La maréchaussée a découvert un jour chez lui plus d'un millier d'ouvrages dont la valeur est estimée à 80.000 euros. Essentiellement des titres scientifiques et universitaires, dont certains assez rares. Alexandre avait peu à peu constitué cette impressionnante bibliothèque en empruntant aux bibliothèques publiques de Vénétie, les livres sur lesquels il jetait son dévolu, sans jamais remplir une fiche de prêt. C'est celle de Mestre qui a lancé l'alerte. Mais cela aurait pu être aussi celle de Padoue, de Vicence ou de Mogliano, et à Venise, la Marciana, toutes ces institutions ayant vu leurs rayons s'alléger d'un grand nombre d'ouvrages.
N'est-ce pas un joli sujet de scénario ou de nouvelle ? Mais se pose tout de même un petit problème éthique. La morale est dans l'ADN de Tramezzinimag et si aimer les livres à la passion, les voler ou les subtiliser pour son plaisir personnel au détriment des autres est difficilement admissible. Cherchons cependant des circonstances atténuantes à ce bibliomane. Rester dans la bienveillance et chercher à comprendre, c'est aussi dans notre ADN...
L’homme avait construit une véritable bibliothèque personnelle. Les livres sont classés selon un système qui semble regrouper les volumes selon leur provenance, c’est-à-dire en indiquant la bibliothèque où l’ouvrage avait été emprunté. Les policiers ont trouvé pour chaque étagère une étiquette portant le nom d'une bibliothèque publique, "Ca Foscari", "Civica Mestre", "Marciana"...
Le voleur de livres de Alessandro Tota et Pierre Van Hove
Voleur de culture Il le reconnaît lui-même, tout cela fait penser à du fétichisme, mais il préfère définir - justifier ? - son acte comme « un amour immense et sans limites pour tout ce que ces volumes contiennent ». C'est vraiment par amour de la connaissance qu'il se serait laissé aller à ce délit culturel. Mais aussi pour l'odeur des livres, leur masse le long des rayonnages. Tous les amoureux des livres comprendront. S'il avait été traduit en justice et que le juge, le procureur et les jurés s'avéraient des amateurs le livres, de fins bibliotphiles et de dévoreurs de pages, il ressortirait du tribunal avec un simple rappel du principe fondamental : « Tu ne voleras point ! » puis serrait applaudi pour son amour des livres. Signalons au passage qu'aucun des ouvrages n'avait été endommagé et qu'il expliquait les épousseter souvent en les manipulant avec respect...
Et pourtant, il affirme qu’il aurait voulu s’arrêter, mais qu’il n’arrivait pas.« Je ne pouvais plus m’arrêter. Mais, j’avais tout de même étudié un plan pour rendre les volumes.». Il projetait de les emmener dans une ferme abandonnée. Une fois les volumes bien alignés, il avait prévu d'appeler, depuis une des rares cabines téléphoniques encore actives. il en avait repéré une loin de toute habitation et donc des caméras de surveillance, « j’aurais passé un coup de fil anonyme pour permettre de les retrouver. » Ce qui posait problème, c'était de transporter les livres dans la vieille maison. on ne sort pas facilement un millier de livres, dont certains de grand format... Il n'aura pas eu le temps - peut-être manquait-il d'assez de volonté pour passer à l'acte - de le faire et la police locale, cette fois, est arrivée avant lui.
Belle histoire Lorenzo. Ravie de vous lire, vous vous faites rare et c'est dommage.
RépondreSupprimerJe vous espère à Venise parmi les livres de la Querini ou à la terrasse de Nico !
Delphine.
L’histoire est singulière. Elle ne dit pas si ce bibliocleptomane fut condamné. Généralement, les bibliocleptomanes sont condamnés à de la prison avec sursis. Voilà un homme qui aurait vécu utilement à Paris, où l’on trouve relativement souvent au pied des immeubles des livres d’occasion déposés dans des caisses par des gens qui n’en ont plus l’usage, avec une petite pancarte « Servez-vous ! ». La plupart du temps, le contenu est hétéroclite et de peu de valeur : romans d’aventure, romans policiers, ouvrages spécialisés sur l’astrologie, l’architecture, la médecine, le sport qui ne sont plus vraiment d’actualité… On y trouve aussi parfois - belle surprise ! - des ouvrages anciens dont la valeur pécuniaire semble méconnue, en bon état, et avec de belles reliures cuir, et même des missels… Ceci me rappelle une anecdote. Un jour que j’empruntais la rue Nicolo (Paris 16ème) tôt le matin, je suis tombé par hasard sur un amas de cintres en bois abandonné sur le trottoir dans un très grand carton. Il y en avait plus de 200, entassés pêle-mêle. Ces cintres étaient en hêtre naturel à l’état brut ou vernis, ou teintés acajou ou encore palissandre. Leur particularité est qu’ils étaient tous différents et portaient chacun le nom d’un célèbre palace d’Alexandrie, du Caire, de Genève, de Paris, de Cannes, de Londres, de Rome, de New-York, de Rio-de-Janeiro… : Plazza, Carlton, Hilton, Sheraton, Shepheard, Ritz, Cecil, etc… A leur aspect, il était clair que ces cintres dataient de la première moitié du 20ème siècle, avant les années 40. Bref, il s’agissait là manifestement de la « collection » d’une personne qui avait beaucoup voyagé… Peut-être cette personne était-elle décédée et ses héritiers avaient-ils décidé de faire un peu de ménage. Je n’ai bien sûr jamais su comment avait pu être réunie une telle collection : s’agissait-il d’un « cincturaphile » ? d’un « cincturacleptomane » ?… Bien cordialement
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