Musique baroque de Venise à Istanbul
Ensembles La Turchesta et Cevher i musiki dirigés par Chimène Seymen.
Label Calliope, 2007.
Le 29 mai 1453, en fin d'après-midi, vers la Porte Saint-Romain rebaptisée ensuite Porte du Canon (Topkapi en turc), les troupes du jeune sultan Mehmet III
envahissent Constantinople après un long siège de deux mois. C'est un
monde qui s'écroule. Sainte-Sophie devient une mosquée, le sultan fait
construire le palais de Topkapi sur une colline au dessus du Bosphore.
Les meours vont vite changer. C'est l'Orient qui succède à l'Occident.
Mais qu'en est-il de la musique ? Ce disque apporte la réponse. On y
entend des pièces turques et européennes du XVIIème siècle qui furent
jouées dans les salons somptueux du sérail du sultan, au milieu des ors
byzantins et des céramiques polychromes ottomanes.
Chimène Seymen, musicologue et soprano, se consacre à l'étude des musiques européennes et ottomanes au XVIIème siècle, à leurs relations et influences réciproques. Ce disque original, qui n'est pas sans rappeler dans son esprit les initiatives de Jean-Christophe Frisch sur la musique dans la Cité interdite, se veut un échantillon des musiques jouées à la Sublime Porte. Celles-ci sont entre autres connues grâce au travail d' Ali Ufkî : Remarquable linguiste, familier de la notation musicale européenne, et doté d'une extraordinaire mémoire musicale, ce joueur de psaltérion, musicien de la chambre, compila un recueil de près d'un millier de pièces instrumentale et vocale. A une époque où la musique ottomane ne se transmettait que par voie orale, son initiative est très précieuse. Dans la version préparatoire de cet ouvrage, aujourd'hui conservée à Paris, se trouvent également des pièces européennes diverses qui soulignent le dialogue musical entre les cultures. Le Sultan et ses odalisques ne furent donc pas insensibles de l'art de Landi ou Barbara Strozzi...
Le programme du disque joue sur cette dualité, et panache allégrement musique ottomane et vénitienne, confiant chaque répertoire à un ensemble différent, intégrant même un santur (sorte de psaltérion) aux pièces vénitiennes, et quelques instruments européens dans les morceaux ottomans. Il doit être noté que la démarche d'interprétation sur instruments authentiques est tout à fait novatrice dans la Turquie actuelle : le groupe Cëvher i musiki est ainsi constitué de professeurs du conservatoire national de musique traditionnelle d'Egée, dont le département de lutherie a spécialement reconstitué les instruments d'époque (sehrud, rebab, santur, tanbur...). Le lien historique entre Constantinople et Venise mérite ce genre d'extension.
Chimène Seymen, musicologue et soprano, se consacre à l'étude des musiques européennes et ottomanes au XVIIème siècle, à leurs relations et influences réciproques. Ce disque original, qui n'est pas sans rappeler dans son esprit les initiatives de Jean-Christophe Frisch sur la musique dans la Cité interdite, se veut un échantillon des musiques jouées à la Sublime Porte. Celles-ci sont entre autres connues grâce au travail d' Ali Ufkî : Remarquable linguiste, familier de la notation musicale européenne, et doté d'une extraordinaire mémoire musicale, ce joueur de psaltérion, musicien de la chambre, compila un recueil de près d'un millier de pièces instrumentale et vocale. A une époque où la musique ottomane ne se transmettait que par voie orale, son initiative est très précieuse. Dans la version préparatoire de cet ouvrage, aujourd'hui conservée à Paris, se trouvent également des pièces européennes diverses qui soulignent le dialogue musical entre les cultures. Le Sultan et ses odalisques ne furent donc pas insensibles de l'art de Landi ou Barbara Strozzi...
Le programme du disque joue sur cette dualité, et panache allégrement musique ottomane et vénitienne, confiant chaque répertoire à un ensemble différent, intégrant même un santur (sorte de psaltérion) aux pièces vénitiennes, et quelques instruments européens dans les morceaux ottomans. Il doit être noté que la démarche d'interprétation sur instruments authentiques est tout à fait novatrice dans la Turquie actuelle : le groupe Cëvher i musiki est ainsi constitué de professeurs du conservatoire national de musique traditionnelle d'Egée, dont le département de lutherie a spécialement reconstitué les instruments d'époque (sehrud, rebab, santur, tanbur...). Le lien historique entre Constantinople et Venise mérite ce genre d'extension.
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Tomaso Albinoni
12 Sonates à trois pour violon, violoncelle et basse continue, Opus 1
Ensemble Parnassi Musici
Label Cpo Records
Tomaso Giovanni Albinoni (1671-1751), exact contemporain de Antonio Vivaldi,
vénitien comme lui, n'est pas l'auteur du faleux adagio mis à toutes
les sauces. Il a laissé suffisamment d'oeuvres pour ne pas s'acharner à
l'associer à cet opus : des concerti pour hautbois, mais surtout plus de
cinquante opéras et des pièces instrumentales. Neuf opus ! Parmi
celles-ci se trouvent les douze sonates en trio de l'Opus 1, dédiées en
1704 au Cardinal Ottoboni, pour qui travaillait Corelli. D'un style très corellien, toutes coulées dans le moule de la sonata da chiesa en quatre mouvements. Johann Sebastian Bach
utilisa dans plusieurs de ses fugues pour clavier des thèmes tirés de
mouvements de ces sonates. Magnifiquement articulées, avec des
réalisations souvent imaginatives de la ligne de continuo et des
improvisations introductrices ajoutées avec goût. Les instrumentistes de
l'ensemble Parnassi Musici ont su parfaitement capter la profonde gravité des mouvements lents, très doux (comme chez Corelli),
articuler cette musique qui mérite d'être mieux connue. Le second
mouvement de la sixième sonate offre un bon exemple de la qualité de
l'interprétation. Les instruments sont tous clairement et parfaitement
reproduits, le son est net et brillant, dans une acoustique naturelle
qui donne l'impression d'être aux musiciens. Un régal.
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Un si tendre abandon
Jean-Pierre Guyomard
Livres de Poche, 2008
Il est des livres comme des conquêtes amoureuses. Quand on les cherche,
rien de bien ne vient mais quand on s'abandonne au hasard des
rencontres, c'est là que tout arrive. J'avais acheté pendant les
vacances tout un tas de livres en prévision des longues journées de
farniente, qu'il fasse beau ou qu'il pleuve, j'étais paré. Parmi ces
livres un peu achetés au hasard - un joli titre, une belle couverture,
quelques lignes glanées en feuilletant l'ouvrage - ce roman ne semblait
pas devoir marquer mes journées. Pourtant quelle surprise. Dans une
écriture extraordinairement coulante, limpide mais précise et acérée,
l'auteur nous fait vivre une aventure peu ordinaire : un homme arrivé à
la cinquantaine, père de Marc et Eric, deux garçons beaux et géniaux,
marié avec Marie, la mère de son troisième enfant, une petite Camille
pétulante, décide un jour de disparaître. Cet abandon qui n'en est pas
un va provoquer un raz de marée dans la famille mais la fratrie qui se
resserre autour de Marc, l'aîné des enfants, hypersensible et très
affectif, va s'en sortir plutôt bien. Seule Marie gardera plus que du
vague à l'âme. L'histoire est racontée à la première personne par les
protagonistes "conscients" du drame : Marc, Marie et le père. Les
années vont passer ainsi. Jusqu'au coup de théâtre qui n'en est pas
vraiment un mais qui surprend au détour d'une page... Mais je ne vous en
raconte pas davantage. Eléonore de La Grandière écrivait dans le Nouvel Observateur en 2006 (date
de la sortie du roman) : "Ce premier roman est une véritable ode à la
tendre enfance. [...] on a envie de faire partie de ce cocon familial,
plein d'amour, de mots d'enfants et de simplicité". Rare d'avoir les
larmes aux yeux au détour des môts dans un livre aujourd'hui. Une seule
réserve pour ma part : mon côté prude et janséniste m'a fait regretter
deux scènes un peu trop longues et réalistes, où l'auteur nous détaille -
sous la dictée de Marc, puis de Marie - des scènes disons "intimes" et je crois qu'on pouvait se passer de ces détails assez crus... C'est parait-il au goût du jour (et des éditeurs), et puis c'est très bien écrit, alors...
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