Tous les
amoureux de la Sérénissime ont tendance à vouloir se l'approprier. Ils
conservent jalousement leurs bonnes adresses, le secret de leurs
itinéraires et ne voient jamais d'un bon oeil qu'un autre connaisse le
même bar, la même cour avec son somptueux puits renaissance. Mais cette
universalité de Venise a aussi un bon côté : il se forme par la magie
des moyens de communication modernes une gigantesque communauté de
coeur, sympathique et active qui partage son amour. Venise mérite bien
ainsi le surnom qu'on lui donnait autrefois : "la Dominante"... Je crois
que même en le voulant, on n'en finit jamais avec Venise. Et puis
pourquoi en finir avec cette passion qui nous lie à l'un des plus beaux
et des plus magiques lieux de vie du monde ?
"I love bácaro", me disait une amie japonaise. Comme elle, j'adore les bacari, ces vrais bars vénitiens où l'on sert du vin tiré des barriques et des cicheti, les tapas vénitiens, toujours délicieux. Le mot viendrait du latin "ciccus" qui veut dire en petite quantité. Le terme bacaro viendrait quant à lui de Bacchus (Bacco en italien)...
Un verre de prosecco, une assiette de petits poissons grillés, des
anchois, un oeuf dur, du jambon, des artichauts grillés marinés à
l'huile, des boulettes de viande, des gros haricots blancs... Autrefois
on trouvait peu de variétés de ces amuse-gueules, ils
permettaient de boire davantage sans être trop vite malade. C'est devenu
une institution maintenant, et chaque bacaro y va de sa spécialité plus
ou moins sophistiquée qu'il cherche à attirer de nombreux clients
étrangers ou qu'il veuille maintenir l'authenticité et l'esprit "casalinga".
Les touristes se plaignent souvent de l'accueil froid voire
désagréable. On y parle volontiers en dialecte. C'est un peu comme
lorsque vous débarquez avec votre appareil photo en bandoulière dans un
pub au fin fonds du Pays de Galles ou en Écosse. Cela dérange. Mais dès
qu'ils se rendent compte que vous essayez de vous plier aux usages
locaux, que vous ne réclamez ni coca ni pizza, tout s'arrange et si,
lors de votre séjour vous y retournez plusieurs fois, vous finirez par
être admis et le patron vous accueillera d'un gentil sourire. C'est
ainsi. Mais j'ai le souvenir de bouchons lyonnais où on se demande jusqu'à l'addition (et même après) si on n'est pas un ennemi personnel du patron tellement l'accueil est glacial et agressif... Les bacari vénitiens, il faut y aller un peu avant midi et en début de soirée, quand les cicheti
sont juste terminés et sortent tous frais de la cuisine. C'est là
qu'ils sont les meilleurs et puis on voit les gens arriver, il y a peu
de monde.
Quelques bonnes adresses : Ai do Mori, Canareggio 429 (calle dei do Mori), Osteria Al Garanghelo, Castello 1641 (via Garibaldi), cantina da Alberto -
attention à l'aventure, un lieu réellement peu accueillant pour les
touristes du genre de ceux contre qui nous déversons notre ostracisme -
Cannaregio 5401 (calle larga Giacinto Gallina, I Promessi sposi, Cannaregio 4367 (Calle dell'Oca, près de la Strada Nova), Al Bomba, Canareggio 4297 (située aussi Calle dell'Oca, cette petite rue parallèle à la Strada Nova entre Sta Sofia et Sti Apostoli), Alle Alpi di Dante (Corte Nova). Antica Adelaide à Cannaregio aussi, (3728 calle larga del Dose Priuli) Mais il y en a heureusement plein d'autres.
Masaneta alla Venexiana
Parler des cicheti me donne envie de vous détailler mes préférés. Tout d'abord en ce moment, un délice qu'on trouve dans les meilleurs endroits : le Carcinus mediterraneus, en vénitien la Masaneta, la femelle fécondée du crabe commun qu'on trouve en abondance en Méditerranée mais seulement pendant une assez courte période dès la fin août et jusqu'aux premiers jours de décembre si le temps a été clément. C'est en ce moment même la meilleure période car la femelle, dont la chair est plus fine que celle de son compagnon, est en période de pré-ovulation, sa vieille carapace se fait très tendre. C'est un délice.
La préparation n'est pas compliquée. La seule difficulté (pour les âmes sensibles) c'est que ces dames crabes doivent être fraîches donc vivantes au moment où, terribles bourreaux que nous sommes, nous allons les plonger dans de l'eau bouillante salée (il faut auparavant bien les laver). Laissez cuire 5 à 6 minutes pas plus. Éteindre ensuite le feu et laissez tiédir.
Égoutter les crabes et détacher les pattes et avec l'aide d'une fourchette, détachez le dessus de la carapace puis séparez la partie supérieure de la carapace du reste du corps, mettre le tout dans un saladier, assaisonnez avec une sauce faite d'huile d'olive, d'ail et de persil haché, salez et poivrez.
Laissez reposer au moins une heure pour que la chair s'imbibe de la totalité de la sauce. Servir avec des morceaux de polenta grillée et une bouteille de Soave ou de Pinot grigio selon votre goût.
Parler des cicheti me donne envie de vous détailler mes préférés. Tout d'abord en ce moment, un délice qu'on trouve dans les meilleurs endroits : le Carcinus mediterraneus, en vénitien la Masaneta, la femelle fécondée du crabe commun qu'on trouve en abondance en Méditerranée mais seulement pendant une assez courte période dès la fin août et jusqu'aux premiers jours de décembre si le temps a été clément. C'est en ce moment même la meilleure période car la femelle, dont la chair est plus fine que celle de son compagnon, est en période de pré-ovulation, sa vieille carapace se fait très tendre. C'est un délice.
La préparation n'est pas compliquée. La seule difficulté (pour les âmes sensibles) c'est que ces dames crabes doivent être fraîches donc vivantes au moment où, terribles bourreaux que nous sommes, nous allons les plonger dans de l'eau bouillante salée (il faut auparavant bien les laver). Laissez cuire 5 à 6 minutes pas plus. Éteindre ensuite le feu et laissez tiédir.
Égoutter les crabes et détacher les pattes et avec l'aide d'une fourchette, détachez le dessus de la carapace puis séparez la partie supérieure de la carapace du reste du corps, mettre le tout dans un saladier, assaisonnez avec une sauce faite d'huile d'olive, d'ail et de persil haché, salez et poivrez.
Laissez reposer au moins une heure pour que la chair s'imbibe de la totalité de la sauce. Servir avec des morceaux de polenta grillée et une bouteille de Soave ou de Pinot grigio selon votre goût.
Il y a aussi les Polpette,
ces petites boulettes faites d'un mélange de viande de boeuf et de veau
mélangées à du pain trempé dans du lait, assaisonnées d'ail et de
persil, la Bacalà mantecata (brandade de morue) servie sur des petites tartines de pain grillé ou la Bacalà alla Giudia (plus rare aujourd'hui, ce sont des filets frits). le Rumegal (panse de boeuf bouillie marinée à l'huile), et plein d'autres spécialités le plus souvent à base de poisson ou de crustacés frits ou grillés.
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2 commentaires:
(Parues sur TraMeZziniMag l'original, avant sa suppression par Google)
Anonyme a dit…
Je me réjouis de découvrir Venise à la "Tramezzini" !!!
Je vais emporter chacun de vos posts pour être sûre de rien oublier et d'honorer cette ville comme elle le mérite. Ce que vous écrivez sur les "bacari" me rappellent ces petits bars merveilleux ds la vieille ville de San Sébastian.
Sunny
17 novembre, 2007
Lorenzo a dit…
Il y a quelques ressemblances en effet. Les basques et les vénitiens sont des cousins et puis la bacalà ne fait elle partie de la gastronomie des deux peuples ? Le particularisme de leurs langues ?
17 novembre, 2007
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