25 novembre 2007

Esquisses vénitiennes

Je viens de mettre la main sur un exemplaire de l'édition originale des "Esquisses vénitiennes" d'Henri de Régnier, parue au Mercure de France en 1920. Le volume, broché, un peu sali, a souffert. Mais il a certainement été entre les mains d'un amoureux de Venise. En le feuilletant, j'y ai trouvé une carte postale plus ancienne qui avait du servir de marque-page. Elle est datée de 1909. Rédigée au dos de l'affiche en réduction de la VIIIe biennale de Venise, voilà ce que dit son texte :
Venise, 11-5-09
Par suite d'un hasard heureux j'ai pu aller passer deux heures à l'Exposition. Albert Besnard y a une place d'honneur. Le pavillon de la Hongrie est un véritable joyau. Si par hasard je n'étais pas rentré à 11 heures, ne t'inquiètes pas, c'est que je ne rentrerai qu'à 6 heures du matin lundi. Bons baisers mon gros loulou.
Maurice"
Et c'est adressé à Madame Maurice Vinot, 45 via S. Gregorio, Milano. Le cachet de la poste montre que la carte a été postée depuis la Ferrovia.
.
J'aime ces instants de vies passées que le hasard ressuscite. C'est déjà émouvant lorsqu'il s'agit de membres de notre famille que nous avons pu connaître. Ces témoignages sont alors comme un rappel de leur vie; une palpitation qui ne demanderait qu'à se faire entendre de nouveau et nous rend un peu de ceux que nous avons aimé. Ça devient encore plus émouvant quand ce sont des inconnus. On a l'impression de rentrer par effraction dans leur intimité et en même temps, on se dit que lire leur nom, déchiffrer leur message, regarder leur photo, c'est les sortir de l'anonymat dans lequel la mort les a plongé. Un peu comme le sourire réconfortant de l'infirmière à un malade qui n'a plus ni famille ni ami pour le soutenir dans son agonie...
.
Qui était ce Maurice Vinot ? Que faisait-il à Milan en 1909 avec son épouse, celle qu'il surnomme affectueusement "Loulou" ? Peut-être que leurs noms n'ont plus jamais été prononcés depuis des années ? Peut-être cette carte postale est-elle le seul témoignage matériel existant encore de leur passage sur cette terre? Peut-être, par un malheureux hasard, cette carte n'est-elle jamais parvenue à sa destinataire et qu'un drame est né de l'absence de Maurice ? Et s'il avait menti ? Si tout cela n'était qu'un subterfuge et qu'il s'était enfui avec une autre femme rencontrée à Milan ou ailleurs? 
En cherchant un peu sur internet, j'ai trouvé plusieurs Maurice Vinot. L'un fut le premier présentateur du journal parlé à Radiola qui deviendra le Radio Paris de triste mémoire (vous savez la rengaine "Radio Paris ment, Radio Paris ment, Radio Paris est allemand"), un autre tourna de nombreux films à succès sous la direction de Louis feuillade ou Romeo basetti. Il mourut en 1918. Un autre encore était un industriel... Quand au 45 via s. Gregorio, c'est un immeuble bourgeois du centre de Milan, aujourd'hui siège d'une maison de prêt à porter.
..
A partir de ces quelques indices, on pourrait écrire toute une histoire... Elle commencerait par quelques jours à Venise, à la Biennale, avec le pavillon hongrois nouvellement construit comme décor et les peintures académiques, aujourd'hui oubliées, de l'alors directeur de la Villa Médicis, comme prétexte...

________

3 commentaires:

Anonyme a dit…
Votre papier m'a mis les larmes au yeux ce soir, je le trouve terriblement émouvant. Vos écrits si poétiques me font rêver. Venise me manque. M.17
Anonyme a dit…
Le curé de l'église Santa Maria Della Fava (S Marco)nous a raconté que le Ponte delle Tette (S Polo)avait été entièrement payé grâce aux dons des passants aux riveraines qui, le soir, se mettaient à leur fenêtre, seins au vent, pour rassembler assez d'argent pour construire ce fameux pont! (j'ai une photo de l'endroit, si ça vous amuse!) Ce curé est un homme fort jovial et rigolo qui nous a longuement parlé de son église avec beaucoup d'humour! Marie G
Lorenzo a dit…
Ce brave curé a bien édulcoré l'histoire. Le quartier abritait en vérité de nombreux lupanars tolérés voire encouragés par le gouvernement pour éviter la prostitution sauvage et la profusion des maladies. Les femmes étaient obligées de se montrer les seins nus aux fenêtres des maisons closes pour éviter qu'on les confonde avec des travestis. l'homosexualité était tolérée en privé, mais pas quand il s'agissait d'amour tarifé. Afficher ses seins, c'était prouver qu'on était une femme. La silicone n'existait pas encore !

Ganga, le marché aux poissons de Venise

D'autres petits riens prélevés sur un quotidien unique : Une note d'humour et de fantaisie. Pour ma lectrice Marie Daynié qui a pâti de la grève du personnel d'Artesia. De sombres considérations financières risquent de mettre à mal cette ligne, trop peu rentable à ce qu'il parait. En attendant de pouvoir repartir, voici un petit film de dix minutes, sympathique et original : un jour comme les autres sur le marché aux poissons de Venise, de l'aube au crépuscule ! L'illustration musicale est superbe, les images pleines de poésie et l'essentiel de Venise transpire de ces images. Regardez, vous m'en direz des nouvelles.


Direction & photographie par Francesco Cabras & Alberto Molinari
édité par Francesco Struffi
Musique originale composée par Alessandro Molinari.  
Produit par Ganga Films © 1999.


________

3 commentaires:

Marie a dit…
C'est également plein d'humour!  Grazie, Lorenzo d'avoir fait un tour par mon album photos, de votre commentaire et de m'avoir dédié ce nouveau post, ça me touche bien plus que vous n'imaginez... Je ne sais pas si c'est le personnel d'Artésia ( n'est-t-il pas italien?) ou le réseau ferroviaire français qui est devenu impraticable - aiguilleurs, sabotages - mais c'était hier... Place aux projets pour le printemps! :-)  En tous cas, ce serait dommage à terme, pour des raisons d'absence de rentabilité, de voir disparaître cette ligne : pour ma découverte de Venise, j'ai trouvé tout à fait extraordinaire au sortir de la gare de me sentir plonger ( grand canal oblige) comme par magie dans un "autre monde".. C'est saisissant! Pour revenir au quotidien, si vous le permettez, je vous poserai de temps en temps quelques questions sur des choses que j'ai remarquées, qui m'ont intriguée...  Comme par exemple le ramassage des poubelles! J'ai observé comment les vénitiens triaient, posaient à même le sol ou accrochaient leurs petits sacs de déchets à leur poignée de porte.. ou ailleurs.... le passage du préposé à la chose (piano piano) avec sa petite carriole métallique puis l'embarquement sur un bateau ( où vont les déchets?)... des petits riens comme vous dites!  Ou encore les chats.  Que représentent les chats pour les vénitiens? J'ai imaginé une théorie mais elle est sûrement fausse! Fidèlement vôtre et encore merci. Marie
Lorenzo
Lorenzo a dit…
Racontez nous votre théorie, je vous dirais comment est la vie des chats ici. Quant aux déchets ils sont triés le plus possible en Italie. A Venise, ils partent vers une île, grand dépotoir au milieu de la lagune qui fait le bonheur des mouettes mais ils vont aussi vers des centres de retraitement très modernes.
la girafe a les yeux noirs a dit…
et le silence et le vide quand la vie s'est retirée sous le regard de la petite vierge à l'enfant que j'ai toujours vue fleurie, cette lumière si spéciale qui traverse les grandes bâches rouges et vient s'épandre sur le sol mouillé

23 novembre 2007

Petits riens







________

6 commentaires:


Anonyme a dit…
Comment petits riens ? C'est juste la vie dans sa simplicité quotidienne ... vous faites du "street photography" très sympa, j'aime beaucoup le banc et Zitelle !!! Sunny
venise86 a dit…
Ces petits rien qui font tout le charme de Venise. J'adore toutes ces surfaces que Venise transforme en miroirs en coquette qu'elle est. Le grand canal et la lagune ne lui suffisent pas, elle se mire encore et encore partout où elle peut.
guillaume a dit…
stupendo come sempre...^^
Marie a dit…
Merci pour ces petits rien de Novembre.. que je n'ai pas pu voir ! Les trains Artésia étaient supprimés et aucun moyen de substitution proposés. Et pas de possibilité pour moi de remettre à plus tard comme il était gentiment conseillé! Le mot "déception" est bien faible... :-(( Vous suivre quotidiennement me console un peu. Bon dimanche. Marie
Lorenzo a dit…
Rectification : les photos présentées ici ne sont pas de moi. elles ont été glanées sur internet ou envoyées par des lecteurs. Sans mention précise et devant l'impossibilité de retrouver les auteurs, TraMeZziniMag les prie d'avance d'excuser une utilisation qu'ils pourraient ne pas souhaiter.
Anonyme a dit…
Oui, j'ai toujours trouvé bien étrange d'appeler "petits riens" "Venise mineure" les photos qui montrent les gens au travail, où les lieux habités par les gens qui travaillent. Avec ce regard de bourgeois, surplombant la misère, bien nécessaire au paysage, pour se trouver tout à fait à l'aise dans son confort quotidien. Quel dommage !
Lorenzo a dit… 
         Mais ces petits riens qui font du bien et ne coûtent rien pour paraphraser un livre
         d'enfants, "La Première gorgée de bière", vous vous souvenez ?
        Rien de péjoratif ni de réducteur dans ces mots.
        Au contraire. Plutôt une réaction au goût commun du grandiose et du monumental, du
        sensationnel et de l'évènementiel. Dans cette rubrique, TraMeZziniMag cherche à 
        donner à voir le quotidien dans sa simplicité, la vie de tous les jours, les merveilles du
        commun, du  courant, du  normal. Pas une vision de classe. Juste un goût pour les petits
        riens et la Venise mineure, sans rentrer dans l'insupportable lutte des classes.
        La beauté est universelle !!!
        12 octobre, 2010

22 novembre 2007

Les malheurs du temps frappent aussi à Venise

Derrière ces rideaux rouillés qui servent aujourd'hui de tableau d'affichage géant qui rappelle les parois du Pudding Shop à Istanbul ! se trouvait la Maison Pettenello, un bazar florissant où petits et grands enfants trouvaient à coup sûr leur bonheur. Jusqu'à l'année dernière, la propriétaire et sa fille proposait aux petits vénitiens un bric-à-brac de joujoux, de poupées et de nounours, des pantins de bois, des marionnettes, des dînettes...

© Photo de Claire Normand. Novembre 2007.Tous droits réservés.

_______

4 commentaires:

Anonyme a dit…
Cher Pettenello, royaume des enfants !
Passage obligé sul campo. J'habite Dorsoduro.
Faire des provisions de craies, bulles et scopieti (introuvables à Paris) et tant d'autres choses.
Et que dire de la fin de la Trattoria Due Torri, juste en face. Nous ne savourerons plus ses délicieux gnocchi !
Simplement triste.
M.17
Lorenzo a dit…
Ne soyons pas que nostalgiques bien sur. Nous sommes donc voisins quand je suis à Venise! Vous avez dû lire mon papier du 4 octobre sur la trattoria... Les temps changent. Il y a avait il y a longtemps un restaurant chinois (le seul de Venise à l'époque) fabuleux de l'autre côté du campo. J'y allais avec un père arménien de mes amis et d'autres étudiants. Là aussi, il a disparu. Mais bon regardons en avant ! Il y a de bonnes nouvelels choses qui nous font un peu oublier ce qui nous attriste ! Les do draghi et le Margaret Duchamps sont de bons endroits !
Anonyme a dit…
Mon endroit préféré sul campo, le bar Verde, je l'appelle ainsi, dai vecchieti aussi, il ferme très tôt le soir, c'est celui avec la toile verte et les chaises vertes verso I Carmini, beaucoup moins fréquenté et discret que les autres.
M.17
Anonyme a dit…
Pour ceux qui ont un Macintosh, je recommande le widget de 5 webcams à Venise à charger sur http://www.venetianrooms.com/pietro/
C'est agréable à avoir dans un coin de son écran ! pour l'instant on voit une étrange construction grandir sur la Piazza San Marco... Un giga-sapin ? un bonhomme de neige ? à suivre !
MG - www.atelier23.be

21 novembre 2007

Bonne fête de la Salute

Comme chaque année depuis des siècles, c'est aujourd'hui la solennité de la Salute, avec le pèlerinage de la population de Venise, patriarche en tête, à l'église éponyme, en passant par le pont votif en bois.

En ce jour dédié à la présentation de Marie au Temple, les vénitiens depuis la grande peste de 1631 ont l'habitude de se rendre en grande pompe à l'église de la Salute en passant depuis San Marco par un pont votif qui enjambe pour l'occasion le grand canal. Chaque année la foule est très nombreuse entourant le patriarche et l'ensemble des autorités constituées.
Il reste peu de fêtes populaires que les vénitiens aiment à célébrer entre eux sans que les touristes s'en emparent. La fête de la salute est peut-être la dernière authentique festivité datant de la Sérénissime qui réunisse croyants et non croyants dans une même communion aux traditions ancestrales. Toujours la même ferveur et les mêmes rites tous les ans, le 21 novembre. Una façon pour les vénitiens de marquer l'amour qu'ils portent à leur ville. Qu'ils vivent dans le centre storico ou sur la terra-ferma, ils vont en pèlerinage à l'église de la Madonna della Salute en remerciement à la vierge noire d'avoir sauvé la Sérénissime de la grande peste de 1630.
Cette fête automnale a toujours un côté magique, peut-être parce que la plupart du temps, aux belles journées de l'été de la Saint Martin que nous avons vécu la semaine dernière, succède avec la nouvelle lune, un temps maussade, brumeux, grisâtre et où la pluie se met à tomber. C'est un moment toujours émouvant qui semble fasciner les rares touristes qui séjournent à Venise en cette période. Mêlés au flux des pèlerins, ils suivent le même parcours, les yeux grands ouverts. Rien à voir avec le Redentore. Encore moins avec le carnaval. Tout est d'aujourd'hui et pourtant hors du temps. Calli et Campi sont remplis de monde, aux murmures des prières et des invocations ferventes s'ajoute le cri des marchands de bonbons et autres sucreries traditionnelles. On vend des cierges mais aussi des ballons. La tradition veut que l'on se rende en barque tôt le matin à la première messe. Un tableau célèbre de Canaletto montre cet afflux de gondoles et de barques en tout genre qui amènent les fidèles aux pieds de la belle église de Baldassare Longhena.

Après le sacré vient le profane avec les nourritures terrestres. L'usage est de servir ce jour là la Castradina, une soupe roborative faite à base de mouton cuit et recuit, et de chou (la variété la plus répandue en Italie qu'on appelle souvent en France le "Chou de Milan", en latin "Brassica oleracea sabauda"), pour se souvenir - c'est ce que dit la légende - qu'au temps de la Grande Peste, la ville mise en quarantaine, le dernier navire qui entra dans le port transportait des gigots de mouton en provenance d'Istrie. Ce qui permit de nourrir la population. Cette tradition est arrivée jusqu'à nous. 
 
Il existe même depuis 1997, une très sérieuse confrérie de la castradina fondée par l'architecte Marino Alessandri qui défend la recette traditionnelle de ce plat typique servi dans toutes les familles vénitiennes la nuit du 21 novembre. Preuve et affirmation d'une authentique "venezianità" (traduire par vénitienneté me semble acceptable) ce plat typique a pourtant failli disparaître en même temps que s'allégeait la cuisine de la lagune, se mettant au goût des plus jeunes pour une cuisine plus simple et moins longue à préparer. L'étranger a qui l'on sert ce plat pour la première fois, se demande toujours ce qu'on lui propose de manger. Soupe fumante, tenant davantage du ragoût, voire de la purée, que d'un potage, la castradina a un fumet merveilleux et quand on y a goûté, il est impossible de ne pas l'aimer. En fermant les yeux, on imagine une foule bigarrée répandue sur toute la longueur de la riva degli Schiavoni, des hommes et des femmes provenant de toutes les régions de l'Adriatique, de Bosnie, de Dalmatie, d'Albanie, de Grèce, portant des paquets, chargeant et déchargeant des marchandises. Leurs barques de petit tonnage, légères mais très rapides faisaient sans cesse la navette entre les côtes d'Istrie et Venise. Ces bateaux transportaient surtout des denrées alimentaires que la Sérénissime ne produisait pas en assez grande quantité ou qui n'existaient pas dans la Péninsule. Par cette voie maritime sont arrivées de nombreux aliments qui ont profondément marqué de leur empreinte la cuisine vénitienne, modifiant parfois complètement et à jamais, les habitudes alimentaires de la population. Dans beaucoup de plats vénitiens on sent les parfums de la Dalmatie, comme le riz in cavroman, mélange de riz rond et de mouton haché, le mouton bouilli servi avec des pommes de terre, l'agneau à l'orientale, rôti après avoir été enduit de beurre et de lait... Mais c'est la castradina qui porte le plus, encore aujourd'hui, la marque de l'histoire tout en étant un symbole religieux pour les vénitiens comme l'agneau pascal ou les 13 desserts des marseillais à Noël. 
 
La castradina est un plat qui évoque le souvenir des terres perdues outre-mer que l'on appelait "le altre Venezie" (les autres Venises) plus que des colonies ou des territoires occupés. On pourrait débattre longtemps de ce que fut la venezianità dans ces pays de la côte adriatique : une harmonie totale avec la république que Bonaparte et les autrichiens ont détruit à Campo Formio
 
Mais revenons à notre mouton. La castradina est donc un plat que l'on déguste à Venise chaque 21 novembre depuis 1631, année de la première fête solennelle de la Salute. Les vénitiens ne plaisantent pas avec la Santé (Salute en italien). La viande qui arrivait de Dalmatie était salée, fumée et séchée. Elle provenait de jeunes moutons castrés. Toutes les connaissances de l'époque en matière d'hygiène participaient à la confection de ces conserves de viande qui avec les légumes secs, la farine et certains légumes de grande conservation comme les choux ou la citrouilles, permettaient d'affronter les périodes de quarantaine et de faire face à toute urgence sanitaire. Nous qui possédons les antibiotiques et les réfrigérateurs, il nous est difficile de comprendre le soin apporté à ces denrées. 
 
Elio Zorzi dans son livre "Osterie Veneziane", paru en 1928, nous apprend que "la première mention de ce plat se trouve dans un des plus anciens documents relatifs aux denrées alimentaires de la République : dans l'édit fixant les prix établi par le Doge Sebastiano Ziani daté de 1173 on parle de "sicce carnis" de Romanie et Schiavonie. La castradina est en fait de la viande de mouton, taillée par moitié en longueur, salée puis fumée puis mise à sécher à l'air et conservée dans les entrepôts et les magasins" (pardonnez-moi cette traduction rapide et maladroite). 
 
Il est pratiquement impossible de déterminer précisément comment et à quel moment un plat provenant des Balkans a pu être assimilé à la plus vénitienne des fêtes religieuses typiquement . Quoiqu'il en soit, la recette s'est transmise de génération en génération. De nos jours la viande ne provient plus de Dalmatie mais de Sauris, près de Udine, à plus de 1200 mètres d'altitude, dans les montagnes. Venise n'a pratiquement plus aucun lien avec ces terres du Levant qui furent son domaine sinon ce plat, dont on retrouve des variantes jusqu'en Macédoine voire en Turquie sur les bords de la mer Noire.
 
Jusqu'à ce soir 23 heures 30, et pour la 377e fois, il sera possible de se rendre à l'église de la Salute à pied, par le pont qui part de Sta Maria del Giglio jusqu'à la calle S. Gregorio à Dorsoduro. Des milliers de cierges brûleront sur le chemin et autour de l'autel ou siège la fameuse icône miraculeuse de la vierge noire. Et il y aura tellement de monde que, comme chaque année des sens uniques seront mis en place pour les piétons !

20 novembre 2007

La photo du jour

Les gondoliers prêts pour le calendrier 2008

Sans commentaire

________
3 commentaires:
Anonyme a dit…
J'aime tellement votre blog, puis-je publier une de vos photos avec le lien sur votre blog sur mon blog que je viens de créer sur My Space ? J' ai envoyé aussi le lien votre blog à un ami Vénitien exilé au Brésil, journaliste (il dirige la revue Planeta à Sao Paulo) il le trouve magnifique. Sunny
Lorenzo a dit…
Bien volontiers et merci !
Anonyme a dit…
Je rêve de flâner en gondole la nuit. M.17

19 novembre 2007

Un site pour les nostalgiques

Quand on aimerait se trouver là, sur un campo ou en chemin vers la Piazza, prendre le traghetto à Sta Sofia pour aller au marché, errer devant les vitrines qui se garnissent peu à peu de guirlandes et de rubans, prendre un café bouillant dans un petit bar où les gondoliers désœuvrés jouent à la belote. Quand on aimerait être à Venise et qu'on est ailleurs, il faut penser au jour où l'on reviendra et trouver des substitutions. Voilà un site qui en renouvelant quatre fois par jour ses images donnent quasiment en direct l'impression d'être à sa fenêtre à Venise. C'est très court et la musique fait un peu supermarché, c'est quatre fois par jour sur Earth-TV. Allez jeter un coup d’œil :
 
Bonne journée à tous. Il fait encore assez beau sur Venise. La température est fraîche (12° à midi) mais on est loin encore du grand froid de l'hiver. Le ciel est clair. Il y a peu de monde. Très belle lumière mais la nuit tombe vite. C'est bientôt la Fête de la Salute dont je vous reparlerai.

18 novembre 2007

Vie quotidienne

Les journées à Venise comme partout ailleurs sont rythmées par les travaux et les obligations de chacun. Les uns et les autres vont et viennent ici comme dans toutes les villes du monde. Avec quelque chose en plus. La lumière, la toponymie des lieux, ce décor magnifique qui ne peut laisser personne indifférent. Même quand on est né ici, même quand on y vit depuis toujours. On a parfois envie de sortir de cet univers tellement beau, tellement unique. Mais une fois loin de Venise, on ne pense qu'à y retourner...

___________

2 commentaires:

Pierre a dit…
Quels jolis moments tu nous réserves Lorenzo merci pour ce blog
Anonyme a dit…
Le quotidien exaltant d'acheter ses timbres al Fondaco dei tedeschi,
même sans les fresques de Giorgione et de Titien ou de s'approvisionner de lattughino e ruccola alla barca à San Barnaba...
M.17

17 novembre 2007

COUPS DE CŒUR N°20

Venise, Vivaldi et les sonates opus 1 
Antonio Vivaldi, Suonate da camera a tre, due violini 
e violone e cembalo (1705) 
Enrico Gatti et l'ensemble Aurora 
Livre et 2 CD
Glossa, Editiones Singulares, 2007. 

Alors là c'est la trouvaille du trimestre : un superbe ouvrage et un magnifique enregistrement de l'Opera Prima du prêtre roux, dans la très belle collection de la maison Glossa. Un objet d'art à tirage numéroté à un prix accessible (27,50 €) qui présente le premier travail édité connu de Vivaldi . Une centaine de pages consacrées à Venise à l'époque où des musicologues de renom (Michael Talbot, Adriano Olivieri, Alessandro Borin, Stefano Russomanno et Enrico Gatti lui-même, dans une langue claire et limpide (admirable traduction) présentent la musique, le monde de l'édition, l'art et la vie dans la Sérénissime à l'aube du XVIIIe siècle. L'enregistrement est sublime. Les instruments (d'époque ou répliques) sonnent parfaitement, montrant la virtuosité du compositeur encore jeune (il approche de la trentaine quand il compose ces sonates), mais aussi les faiblesses de certaines compositions. L'Ensemble Aurora est à mon avis un des meilleurs du monde baroque actuel et Enrico Gatti est un formidable virtuose tout en discrétion et en intelligence. On est déjà dans le monde unique de Vivaldi, tout en retrouvant de nombreuses parentés : Arcangelo Corelli pour l'inspiration, Jean Sébastien Bach pour le cousinage, pour ne citer qu'eux. Œuvre juvénile que son auteur sans la désavouer ne semble pas avoir beaucoup estimé puisqu'il en réutilisa très peu le matériau, mais cet opus 1 a vraiment un charme incroyable. Je souhaite vraiment que le Père Noël dépose ce bel objet dans vos petits souliers ! 

Le pain italien 
Adèle Orteschi & Alain Gelberger 
Collection 1 produit 100 recettes, 
Editions Minerva. 
Autant livre de cuisine qu'ouvrage d'art avec une belle présentation et une mise en page très agréable. L'auteur, Adèle Orteschi est d’origine vénitienne. Elle a déjà publié de nombreux ouvrages sur la cuisine italienne et le bassin méditerranéen, dont Les Pâtes du Terroir italien, chez Minerva. Dans cet ouvrage, elle prouve qu’à partir d’un produit aussi simple que le pain (italien), décliné en de nombreuses variétés régionales, il est possible de réaliser d’incroyables recettes, originales ou traditionnelles, et surtout délectables. Les recettes de pain sont ainsi expliquées et déclinées de différentes manières : focacce, bruschetta deviennent antipasti, crostini, et... tramezzini ou même de succulents desserts, mariés avec tous les trésors de l’Italie : mozzarella, ricotta, anchois, tomates, huile d’olive et plein d'autres produits. Tours de mains, astuces illustrées par de vraiment belles illustrations viennent enrichir cet ouvrage gorgé de soleil. 100 recettes familiales et exceptionnelles mises en images par Alain Gelberger, talentueux photographe culinaire. 

Caffé-Torrefazione Costa Rica 
Rio Terà an Leonardo 
Cannaregio 1337, 
Venise. 
041 71 04 71 
Saviez-vous qu'on peut trouver à Venise, un espresso extraordinairement bon pour 80 centimes (ce qui représente tout de même 5 de nos bons vieux francs et 1.000 Lires italiennes). Rien à voir avec les cafés servis en France à prix d'or ou l'addition corsée (un comble ici !) du Quadri ou du Florian... Il existe en effet un petit bar installé depuis 1930 dans le sestier de Cannaregio, la Torrefazione Costa Rica. C'est avant tout un torréfacteur, mais aussi un bar apprécié des habitants du quartier et des gens de passage. L'atmosphère est d'un autre temps, années 50 voire avant, dans un décor très simple et surréaliste à la fois. comme un tableau de Magritte. C'est je crois le seul endroit au monde où les sous-tasses sont installées à demeure sur le comptoir en attendant d'y recevoir votre tasse remplie d'un nectar onctueux et parfumé. L'accueil est chaleureux et extrêmement poli. Un lieu unique, moment de civilisation, où il est encore possible de déguster, le temps d'un café, la sensation unique que l'argent que l'on dépense et la courtoisie valent encore quelque chose. Un bonheur.

Pizzeria Kebab Le Piramidi 
6342 Castello, 
Salizzada Ss Giovanni e Paolo 
Venezia 
041 520 04 74 
Je n'ai pas l'habitude de recommander les pizzerie et autres kebab qui fleurissent aussi à Venise et procèdent davantage du Junk food à l'américaine que le mouvement SlowFood (et l'Académie Italienne de la cuisine dont j'ai l'honneur d'être membre). Cependant ce petit bar tenu par l'égyptien Anwar Taha Dldar, est sympathique. On y fabrique des pizzas sans prétention et il est facile de s'y restaurer à peu de frais. L'accueil est chaleureux et puis c'est la cantine préférée de mes amis du club sportif Arsenale G.Giaquinto dont l'équipe de basket a montré certaines années de réelles qualités parmi les amateurs italiens. La Palasport où ils s'entraînent (en salle) est cette salle de sport qui jouxte le musée naval à Castello. Vu leur appétit (et les carcasses qu'il faut alimenter !) et leur habitude de la bonne cuisine de la mamma, il n'y a pas de doute, dans la catégorie restauration sur le pouce, c'est une bonne adresse. 

Bar Clodia 
calle delle Rasse 
San Marco, Venise. 
Les meilleurs tramezzini du centro storico. le spritz est bon et le vin blanc aussi. Quand vous êtes dans les environs de la Piazza et sauf à vouloir vous offrir un déjeuner plantureux confortable et cher, évitez les restaurants traditionnels. Les plus renommés sont devenus hors de prix et toujours bondés, remplis par de gros américains sur le retour (mais ils restent toujours très bons - les restaurants pas les gros américains bien entendu !) et les autres sont de vrais pièges à gogo avec leur "menu turistico" où le seul fait de respirer l'air de la salle vous coûte déjà cher (pane e coperto). Le Clodia comme son voisin le Forst permettent de se restaurer à la vénitienne en dégustant un spritz ou un'ombra sans se ruiner et dans une atmosphère typique. Mais vous connaissez depuis longtemps la consigne pour ne pas être assimilé aux hordes (convenons donc de les appeler ainsi dorénavant) : allez là où vont les vénitiens et faites l'effort de vous exprimer en italien ou excusez vous de ne pas parler le dialecte. Consommez debout et payez à la fin... Au Clodia vous verrez beaucoup de gens du coin, des gondoliers, des vendeuses des magasins voisins, des employés de banque ou le maire lui-même toujours en pleine discussion avec un opposant ou un collaborateur. 

_______

7 commentaires : 

 Anonyme a dit… 
 Triste d'avoir annulé mon voyage de novembre, je vous lis avec bonheur. A vous lire, nous sommes voisins à Dorsoduro. Venise est mon jardin secret. M. 
19 novembre, 2007 

Lorenzo a dit… Comme l'amour maternel chanté par Victor Hugo, et en paraphrasant le poète : Venise est un jardin secret dont chacun à sa part et où tous l'ont en entier ! 
19 novembre, 2007 

 Anonyme a dit… 
 J'aime vous lire. 
 M. ou M.17 (moins anonyme). 
 23 novembre, 2007 

 Anonyme a dit… 
 Je suis Amoureuse de Venise. 
 M.17 
 23 novembre, 2007 

 Anonyme a dit… 
 Je vous lis depuis peu, cet été, mais quel immense bonheur. Sans doute, nous nous  sommes   déjà croisés ou nous nous croiserons à Dorsoduro. Je vous ai dis que Venise est  mon jardin  secret. 
M.17 
23 novembre, 2007 

 Lorenzo a dit… ah les mystères de Venise... 
 23 novembre, 2007 

Veneziamia a dit… 
 Je connais bien le Caffé-Torrefazione Costa Rica, j'y fait le plein de café quand je suis à Venise. Bravo d'en parler. 
 28 janvier, 2011 

TraMeZziniMag, pourquoi ce titre ?

Publié pour la première fois en mai 2005, de retour d'un énième voyage à Venise avec mes enfants, ce blog présentait en quelques lignes le pourquoi de son titre. Comme on continue de me demander ce qu'il signifie, et en dépit de l'évolution de son contenu, tout d'abord moins exclusivement vénitien qu'aujourd'hui, j'ai repris mes explications que je vous livre à nouveau.
..Ceux qui vont à Venise connaissent sans aucun doute ces sandwiches en forme de triangle, que l'on trouve dans tous les bars pour un peu plus d'un euro : tonno-uova, prosciutto-funghi... On les appelle des tramezzini. Les vénitiens les consomment debout au comptoir, avec un verre de blanc ou un prosecco, ce délicieux vin pétillant. Les meilleurs sont servis depuis des années dans un petit bar des environs de l'Arsenal, mais dans chaque quartier, il y en a de très bons. Ils sont un peu le symbole d'un art de vivre comme le spritz, le Bellini, ou le gianduiotto de chez Nico...(cf. TraMeZziniMag du 16/08/2005,  ICI).
..
C'est parce que j'avais envie de parler de tout cela que j'ai créé ce blog et que j'ai choisi ce nom. Raconter à ceux qui ne savent pas, les délices d'une ville unique au monde, mal connue et pourtant si célèbre. Rappeler à ceux qui la connaissent, les délices que Venise apporte à nos cœurs. Mais aussi, parce que je voudrais aussi, modestement, contribuer à la mieux faire apprécier, au-delà des clichés qui l'encombrent depuis 150 ans et l'empêchent de vivre, en l'étouffant peu à peu. Car, c'est un paradoxe, Venise crève du tourisme. Il n'enrichit que les boutiquiers et les marchands de soupe et appauvrit les vrais vénitiens, rongeant l'âme de la ville comme la pollution en ronge les pierres. Là est le vrai mal qui tue Venise peu à peu, transformant les commerces de proximité en pièges à touristes, obligeant les habitants à quitter le centre historique pour la terre ferme et en rendant la vie presque aussi chère qu'à New-York ou à Londres. J'espère montrer une Venise différente au fil des pages et de mes humeurs. Aider le voyageur à sortir des sentiers battus - c'est bien ici le cas de le dire - et lui apprendre à voir autre chose et à devenir, à son tour, un "bon vénitien"pour paraphraser Henri de Régnier.
...
Peu à peu au fil des jours, des rencontres, des commentaires, s'est dessinée comme une ligne éditoriale. Modestement. Dans quelques heures, quelques jours, TraMeZziniMag atteindra son 55.000e lecteur ! 
 
A celui-là, s'il vient pour la première fois, je souhaite que ces quelques textes et les images qui les accompagnent, apportent du plaisir et lui donnent envie de se précipiter à Venise. Mais qu'importe les nombres et les statistiques : depuis plus de deux ans, ce rendez-vous quotidien m'est un vrai plaisir. Grâce à vous, lecteurs.
.
S'il est parfois difficile de trouver l'inspiration, si les textes trop souvent manquent de rigueur et ne sont pas assez travaillés, les illustrations un peu trop courantes et les sujets peu originaux, mon bonheur vient de la satisfaction de mes lecteurs. N'y voyez aucune prétention. Écrire comme à beaucoup m'est un besoin. Vital. Savoir que, par la grâce de la technique (Ah ! cher Jacques Ellul mon maître !), je contribue un peu à la défense de Venise, justifie ces longues heures passées devant mon clavier. 
 
Mais n'est-ce pas déjà trop prétendre que de vouloir simplement écrire sur Venise, après tous ceux qui l'on fait avec tellement plus de talent que moi ? J'essaie simplement, jour après jour de laisser les mots exprimer mon amour pour la Sérénissime. J'espère n'être point trop bavard. En fait, je voudrais seulement pouvoir montrer montrer Venise telle qu'elle est : une symphonie de couleurs, de sons, de parfums, mais aussi un lieu où l'on vit comme partout ailleurs avec un supplément d'âme qui fait la différence. Entrouvrir une porte sur la magie de la ville et laisser l'alchimie de nos cœurs faire le reste. Sans commentaire ni fioriture.
 
Illustration : "remorqueur", huile de Zoran Music.