint-Marc à Venise. Mêlé à elle, vous la regardez et vous l'écoutez.
Vous approchez de la basilique.
Vous entrez dans la basilique. Vous commencez à déchiffrer les inscriptions, texte de cet immense livre solide ; vous examinez ses illustrations, non certes dans tout leur détail - il y faudrait plusieurs volumes - mais avec suffisamment d'attention pour que s'élève en votre esprit tout un monument d'histoires et de pensées.
À l'intérieur, le bruit de la foule s'atténue, change, se tait un moment devant la musique.
Vous visitez le baptistère et jetez un coup d'œil sur les chapelles et dépendances, puis vous vous retrouvez au milieu de la foule de la place que vous regardez et écoutez autrement." 
Michel Butor
Collage © Max Partezana pour Michel Butor, Lai du Chevrier, 2011

02 mars 2014

Reflets


Ce morceau de bois flotté trouvé sur la plage de Malamocco il y a des années et qui porte au dos, gravé par mes soins la très belle phrase de Jean Cocteau : "Il y a deux Venise, celle des pierres et celle des reflets". C'était un matin de juin, en 1985. J'allais bientôt quitter Venise pour revenir en France. Je ne parvenais pas à m'y résoudre. Les jours étaient déjà chauds, l'air très doux se chargeait de toutes les senteurs du large. La plage était déserte ou presque. J'ai toujours préféré ces lieux un peu excentrés où la foule ne vient jamais. Aucun touriste non plus. Comme sur les Murazzi, après les plages des grands hôtels du Lido, ces endroits n'étaient fréquentés que par les gens du coin, des amoureux, des bandes de jeunes qui déboulaient comme une volée de moineaux, se baignaient, s'ébrouaient puis repartaient. J'aimais y aller le matin avant l'été. Se baigner dans cette eau calme et chaude, nager dans la solitude d'une mer vide et profonde. Un régal. Je continue de fréquenter ces petites anses de sable éloignées des rumeurs de la ville. L'eau y est toujours aussi claire et le silence propice à mille rêveries. On y croise seulement les riverains, quelques campeurs parfois, et beaucoup moins de jeunes gens qu'autrefois, bien qu'il en vienne encore, bandes joyeuses qui s'ébroue et joue comme nous le faisions aussi.

29 janvier 2014

Jamie Dornan visite Venise pour Hogan


..Après l'acteur britannique Matthew Goode qui était au centre de la campagne automne-hiver 2013 de la marque italienne de maroquinerie Hogan, c'est Jamie Dornan qui a été choisi pour la campagne printemps-été 2014. La marque a recruté l'Irlandais, âgé de 31 ans, c'est - à ce qu'on dit - une étoile montante du cinéma. On entendra souvent son nom cette année. Il sera notamment à l'affiche de "Fifty Shades of Grey" (Cinquante nuances de Grey) d'après la nouvelle érotique auto-éditée de E.L. James qui a eu un succès fou via sa diffusion sur Internet (!). Un phénomène de mode, un buzz qui s’appesantit quasiment exclusivement sur les relations sexuelles mouvementées d'une jeune femme avec un homme. Sadisme, masochisme... Où la pornographie répandue dans les salles de cinéma grand public. 

Après le dernier Scorcese, on peut s'attendre à tout de la part du cinéma anglo-saxon. mais là n'est pas notre propos. C'est Venise qui intéresse Tramezzinimag et ses lecteurs et c'est de Venise dont il est question dans le petit film de la maison Hogan qui a choisi d'immortaliser l'acteur à Venise aux côtés de la Française Constance Jablonski. Le duo se balade dans la cité des doges au rythme de "Hindsight" du groupe The Stevens. ..L'acteur est un vétéran du mannequinat : il a déjà prêté son visage à Calvin Klein, à Dior et à Armani. Côté cinéma, on l'a notamment vu en 2006 dans le lamentable et hystérique film de Sofia Coppola "Marie Antoinette", aux côtés de la belle Kirsten Dunst. Venise aussi est très belle dans cette vidéo, même réduite à quelques vues en décor de fond !

28 décembre 2013

"Migrants Matter" : à Venise, une lutte étudiante pour la dignité

Journée internationale des migrants, 18 décembre 2013 | Crédit Photo © EMA Students | migrants-matter.blogspot.it
Aujourd’hui comme demain, les États européens seront confrontés aux défis des migrations. Guri Storaas, étudiante en master de Droits de l’Homme et Démocratisation à Venise, mais également fondatrice du mouvement  "Migrants Matter" a accepté de partager son combat, sa lueur d’espoir sur des problématiques souvent mal comprises et amalgamées. 

Stéphane Hessel, dans son manifeste « Indignez-vous !  » conseille aux jeunes de regarder autour d’eux, pour qu’ils y trouvent les thèmes qui justifient l’indignation - le traitement fait aux immigrés, aux sans-papiers, aux Roms. Il poursuit en leur suggérant de faire émerger cette indignation :
«Vous trouverez des situations concrètes qui vous amènent à donner cours à une action citoyenne forte
Après plusieurs actions au sein même de leur master, quelques étudiants en Droit de l’Homme et Démocratisation de l'Université Ca'Foscari de Venise ont décidé de se lever pour briser ce cercle de l’indifférence en cette période de Noël. 
 
Guri Storaas, fondatrice du mouvement Migrants Matter, a accepté de nous révéler sa lueur d’espoir. En cette fin d’année 2013, elle a choisi la solidarité aux immigrés. Au cours de plusieurs réunions depuis début octobre 2013, une chanson a été reprise avec passion par plusieurs représentants européens lors des Europeans Development Days à Bruxelles. Le coup final de cette campagne de sensibilisation a été la marche silencieuse en cette fin décembre. Avec un seul espoir que les migrants aussi puissent vivre dans la dignité. Les Églises chrétiennes, les communautés musulmanes, juives, bouddhistes ont manifesté leur entière solidarité.

Journal International : Quel est le but d’une campagne de sensibilisation et pourquoi l’avoir dirigée en faveur des migrants ?

Guri Storaas : Cette mission de sensibilisation permet avant tout de regrouper des personnes engagées, afin de changer les politiques à travers différents moyens et afin de faire évoluer les conditions auxquelles peuvent être confrontées certaines personnes exclues de la société. Elle se concentre sur le secteur européen notamment, car les migrants sont certainement les cibles les plus faciles pour les États. Ils subissent les politiques imposées et injustes déniant les difficultés auxquelles ces hommes, ces femmes et ces enfants font face chaque jour. Ceux qui n’agissent pas en ayant pleinement conscience des discriminations subies soutiennent au fond indirectement les violations récurrentes transgressant la Déclaration universelle des Droits de l’Homme de 1948.

JI : Justement, votre campagne se dirige en faveur d’un certain groupe de migrants puisqu’elle vise à la ratification de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille de 1990, pourquoi avoir ciblé cette forme particulière d’immigration ?

Crédit Photo © EMA Students | migrants-matter.blogspot.it
G.S. : Tout d’abord, il faut savoir que cette convention est la seule qui internationalement a été créée pour les migrants ainsi ce n’est pas un thème réducteur que nous avons choisi, mais un texte d’appui officiel qui nous permet d’agir activement sur différentes formes d’immigration. Il est également vrai que le travail est une chose qui affecte particulièrement les étrangers, les rendant plus vulnérables que les autres, car bien souvent les familles se retrouvent séparées. De plus, les migrants sont loin d’être privilégiés. Ainsi, ils subissent un traitement excessivement injuste généralement les renfermant sur eux-mêmes. Aucun texte ne définit véritablement leur statut ni ne reconnait leur existence même. Souvent rejetés, seuls, les expulsions de plus en plus nombreuses planifiées dans les pays européens sont la preuve qu’aucune garantie de protection n’a été encore appliquée, voire établie. Ce que nous souhaitons, c’est porter un message au nom de tous les immigrés et en appuyant le projet de cette convention qui est loin de faire l’unanimité jusqu’à présent. Nous pourrions enfin nous assurer que les États aient à rendre des comptes sur les politiques mises en place, qu’ils aient enfin une responsabilité officielle lorsque ces personnes immigrant sur leurs terres se voient maltraitées.

JI : Pourquoi, selon vous, de nombreux états sont-ils septiques à l’idée de ratifier cette Convention et en quoi pensez-vous que votre mouvement puisse les aider à changer d’avis ?

G.S. : Lorsque les Nations Unies ont proposé ce traité, il n’a pas été très bien accueilli. Il a été adopté en 1990 et 13 ans après, en 2003, il a pu enfin entrer en vigueur, mais seulement grâce à 20 états signataires, ce qui est bien trop peu ! Cette Convention a le potentiel de promouvoir, au moins indirectement, le droit des immigrés, pour que leur protection soit garantie par la loi même. Malheureusement, même si elle a été acceptée légalement, elle n’est que trop peu mise en pratique. 
 Selon moi, les États refusent de coopérer, car la définition donnée à l’immigration ici est bien trop large et malheureusement, de nos jours, c’est une notion qui fait peur et qui doit être plus précise pour qu’on puisse l’accepter. Je suis persuadée que c’est notamment la peur qui paralyse les États jouant sur l’aspect de sécurité en l’opposant directement à l’immigration. Les stéréotypes que l’on entend chaque jour, particulièrement depuis la crise de 2008, sous-entendant que "plus les immigrés arrivent, plus les taxes pour la population seront importantes", que l’économie soit disant "s’écroulerait si nous accueillions trop d’étrangers" sont néfastes à l’égard de l’image de ces personnes. 
 Je pense également que le fait qu’aucun groupe spécifique ne se soit battu au nom des migrants a également joué en la défaveur de ce projet. Malheureusement, nous ne sommes que de petits groupes défendant des intérêts totalement différents si l’on regarde au premier abord, car il est vrai que l’hétérogénéité migrante peut créer quelques tensions. Pourtant, au fond, nous recherchons tous le même but : que les immigrés bénéficient d’une protection adéquate, qu’eux aussi puissent profiter des droits "définis pour tous" (Ndlr, DUDH 1948). C’est pourquoi, à notre échelon, nous devons parler, nous devons nous mobiliser afin de changer quelques mentalités, afin de cibler l’aspect positif de l’immigration, de le partager et de sensibiliser l’opinion sur le bénéfice de cette nouvelle forme de multiculturalisme.

JI : Quelles sont les actions qui ont pu ou peuvent aider votre campagne à se développer et à se faire connaitre davantage ?

Crédit Photo © EMA Students | migrants-matter.blogspot.it  
 
G.S. : Nous avons la chance d’avoir 50 étudiants de notre promotion motivés et passionnés pour démarrer notre projet. Par la suite, chacun de nous a eu un rôle spécifique dans la mise en place de la campagne. Par ailleurs, une action toute simple telle que celle initiée aux European Development Days regroupant quelques personnes criant, et frappant des mains dans les couloirs de Bruxelles entre deux conférences, leur volonté de convaincre les états membres de l’Union européenne de ratifier la convention a eu un impact très positif. Nous avons pu rencontrer quelques politiciens qui suivent notre projet de très près et le supportent et c’est un appui non négligeable à l’échelle européenne. Les réseaux sont très importants pour porter notre message. 
 
Nous discutons également beaucoup avec les personnes autour de nous pour leur faire prendre conscience de l’importance de ce projet, débattons également avec eux parfois, nous sommes ouverts aux débats. Nous sommes une sorte de mouvement non-lucratif qui souhaite intégrer tout un chacun dans son combat. Nous sommes des membres de la société civile ayant décidé de se battre pour une cause que l’on trouve noble. Si nous nous mobilisons en faveur de processus légaux c’est parce que ce sont eux qui régissent par la suite nos vies, nous sommes les citoyens du monde, nous votons donc nous avons le droit de manifester au nom de ce qui nous parait juste. Trop souvent, les politiciens oublient que nous leur avons accordé notre confiance en les élisant, il est nécessaire via ce genre d’actions de leur remettre un coup de pression. Notre groupe Facebook invite à la discussion instantanée et aux soutiens surtout par n’importe qui souhaitant partager son opinion sur notre mouvement. Notre blog est notre liberté d’expression, notre façon de développer sur ce qui nous indigne, sur nos actions, mais surtout sur ce à quoi l’on croit : partager nos valeurs en parlant de l’immigration. 

Nous avons développé quelques partenariats avec notre université tout d’abord, mais aussi avec la PICUM (Platform for International Cooperation on Undocumented Migrants) et des ONG se battant pour les droits des sans-papiers. Par la suite lors du festival des droits de l’Homme de Venise se focalisant cette année sur l’identité, nous avons eu l’honneur de rencontrer autour d’une table ronde Jacopo Molina, conseiller du parti démocrate de Venise, nous donnant la position italienne concernant les questions migratoires. Tout en réfléchissant, autour de quelques films tels que "Mare Chiuso", à la politique italienne et aux diverses condamnations que l’Italie a reçu par la Cour européenne des Droits de l’Homme suite à des violations très graves. Nous avons eu aussi notre mot à dire en traversant Venise le 18 décembre 2013, Journée internationale des migrants où, je pense, nous avons pour ainsi dire touché les âmes de certains. 

Journée internationale des migrants, 18 décembre 2013 | Crédit Photo © EMA Students | migrants-matter.blogspot.it
 
JI : Comment est-ce qu’un mouvement étudiant pourrait influencer la politique et faire changer les choses ? Pensez-vous que cette journée récente puisse avoir de l’influence par la suite ?
 
G.S. : Vous savez, je sais que les campagnes de sensibilisation peuvent prendre du temps, j’ai eu des expériences totalement différentes en Afrique et en Norvège quand nous défilions à cause de l’impact du changement climatique. Nous avons également mobilisé du monde, organisé des activités diverses, récolté des signatures et même fait un tour en caravane avec au moins 180 personnes pour convaincre des milliers de gens de nous rejoindre. Et cela a marché, ce n’était pas toujours évident, mais nous sommes allés à la rencontre de la population, car après tout dans la politique c’est d’eux dont il s’agit non ? Avoir la foi est essentielle. Je ne dis pas que notre mouvement universitaire aura autant d’impact que celui qui m’a valu un long voyage, mais tellement humain avec 200 000 signatures récoltées et des concerts au nom de notre cause du Kenya à l’Afrique du Sud, mais je crois que c’est maintenant ou jamais. Un mouvement tel que celui-ci se fait au jour le jour, se vit et se construit dès à présent même si le chemin est long. 
 
Ce jour-là, nous avons défilé avec une quarantaine de personnes en marchant silencieusement en rang, certains portaient des masques représentant les états se voilaient la face en ne ratifiant pas, d’autres têtes baissées montraient leur désarroi face au manque de coopération puis des lettres avec une lueur d’espoir dans les yeux de chacun se démasquant et retrouvant le sourire apparaissait s’adressant directement aux États membres de l’Union Européenne. On pouvait alors apercevoir ce message impératif en anglais « EU, Ratify Migrants Convention ! » avant que les élèves ne se mettent à chanter et distribuer des dépliants pour que l’Union Européenne aille enfin de l’avant surtout après la polémique de Lampedusa Nous avons eu un impact relativement positif et beaucoup d’intrigués nous ont écouté, appréciant notre engagement, donc je suppose que notre campagne au nom des migrants a eu son cadeau de Noël : elle n’a laissé personne indifférent.  

Journée internationale des migrants, 18 décembre 2013 | Crédit Photo © EMA Students | migrants-matter.blogspot.it
 
* Florence carrot est étudiante en sciences politiques à l'Université Lyon II et passant un an en Inde, elle est correspondante dans ce pays (Chennai et Madurai) pour Le Journal International, mais aussi stagiaire chez People's Watch (ONG promouvant les Droits de l'Homme) et volontaire ponctuelle à l'école de Vellore Garden of Peace. elle cherche à privilégier un regard quelque peu critique dans ses articles toujours inspirés par les Droits de l'Homme, et auxquels s'ajoute souvent une dimension plus sociologique.

Le blog de Migrant matter : http://migrants-matter.blogspot.it
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