On a
repêché l'autre jour le cadavre d'un homme flottant dans les eaux du
grand canal. Cela ne se produit plus très souvent mais l'évènement a
fait jaillir des tas de souvenirs dans l'esprit des vénitiens. Des bons
et des mauvais.
Saviez-vous
qu'autrefois, la République faisait exposer les noyés sur la piazzetta
dei leoncini, cette petite place située à côté de la basilique San
Marco, devant l'actuel patriarcat (demeure de l'archevêque de Venise).
Là, les cadavres repêchés dans les eaux de la lagune étaient exposés
sur des brancards afin de permettre aux familles de venir reconnaître
parmi les dépouilles gonflées par l'eau de la lagune leurs disparus.
C'était devenu une attraction. La nuit, des lanternes éclairaient les
catafalques sous la surveillance des soldats qui veillaient à ce que
personne ne vienne voler ce que les noyés pouvaient avoir sur eux. Il y
eut une période où les brancards remplirent toute la place. C'est que
pendant longtemps, il n'y avait pas de parapets.
On pouvait glisser d'un
pont ou marcher trop près de la rive. L'eau est froide en hiver et peu
de gens autrefois savaient nager. Il
y avait aussi les noyades provoquées. Un mari jaloux, un marchand
escroqué, un adversaire politique. La méthode fit ses preuves. Pour
rentrer chez soi la nuit, puisqu'il n'y avait pas d'éclairage public (ou,
quand il y en eut un il n'existait pas dans toutes les rues de la cité
et ne fonctionnait qu'aux alentours immédiats de San Marco), les vénitiens utilisaient les services de jeunes gens munis d'une lanterne spéciale que l'on appelait el Codega (les porteurs de lumières furent ainsi baptisés "codegon").
Une loi de 1450 obligeait toute personne circulant dans la ville après
trois heures du matin à se munir d'une lumière afin d'être
reconnaissable. Il y avait tellement d'agressions.
Comme partout régnait
une obscurité absolue parfois allégée par la présence de la lune et, de
loin en loin, par les lumignons (les "cesendeli")
qui brûlaient devant les petits temples votifs dédiés à la Vierge ou à
des saints, il fallut bien trouver des solutions. ce fut El codegà.
L'usage de ce service permettait de circuler en conformité avec la loi
si on n'avait pas avec soi de lanterne ou de bougie. Comme il n'y avait
pas de rambardes ni sur les ponts, ni le long des canaux, il était
facile de tromper quelqu'un. Il suffisait que le porteur de lumière
accélère et se rendre sur l'autre rive d'un canal par exemple puis
attire son client qui pour ne pas le perdre de vue s'engage en direction
de la lumière et plouf, le voilà à l'eau. Après une soirée bien arrosée
et un trop riche repas, l'eau glacée de la lagune avait la plupart du
temps raison de la pauvre victime. Le porteur de lumière éteignait vite
sa lanterne et rentrait chez lui, la bourse bien remplie pour son
méfait. D'autres fois, suivant le codegà dans des ruelles éloignées, le
passant était attendu par des trousse-jarets qui l'assommait ou le
transperçait de leur lame effilée et il finissait dans l'eau... On
retrouvait nos pauvres victimes le matin sur la piazzetta dei
leoncini...
3 commentaires:
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Ciao Lorenzo,
Je ne connaissais pas l'ancienne "utilisation" de la piazzetta....
Pour ma famille, tous les enfants se sont faits photographiés assis sur un des leoncini de la photo. Tradition!! que j'ai bien sûr appliquée avec plaisir qui j'espère perdura un jour quand je serai nonna.
A presto
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il semble d'après les webcams branchées en permanence sur 5 endroits de
Venise que la meilleure semaine pour y aller soit celle-ci = juste avant
le carnaval : presqu'aucun touriste! Marie G
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Effectivement, il faut en profiter. Le temps n'est pas si mauvais et la
foule reste absente. Mais c'est hélas un peu comme le calme avant la
tempête...
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