Lors d'un des premiers carnavals, je me souviens d'une anecdote qui avait fait rire tous ceux qui en furent les témoins. La scène se passe sur le pont de l'Accademia. Il faisait terriblement froid et le brouillard très dense ne s'était pas levé de la journée. Les débuts du Carnaval s'avéraient bien moroses. Quelques masques, des costumes très clairsemés aux alentours de San Marco mais ailleurs, le calme plat. Un groupe de jeunes vénitiens se dirigeait vers les Zattere, des touristes passaient. Nous venions de croiser une toute jeune fille déguisée en Mickey Mouse (...), "Topolino" en italien, puis deux travestis devenus deux marquises felliniennes en rose barbie et jaune fluo à vous donner mal au foie.
Soudain, une vieille dame arriva en haut du pont tenant en laisse un petit chien, une espèce de roquet minuscule et vraiment très laid. Il portait autour du cou une sorte de fraise en tissu soyeux. L'animal avait froid et semblait assez mécontent de cet encombrant ornement qui remplaçait son habituel collier. Un des garçons qui avançait dans l'autre direction s'écria joyeusement : "varda, un gatto travestito ! " (regardez, un chat déguisé !)... Et tout le monde éclata de rire. Un rire qui résonna sur le pont et aux alentours pendant quelques minutes. La vieille dame vexée hâta le pas, les deux travestis qui avaient d'abord cru qu'on parlait d'eux ricanaient avec les autres et Topolino, effrayé par le bruit partit en courant, semblant confirmer ainsi l'allégation du jeune homme spirituel.
Cette photo reçue ce matin (datée du 11 février) m'a remis en mémoire cette petite histoire que je revois encore parfaitement. Il faisait un froid de gueux ! Maurice Béjart et sa compagnie dansaient au son du Boléro de Ravel sur la Piazza, le campo San Polo accueillait un extraordinaire bal macabre et I solisti Veneti jouaient emperruqués et poudrés à la Fenice.
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