Dix jours à Venise, un retour longtemps prémédité. S'éloigner de la routine, oublier le quotidien. Cette atmosphère pesante qui règne ici. En dépit des embellissements, Bordeaux m'ennuie. Il pleut. Les gens sont tristes. Tout est trop bruyant, pollué. Je ne suis plus sûr de rien : dans moins d'un mois il y a le référendum. Oui, Non ? Je ne supporte plus cette foule qui arpente la rue Sainte Catherine, temple de la globalisation. Comme toutes les rues piétonnes de France et bientôt d'Europe, les mêmes enseignes, les mêmes visages las.
Nous partons. Paris, l'horrible gare de Bercy - comment peut-on accepter d'être parqué là lorsqu'on part pour l'une des plus belles destinations d'Europe. Une nuit dans le train. Le wagon restaurant avec Cesarina, la serveuse qui vit à Mestre. Le prosecco offert par la compagnie a disparu et il n'y a plus que deux personnes pour assurer le service. 26 € pour un plat de pâtes, du rôti de veau et des pommes de terre, une crème dessert. le vin est en plus. Avant l'euro, le repas était à 35 Francs et il y avait le choix entre plusieurs plats... Il y a deux ans encore, le menu était joliment imprimé. Au moins les serviettes et les nappes sont encore en tissu et c'est un délice de dîner en voyant défiler le paysage, assis à une vraie table, avec de vraies fleurs dans les vases. Rien à voir avec l'infâme Paris-Rome, où dans un vulgaire wagon corail avec trois tables trop hautes dans un couloir sale, un steward (français) agressif et désagréable, propose dans des emballages en plastique des plats insipides hors de prix. Ici au moins subiste un reste de tradition.
Cesarina me confie "ils veulent nous supprimer comme ils veulent supprimer ce train". Le seul qui reste. Les adeptes du voyage reconnaîtront qu'une nuit en wagon-lit, un dîner dans un restaurant roulant, les cahots du train, les pays traversés, font partie des délices du voyage. Tout vaut mieux que ces aéroports si froids, et ces voyages ultra rapides qui en nous dépaysant ne nous laissent pas le temps d'apprécier notre situation de voyageurs... Mais cela n'engage que moi.
Bref, délices du voyage avec le roman d'Hiromi Kawakami, "Les Années douces" , que je termine vers deux heures du matin, dans les environs de Domodossola. Et l'arrivée. Le retour plutôt. Le premier cappucino au buffet de la gare. Les croissants chauds. Le vaporetto. Ligne 82, arrêt Accademia. Quelques mètres, la fondamenta Nani, le pont, la rue de la Toletta. Quelques maisons, l'école Venier. Dorsoduro 1177 : La maison enfin !
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