Ses artisans sont appelés à Venise les Batifogia,
ce sont les derniers batteurs d'or. Ils fournissent les plus grands
orfèvres et nombre des dorures restaurées de la Sérénissime et
d'ailleurs dans le monde (Notre Dame de Lourdes par exemple),
l'ont été avec les fines feuilles d'or sorties de leurs ateliers. Leur
corporation comptait à la chute de la République plus d'une cinquantaine
de maîtres-batteurs, et près de deux cents apprentis et ouvriers
qualifiés. Comme tous les métiers traditionnels de la Sérénissime, les
batteurs d'or se raréfièrent avec le temps. Il n'en reste qu'un
aujourd'hui, célèbre dans le monde entier : La Ditta (l'entreprise) Mario Berta Battiloro, installée depuis 1926 dans le palais qui fut la demeure du Titien, à Cannaregio.
Installée depuis le Moyen-âge à San Lio, la scuola s'installa dans ce bâtiment au début du XVIIIe siècle. Scuola minore, elle n'a jamais eu le retentissement culturel des grands établissements couvertes
des chefs-d'oeuvre des plus grands maîtres de la peinture vénitienne.
Ce fut cependant une confrérie puissante et dynamique, qui dépendait
directement des plus hautes autorités de l'Etat. pensez-donc, on y
travaillait l'or, matière fondamentale pour la bonne marche de la
république et de la majorité du monde d'alors.Cette scuola regroupait tous les batteurs et les tireurs d'or. On y enseignait aux jeunes apprentis le battage de l'or et de l'argent réduits en fils et en feuilles très fines. Les saints patrons de la scuola étaient
Saint Quiricio, Sainte Judith, et Saint Josephat. Dans le recensement de 1773, il ne restait plus que 32 batteurs avec 9 ateliers. La scuola était contrôlée par le tribunal des Giustizie Vecchie et par les provveditori della Giustizia vecchia, tandis que les Provveditori di Comun réglementaient le travail et les finances de la corporation. La Milice de la Mer régissait les différentes taxes fiscales. Avec l'arrivée de Napoléon
puis la domination autrichienne, cette activité s'éteignit peu à peu et
au milieu du XIXe siècle, dans les rues où se retrouvaient regroupés
les ateliers des batifogi, le bruit des marteaux martelant le
métal, avait définitivement disparu. Jusqu'en 1926, temps de la
Renaissance d'une des plus anciennes activités de l'artisanat vénitien.
Cet
art est plusieurs fois millénaire, puisque les procédés sont quasiment
les mêmes que dans l'Antiquité et que l'usage du battage de l'or est
arrivé à Venise avec des artisans byzantins au tout début du moyen-âge,
l'empire romain d'Orient était encore debout. Pas de machine, pas de
procédés mécaniques ou chimiques qu'on devrait aux progrès des
techniques modernes. L'or
est battu à main d'homme pendant des heures jusqu'à obtenir ces
feuilles tellement fines qu'un geste trop vif en fait des lambeaux qui
s'envoleraient presque. Les produits de “Mario Berta Battiloro”
sont connus dans le monde entier pour leurs caractéristiques uniques et
la fascination que tout visiteur ressent devant la méthode millénaire
du batifogi.
5 commentaires:
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J'ai oublié d'ajouter que votre reportage est passionnant. Il est à regretter que tous ces savoir-faire, ces apprentissages transmis tout au long des temps , ces métiers d'art sont amenés à disparaitre, tout cela pour des raisons uniquement d'argent, de rendement, de revenus.
Le système se mord la queue, et il sera sans doute trop tard pour renverser la vapeur si on ne se bouge pas. Souhaitons que nos artistes en tout genre, si précieux, puissent relever la tête pour le plus grand bonheur de nous tous. -
Le premier message a disparu, ce qui rend le second un peu "strange". Qu'en était-il?
Les petits carnets ont une dizaine de feuilles d'or, le format étant de 10x10. Le geste est délicat, il faut souvent utiliser le souffle pour les décoller du support, beaucoup d'adresse, de précision.
La Porte- Fausse dans le Vieux Nice a été restaurée sur un projet artistique de Sarkis: marbres de Carrare, avec des veines superbes, et le plafond recouvert de 14000 feuilles d'or.Maitre d'œuvre le petit frère!
Je mets quelques images dans les Idées, si cela vous intéresse. -
Beau métier en vérité.
"Battre" de l'or, pour le soumettre aux volontés de l'art, mais aussi pour le punir de rendre les hommes aussi avides. Voilà un jeu de mot facile, pardonnez-moi. -
Merci pour cette passionnante publication. Nous souhaitons tous que ces traditions artisanales ne se perdent pas. C'est bien plus qu'un simple travail, c'est une philosophie.
Anne -
Je suis passée de nombreuses fois devant la maison "sucre d'orge", je pensais que c'était un petit musée ou une galerie d'anquités, surtout qu'il y a de temps en temps de belles expositions dans l'Eglise S.Stae. Je me souviens avoir vu des sculptures de Camille Claudel et de Renoir...mais je m'éloigne du sujet. Je souhaite que tous ces beaux et nobles métiers d'artistes puissent se transmettre encore longtemps
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