Quelqu'un
a proposé de faire du 19 janvier, un jour de deuil pour Venise. La
raison ? Il y a exactement deux cents ans, jour pour jour, Napoléon
revenait à Venise dix ans après sa première razzia. Devenu le premier
empereur républicain de l'histoire, entouré d'une pompe éminemment
supérieure à celle des doges que seulement Bokassa, l'empereur africain fantoche surpassera au XXe siècle, avec l'aide de Valéry Giscard d'Estaing (vous savez celui au joli nom d'emprunt, comme disait le général de Gaulle),
n'ayant plus les Habsbourg sur les bras, Bonaparte put faire enfin main
basse sur la ville, réalisant ce qu'Attila ne put faire : il pilla
systématiquement tous les trésors de la Sérénissime mais aussi mit en
place une politique de racket maffieuse enevrs les habitants. Il
bouleversa tout, ruina tout. Il fit abattre des quartiers entiers, des
églises, des palais, réalisant de nouvelles avenues comme la Via Eugenia (aujourd'hui la Via Garibaldi).
Ce 19 janvier 1806, commençait la démolition de la petite église San Geminiano construite par Sansovino qui faisait face à la basilique San Marco
pour aménager un salon de bal dans son palais. Enrageant de ne pas voir
la lagune depuis son bureau, il fit démolir les antiques magasins de
grains que connurent Marco Polo et Carpaccio et aménage au à la place les jardins de ce qu'il appela "son palais royal".
La liste des terribles exactions dont s'est rendu responsable le
caporal corse, et son administration, serait trop longue à énumérer ici.
Trop longue pour être oubliée aussi. Et, dans cette société qui inventa
le concept néo-bourgeois du "décorum", totalement
indifférente à ce qui n'avait pas un rapport avec l'argent, pas une
seule voix ne s'est élevée. Silence absolu sur les rapines, les taxes
somptuaires pour les manteaux de cour de l'entourage de Buonaparte, pour
la construction de nouvelles gondoles entièrement recouvertes d'or, sur
la fermeture et le pillage des couvents. Voilà un silence bien
préoccupant. Un silence avilissant. Venise alors n'aurait été que
l'ombre d'elle-même ? Serait-elle arrivée dans ces dernières années du
XVIIIe siècle à un tel degré d'inertie et de déliquescence pour se
laisser dépouiller sans un soupir, sans un cri de révolte ? Ce manque de
réaction n'est-il pas la preuve de la marginalité extrême dans lequel
le sentiment d'appartenance à une communauté spécifique avait pu tomber,
combien la fierté de se dire "vénitien" ne voulait plus rien dire ?
Mais s'il n'y avait que cela... Et
les chevaux de la basilique démantelés pour orner l'arc de triomphe des
Tuileries, les tableaux, dont le grand Véronèse volé au couvent de San
Giorgio, devenu aujourd'hui une des pièces maîtresses des coillections
d'art italien du Louvre, les ornements sacerdotaux des églises et des
couvents, l'or et l'argenterie des familles patriciennes, leurs bijoux,
etc... Un pillage en règle qui dura tout au long de l'administration
française et qui explique pourquoi bon nombre de patriciens et de
religieux accueillirent avec un soupir de soulagement l'annonce de la
domination autrichienne. Eux au moins ne pillèrent pas. Peut-être parce
qu'il n'y avait plus grand chose à piller. Mais les Habsbourg n'ont
jamais été des barbares corses parvenus...
Une
dernière chose avant de clore le triste chapitre de l'occupation
française. Je suis vénitien. Le vénitien a pour ennemi héréditaire le
génois. Napoléon était corse. La Corse était génoise d'origine, de
pensée et d'idées. Gênes était donc l'ennemie jurée de Venise.
Indirectement, les actes de Napoléon, sa gestion, ses décisions, tout
déborde de cette haine profonde et sui generis du génois pour la Sérénissime. Mais, les
siècles passant, on commence à comprendre ce que fut vraiment ce tyran,
un habile politicien, certainement un fin tacticien, mais rien d'autre
après tout qu'un voleur d'idées, un chef prétentieux et mégalomane, un
parvenu pilleur et escroc, qui sut avant tout enrichir sa famille et ne
s'encombra jamais d'aberrations ni de contradictions sous le prétexte de
servir la France... Un menteur, un voleur. Adultère, mauvais joueur, il ruina Venise comme il ruina la France et les français. Bref, un
usurpateur à trois sous qui ne mérite pas de dormir aux Invalides ni même qu'on en parle.
Il est à la mode aujourd'hui de demander pardon à ceux que l'on a trahi ou fait souffrir. Cette attitude hypocrite dépasse souvent le ridicule. Il serait bon pourtant, pour effacer les tristes souvenir du 19 janvier 1806, que la France rende à Venise certaines pièces emblématiques, comme on lui fit rendre le quadrige qui a retrouvé sa place depuis le règne de Louis XVIII dans la basilique. Je pense au Veronese du Louvre qui serait mieux dans la grande salle de San Giorgio qu'à Paris ! Mais c'est une autre histoire. Nous réparons du mieux que nous pouvons par les nombreuses initiatives des différents comités qui s'acharnent depuis des années à la sauvegarde de Venise. Œuvres d'art, monuments, bâtiments privés, la France contribue beaucoup. Cela ne fait hélas pas oublier l'Attila des temps modernes !
Il est à la mode aujourd'hui de demander pardon à ceux que l'on a trahi ou fait souffrir. Cette attitude hypocrite dépasse souvent le ridicule. Il serait bon pourtant, pour effacer les tristes souvenir du 19 janvier 1806, que la France rende à Venise certaines pièces emblématiques, comme on lui fit rendre le quadrige qui a retrouvé sa place depuis le règne de Louis XVIII dans la basilique. Je pense au Veronese du Louvre qui serait mieux dans la grande salle de San Giorgio qu'à Paris ! Mais c'est une autre histoire. Nous réparons du mieux que nous pouvons par les nombreuses initiatives des différents comités qui s'acharnent depuis des années à la sauvegarde de Venise. Œuvres d'art, monuments, bâtiments privés, la France contribue beaucoup. Cela ne fait hélas pas oublier l'Attila des temps modernes !
Illustrations :
1- "Napoléon 1er préside la régate sur le grand canal, 2 décembre 1807" par Giuseppe Borsato, Versailles, Musée national des châteaux de Versailles et de Trianon.
2- "Napoléon 1er roi d'Italie" par Andrea Appiani, Ile d'Aix, Musée Napoléonien.
3- Caricature de Napoléon d'après une gravure russe, 1807 par George Cruikshank
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