01 avril 2012

COUPS DE CŒUR (HORS SERIE 24) : Il se nomme Claudio Boaretto


Il est né à Venise et ne parle que le français et... le dialecte. Sa vie, depuis son retour sur les lieux de son enfance, est celle de tous les vénitiens : la barca, la pêche, les copains, les baccari. Il a passé l'essentiel de sa vie en France. Auteur-compositeur et interprète, il s'est exprimé en chantant sa vie durant, dans la lignée des Georges Brassens, Hugues Aufray, Léo Ferré et Jean Ferrat, se taillant une bonne et solide réputation dans le milieu folk francophone. Le peu que je sais de lui me fait affirmer que c'est un vrai poète. Un troubadour. Je vous recommande son blog, écrit depuis Castello qui permet aux lecteurs une plongée directe dans la vie vénitienne. Sa musique sonne vraie et j'imagine une soirée au Paradiso Perduto ou dans un bacaro plus secret, entre amis avec Claudio Boaretto et sa guitare. On prend date ?


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3 commentaires:

Virginie Lou-Nony a dit…
Oui, moi je veux bien prendre date! (en juillet, svp…)
Coyote a dit…
C’est trop d’honneur, Monseigneur…. Merci Lorenzo pour cette élogieuse présentation, les poils de ma barbe en rougissent de confusion…. Petite précision malgré tout : contrairement à mon frère ainé, Renato Boaretto, maitre d’art, créateur d’automates reconnu, notamment et évidemment des personnages de la Commedia dell’Arte, je ne suis hélas pas né à Venise…. Mes parents ont quitté la Sérénissime pour émigrer en France deux mois à peine avant ma naissance…. Il s’en est fallu de peu…. Conçu à Venise, j’ai donc commencé très jeune à voyager pour voir le jour sur les plages Normandes ; Arromanches, Asnelles ont bercé ma prime jeunesse…. Venise, c’était pendant les grandes vacances avec la nona Gemma e el nono Giovanni…. Mia Mama ne parlant que le vénitien, (elle trouvait l’italien trop snob) ce fut ma langue maternelle, j’appris plus tard le français à l’école…. Merci encore Lorenzo pour « le vrai poète » mais c’est un qualificatif lourd à porter pour mon modeste talent…. Je préfère me présenter plus naturellement comme un « artisan parolier » et revendique plus facilement le titre « d’artiste »…. Pour mes chansonnettes, c’est quand vous voudrez, mais devant un auditoire francophone car la richesse de la rime française ne touche pas encore le public italien….
Anonyme a dit…
OK Claudio, on attend le jour J. 
Venessiamente 
Gabriella

27 mars 2012

La Galerie de Tramezzinimag : Enzo Pedrocco et le quotidien, ce qu'on préfère à Venise...

Pour bon nombre des lecteurs de TraMeZziniMag, c'est d'abord la vie quotidienne qui plait avec son charme, ce rythme unique qu'on ne retrouve dans aucune autre ville du monde. D'autres mettront en avant la musique, les restaurants, les baccari, les reflets qui démultiplient à loisir tout ce que notre regard peut capter de beauté, il y en a qui ne jurent que par les églises ou les palais, Philippe Sollers choisirait les filles, lui qui prétend que Venise est avant tout la ville des femmes quand Rome serait celle des gitons. Certains ne feront pas le détail et englobent tout dans leur amour-passion. Mais n'est-ce pas le vénitien qui est le mieux placé pour décrire ce qui peut provoquer ce délire intérieur quand il s'agit d'évoquer la Sérénissime ? 

Le fringant Enzo Pedrocco de Venessia.com est un vénitien de San Girolamo. Depuis des années, il voit sa ville qui change et pousse de temps à autre de grands coups de gueule salutaires. Ses photos sont régulièrement publiées dans le Gazzettino et bon nombre de sites vénetophiles connaissent ses clichés. Témoin attendri du quotidien, il sait montrer avec humour, parfois avec un brin de mélancolie la Venise d'aujourd'hui. Pedrocco est un bon vénitien. Un vrai de vrai. Un de ceux à qui on aimerait pouvoir ressembler. 

S'il aime à voyager, il revient toujours dans sa ville avec bonheur et son objectif immortalise ces mille sensations ordinaires qui font le doux poison de Venise. Le seul en tout cas qui ne tue pas, mais régénère tout en nous. Ce n'est pas pour rien que le lion de Saint-Marc a des ailes, il matérialise avec splendeur la transformation que Venise opère en nous : il nous pousse des ailes ! C'est un florilège de ses clichés que je vous propose aujourd'hui. 


1 - Un chat à sa fenêtre

2 - la vieille dame

3 - Juifs vénitiens pendant Hag haSoukkot, la fête des tentes

4 - Passeggiata automnale à San Barnaba

5 - San Girolamo au bout de la Fondamenta delle Capucine. les lecteurs s'en fichent certainement, mais j'ai vécu un an un peu plus loin sur la droite, mes fenêtres donnant sur le terrain de sport...

 
6 - Vie tranquille à San Alvise

7 - Jeu de garçons et ses inconvénients. On a tous eu ce petit problème...

8 - Méditation post-méridienne

9 - Sérénité.

10 - Chiachierata

11 - Les joueurs de carte et le caniche. Me rappelle une belle estampe de Mario Rocchi.

12 - Poésie de l'ordinaire.

13 - Cortile secret.

14 - Douce paix du jour.

15 - Petits riens du quotidien. On est loin des touristes et c'est bien.

16 - Venise aussi a sa Movida et c'est chaque soir ! Si seulement nous avions eu cette chance à l'époque de mes vingt ans. Seul le Cherubin à San Luca, et le Haig's près du Gritti restaient ouverts tard le soir. A 22 heures, niente "movida" ! Santa Margherita et la Misericordia n'étaient que désert...

26 mars 2012

Dans les matins de Venise

Toutes les saisons sont belles à Venise. Même les jours de grisaille, quand le ciel est si bas qu'on le confond avec les eaux sombres de la lagune endormie, il y a toujours l'éclat d'un reflet ; l'argent et l'or des coupoles qui surgissent dans l'enchevêtrement des toitures de briques. Mais c'est au début du printemps que la ville est un régal pour les yeux. Peut-être parce qu'on avait oubli cette douceur qui se répand dans l'air et transforme tout ce que nous voyons en bonheur. Il fait plus chaud que d'habitude cette année et l'air s'est soudain rempli de senteurs estivales. "Venise est un bonheur" ne cessent de scander les billets de ce blog. Rien d'exagéré dans ces propos, ceux qui aiment et connaissent Venise le savent bien.
 
Pour les autres, ceux qui n'ont pas encore eu la chance de pénétrer ce mystère, je vous invite à fermer les yeux et à écouter, là où vous êtes, les bruits de la ville, le chant des oiseaux, le clapotis de l'eau... Au loin, une cloche, les bruits d'un chantier, le choc des coups de marteau sur le métal, un groupe d'enfants joyeux qui passe avec leur maître, des dames qui bavardent en allant au marché, plus loin encore des pas sur les dalles, un chien qui aboie... 
 
Évacuez le bruit des automobiles et laissez votre esprit s'imprégner de tous ces sons que transporte la lumière d'un matin de printemps, cette lumière diaphane qui se répand partout comme une chanson joyeuse, enrobe les bourgeons dans les arbres et les cheveux des filles d'un halo mordoré... Vous y êtes ? Hé bien ce que vous ressentez en cet instant c'est ce qu'on ressent quand par un jour de printemps comme celui-ci, on se promène dans les matins de Venise.
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Photo © Enzo Pedrocco - Tous Droits Réservés.

24 mars 2012

Evviva la primavera !

 
Le 20 mars est un jour particulier pour moi. C'est le jour où ma mère est morte, après une longue et terrible maladie. Nous étions en 1993 et mon fils Jean allait naître. C'était un samedi, le premier jour du printemps. La symbolique ne m'a jamais échappé... La mort, la vie, le renouveau... Ne vous y trompez-pas, ce n'est pas un jour triste. Et puis ceux que nous aimons continuent de vivre tant que leur souvenir habite en nos cœurs.

Il avait fait merveilleusement beau toute la semaine et bien qu'épuisée, la vieille dame avait pu sentir les mimosas en fleur et se promener une dernière fois sous un ciel délicieusement clément. Nous avions évoqué, je m'en souviens, les délices de Venise au printemps, la glycine du Caffé del Paradiso derrière les Giardini, ou les grands arbres du vieux cimetière juif du Lido où personne n'allait jamais et où nous évoquions Lord Byron. Elle aimait particulièrement ces promenades au Lido.
 
Elle n'était venue à Venise que quatre fois. La première dans les années 70, étape d'un long périple familial en voiture qui nous mena en Turquie. Les autres fois quand j'y vivais. Elle ne connaissait de l'Italie que Florence où j'ai failli voir le jour, à quelques heures près, la baie de Naples et la Sicile. Venise lui convenait parfaitement, sa beauté, son charme mais aussi sa sérénité, son rythme. Avec mon frère, nous avions même envisagé qu'elle s'installe sur la lagune plusieurs mois par an. Cela n'a pu se faire. Elle est tombée malade. Une de ces terribles maladies dont on sait qu'il n'y a d'issue que fatale. J'aime à croire qu'elle aurait été très heureuse de vivre près de moi, à Venise avec son bon vieux gros chat Jules.
 
C'est justement au Lido que cette photo a été prise. elle est extraite d'un blog que je viens de découvrir, celui de Claudio Boaretto. En fait, nous nous sommes mutuellement découverts. La magie d'internet et les charmes de Venise. Mais je vous en reparlerai.

23 mars 2012

Une vie tranquille et sans histoire

N'est-ce pas l'aspiration de tous, cette idée d'une vie tranquille ? Vous connaissez peut-être les vers bucoliques de Boileau, qui souffrit du bruit et des embarras de Paris - au XVIIe siècle déjà - de son épître au président Lamoignon :
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" Tantôt, un livre en main, errant dans les prairies,
J’occupe ma raison d’utiles rêveries :
Tantôt, cherchant la fin d’un vers que je construis,

Je trouve au coin d’un bois le mot qui m’avait fui ;

Quelquefois, aux appas d’un hameçon perfide,

J’amorce en badinant le poisson trop avide ;
Ou d’un plomb qui suit l’œil, et part avec l’éclair,

Je vais faire la guerre aux habitants de l’air.

Une table au retour, propre et non magnifique,

Nous présente un repas agréable et rustique :
Là, sans s’assujettir aux dogmes du Broussain,
Tout ce qu’on boit est bon, tout ce qu’on mange est sain ;

La maison le fournit, la fermière l’ordonne,

Et mieux que Bergerat l’appétit l’assaisonne.
Ô fortuné séjour ! ô champs aimés des cieux !

Que, pour jamais foulant vos prés délicieux,

Ne puis-je ici fixer ma course vagabonde,

Et connu de vous seuls oublier tout le monde !
"
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Ils m'ont toujours inspiré tant le poète a su exprimer cette soif de paix et donc de sérénité qui nous vient naturellement quand la vie et ses nécessités s'emparent de nous et nous transforment vite en  pantins désarticulés qui suent sang et eau. C'est un rêve d'existence. Une maison agréable, un paysage charmant, la douce promiscuité avec  la nature et sa beauté... Lire, se promener, rêver, manger, dormir... Les urbains que nous sommes auraient cependant - pour la plupart - beaucoup de mal à demeurer ainsi longtemps et le bonheur des premiers jours se transformerait certainement en une hébétude insupportable. Cela m'a toujours étonné, mais j'ai parfois rencontré des êtres de grande culture et remplis de qualités humaines et intellectuelles, se morfondre très vite au contact prolongé de la nature. Je me souviens en particulier de cet ami, aujourd'hui écrivain notoire et homme politique très engagé, avec qui j'étais allé réviser les examens de Sciences po dans une vallée perdue des Pyrénées.
 
Nous y étions comme des fils de roi. Les aubergistes nous concoctaient de plantureux repas, notre chambre ouvrait sur la montagne.Réveillés par les oiseaux et les clochettes du bétail qu'on menait en pâture, nous faisions de longues promenades au-dessus du village, observant la route qui menait en Espagne. La frontière se trouvait alors à quelques mètres de la sortie du bourg. Nous y restions des heures à observer les quelques voitures qui s'aventuraient sur cette petite route biscornue. J'aurai pu mourir là sans regret tellement je me sentais en harmonie avec les lieux.
Un matin, j'avais amené mon camarade assez haut, par un de ces chemins qu'empruntaient les contrebandiers quand il se pratiquait ici le trafic de sel. L'endroit était d'une splendeur incroyable. Il faisait doux sous un ciel dépourvu de nuages. C'était à couper le souffle. Assis sur une pierre, nous demeurions là, contemplant l'horizon où se détachaient les plus beaux sommets du Pays basque, quand mon ami se mit à parler. "Je me demande quelle sera la tactique de Chaban-Delmas et celle de Servan-Schreiber si nous avons des élections anticipées" lança-t-il. Nous étions en 1973, peu de temps avant la mort du Président Georges Pompidou. En disant cela, le bougre s'agitait, faisait de grands gestes et, parlant haut, à la grande surprise des moutons qui paissaient non loin de là, tout échevelé, il s'était mis à faire les cent pas...
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Le voir ainsi avec en toile de fond ce paysage à couper le souffle m'horrifia littéralement. J'en ris maintenant, mais sur le moment je crois que j'aurai pu l'étrangler : Sa voix couvrait le chant des oiseaux et ses propos me semblaient tellement incongrus sur cette montagne, par ce magnifique après-midi de printemps. Nous nous sommes disputés tout le long du chemin jusqu'au village. Le lendemain, il reprenait l'autocar pour Bordeaux, m'avouant qu'il n'en pouvait plus du silence, de la paix de ces montagnes et du chant des oiseaux... Je restai seul une longue semaine, appréciant ma solitude, me demandant si cette vie-là pouvait être sacrifiée à une carrière ou une ambition... "Tu finiras notaire au fin fond d'une province et tu t'ennuieras de l'éclat des villes" me disait-il souvent. Je ne suis pas devenu notaire, mais je ne me suis jamais lassé de la vie tranquille. Vivre en ville reste pour moi une obligation que je supporte tant bien que mal et de moins en moins...
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Quel rapport avec Venise ? me demanderez-vous. J'allais y venir. Quelques années plus tard, quand le hasard m'a permis de m'installer en Italie, j'ai ressenti la même plénitude que dans mes montagnes. Par un joli soir d'été et au beau milieu de la ville. Ce n'était certes pas n'importe où : J'avais été invité à visiter la Ca'Dario, cette fameuse maison où Henri de Régnier habitait quand il séjournait sur la Lagune. Après la visite du palazzo, on me permit de rester un moment dans le jardin. L'herbe venait à peine d'être coupée et un jardinier taillait les branches d'un arbre. D’innombrables oiseaux chantaient. Au loin des cloches sonnaient. Il n'y avait pas un signe d'agitation. Le vieux jardinier ratissait une allée, une corneille arpentait le haut du mur qui sépare le jardin du charmant campiello que les lecteurs de TraMeZziniMag connaissent tous. La douce chaleur, l'odeur de l'herbe coupée, le chant des oiseaux... tout contribuait à isoler mon âme de toutes les sottes préoccupations qui auraient pu s'emparer d'elle. Je savais déjà que j'avais trouvé l'endroit où mon être tout entier s'épanouirait, mais j'eus soudain la certitude que Venise était un miracle : une création non naturelle qui pourtant s'avérait totalement, incroyablement naturelle.
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J'ai su depuis que bon nombre d'auteurs avaient réfléchi sur cette opposition nature/anti-nature pour l'appliquer à la cité des doges et à son environnement. C'est bien cela le miracle de Venise : née d'une nécessité vitale pour l'homme (échapper aux barbares et se mettre définitivement à l'abri tout en organisant une vie sociale et commerciale performante), la cité des doges est, de par ses liens avec l'eau, celle des fleuves, celle de la lagune, des marais et de la mer, totalement naturelle. Nulle autre ville au monde n'est construite sur cette dichotomie. C'est pourquoi, Venise, même envahie par les hordes de touristes qui débarquent chaque jour, reste au même titre que cette montagne qui fit fuir mon brillant camarade, les polders du Cotentin où nous avons notre maison ou les plages de l'océan, un endroit paisible et serein où je puis déclamer sans ridicule, les vers de Monsieur Boileau.

22 mars 2012

Quand le diable gesticule

Nos temps apocalyptiques ne portent pas à la légèreté et à l'insouciance quand des enfants sont pris pour cible par des illuminés qui n'ont rien compris à ce que croire veut dire. Paix, Amour et Beauté ont de tout temps dicté à l'espèce humaine les plus belles réalisations qu'on puisse imaginer rappelant bien que l'être humain est à l'image de Dieu. Mais Dieu, s'il existe vraiment ne peut absolument pas être ce monstre vengeur et impitoyable guidant le geste d'un vaurien fanatisé. pas une once de Lui dans les récents évènements de Toulouse et de Montauban pas plus qu'Il ne pouvait être là dans les geôles de la Sérénissime ou du Royaume d'Espagne quand l'Inquisition s'adonnait à la torture en Son nom. 

C'est bien plutôt du diable dont il s'agit qui s'empare peu à peu de nos esprits perturbés par le doute, la facilité et tout ce qu'il y a de plus vil dans l'esprit humain. Parfois une lueur apparait, c'est un espoir mais c'est surtout la fluorescence du mal qui s'étiole. La réaction unanime devant l'horreur du crime de Toulouse, la dignité des politiques, la beauté de ce peuple qui s'est senti uni, solidaire dans ces moments graves et a voulu montrer son empathie aux familles des victimes, tout cela a fait reculer un instant le mal. Hélas, si les idées de Savonarole étaient accueillies à Venise comme la pensée d'un homme dont l'intelligence et le savoir renforçaient la grandeur de Dieu en renforçant celle de l'homme, ailleurs on l'attendait pour le brûler tant il faisait peur aux sages et aux savants infestés pas leur toute-puissance et leur ambition. Il fallait l'esprit des vénitiens pour entendre les mots de Paolo Sarpi ou d'Érasme.

Rien n'a vraiment changé dans le monde. L'humanité continue de produire le mal par manque d'amour, par manque de connaissance, par manque de discernement. Un fou qui tue au nom d'Allah, des hommes qui détruisent au nom du profit, partout des êtres qui s'entretuent, abandonnent, trahissent, oublient, tout cela procède de la même infamie : le manque d'Amour.

20 mars 2012

Effie, Emma et Rossini à Venise

Euphemia Chalmers Gray-Millais, (1828-1897), plus connue sous le nom d’Effie fut l'épouse de John Ruskin, l'auteur du célèbre "Pierres de Venise". Mariage non consommé qui fut annulé et permit à la jeune femme d'épouser le peintre préraphaélite John Everett Millais, protégé de Ruskin. Ils formèrent un triangle amoureux assez célèbre pour inspirer plusieurs pièces de théâtre et un opéra et... Emma Thompson, la rutilante actrice, qui est la scénariste du film consacré à ce personnage victorien réalisé par Richard Laxton, avec Dakota Fanning, Claudia Cardinale, Robie Coltrane, Greg Wise...
 
..Comme certains Fous de Venise le savent, c'est avec ce film (entre autres) que sera inauguré le nouveau Rossini, ce cinéma en travaux depuis plus de deux ans et qui va rouvrir ses portes. Totalement restructuré, le bâtiment accueillera un supermarché Auchan, une pâtisserie Marchini, un restaurant et plusieurs salles ultra-modernes. De quoi réjouir les amateurs du 7e art puisque Venise était devenue très pauvre en salles obscures. Fermé au début des années 2000, le Rossini, situé sur le rio San Luca, va être superbe, débarrassé de sa façade fifties, il sera doté de trois salles de 350, 150 et 100 places.

 
..Mais revenons au film qui sortira en Grande-Bretagne au début de l'été actuellement en post-production. Les vénitiens se souviennent du tournage qui a été le premier réalisé sous les auspices d'une nouvelle organisation vénitienne née à l'initiative de la Chambre de Commerce, la Venitian Film Opportunity, émanation de Venezia Opportunita présidée par la dynamique Maria Rafaella Caprioglio. Emma Thompson en a donc écrit le scénario et l'essentiel du tournage s'est déroulé à Venise. l'occasion pour Tramezzinimag de revenir sur un de nos sujets favoris, le cinéma et Venise. Depuis les Frères Lumière à la fin du XIXe siècle, de nombreux films ont été tournés sur les bords de la Lagune. Un livre en a d'ailleurs dressé l'inventaire, sous la direction de mon ami Roberto Ellero, responsable du Circuito Cinema. Nous en reparlerons bientôt.

19 mars 2012

Cette semaine, le printemps revient !

 
Ce joyeux mystère qui chaque année soudain renouvelle nos âmes.
La lumière, un matin se fait rieuse.
Le reflet des murailles hier encore décaties se transforme aujourd'hui - éternelle magie -
en des reflets soyeux, pimpants comme les notes
de cette musique ancienne, qui par la fenêtre ouverte,
s'échappe d'un vieux palais qui penche...

15 mars 2012

Et revient le temps des repas joyeux entre amis

L’hiver appartient aux bonnes soupes revigorantes longtemps mijotées et souvent improvisées avec les légumes trouvés au marché. Mais, quand les premiers redoux annoncent le printemps, des envies de bons petits plats ensoleillés nous viennent. Des envies de déjeuners et de dîners entre amis, petits moments volés à la fatigue des derniers jours de froidure et aux préoccupations d’un quotidien parfois bien difficile. L’excellent Chardonnay (2006) de Robert Skalli que m’a fait découvrir un brillant auditeur de justice qui vient de séjourner chez moi, m’a donné des idées. 

Je n’avais dans le congélateur que des manchons de canard et pour seuls légumes un grand bol de pleurotes et de l’ail. Avec des tortellini, cela donna hier soir un succulent plat fort goûteux. Mais puisque nous évoquons le soleil qui réchauffe les pierres depuis quelques jours et transforme peu à peu l’esprit même des rues et des places, installant une belle lumière italienne qui embellit les visages des passants, évoquons ce magnifique Estoras, Cabernet Sauvignon des princes Esterhàzy (2008) déniché chez un caviste du quartier (si les lecteurs bordelais insistent, je leur donnerai l’adresse). 

L’auditeur de justice en question, jeune quadragénaire passionné et de bonne compagnie, a passé chez moi ses quinze jours dévolus au stage d’entrée à l’École Nationale de Magistrature. Avec modération, comme il sied à des gens de bonne compagnie, nous avons dégusté pendant ce fortnight de très bons millésimes. Les saveurs retrouvées ou découvertes à cette occasion m’ont guidé dans de nouvelles recettes improvisées ou dans la reprise des bons vieux plats familiaux notés dans les nombreux carnets que je conserve précieusement. Le Ripasso di Valpolicella (2009) d’Allegrini, un Corte Giara de haut niveau que le futur magistrat amena avec lui (et que j'avais voulu servir frappé au grand dam du futur juge !), bu en accompagnement d’une fricassée de viande aux poireaux aurait été parfait avec la recette du classique coniglio con peperoni (lapins aux poivrons) de la zia Vittoria dont j’ai trouvé une variante chez Felice Consolo, dans un livre de cuisine piémontaise.

Manchons de canard et tortellini aux pleurotes
Ingrédients : 1 manchon de canard gras avec sa peau par personne, des tortellini, un grand bol de pleurotes fraîches, ail, persil ou basilic, beurre, graisse de canard ou huile d'olive, sel, poivre, bouillon de viande, vin blanc.

Faire cuire les pâtes al dente dans de l'au salée. Les égoutter et les maintenir au chaud.

Faire cuire les manchons dans une poêle chaude avec du sel et un peu d'huile ou mieux avec une petite cuillerée de graisse de canard. Quand l'extérieur a pris une jolie couleur, couvrir d'un bon verre de bouillon et d'un petit verre de vin blanc. Couvrir avec de l'ail haché, saler et couvrir. Laisser cuire à petit feu. Le jus doit réduire un maximum. Faire fondre le beurre dans une sauteuse, ajouter les champignons coupés en lamelles, l'ail haché, les herbes. Poivrer et saler. Ne pas laisser accrocher.

Quand les champignons sont cuits, verser le jus réduit des manchons. Préservez ces derniers au chaud. ils doivent être bien cuits avec la peau un peu croustillante Ajouter un peu de vin blanc si nécessaire. Rectifiez l'assaisonnement.

Ajouter les pâtes et bien mélanger le tout. Ajouter le canard et servir aussitôt. Couvrir chaque assiette de parmesan fraîchement râpé. C'est délicieusement gouteux !

Variante : Cuire les manchons au four avec la marinade, force ail et persil haché et les pleurotes en lamelles. Ils vont caraméliser avec la graisse du canard et les sucs mêlés vont régaler les papilles les plus rétives !

Lapin aux poivrons
Ingrédients : un lapin, 1 oignon, 6 beaux poivrons (2 de chaque couleurs), , 3 belles anchois marinées, 3 gousses d'ail, bouillon de viande, vinaigre ou vin blanc, beurre, huile, laurier, thym, romarin, basilic, sauge, persil, sel et poivre.

Couper le lapin en morceaux, le faire revenir dans une sauteuse avec de l'huile et du beurre. Ajouter une feuille de laurier, une branche de romarin frais, du thym, du basilic, de la sauge. Saler. Quand la viande est colorée, dégraisser et mouiller avec le bouillon. Laisser cuire à petit feu.

Pendant ce temps, tailler les poivrons en longueur. Faire chauffer de l'huile et du beurre dans une sauteuse. Y disposer les poivrons avec les anchois coupées et les gousses d'ail coupées en fines tranches. Faire revenir jusqu'à obtenir une belle couleur dorée. Quand les poivrons sont cuits, ajouter 1/2 tasse de vinaigre (ou de vin blanc). Remuer souvent pour éviter que le fond accroche.

Mélanger le tout au lapin. Laisser bouillir trente minutes jusqu'à ce qu'une odeur délicieuse vous vienne aux narines (et jusqu'à réduction du bouillon). Saler et poivrer selon les goûts. Ajouter le persil ciselé. Servir avec de la polenta.

14 mars 2012

San Francesco della Vigna


« Mercredi matin, à San Francesco della Vigna. J’aime, à Venise, ces quartiers éloignés peu fréquentés par les touristes et où l’on comprend mieux – si tant est qu’il y a quelque à comprendre -, où l’on saisit mieux, devrais-je dire, la vie de la ville. Il y a, dans l’église, dans une petite salle sur la gauche, où l’on descend par quelques marches, une magnifique sacra conversazione de Giovanni Bellini : la Madone avec l’enfant, entourée des saints Sébastien, Jérôme, Jean-Baptiste et François d’Assise. Le paysage du fond, comme toujours chez Bellini, est d’un calme absolu, virgilien. Un cavalier sur le chemin, trois personnages descendant une colline et une ville avec sa tour. Aussi un assez beau Véronese du début. Façade de Palladio, architecture qui me satisfait entièrement l’esprit. » 
Bernard Delvaille, 
Journal, tome 3, page 360


13 mars 2012

12 mars 2012

Un comportement stalinien avéré : la Chine impose ses vues sur le Tibet jusqu'à Venise !

Tout le monde sait que les chinois n'ont jamais fait dans la dentelle, même s'ils savent copier celle de Burano pour en inonder le marché local, mais l'évènement que Tramezzinimag tient à porter à votre connaissance que la scène s'est déroulée laisse pantois. D'autant que les protagonistes sont tous vénitiens et que cela se déroulait au Palazzo Franchetti devant des centaines de personnes médusées.
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Samedi dernier, le 10 mars a été une journée mouvementée pour l'honorable Zhang Jianting, maire-adjoint de la ville de Hangzhou. Savait-il, en se rendant aux manifestations organisées par la Municipalité de Venise que ce jour était aussi la Journée Internationale du Tibet, un jour important pour les tibétains et pour ceux qui les soutiennent. En effet, c'est le 10 mars 1959 qu'eut lieu à Lhassa un soulèvement populaire qui fut violemment réprimé par les occupants chinois. Des dizaines de milliers d’hommes et de femmes descendirent dans les rues de Lhassa pour réclamer l’indépendance du Tibet. 

Ce mouvement de protestation, porté par une population déjà exaspérée par huit années d'occupation faite de vexations et d'atroces exactions, se termina dans un bain de sang. Selon une estimation chinoise, près de 90.000 Tibétains furent massacrés. Il fallut un peu plus de trois jours à l’Armée Populaire de Libération pour venir à bout du soulèvement, mais elle ne réussit pas à étouffer le mouvement de résistance qui se répandait dans tout le Tibet. C'est à la suite de cet évènement que le Dalaï Lama quitta le pays.

Toujours est-il que la délégation chinoise venue visiter la ville de Marco Polo était là pour fêter le "Hangzhou Day" avec le faste dont les vénitiens savent entourer les opérations commerciales qui doivent se transformer en opérations juteuses pour les organisations locales. Le partenariat mis en place concerne en effet des échanges économiques mais aussi culturels. Jusque là pas grand chose à redire, si ce n'est la perspective d'un accroissement du nombre de visiteurs sur la piazza dans les mois et les années à venir. On n'est plus à Venise à une horde près... 

Ce 10 mars donc, sous un ciel printanier, Venise accueillait une série d'expositions et de performances dans l'ex-église San Vidal, ce joli petit espace dévolu à la culture depuis de nombreuses années, au pied du pont de l'Accademia. Le matin, il y eut la signature de l'accord de partenariat déjà initié lors de l'exposition de Shanghai où Venise avait un pavillon. Après une journée d'interventions, de spectacles, on inaugurait à 18heures l'exposition d'art contemporain baptisée "Modern Art Show of west Lake" constituée de créations de plasticiens chinois et vénitiens. Il y avait foule pour ce vernissage où un cocktail devait réunir le ban et l'arrière-ban, de la société vénitienne.
  
Et c'est là qu'intervient mon ami Manfred Manera. Journaliste connu et respecté à Venise, il est le fils de la célèbre artiste véneto-autrichienne, Liselotte Höhs. Accompagné de son épouse et d'un ami tibétain, Manfred se présenta à l'entrée du palais pour rappeler que ce jour était dévolu à la mémoire des massacres de 1959. D'abord courtoisement prié de ne pas manifester dans les jardins du palais, il a cependant voulu accéder à la réception. Le brouhaha qui s'ensuivit attira les journalistes présents : Manfred s'est fait rabrouer violemment par les factotums qui contrôlaient l'accès auxquels trois serveurs vinrent prêter main forte. Le motif ? Voulant montrer son soutien à la cause tibétaine à nos amis chinois, il avait endossé un drapeau tibétain en guise de châle... ..

Provocation de potache certes mais qui ne méritait pas une réaction aussi violente et tapageuse de chiens de garde. Dans son communiqué, le journaliste outré rappelle que non seulement il a été violemment refoulé d'une manifestation publique à laquelle il avait été convié, mais que le sachant décidé à se présenter devant les chinois avec le drapeau tibétain sur les épaules, l'étage où étaient réunis les autorités chinoises a été sciemment fermé, obligeant de nombreux invités à sortir par les portes de service et forçant ceux qui voulaient entrer à patienter sur le palier.

Ce type d'incident devient hélas banal, mais il montre que là où le profit est en jeu, il n'est plus question de tolérance ni de démocratie. La Chine populaire, vieille amie de Venise depuis Marco Polo, a beau s'être modernisée, elle reste une dictature, e
t l'une des dernières démocraties (populaires) qui collectionnèrent massacres et mensonges. Mais elle représente désormais trop d'intérêt aux yeux des pays occidentaux, ses partenaires du monde libéral, pour ne pas être disculpée par avance de toutes ses exactions. 


Ennemie de la liberté, ennemie du libre arbitre, ennemie de la presse libre, elle n'est que l'amie de la force, de l'argent et de l'intransigeance. Tramezzinimag soutient solennellement l'action des amis du Tibet libre et indépendant, comme nous soutenons ce Blitz tenté par Manfred Manera qui rappelait à juste titre, que S.S. le Dalaï Lama a été faite citoyen d'honneur de Venise il y a quelques années, en dépit des protestations du gouvernement chinois. Souvenez-vous : ils n'étaient pas contents du tout à Pékin et ils l'avaient fait savoir officiellement ! Pas plus alors que ne l'étaient les très libéraux membres de la Chambre de Commerce de la Sérénissime, peu regardants sur les questions des droits de l'homme au Tibet. Curieusement dès que beaucoup d'argent est en jeu...
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11 mars 2012

La phrase du jour


"Les hommes voient surgir ce que parfois ils admirent et que, le plus souvent, ils redoutent ou qui est leur secret remords : une liberté. Et ce qui est pire, une liberté sans alibi. Une liberté sans doctrine. Une liberté qui n’a même pas besoin de raisonnement, de justification, de revendication. Une liberté nue, une liberté débraillée. Une liberté insolente."
Félicien Marceau

10 mars 2012

Jean Giraud, alias Moebius a rejoint la Venise céleste



..C'est un des plus grands dessinateurs contemporains qui vient de disparaître. Le créateur de "Venise céleste" a baissé la garde devant la terrible maladie qui l'a emporté. Il allait avoir 74 ans et dessinait depuis plus de 50 ans - Blueberry) est paru en 1961. Mondialement connu, il collabora avec le cinéma : Alien, le Cinquième élément, Abyss... mais aussi avec le brésilien Paulo Coelho dont il illustra le célèbre roman, l'Alchimiste

Je lui dois mon premier papier jaùmais publié sur un quotidien. Cette première parution dans le journal Sud-Ouest, où Pierre Veilletet, alors rédacteur en chef, me commanda en 1984 un article sur l'exposition que Venise présenta à l'occasion de la sortie de l'album Venise Céleste. Et ce fut le début d'une longue aventure (il y eut ensuit une interview d'Hugo Pratt, la couverture de la Mostra du Cinéma, ma rencontre, (dans l'ordre chronologique) avec Hervé Guibert, Ionesco, Jack et Monique Lang, Danièle Mitterrand, Marie Laforêt, Fabienne Babe, Guillaume Depardieu, Valeria Golino, Comencini, et tant d'autres dont beaucoup sont restés des amis...

Et si nous reparlions de voyage ?

Le temps s'y prête, vous ne trouvez-pas ? Derrière la fraîcheur du matin, un beau ciel dégagé comme Bonnard l'aimait avec le soleil qui réchauffe et fait briller nos cœurs, il nous prend des envies d'évasions,. Des rêves de départs. Les voyages TraMeZziniMag sont nés de cette atmosphère intérieure. Quoi de plus commun qu'un voyage à Venise de nos jours ?

C'est vrai si on se contente de mettre ses pas dans les pas des milliers de visiteurs qui arpentent la ville chaque jour. Saint-Marc, le Rialto, l'Arsenal, Burano, Murano... C'est sublime tout cela, mais ce n'est pas la Venise de TraMeZziniMag. Non, notre Venise à nous est un peu décalée. Nos parcours se veulent le plus éloignés possible du sentier piétiné par les hordes. Oh bien sur, nous n'avons pas la clé de la Venise mirifique et secrète que fréquentait Corto Maltese (quoique...) mais nous nous efforçons de montrer autre chose. Laisser se dégager pour les participants cette atmosphère unique qui nous pénètre et dépayse vraiment. Des Zattere à San Pietro, des îlots abandonnés de la lagune au Lazaret des Arméniens, notre promenade se fait au rythme de chacun, flânerie à travers les siècles, les arts et l'histoire. La musique et la gastronomie y ont leur part. Plusieurs thèmes ont ainsi vu le jour. Il y en a pour tous les goûts !
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Certains disent que nous devrions nous contenter de montrer en quelques jours l'essentiel de la Sérénissime dans l'esprit du blog et de ses fidèles lecteurs. Mais les voyages à Venise sont légion dans les catalogues des "voyagistes" et il y en a pour tous les prix, et pour tous les goûts. Nous ne prétendons pas être mieux que les autres. Simplement, les voyages TraMeZziniMag sont l'occasion de faire se rencontrer des Fous de Venise et des novices, et de vivre ensemble Venise telle que nous l'aimons, authentique, unique et souriante.

Prochain départ envisagé : du 19 au 26 octobre 2012. Nombre de places envisagé : 12. Nous en reparlerons très bientôt.

09 mars 2012

PuntoVe, le nouveau magazine vénitien

Une revue moderne pour informer les vénitiens, ceux du centro storico comme ceux de la terraferma. Et accessoirement pour tous ceux qui s'intéressent à la vie culturelle, à la création contemporaine, à la musique.
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Un élément supplémentaire pour prouver au monde que Venise n'est pas un univers figé en décrépitude dont le seul avenir serait sa transformation en un super parc d'attractions, un musée à ciel ouvert. Tramezzinimag le dit et le redit, en dépit de tous les problèmes que nous ne manquons pas de dénoncer, la cité des doges est un haut lieu de créativité et d'innovations. La Venise digitale est née bien avant les autres cités d'Europe, avec l'implantation sur toute la lagune du web en accès libre. 

Il y a plusieurs années déjà, les services de télécommunications ont initié un projet interdisciplinaire ouvert à tous qui utilise les techniques les plus modernes. Plusieurs laboratoires accueillant des scientifiques du monde entier sous l'égide notamment de l'UNESCO, y sont installés qui travaillent à la découverte de nouvelles méthodes de protection des monuments et de l'environnement. L'université est à la pointe, la technologie la plus aboutie sollicitée dans le communication, les transports... L'école d'architecture voit venir à elle des postulants du monde entier... C'est peut-être cela l'avenir de Venise : devenir un super laboratoire de recherches et d'idées en même temps qu'un sanctuaire de l'art, de la pensée. Les deux se complètent pour former ce dont l'humanité a besoin : des hauts lieux de spiritualité et de réflexion. L'environnement est propice à la réflexion sur la lagune.
..Mais revenons à la jeune revue. téléchargeable dès maintenant en ligne (ICI), elle liste et détaille, en noir et blanc et dans un graphisme très à la mode, les évènements à venir sur tout le territoire de la Sérénissime. Comme un agenda. C'est beau, sobre, simple, efficace.

..Ils sont sur Facebook : http://www.facebook.com/puntove.it

05 mars 2012

Bonne semaine à tous !



3 commentaires:


Condorcet a dit…
Bonne semaine, Lorenzo ! Qu'elle soit propice à tous les Vénétophiles !
Nathanaëlle a dit…
Merci Lorenzo pour cette magifique photo, excellente semaine à vous également. Vénitiennement... Nathanaëlle
Catherine a dit…
Tout simplement merci Lorenzo pour ce rêve Vénitien.

04 mars 2012

COUPS DE CŒUR (HORS SÉRIE 23) : Enfin un Venise-Bordeaux régulier, direct et pas cher !

Arriver à Venise par avion n'est certes pas le meilleur moyen d'aborder la ville. Sauf le survol de la lagune qui, par temps clair, est toujours un bonheur, je préfère de loin l'arrivée par le pont autrichien, quand le train semble avancer sur l'eau, débouchant soudain dans une lumière irréelle qu'irradient mille parfums nouveaux... Entrer dans le bassin de Saint-Marc en bateau est aussi un réel bonheur. Mais revenons à l'avion. 

Dès le mois d'avril, et pour à partir de 20 euros, Volotea, la nouvelle compagnie low cost basée à Venise, propose un vol direct trois fois par semaine qui reliera la Sérénissime à la capitale de l'Aquitaine, sans passer par Paris ni Milan. Départ de Bordeaux à 8h.50, arrivée à Marco Polo à 10h.35. Le départ de Venise est à 6h.30 pour une arrivée prévue à Bordeaux à 8h.30. Le vol se fait en Boeing 717. Bordeaux est la seule destination française pour l'instant. Volotea desservira quatorze destinations sans escale : Budapest, Cracovie, Salonique, Brindisi, Cagliari, Olbia, Palerme et Reggio Calabre, Alicante, Bilbao, Malaga, Santiago de Compostelle, mais aussi Porto.

En attendant, le site de la compagnie permet de réserver son billet jusqu'en octobre prochain. Tramezzinimag a essayé : Pour un départ le 25 avril, histoire d'aller fêter Saint-Marc sur place et d'offrir un bocolo, avec un retour une semaine plus tard, l'aller et retour pour deux personnes est de 98 € tout compris ! Détail sympathique, La compagnie présente sur son site une fiche avec de bonnes adresses pour ceux qui découvriraient Venise (cliquer ICI)

Grandeur et décadence de l'opéra vénitien : Tramezzinimag reçoit Dominique Fernandez de l'Académie Française

L'écri­vain Do­mi­nique Fer­nan­dez s'est rendu à Ve­nise pour suivre, pas à pas, les tra­vaux de Fabio Biondi et de son Eu­ropa ga­lante sur An­to­nio Vi­valdi.
 
Venise, quelle tristesse aujourd'hui... Qu'elle se dégrade de plus en plus, qu'elle s'enfonce dans la lagune, ça on le savait. Ce n'est pas le pire. Le pire, c'est la survie artificielle, ces hordes de touristes incultes, ces vitrines obscènes de chaussures, ces réclames pour un carnaval factice, la fuite des Vénitiens, qui préfèrent la terre ferme à ce Disneyland sur l'eau sale. Même Cannaregio, l'ancien quartier communiste, derrière le Ghetto, avec ses trois canaux parallèles bordés de maisons de brique, ce secteur populaire où il n'y a rien "à voir" et qui était resté la seule partie vraie de Venise, commence à se "montmartriser", à se "boboïser" : restaurants chics et arnaque garantie. Pour compléter le désastre, la ville est devenue un désert culturel : plus une seule salle de cinéma, une Fenice exsangue qui ne donne plus que quelques spectacles par an... Ah ! vivement que Venise tombe pour de bon en ruine, qu'elle devienne la Pompéi du XXIe siècle, alors elle retrouvera sa beauté, alors on pourra y retourner.

En attendant, si on cherche bien dans le fatras des "petites musiques de nuit" ramollies et des Quatre saisons édulcorées bradées dans les églises par des orchestraillons minables à l'intention de gogos racolés dans la rue par les filles en crinoline mitée, il est encore possible de dénicher son bonheur. Ainsi, le délicieux théâtre Malibran affichait en octobre dernier deux opéras de Vivaldi. Les spectacles, faute de moyens, étaient lamentables : un bout de rideau ici, un éclairage raté là, une direction d'acteurs nulle. Mais, pour la musique, on était comblé. Grâce à qui ? à un Palermitain qui s'est installé à Parme et qui est venu, bonne âme, monter, diriger, ressusciter à Venise, avec son orchestre Europa galante, Ercole sul Termodonte et Bajazet. Fabio Biondi est depuis longtemps un passionné de Vivaldi : on n'a pas oublié ses Quatre Saisons révolutionnaires de 1992, son violon pointu, agressif, tranchant, qui faisait de la guimauve habituelle un faisan rôti goûteux.

Ercole, créé à Rome en 1723, n'est pas du meilleur Vivaldi. On y sent la fatigue, non seulement du compositeur, mais de tout un type d'opéra dont il a été longtemps le champion. Cette suite d'airs un peu vides, la complète absence de caractérisation des personnages, l'impossibilité pour le spectateur de s'intéresser à aucun d'eux, génèrent plus d'ennui que de plaisir. Malgré le talent de Romina Basso, de Roberta Invernizzi et de leurs camarades à défendre cette partition plus chargée de bonnes intentions que de beautés efficaces, on a vu plusieurs fauteuils se dégarnir aux entractes. Biondi n'aime pas les contre-ténors, c'est la seule réserve qu'on puisse faire à sa formidable contribution à l'essor actuel de la musique baroque. Il trouve qu'une mezzo féminine remplace mieux la voix de castrat. Je pense que c'est une erreur, mais, à entendre le chevrotement incolore et la dégaine empotée du seul contre-ténor engagé, un certain Jordi Domènech, on ne pouvait que donner raison à cette erreur. Que Biondi n'a-t-il entendu les neuf merveilleux contre-ténors de Sant'Alessio, Philippe Jaroussky en tête...
Pour Bajazet, c'est autre chose. Il s'agit d'un opéra charnière dans l’œuvre de Vivaldi et dans l'histoire du genre. Il a été créé en 1735. Aux alentours de 1730, explique Biondi, la musique vénitienne, l'opéra vénitien étaient entrés en crise. Ils avaient moins de succès, ils ne remplissaient plus les théâtres, bref, ils étaient passés de mode. Et au profit de quel nouveau genre de musique, de quel nouveau genre d'opéra ? De la musique et de l'opéra napolitains. On sait qu'en Italie on est friand de ces rivalités, entre villes, entre écoles, entre clans, que ce soit dans le sport ou dans l'art. Coppi contre Bartali, Juventus contre Inter, Caravage contre Carrache, Callas contre Tebaldi, on s'enflamme pour un côté ou pour l'autre. Au début du XVIIIe siècle, la guerre vocale éclate entre Venise et Naples. Venise, depuis Monteverdi et Cavalli, détenait la suprématie dans l'opéra. Mais voici que de nouveaux venus proposent une sorte plus brillante, plus amusante, plus alléchante de musique. Naples, sous l'influence des castrats, lance un modèle de virtuosité, de fioritures, de girandoles sonores, qui stupéfie, bouscule, enchante, subjugue les auditeurs, rendant poussifs et caducs les airs monocordes, les récitatifs délayés de l'opéra vénitien, tout à coup obsolète.
Pour Vivaldi, c'est un vrai drame. Car cette décote brutale de l'opéra vénitien, c'est sa propre descente aux abîmes. Lui qui régnait dans les théâtres, se retrouve renvoyé au sous-sol, comme Emil Jannings dans Le Dernier des hommes de Murnau. Il perd l'estime de ses concitoyens, il subit un effondrement de ses recettes. Une époque est révolue, et lui, qui la représentait avec éclat, est la première victime de sa disparition. Que faire ? Cesser d'écrire ? Ce sera le choix de Rossini, frappé du même ostracisme, vers 1830, quand le succès des lourdes machines meyerbeeriennes aura condamné son art fait de gaieté, d'esprit, d'humour, de fantaisie. Vivaldi, lui aussi, comprend qu'il ne peut continuer sur une voie désormais sans issue. Mais il y aurait un moyen de s'en sortir, de redorer son blason : il suffirait de s'adapter à la nouvelle mode, ou d'en faire semblant. Bajazet illustre cette crise, ce combat, ce compromis, cette compromission, et voilà pourquoi l'oeuvre est passionnante.
Le sujet lui-même se prêtait à une telle tentative de sauver le "sauvable", de se remettre à flot en transigeant avec sa conscience. Pour une fois, les personnages ne sont pas des fantoches. Le sultan Bajazet est prisonnier de l'empereur des Tatars, Tamerlan. Voilà deux hommes que leur situation respective incline à des états psychologiques opposés, occasion pour le compositeur de faire s'affronter deux styles antagonistes. Les airs pour Bajazet, pour sa fille Asteria, écrits dans le vieux style vénitien, traduisent leur mélancolie de prisonniers, leur âme déprimée de vaincus. Pour nous, ces airs sont très beaux, mais on conçoit ce que ce genre triste et noble pouvait avoir de lassant pour un public avide de nouvelles émotions. Les airs pour Tamerlan, pour Andronico, prince grec de l'entourage de ce dernier, pour Irène, princesse de Trébizonde et fiancée du Tatar, reflètent au contraire le nouveau style, rapide, enlevé, à facettes chatoyantes.
.Mais, dira-t-on, comment Vivaldi a-t-il pu changer son fusil d'épaule aussi vite ? Se renier avec autant de désinvolture, d'impudence ? C'est bien simple : il a emprunté. Emprunté leurs recettes aux Napolitains. Bajazet est un pasticcio, un patchwork fait de vieux pneus vénitiens rabibochés avec des rustines napolitaines. Les deux grands airs d'Irène ne sont pas de Vivaldi : l'air de fureur "Qual guerriero in campo armato" est de Riccardo Broschi, le frère de Farinelli, et ce morceau de bravoure a été écrit pour l'illustre castrat napolitain. C'est pour celui-ci aussi qu'a été composé le second air, de tendresse et de désespoir celui-là, "Sposa son disprezzata", le sommet de l'oeuvre, dû à Geminiano Giacomelli, élève à Naples d'Alessandro Scarlatti.
Qu'y a-t-il donc de si émouvant dans cette affaire, qui pourrait ne relever que de l'histoire de la musique ? Eh bien, comme le souligne Biondi, Vivaldi s'est identifié à Bajazet, le vaincu. La victoire politique de Tamerlan et de son entourage, il l'a transposée dans la victoire musicale de Farinelli, de Naples. Bajazet est l'aveu d'une défaite personnelle, puisque cet opéra n'évite l'échec qu'en se prostituant à l'école étrangère. Vivaldi ne gagne qu'en se soumettant. Le sultan turc se suicide d'ailleurs au dernier acte : avec sa mort, c'en est fait d'un pan entier de la musique. Vivaldi s'immole lui-même, il rend les armes à la mode ascendante. À travers le conflit de Bajazet et de Tamerlan, s'expriment la lutte de deux conceptions de l'opéra, le passage d'un siècle à l'autre, la déroute des Anciens, le triomphe des Modernes. À 57 ans (mais on est vieux alors : il mourra six ans plus tard), Vivaldi rend hommage aux nouveaux dieux, mais c'est un hommage consciemment suicidaire.
Dominique Fernandez 


Récit paru sur Quobuz, le 3 mars 2008.
Photographie © Fulvio Roiter - 1970.

6 commentaires:


jpryf a dit…
Votre analyse est particulièrement sévère mais documentée. Est-ce que , cependant,il n' y a pas un effort dans le sens que vous souhaitez au Palazzo Bru-Zane?
Virginie Lou-Nony a dit…
Il faut un sacré courage pour rendre hommage aux vainqueurs et mettre en musique sa propre mort ! Quel homme, ce Vivaldi !
Anonyme a dit…
Ce plaidoyer est une adaptation du livre "Contre Venise" de Régis Debray (1995). Je conseille de lire cet ouvrage dominé par une mauvaise foi partisane. A lire entre les lignes Régis Debray ne connaît pas Venise et probablement qu'il s'est inspiré de l'effet Danieli. Il n'est peut-être resté que quelques jours à Venise pour rédiger ce que je considère comme un pamphlet. Dominique Fernandez s'est tout simplement inspiré de ces méditations contre Venise.  Frédéric

Lorenzo a dit…
N'a-t-on pas le droit de penser de la même manière qu'un autre sans être taxé d'imitateur ? Ce qu'écrit Debray dans l'opus qu'il a commis contre Venise - qu'il connait bien mal, tant mieux pour Venise - et ce que note Fernandez - qui connait et aime Venise - n'ont à voir que les mêmes réalités vécues de la même manière. Pour ma part, je cautionne totalement l'avis de Dominique Fernandez !
Lorenzo a dit…
En effet Jean-Pierre, on peut espérer que la fondation Bru-Zane offre à Venise une qualité musicale bien supérieure aux prestations offertes à la chaîne dans plusieurs endroits de la ville. La programmation y est juste un peu élitiste et limitée à la musique romantique. Il est plus facile d'attirer le chaland en costume devant les débarcadères du vaporetto qui se régale de ce qu'il pense être de la virtuosité. Au moins, ces concerts bon marché existent et Dominique Fernandez, j'en conviens, est un peu sévère avec ces jeunes musiciens qui ne se débrouillent pas si mal. Nous reparlerons prochainement de la fondation.
Gérard a dit…
Le miracle de Venise, c'est sa transfiguration immémoriale. Ma plus belle surprise. Elle fabrique ainsi son attrait irrépressible, et des disciples par milliers. Et par là, indique son immortalité. Le reste est de peu. C'est sans doute ce qu'a fait cette crapule de Rossini à l'Argentino, le 20 février 1816, en connaissance de cause, ce qui confère une force incalculable et un prestige indémodable au cygne de Pesaro, révèle sa vertu premièr , l'intelligenc . Idem pour Vivaldi. Pour Mozart, aussi. Avec trois citoyens pareils dans sa giberne qui poussent le cuir, allez ouste les aigreurs et les noirceurs !!! Vivre devient fastoche ! On s'y fait très bien.