15 décembre 2019

Venise, des saisons et des livres !



Le hasard des envois, des descentes chez les libraires et les brocantes m'ont fait réunir en quelques jours plusieurs ouvrages en rapport avec Venise dont le titre contient le mot "saisons". Le mauvais temps que nous connaissons depuis quelques semaines, le ciel bas et grisâtre, le soleil toujours timide qui ne parvient plus à s'imposer, et la pluie qui ne s'arrête jamais, autant d'éléments factuels qui m'ont peut-être rendu sensible à ce qui n'est après tout qu'un hasard précisé au fil des jours. Mais y-a-t-il seulement un hasard ?
 

Le premier ouvrage m'a été adressé par un lecteur érudit et fidèle. Paru en 2014, "Trois saisons à Venise" de l'écrivain et cinéaste suisse allemand, Matthias Zschokke est un texte rare. A la fois récit de voyage (ou plutôt de séjour), roman épistolaire et carnet de notes composé de juin 2012 à janvier 2013. L'homme est trop peu connu en France, en dehors de "Maurice à la poule" qui à reçu le Fémina étranger en 2009. Un maître allemand du petit rien, du banal et de ceux que personne ne voit, qui met en scène des lieux et des êtres sans gloire, parfois blessés par la vie avec tendresse, empathie et humour. 

L'autre m'est tombé - littéralement - sur le pied sur un marché. Un bouquiniste déballait des caisses de livre, je farfouillais quand des ouvrages sont tomés dont ce gros roman paru chez Laffont en 1996, "Quatre saisons à Venise", écrit par Alain Gerber, critique de jazz et journaliste à France Musique, qui lui aussi a eu de nombreux prix littéraires. De nombreux journalistes de radio écrivent. D'autres se contentent de publier. Maître Gerber fait partie de la première catégorie. S'il demeure un grand spécialiste du jazz et un parleur passionnant, c'est avant tout un écrivain, un vrai. 
«J'ai eu la sensation très nette que l'écriture me retirait de la vie. Je m'en console en me disant que ce qu'un écrivain a de meilleur à donner, c'est son écriture»
Je ne sais plus où j'ai lu cette citation de l'auteur, notée dans mon journal de 1996 à propos de la parution d'un autre de ses livres, Les Débuts difficiles de Nathan Typpesh. Son épais roman vénitien (324 pages) est musical autant que littéraire. Les quatre saisons c'est bien évidemment une allusion aux concerti de Vivaldi, mais le thème musical ne s'étend pas sur une année et respecte encore moins l'ordre des saisons ni des ans. Il fait voyager le lecteur du printemps 1916 à l'été 1926 en passant par l'hiver 1949, l'automne 1974... quatre écrivains se croisent au fil des pages de ces quatre petits romans qui s'imbriquent dans une seule et même histoire autour d'une seule femme que l'auteur fait se transposer dans le temps "identique à elle-même car elle a le visage d'un mythe, sans cesse poursuivi, sans cesse délaissé." Venise n'y est pas seulement un décor, comme souvent avec les meilleurs. Agréable promenade dans le temps, dans les rues de Venise et le cœur des protagonistes : d'Annunzio, Hemingway, Visconti, Italo Svevo.


Sur la même page de mon journal d'alors, je notais : Lu: Carnets de jeunesse, René Fallet, Ed. Denoël, s'en suit une page de notes et de citations. C'est en cherchant ces notes pour un de mes récents billets, que j'ai retrouvé cette phrase de Gerber sur l'écriture, cette obsession qui nous ronge et nous fait vivre ou survivre.

Le troisième ouvrage en lien avec Venise où les saisons figurent au titre, est un texte splendide de Paolo Barbaro. Les deux saisons, ouvrage posthume de l’auteur, « élégie à l’immuable et poignante brièveté du temps humain, célébrée dans le décor d’une ville sans égale », a fait l'objet l'année dernière à un très bel article de Linda Lê, pour l'excellentissime En attendant Nadeau, l'un des meilleurs sites consacrés à la littérature. TraMeZziniMag a invité l'écrivain française d'origine vietnamienne, celle qui aime que « les livres soient des brasiers.» Elle aussi savait qu'elle écrirait un jour et son enfance fut celle d'une dévoreuse de livres. C'est aujourd'hui un auteur remarquable. Avec l'aimable autorisation du site En attendant Nadeau, nous publions à la suite de ce billet, son commentaire sur l'ouvrage de Paolo Barbaro.

En attendant de vous faire découvrir le texte de Linda Lê, et en cette fin de dimanche, un peu de musique. Avec le temps qu'il fait, cela ne peut qu'aider à mieux se sentir apaisé et tranquille : Maurizio Pollini dans l'andante du concerto 21 de Mozart. Même derrière mon écran, j'applaudis à chaque fois comme le public de la Scala !

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