J'avoue ne plus
savoir ce qu'il en est. Les politiques prétendent que l'avenir
économique de Venise est à Mestre comme il le fut un temps à Marghera...
Marghera vaste complexe industriel né de la volonté d'un riche
aristocrate visionnaire n'est plus qu'une gigantesque friche qui se
transforme peu à peu et à qui on doit l'inexorable pollution de la
lagune et l'empoisonnement d'un écosystème qui apporta la vie et la
prospérité aux vénitiens pendant plus d'un millénaire. Mestre dans sa
laideur contemporaine n'a rien à voir avec Venise. C'est un autre monde.
Certes il est peuplé aujourd'hui de tous ceux que la spéculation et le
tourisme a chassé du centre historique, mais ce n'est rien qu'un gros
bourg de province grandi trop vite gonflé de ces zones urbaines où on
vit mal et tristement et qui dégénèrent peu à peu en nids de délinquance
et d'exclusions. Tout au long de son existence souveraine jamais Venise
n'a connu cette misère déguisée sous des oripeaux de confort et de
modernité. L’État prenait soin des pauvres et des laissés pour compte.
Tous les sujets de la Sérénissime mangeaient à leur faim. Jusqu'à la
révolution française, les pitoyables razzias de Buonaparte et l'insane occupation autrichienne. Le Corbusier disait que "Venise est la cité de l'avenir parce que la ville piétonne est le rêve de tous les architectes"...
Sans tourner le couteau dans la plaie on peut se poser des questions
sur l'avenir justement quand on voit les difficultés des administrateurs
d'aujourd'hui quand il s'agit d'élever un quatrième pont sur le grand
canal (avec l'aide de toutes les techniques sophistiquées du XXIe siècle) face à l'aisance de ceux qui érigèrent en un temps record un des chefs-d'oeuvre de l'architecture qu'est le pont du Rialto (sans ordinateur, sans interventions extérieures et sans incident technique). Il est clair que Santiago Calatravà n'est pas Antonio da Ponte ! Massimo Cacciari n'est pas non plus le doge Pascuale Cicogna sous le règne duquel le pont du Rialto fut construit.
Alors
avec toutes ces ratiocinations, les vénitiens crient leur ras-le-bol.
Ils veulent vivre, travailler et mourir au pays. Cela ne vous rappelle
rien ? Moi oui, les paysans des montagnes que chantait Jean Ferrat et que le progrès, la croissance, et tutti quanti
forçaient à partir peu à peu pour renforcer les rangs des déclassés,
des exploités dans les barres de H.L.M. des grandes cités, purs produits
de notre époque moderne. Mais je m'égare. Il s'agit de Venise et des
vénitiens, pas de Roubaix-Tourcoing. Mais le résultat est le même.
4 commentaires: