"En attendant les barbares", l'esthète à sa fenêtre regarde couler l'eau du canal. La lumière qui joue sur les briques du pont, les reflets à la surface de l'eau qui se tendent et se détendent comme des flammes multicolores lui procurent depuis toujours une joie ineffable. Il pense. Tant de grâce. Toute cette harmonie que les iconoclastes bientôt détruiront.
Beaucoup déjà ont fui. Lui restera. Tant qu'un souffle de vie traversera son corps, il demeurera, là, comme le gardien d'un temple sacré. Mais peu à peu la sauvagerie s'empare des esprits et danse avec les âmes. Il le sait bien. Qu'y peut-il l'esthète à sa fenêtre ? Sans dégoût, sans regret ni colère, il referme les volets verts délavés et tire le lourd rideau de soie jaune.
Il ferme les yeux. Il ferme son coeur. Pour ne pas voir ce que son univers parfait d'équilibre et de pure beauté devient peu à peu. Il doit rester. Qui mieux que lui pourra raconter combien le décor de ce monde était parfait... Allons, attendons les barbares. A quoi bon résister ? Ils sont à nos portes, n'est-ce pas. Notre monde était bien beau. Regardez ce qu'ils en font, ces pauvres déséspérés...
posted by lorenzo at 01:06
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