J'ai eu le privilège entre 1981 et 1985 de rencontrer la célèbre Roberta di Camerino, grande dame de la mode italienne âgée aujourd'hui de 85 ans. Giuliana Coen, de
son véritable nom, a commencé pendant la guerre à créer des sacs et des
vêtements. revenue à Venise après l'armistice, elle fonda sa maison de
couture et e rendit célèbre en créant des modèles devenus fameux, comme le fameux sac Basonghi, adopté par la Princesse Grace
puis par de nombreuses célébrités américaines et italiennes.
Elle dessinait
sans arrêt et j'allais souvent chez elle, dans son palais, magnifique
bâtisse du XVIème siècle, où se croisaient des stylistes, des créateurs
de tissus, de jeunes artistes et des hommes d'affaires pas toujours
recommandables. C'était l'époque de la loge P3, des mafieux recyclés
dans la politique internationale, des politiciens affairistes. Il
y avait des gardes du corps à l'entrée. Giuliana était toujours
affable. J'étais un peu au début considéré comme le grouillot de la
maison d'édition Graziussi. Puis, à force de rencontres, de conversations et surtout après plusieurs soirées à la Fenice ou au Palais Clary,
chez le consul, Giuliana, commençant de me prendre en considération, se prit d'amitié pour moi. Contrairement à son mari, Adalberto Sansone qui s'entêta toujours à m'apostropher avec l'épithète (assez péjoratif dans la hiérarchie des titres italiens) de "geometro" pour marquer je ne sais quelle différence... Giukiana me parlait de
mille choses, et j'assistais souvent à des scènes truculentes entre son
mari, ses assistantes et elle. Bonne fourchette, c'était aussi une
excellente cuisinière et autant que je m'en souvienne, elle était membre
de notre Academia della cucina italiana, ancêtre du mouvement Slowfood
dont je vous reparlerai. Nous avons publié un très joli portfolio en
très petit tirage aujourd'hui rarissime, où la Camerino présentait une
douzaine de croquis ornés de son célèbre R pour
Roberta. La maison continue sans elle, dans le même esprit, avec
beaucoup de panache et un peu plus de modestie peut-être, après quelques
années sombres. Son logo est présent aux quatre coins du monde mais
reste peu en vogue en France.
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