En 1887, le prince Henri de Bourbon-Parme,
comte de Bardi et sa femme, la Princesse Marie, fille du roi Ferdinand
des Deux-Siciles partent pour un long périple en Orient. Ils ramèneront
de leur voyages plus de 30.000 objets rares et précieux, témoins des
civilisations qu'ils ont rencontré. Ces objets sont pour la plupart
exposés Ca'Pesaro depuis la création du musée en 1928, là où se trouve
aussi le musée d'Art Moderne (qui abrite une superbe collection d’œuvres du XIXe et du XXe arrivées à Venise avec la création de la Biennale).
Le Museo d'Arte Orientale représente une des plus importantes collections d'art japonais de la période Edo (1600-1868) en Europe, avec beaucoup d'objets des débuts de cette période mal connue (le Japon s'était entièrement refermé sur lui-même et seuls les hollandais avaient des liens avec le pays). On peut admirer aussi dans les salles parfois exiguës du musée, de très belles pièces de l'art indonésien et chinois. Mais
quelle est l'histoire de cette collection ? Comment est-elle arrivée à
Venise ? Les fondateurs donnèrent au musée le nom de Marco Polo
évidemment.Mais c'est d'un autre qu'il eut peut-être fallu le baptiser.
Le prince de Bourbon-Parme, cadet de la famille qui régna
sur une bonne partie de l'Italie du sud avant l'unification sous l'égide de la
famille de Savoie. C'était un grand voyageur, cultivé et passionné par
l'Orient et l'Asie. Il était à l'Italie, ce que son cousin le duc
d'Aumale fut à la France. Un de ces princes savants, mécènes et esthètes
qui firent à eux seuls bien plus que mille commissions ministérielles
pour l'art et la culture...
Henri
de Bourbon aimait à voyager. Quand à la fin du XIXe siècle il décida de
se rendre en Asie, il prépara son voyage avec beaucoup de sérieux.
Nanti d'énormes moyens financiers (la fortune personnelle du prince
et de son épouse, née princesse royale de Bourbon des Deux-Siciles, les
amitiés tissées avec des savants et des intellectuels, les relations
avec les diplomates en poste à Pékin ou à Tokyo facilitèrent les
choses).
On dispose du carnet de voyages d'un des membres de la
suite du prince. Ces notes nous permettent de suivre presque pas à pas
l'expédition. A son retour le prince ramenait des centaines de caisses
contenant ces 30.000 pièces qui fond la collection du musée. D'abord
installée au Palazzo Vendramin Calergi où résidait habituellement le
prince quand il était à Venise (là-même où sa tante la duchesse de Berry habita et où mourut le 13 février 1883, Richard Wagner, son locataire), en attendant un lieu d'exposition adapté, la collection faillit disparaître à la mort du prince en 1905.
C'est
un antiquaire de Vienne qui se chargea de la mise en vente. A la fin de
la première guerre mondiale, la collection fut attribuée à l'Italie au
titre des réparations de guerre. En 1928, une convention passée entre l’État et la Ville de Venise permit son retour sur les bords du Grand
Canal. L'installation provisoire à la Ca'Pesaro, magnifique bâtiment
légué à la ville par la comtesse Bevilacqua la Masa, dure toujours. L’État a acquis le palais Marcello dans la perspective d'une
installation définitive entièrement dévolue aux arts orientaux et qui
permettra de montrer la totalité de la collection dont beaucoup de
pièces restent en réserve faute de place.
Ce musée peu visité par les touristes est un bijou inattendu. Non seulement pour la qualité des œuvres
exposées et le talent du prince qui sut assembler une collection de
grande qualité, mais aussi à cause des lieux. Une grande bâtisse calme
et retirée. Un silence de monastère. C'est un lieu que j'aime beaucoup.
Allez-y, vous comprendrez ce que je veux dire. Il y règne quelque
chose de différent que la muséographie contemporaine ne sait plus
traduire en dépit de la technique et des moyens employés. Ce côté
parfois un peu en retrait, un peu démodé. L'impression que des objets
dans leur vitrine va surgir l'esprit de gens venus de très loin
auparavant.
Musée Oriental
Ca’Pesaro
Santa Croce, 2076
(ligne 1 ACTV)
Tél. : 041 5241173
Ouvert tous les jours
de 11h à 17h en hiver
et de 10h à 18h en été.
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