C'est
une question qu'on ne peut pas éviter de se poser quand, en se
promenant dans les rues de la Sérénissime, on entend parler toutes les
langues du monde et de moins en moins le vénitien. Des commerçants ont
même installés dans leur vitrine des compteurs affichant en temps réel
le nombre exact d'habitants...
Voilà la
mi-septembre, il y a maintenant assez de recul pour commencer à tirer
les premières conclusions sur la saison estivale 2009, avec la Biennale
et quelques jours après la clôture de la 66e Mostra du Cinéma. Avec une
météo trop clémente pendant pratiquement trois mois d'affilée (il n'avait pas fait aussi chaud depuis longtemps),
le thermomètre a plusieurs fois atteint les 34° dans le centre
historique, une masse incroyable de touristes écrasés par
l'insupportable chaleur et assoiffés, de moins en moins respectueux, de
plus en plus adeptes de la formule "mordi e fuggi" (je consomme et je repars), qui comme le dénonce depuis longtemps Stefano Mattiuzzi, commerçant sous les arcades de San Marco : «...
Non seulement n'apportent aucun bénéfice économique à la ville, mais
entraînent des dommages de plus en plus coûteux pour la ville ».
Tramezzinimag en a souvent parlé. «La faute en revient aux politiques incapables de gérer leur ville » s'exclame sans mâcher ses mots Sebastiano Costalonga, leader du parti berlusconien à Venise, qui louche bien évidemment sur le fauteuil de Massimo Cacciari, et qui oublie de rappeler les liens de son patron avec les organismes
financiers et immobiliers qui eux louchent sur le casino, les grands
hôtels et rêvent de faire de Venise un Disneyland-Las Vegas pour Happy Few et se réjouissent de faire main-basse sur les immeubles délaissés. L'incroyable manne financière du tourisme de masse est un appât de taille pour les politiques affairiste de la Berlusconie.
L'été
2009 restera dans les mémoires parce que c'est la période où le seuil
fatidique des 60.000 habitants a été atteint. Oui, vous avez bien lu :
il ne reste plus aujourd'hui que 60.000 vénitiens dans le centre
historique, selon le compteur de Venessia.com installé le 21 mars 2008, dans le but de suivre en temps réel le décompte de la population vénitienne résidente (voir la photo).
Un chiffre qui fait réfléchir. Jamais dans l'histoire, les vénitiens
n'ont été aussi peu nombreux. On peut s'en inquiéter en ce que cela
transforme de plus en plus Venise en musée à ciel ouvert. Comment rester
une ville à part entière. La cité des Doges pourra-t-elle rester
longtemps métropole régionale ?
«...Voilà presque un an et demi que le groupe Vanessia.com a installé dans la vitrine de la Farmacia Morelli à S.Bortolomeo le monitoring de la population vénitienne. C'était en mars 2008 et Venise avait 60.720 habitants», explique Matteo Secchi, porte-parole de Venessia.com et il ajoute tristement : «aujourd'hui,
nous en sommes à 60.054 et nous approchons du niveau des 60.000, niveau
reconnu comme le minimum vital pour une ville moderne. Depuis des
années les différentes administrations ont pensé à construire un centre
hospitaliers à Zelarino, des ponts inutiles à des coûts prohibitifs, un
tramway dangereux, ils ont organisé le transfert des ressources et des
projets économiques vers l'eldorado du XXIe siècle, la terraferma, mais
jamais aucune solution pour enrayer l'exode massif de la population...».
Et qu'en pensent les vénitiens ? : «Ils sont pleins d'amertume après trente ans de fausses promesses et de projets». C'est pourquoi Venessia.com a décidé d'organiser sous peu les "Funérailles de Venise". Afin d'attirer l'attention de l'opinion publique mondiale sur ce problème majeur encore peu connu. «Derrière la carte postale, il y a une population aujourd'hui décimée et proche de l'extinction», explique Matteo Secchi avec des paroles dures et sans espoir.
Le crépuscule colore le bassin de San Marco comme une toile de Monet,
San Giorgio et la Giudecca se parent de mille couleurs diaprées comme les a vues et copiées le Tintoret en son temps. Le
temps d'un soupir et comme à l'improviste, la sirène d'un bateau de
croisière géant retentit pour saluer son entrée à Venise. Deux vedettes
remplies de touristes torses nus filent plein gaz vers le Lido de
Cavallino, laissant derrière elles un sillage d'écume. Comme un
symbole... Le compte à rebours est-il inexorablement lancé ?
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