Il y a Il y a trente ans, par un bel après-midi de mai, je prenais la décision de vivre à Venise. J'avais longtemps hésité. La mort de mon père, le départ de la grande maison de famille qui avait abrité mon enfance et mes premiers pas vers l'âge adulte, mes débuts poussifs et contraints dans le monde professionnel, une histoire d'amour qui me laissa longtemps le cour brisé... Toute ma jeune on existence avait été, en quelques mois, complètement bouleversée.
Face à tous ces changements, il y avait bien la douce tentation de l'engagement religieux et les frères de Taizé me tendaient la main. Mais je sentais qu'il me fallait autre chose sans savoir encore quoi.
Une simple enseigne de laiton doré figurant le lion de San Marco m'apparut un matin en ouvrant mes fenêtres : Un immeuble était en chantier. Sur plusieurs étages un gigantesque échafaudage protégé par une bâche, cachait la splendide façade. J'allais découvrir qu'il s'agissait du nouveau siège régional des Assicurazioni Generali. Le bâtiment se dressait de l'autre côté du cours, presque en face de chez nous, et les échafaudages jusqu'à ce matin-là cachaient l'enseigne géante... Tourmenté, triste et indécis, j'étais appuyé à la balustrade d'une fenêtre, pour fumer. Perdu dans mes pensées, je ne remarquai pas les ouvriers qui s'affairaient sur le chantier. Soudain un bruit pareil à celui que font les voiles qu'on affale, attira mon attention.
La bâche s'ouvrit. Un rayon de soleil jouait avec les tubulures de l'échafaudage et apparut devant mes yeux, irradiant comme un trésor sortie des limbes, une énorme enseigne avec la silhouette du lion de Venise et sa devise, « Pax tibi Evangelista mea »... Ce signe du destin était clair. Quelques semaines plus tard, j'étais vénitien. Je débarquais à la Ferrovia Sta Lucia. J'avais un peu d'argent, plein de livres, quelques vêtements et la certitude d'être enfin arrivé.
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