03 juin 2008

Aurélien Delage en concert à Bordeaux

Il y a deux ans, dans ce blog dédié à Venise et donc à la beauté (excusez ce raccourci ampoulé, il est certainement dû à l'âge), je rendais compte d'un merveilleux concert passé hélas presque inaperçu, que donna Olivier Baumont, dans les Foyers de l'Opéra de Bordeaux. Jeudi dernier - par un heureux hasard, le jour anniversaire de la naissance de Gustav Leonhardt - Aurélien Delage donnait un récital au Temple du Hâ.

 

 Ce jeune homme d'origine charentaise, qui n'a pas trente ans, enseigne le clavecin au Conservatoire de Bordeaux et la flûte à Lisieux. Passionné de pédagogie, il a su fasciner un grand nombre de jeunes musiciens qui découvrent à ses côtés le bonheur que peut procurer la musique ancienne. Aurélien Delage vient de sortir un livre-disque, magnifique album travaillé jusque dans le moindre détail et consacré aux clavecinistes de Louis XIV et baptisé "L'Entretien des Dieux" : Chambonnières, d'Anglebert et Couperin. Je vous en reparlerai dans mes Coups de Coeur du mois.

L'entretien des Dieux, c'était l'essentiel du programme de ce concert qui se déroulait l'autre soir, dans un lieu austère (le temple du Hâ est une ancienne église du XVIIème siècle qui abritait la communauté fondée par Jeanne de Lestonnac, nièce de Montaigne) réchauffé par une mise en lumière sublime de chaleur et de douceur, le clavecin noir et or, réplique d'un instrument français de 1667, conservé à Boston et réalisée par Guillaume Rebinguet-Sudre, lui aussi professeur au Conservatoire (il y enseigne le violon baroque) et admirable facteur de clavecin. 
 
 
Le public enthousiaste - un peu plus d'une centaine de personnes, dans un lieu qui peut recevoir près de 400 - eut beaucoup de mal à se lever tant le charme avait agi. Les agapes proposées après le concert lui permirent de rencontrer l'artiste. Parmi les spectateurs, de nombreux musiciens, mais aussi des jeunes gens qui entendaient pour le première fois du clavecin. 
 
 
Un merveilleux concert vraiment, où le jeu tout en retenue et en délicatesse de l'artiste convenait à merveille aux pièces présentées. Cette manière de jouer très intérieure, très spirituelle, pénétra vite l'assistance qu'on sentait tout d'abord attentive, puis peu à peu transportée. L'élégance de ce jeu, les qualités sonores de l'instrument étaient complétées par une mise en lumière simple et raffinée. En effet, l'éclairage, dû au talent de Jérôme Verghade, le talentueux directeur des Chants de la Dore (ce petit festival qui monte et qui monte au point d'être devenu le deuxième festival d'Auvergne) et producteur du disque, rendait les lieux et la musique encore plus magiques. Semblable à un éclairage à la bougie au début de la soirée quand le soleil éclairait encore les vitraux du temple, la lumière s'épanouit peu à peu dans une palette de bleus. Le soleil s'atténuant, la surprise fut grande après l'entracte de voir surgir, derrière le clavecin une gigantesque forme qui rappelait la silhouette imposante d'un homme. De là à y voir l'ombre de Louis XIV en majesté, il n'y avait qu'un pas que les spectateurs franchirent allègrement. A droite du public, les jaunes mordorés pouvaient symboliser le soleil couchant, Couperin accompagnant la fin de la grande époque du roi-soleil et, à la gauche du public, la lumière plus crue, plus blanche, irradiait les étoiles montantes : le concertiste évidemment, mais aussi les jeunes musiciens venus l'écouter... 
 
Un grand moment en vérité grâce une interprétation qui n'était pas sans rappeler le brillantissime Scott Ross ! Le deuxième bis, clin d'oeil à la communauté protestante qui offrait ce soir-là son temple à la musique du temps de la Révocation de l'Edit de Nantes : le choral "In Dulci Jubilo" de Jean Sébastien Bach qui s'achève sur cette phrase "Alpha este O(mega)". La boucle était bouclée. 
 
 
L'ombre tutélaire du vieux roi pouvait doucement s'éteindre et on entendait déjà, dans la salle à côté, le tintement des verres et des bouteilles du cocktail qui suivit. 
 
P.S. : Bordeaux est ville-candidate au statut de capitale européenne de la culture en 2013. Après des lustres d'un doux assoupissement, la belle s'est réveillée. La foule de touristes ne trompe pas : elle est redevenue belle, accueillante, et mille projets foisonnent. Autour de cette jeune équipe du conservatoire, autour de ces ensembles, ces groupes, ces associations, Bordeaux se découvre amateur de musique et la qualité est vraiment au rendez-vous. 
 
Pourtant les édiles ne semblent pas avoir encore pris la mesure de cette révolution : Bordeaux qui n'a jamais abandonné son goût ni sa passion pour les arts plastiques, redécouvre la (grande) musique et il ne se passe pas un soir sans qu'un spectacle le plus souvent de bon niveau ne soit offert au public bordelais. Je n'ai vécu ce bouillonnement qu'à Venise ou à Florence ! 
 
Photographies Bernard Delage - Tous droits réservés.

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1 commentaire:

Anna a dit…

Qui a dit qu'il ne se passait jamais rien à Bordeaux ? A vous lire et bien que je ne connais pas beaucoup cette ville, il me semble au contraire que ça bouge sacrément chez vous !

02 juin 2008

1567 signatures pour la campagne "Nascere a venezia"

Le 25 mars dernier se terminait la pétition “Nascere a Venezia” (Naître à Venise). Toutes les signatures ont été consignées aux responsables de l'ULSS par une délégation de l'association 40xVenezia. Il a été récolté 1.161 signatures grâce à l'intervention des internautes et 406 sur place à Venise. 

Le mouvement se félicite de l'enthousiasme de tous ceux qui ont bien voulu réagir devant cette décision administrative stupide qui priverait le centre historique de Venise d'une maternité et mettrait fin à la possibilité millénaire de naître citoyen de Venise puisque Mestre n'est qu'une commune rattachée. 

Vous avez été nombreux à signer la pétition sur TramezziniMag et les organisateurs de notre mouvement m'ont demandé de vous remercier. Bravo donc pour vos signatures !

 

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1 commentaire:

Bérengère a dit…

Bravo à vous pour cet excellent travail. Je passe chaque jour lire vos billets et j'avoue que je me régale. A quand un livre ? Peut-e^tre en avez vous déjà publié ? Merci de partager avec nous votre passion et votre culture.

COUPS DE CŒUR N°27

Bon, la réputation des vénitiens n'est plus à faire : à Venise, on boit beaucoup et il y a pléthore de lieux pour déguster du bon vin, en bonne compagnie. Je ne dirai pas que les vénitiens sont tous des alcooliques. Mais de grands buveurs plutôt. Il faut reconnaître que l'ennui, le monde qui va trop vite pour l'état d'esprit ancestral des habitants de la lagune, les malheurs des uns et des autres, l'insularité primaire et puis ce côté matriciel qui retient tous ceux qui vivent à Venise mallgré eux mais qui ne peuvent se passer longtemps d'elle, la nostalgie de la grandeur et la certitude d'être uniques, tout pousse le vénitien à s'en jeter un derrière le gosier, puis un autre et encore un. Cela donne de bien piètres situations. C'est aussi un merveilleux outil de socialisation. Que ceux qui poussent des cris d'effroi se rendent un soir d'hiver, quand le ciel est bas, le brouillard terrible et la ville détrempée, comme en noir et blanc, dans un bar de quartier. Ils comprendront. La chaleur qui les accueillera, la douceur des nectars qui les réconforteront et les réchaufferont, tout cela fera fondre leur réticence. Sans vouloir passer pour un ivrogne non plus, ce billet présente une série de bars sympathiques que je connais et que je recommande. Pour être bon vénitien...
 
Alla Patatina 
Calle Saoneri, 
San Polo 2742.
Tel. : 041 523 7238
vaporetto : San Tomà linee 1 - 82
Un endroit sympathique situé près du Campo San Polo. Cicheti et petits plats rapides. La polenta y est très bonne. Tarifs très raisonnable pour l'apéritif. Joli décor presque authentique. Bon accueil même envers les forestieri (étrangers). Débridé et souvent animé le soir. Bons vins. Pour déjeuner ce n'est pas mal non plus mais ils pratiquent des prix new yorkais. Mieux vaut se contenter d'y boire entre amis, au comptoir, avec les vénitiens. Pour dîner, il y a mieux ailleurs.

Do Mori
Calle Galiazza et Calle Do Mori
San Polo 429
Tél. : 041 52 25 401
Ce lieu est connu, très fréquenté mais garde son cachet authentique et on y est bien. Particulièrement en hiver quand il fait mauvais, l'atmosphère y est chaleureuse. C'est petit, le décor rustique fort sympathique. Un classique. On raconte qu'il y a là depuis toujours une taverne et que Casanova y avait ses habitudes, la fille du patron de l'époque étant particulièrement à son goût. Les tramezzinini y sont délicieux, entre autres...
.
Cavatappi
Campo della Guerra
San Marco, 525
041 29 60 252
TLJ de 9 heures à minuit (sauf lundi et dimanche soir). 
L'un des trois meilleurs spritz de Venise se consomme ici sous la férule de Marco Ginabri, le patron et de sa compagne, Francesca Tegon. Un peu cher c'est vrai mais la qualité est au rendez-vous. C'est propre, accueillant et très fréquenté.
.
Paradiso Perduto
Fondamenta della Misericordia,
Cannaregio 2540
041 72 05 81
Sa réputation n'est plus à faire depuis les années 70 où il fit son apparition dans le paysage nocturne vénitien. Ce lieu avec sa cheminée, ses grandes tables de bois et son atmosphère "surchauffée", attire vénitiens, jeunes et moins jeunes, et les étrangers amateurs d'authenticité. On y entend souvent de la bonne musique, des déclamations de poésie. On y est bien accueilli, ce n'est pas trop cher. Pour une soirée agréable et sans façon entre copains, c'est un des lieux que je recommande. Le vin y est bon, la musique aussi.
.
Il y en a plein d'autres bien évidemment, citons le "Café Noir", le "Caffè Blu" , le "Caffè Rosso", "Ai Postali", "Vitae" (qu'on appelait autrefois "Al Mura"), "Imagina", "Alla Mascareta", "Ai Rusteghi", "Al Portego", "Al Ponte da Alberto" (dont j'ai déjà parlé je crois). Une mention spéciale pour mon ancien Q.G. d'étudiant, le bar "Ai Do Draghi" (déjà largement cité sur ce site)...

2 commentaires:

anita a dit…

Lors de mon dernier séjour , fin mars ( froid et pluie ) j'ai pu tester le "do Mori" : je confirme : tramezzini très goûteux et ambiance à ne plus vouloir quitter le lieu ...
anita

Douille a dit…

Un chance... J'ai souvent été assez mal accueilli dans des bars à cicchetti...

COUPS DE COEUR N°27

Bon, la réputation des vénitiens n'est plus à faire : à Venise, on boit beaucoup et il y a pléthore de lieux pour déguster du bon vin, en bonne compagnie. Je ne dirai pas que les vénitiens sont tous des alcooliques. Mais de grands buveurs plutôt. Il faut reconnaître que l'ennui, le monde qui va trop vite pour l'état d'esprit ancestral des habitants de la lagune, les malheurs des uns et des autres, l'insularité primaire et puis ce côté matriciel qui retient tous ceux qui vivent à Venise malgré eux mais qui ne peuvent se passer longtemps d'elle, la nostalgie de la grandeur et la certitude d'être uniques, tout pousse le vénitien à s'en jeter un derrière le gosier, puis un autre et encore un. Cela donne de bien piètres situations. C'est aussi un merveilleux outil de socialisation. Que ceux qui poussent des cris d'effroi se rendent un soir d'hiver, quand le ciel est bas, le brouillard terrible et la ville détrempée, comme en noir et blanc, dans un bar de quartier. Ils comprendront. La chaleur qui les accueillera, la douceur des nectars qui les réconforteront et les réchaufferont, tout cela fera fondre leur réticence. Sans vouloir passer pour un ivrogne non plus, ce billet présente une série de bars sympathiques que je connais et que je recommande. Pour être bon vénitien...
 
Alla PatatinaCalle Saoneri, San Polo 2742.
Tel. : 041 523 7238
vaporetto : San Tomà linee 1 - 82
Un endroit sympathique situé près du Campo San Polo. Cicheti et petits plats rapides. La polenta y est très bonne. Tarifs très raisonnable pour l'apéritif. Joli décor presque authentique. Bon accueil même envers les forestieri (étrangers). Débridé et souvent animé le soir. Bons vins. Pour déjeuner ce n'est pas mal non plus mais ils pratiquent des prix new yorkais. Mieux vaut se contenter d'y boire entre amis, au comptoir, avec les vénitiens. Pour dîner, il y a mieux ailleurs.

do Mori
Calle Galiazza et Calle Do Mori
San Polo 429
Tél. : 041 52 25 401
Ce lieu est connu, très fréquenté mais garde son cachet authentique et on y est bien. Particulièrement en hiver quand il fait mauvais, l'atmosphère y est chaleureuse. C'est petit, le décor rustique fort sympathique. Un classique. On raconte qu'il y a là depuis toujours une taverne et que Casanova y avait ses habitudes, la fille du patron de l'époque étant particulièrement à son goût. Les tramezzinini y sont délicieux, entre autres...
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Cavatappi
Campo della Guerra
San Marco, 525
041 29 60 252
Tous les jours de 9heures à minuit sauf le lundi et le dimanche soir.L'un des trois meilleurs spritz de Venise se consomme ici sous la férule de Marco Ginabri, le patron et de sa compagne, Francesca Tegon. Un peu cher c'est vrai mais la qualité est au rendez-vous. C'est propre, accueillant et très fréquenté.
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Paradiso Perduto
Fondamenta della Misericordia,
Cannaregio 2540
041 72 05 81
Sa réputation n'est plus à faire depuis les années 70 où il fit son apparition dans le paysage nocturne vénitien. Ce lieu avec sa cheminée, ses grandes tables de bois et son atmosphère "surchauffée", attire vénitiens, jeunes et moins jeunes, et les étrangers amateurs d'authenticité. On y entend souvent de la bonne musique, des déclamations de poésie. On y est bien accueilli, ce n'est pas trop cher. Pour une soirée agréable et sans façon entre copains, c'est un des lieux que je recommande. Le vin y est bon, la musique aussi.
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Il y en a plein d'autres bien évidemment, citons le "Café Noir", le "Caffè Blu" , le "Caffè Rosso", "Ai Postali", "Vitae" (qu'on appelait autrefois "Al Mura"), "Imagina", "Alla Mascareta", "Ai Rusteghi", "Al Portego", "Al Ponte da Alberto" (dont j'ai déjà parlé je crois). Une mention spéciale pour mon ancien Q.G. d'étudiant, le bar "Ai Do Draghi" (déjà largement cité sur ce site)...

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2 commentaires:

anita a dit…

Lors de mon dernier séjour , fin mars ( froid et pluie ) j'ai pu tester le "do Mori" : je confirme : tramezzini très goûteux et ambiance à ne plus vouloir quitter le lieu ...
anita

Douille a dit…

Un chance... J'ai souvent été assez mal accueilli dans des bars à cicchetti...

01 juin 2008

Promenade dominicale


La joie d'une promenade en barque, un dimanche en famille. Le panier d'osier avec le poulet rôti et les sandwiches, le bidon en cas de panne, des livres, de l'eau, des pulls et des cirés (on ne sait plus trop à quel saint se vouer avec le dérèglement climatique), et vogue la galère... Direction le nord de la lagune, Torcello en passant par Murano. Nous aimons particulièrement un joli coin très retiré de l'île de Torcello. Un chemin qui sert de digue mène à une sorte de petit vallon (les haies très touffues qui ont poussé sur des mottes à peine plus hautes que le chemin donnent cette impression de creux) coupé du monde que seul le chant des oiseaux vient troubler. On y déjeune sur un grand plaid écossais, on y bouquine, on y joue et on y fait la sieste, robinsons du dimanche ravis d'échapper à la foule des touristes du côté de chez nous le dimanche... J'ai même essayé d'y pêcher mais je ne devais pas être très bien équipé ni très doué. Le retour, le soir, quand la nuit tombe est un spectacle qui passionne toute la tribu. Une à une les lumières semblent s'allumer à l'horizon et le silence de la lagune se fait différent, plus profond, plus mystérieux. Une fois rentrés, un autre rite prend le dessus, celui du thé bouillant et des biscuits, qui n'a rien de vénitien mais qui fait partie immanquablement de nos journées tranquilles...
 
 
Photos : Margot et Alix


1 commentaire:

Mercè a dit…

Une belle promenade!!!
Vous me faits venir envie de vous accompagner!!!!

22 mai 2008

La Venise tranquille

Un instant vide, comme un décor de théâtre, avant la représentation...

2 commentaires :   (retrouvés avec l'aide de Wayback Machine)

Constance a dit…

Voilà un lieu que j'affectionne tout particulièrement, quel plaisir de le revoir! La façade à droite du canal a été rénovée, je l'ai en photo et en aquarelle dans une terre de Sienne vieillie laissant ressurgir largement la brique... changeante et permanente Venise!

AG a dit…

J'adore cette photo ; c'est tout ce que j'aime : simplicité et beauté.
Bonne journée, Lorenzo.

15 avril 2008

COUPS DE CŒUR n°26

VIVALDI
Sonate a tre "La Follia" & Sonate a due violiniEnsemble 415, Chiara Bianchini, Véronique Méjean, Käthi Göhl et Jesper Christensen.
Harmonia Mundi, 2007.
Un très bel enregistrement de sept des 27 sonates en trio publiées en 1705, par l'éditeur vénitien Giuseppe Sala, dans un recueil intitulé "Suonate da Camera a Tre, due Violini, e Violone o Cembalo". Ce recueil comporte les plus anciennes des sonates de Vivaldi que l'on connaisse à ce jour. Elles pouvaient être exécutées aussi bien avec deux violons et violoncelle qu'avec deux violons et clavecin. C'est ce que l'ensemble 415 nous donne à entendre dans un superbe disque de la très belle collection Harmonia Mundi Gold. Un régal.
....
BALTASAR GRACIAN
Le criticon
Ed. Le Seuil, 2008
Ce roman allégorique écrit par l'un des plus célèbres philosophes espagnols de l'époque baroque, jésuite érudit ami des rois et des princes, fut publié et traduit à Venise où il eut un énorme succès. Livre favori de Schopenhauer, il inspira Voltaire, Nietsche, Jankelevitch et Lacan. Il apporte au lecteur bien plus que le plaisir de lire. C'est aussi une montagne de connaissances et de réflexion où l'auteur met en exergue les nécessités de l'apparence et de la forme sur l'essence. Tout un programme. Et tout à fait d'actualité. Critilo, un homme du monde, fait naufrage sur le rivage de l'île de Sainte-Hélène, où il rencontre Andrenio, l'homme de la Nature, qui a grandi complètement à l'écart de la civilisation. Ils commencent ensemble le long voyage vers l'île de Immortalité, parcourant la longue route semée d'embûches de la vie. Dans la première partie "Du printemps de l'enfance à l'été de la jeunesse", ils rejoignent la cour du roi où ils souffrent de toutes sortes de déceptions ; dans la deuxième partie "Judicieuse et civile philosophie dans l'automne de l'âge viril", ils traversent l'Aragon, où ils rendent visite à un ami, voyagent en France, que l'auteur appelle "le désert d'Hypocrinde", "uniquement peuplé d'hypocrites et de cancres, et terminent leur voyage par la visite d'une maison de fous. Dans la troisième partie "Dans l'hiver de la vieillesse", ils vont à Rome et y découvrent une académie où se trouvent les hommes les plus ingénieux, puis finissent par rejoindre l'île de l'Immortalité. Venise n'est pas oubliée, "cette cité amphibie qui n'est ni sur terre ni sur l'onde mais toujours ambiguë sur deux versants" (p.201).
...
NORELENE
Dorsoduro 727
(Calle della Chiesa, San Vio)
041 5237605
Nora, la fille de Bobbo Ferruzzi, et Hélène sa femme, créent depuis les années 80 de magnifiques tissus de velours et de soie réalisés à la main, peints et estompés à la manière des créations de Mariano Fortuny. De leur talent naissent de magnifiques vêtements, des châles, des sacs et des tas d'objets tous plus beaux et chatoyants les uns que les autres. Ce n'est pas donné mais c'est magnifique et bien plus "fashion" en fait que les motifs classiques de chez Fortuny. Moi qui ai travaillé avec Bobo Ferruzzi, j'ai vu combien le peintre avait su les inspirer avec son sens des formes et des couleurs. Allez jeter un coup d’œil c'est magnifique.
..
RISTORANTE LATTERIA DA ZORZI 
San Marco 4359, Venezia, 30124
Tel : 041 520 88 16
Je vous ai déjà parlé à plusieurs reprises de ce restaurant installé dans une ancienne crémerie que je fréquentais beaucoup dans ma jeunesse. j'y suis retourné l'autre jour et j'ai bien aimé. L'ambiance et ce qu'il y avait dans mon assiette. On est accueilli sur deux niveaux (ce qui est relativement rare à Venise) : en bas le bar, où on vous servira de délicieux chocolats à la crème battue dont c'est la spécialité mais aussi du thé pas trop mauvais (cela aussi c'est rare à Venise), avec de vraiment bonnes pâtisseries. Ce fut très longtemps un restaurant exclusivement végétarien. Aujourd'hui, vous pourrez aussi vous régaler de spécialités de poissons comme il se doit à Venise mais dont la préparation légère et innovante est vraiment plaisante. Da Zorzi est situé calle dei Fuseri, tout près du campo San Luca, à deux pas de San Marco. Le prix est raisonnable, l'ambiance agréable.

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1 commentaire:

Anonyme a dit…
en effet le Vivaldi (Sonate a tre "La Follia" & Sonate a due violini)est magnifique. On peut le télécharger via iTunes aussi (ce que je fis)! Un bonjour de Bruxelles! 
Marie G

31 mars 2008

COUPS DE CŒUR n°25

Michel Lambert, Airs de cour
René Jacobs et Wieland Kuijken.
Harmonia Mundi, coll. Curiosita, 2004.Je vous ai déjà parlé à plusieurs de cette trop discrète collection qui reprend des enregistrements du fonds Harmonia Mundi, qui est, comme vous le savez certainement, d’une incroyable richesse. Pour les esprits curieux (c’est ce que dit la notice de présentation du catalogue), on trouve les Arts Florissants de Willian Christie, interprétant magistralement le Cantique de Möyse de Moulinié, Les cantates de la vénitienne Barbara Strozzi avec la voix de Judith Nelson, l’Ensemble Janequin avec les Leçons de ténèbres de Sermisy, Huguette Dreyfus au clavecin qui joue le Microcosmos de Bartok (superbe !)… Des pochettes résolument sobres, contemporaines, très légères presque trop épurées, mais un contenu d’une belle qualité. J’ai toujours apprécié la politique éditoriale de cette maison de disques. Rappelez vous la création dans les années 70-80 de la collection Musique d’abord qui pour 10 Francs (1,50 € !), proposait des enregistrements d’une grande qualité et d’une incroyable diversité. Presque tous les titres ont finalement été réédités, mais le prix forcément a changé. Leur politique de développement est intelligente, leur méthode de commercialisation très sobre et surtout leur catalogue d’un éclectisme et d’un goût absolument sûr. Comme on dit d’une oreille qu’elle est parfaite. Bon, je ne sais si ce panégyrique me vaudra un cadeau de la Maison arlésienne (ce n'était pas le but, Bernard Coutaz), mais je revendique mon attachement à cette maison !
 
Revenons-en à ce disque de René Jacobs. Dans un français parfait, Maître Jacobs chante avec la délicatesse, le raffinement et l’efficience qui lui sont naturelles (nous sommes en 1981 au moment de l’enregistrement réalisé par l’excellent Jean François Pontefract) ces "airs de cour" composés pour ces concerts qui s’organisaient souvent dans les salons en ville comme à la cour, et où régnait une atmosphère précieuse et légère à la fois. Ce n’était pas des réunions prétentieuses mais savantes, aurait-on dit à l’époque, de gens bien mis, connaisseurs et cultivés. Michel Lambert, protégé de Madame de Montpensier et beau-père de Lully, fut l'élève du grand Etienne Moulinié. Il chantait en s’accompagnant au théorbe et avit de nombreux élèves au Palais comme en ville. Presque toute son œuvre est consacrée à ce genre musical, avec le plus souvent une référence à l’amour et à la mort. Ce disque est un régal.
Je ne sais plus en fait si je vous en ai déjà parlé, mais ces airs de Lambert participent tellement de ma vie vénitienne qu'ils ont presque davantage leur place dans TraMeZziniMag que le disque de Barbara Strozzi, magnifique aussi.
Lambert me ramène en arrière. Il y a une vingtaine d’années, quand jeune étudiant, je passais les plus belles soirées du monde chez un vieil aristocrate, musicien amateur qui connaissait tout le monde à Venise. Des soirées mémorables. Je sais bien qu’il réunissait chez lui beaucoup de jeunes gens parce qu’il était très sensible à notre jeunesse, et on croisait souvent dans son salon, de forts jolis garçons et de très belles jeunes filles. Mais il n’eut jamais, pour aucun de nous, de gestes qui eurent pu nous embarrasser ni ne prononça de propos déplacés. Il nous jouait entre autres du Lambert. C’est chez lui que je découvris le théorbe, le plaisir de cette musique paisible, humaine, interprétée parfois par de grandes voix qu’il invitait en même temps que nous. Je pense à Margaret Zimmermann qui venait parfois en voisine (elle habitait à l’époque un très bel appartement sur le campo Santa Maria Formosa), à ces jeunes chanteurs du conservatoire Marcello dont j’ai déjà parlé et qui donnèrent à ma demande un récital pour le vernissage de l'exposition d'un jeune sculpteur (voir le lien en cliquant ici).
 
Ce vieux monsieur, aujourd’hui disparu, avait un talent extraordinaire pour rassembler et harmoniser des êtres qui ailleurs ne se seraient jamais rencontrés. N’est ce pas cela l’esprit du XVIIe où la curiosité et la parfaite éducation permettaient de s’ouvrir à la nouveauté, où l’accueil se faisait naturel et l’hospitalité toujours royale. Inconnu en pénétrant dans le salon, vous vous sentiez au bout de quelques minutes, parfaitement intégré, comme lorsqu’on revient chez des amis de longue date… Cette capacité extraordinaire est une caractéristique de l’aristocratie et diffère tellement de la prétention bourgeoise, de cet esprit recroquevillé, frileux et sans curiosité aucune qui est malheureusement l’apanage de cette classe sociale pleine de prétention et de complexes en même temps que sottement ambitieuse et superficielle.

Mais laissons-la ces digressions. Lambert et ses airs de cour est un vrai régal, surtout ce merveilleux "Vos mépris chaque jour", avec la basse continue qui souligne la douleur du chanteur, fou d’amour et de dépit :
"Vos mépris chaque jour me causent mille alarmes,
Mais je chéris mon sort, bien qu’il soit rigoureux.
Hélas ! si dans mes maux je trouve tant de charmes,
Je pourrais de plaisir, si j’étais plus heureux."
La viole et les violons reprennent l’air et le terminent, prolongeant la douleur de l’amoureux transi. Ce qui fait la beauté de l’écriture de Lambert, c’est justement ce passage naturel de la voix à l’instrument. On n’est plus seulement dans l’ornementation. Chaque air possède un double qui loin de nous éloigner du texte, le développe, le souligne et parfois même l’explique. Méditation douloureuse, cette chaconne parle à tous nos cœurs, qui ont forcément connu, à un moment ou à un autre, les tourments dont il est question. Ecoutez, vous serez conquis.
Anne Queruel
Andrea Tron, le maître de Venise
Editions Loubatières
La biographie très bien écrite d’un grand patricien vénitien du XVIIIe siècle, ambassadeur de la Sérénissime à la cour de Versailles, homme politique visionnaire et très consulté, témoin de cette époque terrible où venise qui avait pu tout être s'apprêter sans vouloir y croire à n'être plus rien. Andrea Tron est né en 1712 dans une Venise où "On chante dans les places, dans les rues, dans les canaux. Le fond du caractère de la nation est la gaieté" (Mémoires), ami de Montesquieu, avec qui il correspondit longtemps, homme de grande culture, en avance sur son temps, il fut obsédé par un seul combat : permettre à Venise de durer. Il mourra en 1785, assez tôt pour ne pas avoir le chagrin de voir sa Sérénissime déchiquetée et anéantie par Buonaparte et les autrichiens.
Focaccia Genovese 
Lorsqu’il fait bien froid et que nous avons tous envie de rester chaudement installés dans le salon, devant la cheminée, lovés parmi les coussins du canapé, avec le chat qui ronronne comme une vieille grand-mère heureuse d’avoir tous les siens autour d’elle, je fais un plat vite fait, roboratif en diable et finalement assez fin. Il s’agit en fait à la fois d’un pain plus que d’une pizza. On en trouve partout dans les bars de Venise et l’origine serait génoise (rien n’est parfait – vous savez que je n’aime pas Gênes ni les génois, ennemis de toujours des vénitiens) d’où son nom. Peu de boutiques en vendent à Venise qui soient aussi bonnes que celle de notre recette. 
Le jeune Sam, auteur-(ex) adolescent d’un livre de recettes, écrit pour délivrer ses congénères boutonneux de l’éternel et pitoyable duo hamburger & Coca, donne une recette à peu près semblable. Essayez, vous m’en direz des nouvelles. Je sers une grande tranche encore chaude, bien moelleuse avec quelques feuilles de salade bien vertes (de l’épinard, du cresson ou de la mâche), nappées d’un simple filet d’huile d’olive et de vinaigre balsamique, avec des tranches de pancetta lorsque nous sommes à table. Sinon, pour les soirées "feu de cheminée-grosse paresse" comme en ce moment, la genovese est présentée dans une grande corbeille et chacun se sert avec les doigts. En général, je sers aussi des mugs de velouté bien chaud à base de Miso soup.
Il faut 400g de farine, 20g de levure fraiche, huile d'olive, sel, 2 pommes de terres moyennes cuites à l'eau et réduites en purée (mais c'est optionnel), de la sauge fraiche ciselée ou à défaut du persil, quelques olives dénoyautées et coupées en rondelles.
Mettez la levure dans un peu de lait ou d'eau tiède pour la dissoudre. Mélangez-la avec la farine, 2 cuillères à café de sel, la purée de pommes de terre et 3 cuillères à soupe d'huile d'olive. Travaillez la pâte, en ajoutant un peu d'eau tiède autant que nécessaire. Laissez reposer la pâte une petite heure sous un linge propre qui va monter sans sécher. Ajoutez les herbes et/ou les olives. Huilez un moule ou une plaque à four. Etalez-y la pâte. Attention elle ne doit pas être trop fine, ce n'est pas une pizza! Laisser reposer encore au moins une demi-heure. Avec les doigts, faites de petites marques, comme des "fossettes" à la surface de la focaccia. Dans chaque trou, disposez un peu de sel (le mieux est la fleur de sel, dont le croquant à la dégustation est un plaisir). Cuisez la focaccia à four très chaud, 200°C. Le temps de cuisson dépend de votre four et de l'épaisseur de votre focaccia. Elle est cuite lorsqu'elle a une belle couleur dorée! Au moment de servir, j'étale dessus un mélange assez épais de purée de tomates parfumée au basilic, et mélangée à une sorte de piperade épaissie, des petits morceaux de jambon ou des anchois, du parmesan, etc... Attention à ne pas trop saler la préparation car la foccacia Genovese selon cette recette, est salée.

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1 commentaire:

Anonyme a dit…
Ma perché la ricetta della focaccia genovese ? Qui siamo a Venezia non a Genoa ! Mangiamo la polenta, semplice, con le seppie al nero. Buonissimo !

18 mars 2008

La Pescheria : Promenade et recette gourmande à Venise

Quand on a la chance de séjourner à Venise assez longtemps pour cuisiner, faire ses courses devient un réel plaisir. La cuisine vénitienne traditionnelle est simple mais savoureuse car elle profite depuis toujours d'excellents ingrédients qui poussent à portée de barques de la cité des doges. 

Parmi les grands classiques, les cichetti, ces tapas vénitiens dont je vous ai souvent parlé et qui sont traditionnellement accompagnés d'un verre, la fameuse ombra (surtout du vin blanc). On y retrouve les fameuses sarde in saor (sardines marinées avec de l'huile d'olive, du vinaigre, du laurier et/ou des oignons, des pignons de pin, des raisins secs) dont j’ai déjà donné la recette, mais aussi quantité de préparations de poissons et de fruits de mer: bigorneaux, poulpes, polenta aux schie (petites crevettes)... Sans oublier la baccalà mantecàto, sorte de brandade de morue séchée (mais non salée, contrairement à ce que désigne le terme baccalà dans le reste de l'Italie) préparée avec des anchois, de l'ail, du lait, de l'huile d'olive et du persil. Ce délice n’est pas si difficile à préparer même pour les cuisiniers obsessionnels comme Julian Barnes, dont je vous ai recommandé le très humoristique ouvrage paru il y a peu en poche "Un homme dans sa cuisine" (cf. Mes Coups de Cœur).

Le Veneto est une région du nord certes mais toute sa tradition culinaire est imprégnée des produits de la Dieta Mediterranea (cette philosophie culinaire qui fait la part belle aux produits naturels, de proximité, où l’ail, la tomate, l’huile d’olive sont les acteurs principaux). La polenta, jaune ou blanche, et les risotti y sont monnaie courante bien davantage que la pizza méridionale qu’on trouve partout pour satisfaire le touriste pour qui Italie rime forcément et presque exclusivement avec spaghetti et pizza... La polenta, à base de farine de maïs, est servie liquide ou durcie et sautée dans une poêle beurrée en accompagnement de nombreuses préparations (voyez la recette de Casanova que j’ai donné en 2007). 
Les risotti s'ornent de toutes sortes d’ingrédients mais toujours de saison: potirons, roquette, houblon, artichauts, champignons, coques, crevettes, scampi, Saint-Jacques... Légèrement différent, puisque le riz est ici ajouté au bouillon et non l'inverse, le risi e bisi (riz et petits pois) est, sans doute, l'un des plats populaires les plus connus de Venise et du Veneto, surtout quand viennent, avec le printemps, ces belles variétés de petits pois parfumés qui poussent du côté de Mazzorbo mais aussi dans les potagers des collines d’Asolo. Le fameux risotto al nero surprend toujours par sa couleur noir profond, obtenue grâce aux poches d'encre fraîche des petites seiches utilisées dans pour cette recette. J’essaie d’en faire quand je suis en France, à Bordeaux ou sur le Bassin d’Arcachon, mais jamais les variétés que je trouve là-bas ne permettent d’obtenir le goût du risotto qu’on réalise sur place. 

Bien entendu, à Venise aussi la pasta est incontournable (à la table quotidienne de presque tous les vénitiens et à la carte de quasiment tous les restaurants vénitiens). Simplement agrémentée d’une passata di pomodoro avec de l’ail et des herbes fraîches, ou enrichie de boulettes de viandes, de morceaux de poulet rôti. Dans les restaurants mille variétés sont offertes aux amateurs. Les spaghettis à l’ail sont simplement succulents. Les penne rigate servies avec des morceaux de tomates fraîches coupées en quartier, un filet d’huile et du parmesan fraîchement coupé en tranches fines et du basilic… 

Comment résister ? Puisqu’on évoque la morue et la seiche, allons donc nous promener du côté du marché aux poissons, au Rialto. A chaque saison, les étals présentent des denrées d’une telle richesse que l’on ne peut manquer d’avoir envie de tout goûter. Connaissez vous les moeche ? Ces ces petits crabes mous très recherchés qu’on ne trouve que pendant une très brève période (à peine quelques jours, un peu comme dans l'estuaire de la Gironde, les fameuses pibales), au début de l’automne, récoltés pendant leur mue. Frits entiers et vivants, on les consomme en beignets cuisinés de la même manière depuis plusieurs centaines d’années. 

On mange beaucoup de poissons ici, la plupart du temps simplement grillés (un régal)simplement accompagnés d’un pesto de rucola (roquette), frits ou cuits à la vapeur. Il n’est pas rare de trouver de l’espadon et les têtes de ces étranges poissons avec leur piquant géant attirent toujours les curieux. Thons, sardines, merlus, anguilles, des dizaines de variétés de poissons se retrouvent sur les bancs des marchands du Rialto et des quelques autres poissonniers installés all’aperto, à Santa Margherita ou Viale Garibaldi.

Si la viande est plus rare (mais je puis vous indiquer deux ou trois très bons bouchers et un des derniers tripiers de Venise), les Vénitiens raffolent du canard, du lapin, des tripes et bien entendu du foie de veau (cf. la recette du chef de l’Antico Martini) et du carpaccio de boeuf. Ce plat qui a aujourd'hui fait le tour du monde a été créé au début des années 50, du temps où Hemingway fréquentait le propriétaire du Harry’s Bar, le génial Giuseppe Cipriani. A l’origine, ce plat était accompagné non pas de copeaux de parmesan et d’un filet d'huile d'olive mais d'une sauce "universelle" (car se mariant aussi bien à la viande qu'au poisson), à base de mayonnaise, de crème fraîche, de moutarde et de sauce Worcestershire. On vous le prépare encore comme cela à la demande.

Venise ne reste pas inoubliable pour ses desserts, comme le reste de l’Italie en général. Longtemps le sucre a été un luxe. Si l'on excepte le tiramisu, devenu universel (et souvent massacré), il y a peu de grandes trouvailles sucrées. Cependant les livres de recettes qui sont parvenus jusqu’à nous, des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles, donnent des exemples de délicieux sabayons, de massepains et de biscuits dont certains existent encore. Les temps modernes font la part belle aux préparations à base de fruits et aux gelati que les biscuits secs typiques accompagnent agréablement sur toutes les tables authentiques. Les plus connus sont les baicoli (que l'on trempe dans un Moscato ou un vin cuit), les bussolai, biscuits aux œufs en forme de couronne ou les esse buranèi car en forme de S, spécialité de l'île de Burano, (endroit où il faut les acheter pour ne pas se faire plumer comme le conseillait devant moi à un groupe de touristes belges, un guide très avisé !). Pour ma part j'ai un faible pour la torta di mandorla et le strüdel hérité des autrichiens.

Au vu de la diversité offerte par la Lagune, il serait dommage, lors d'un prochain séjour à Venise, de ne pas profiter de son art de vivre, qui pousse la soirée venue, à s'asseoir à une terrasse installée sur un campo animé pour siroter l'aperitivo ou au bar pour déguster une assiette de cichetti. On profite alors de cette magie vénitienne - un art de vivre - qui fait que ces mêmes gestes répétés chaque soir ne lassent jamais… 

Mais revenons à la Pescheria. Allons acheter les ingrédients nécessaires à ce plat toujours apprécié de mes invités comme de mes enfants : le thon à la vénitienne

Il faut de jolis filets de thon frais. N'importe quel étal de la pescheria vous en proposera. Passez prendre du bon vinaigre de vin à la boutique qui fait l'angle, achetez au passage des oignons. Vous aurez certainement déjà de l'huile d’olive, du sel et du poivre, de l'ail et de la polenta. Nous voilà de retour à la maison. Installons nous dans la cuisine. Pour commencer, il faut peler et émincer les oignons. Faites les dorer et frire à feu doux dans une sauteuse avec un peu d'huile. Remuez constamment afin qu'ils restent blonds et légèrement croustillants. Poêlez le thon rapidement dans l'huile d'olive. Cela prend quelques minutes, le temps d'émincer grossièrement les gousses d'ail. 
Quand le poisson a pris une jolie couleur et que son délicieux arôme s'est répandu dans toute la pièce, réservez-le au chaud dans un plat que vous aurez chauffé au préalable et déglacez la poêle au vinaigre puis faites-y cuire l'ail sans le faire brûler. il doit rester blanc. Remettez le thon dans la poêle et parsemez avec les oignons frits. Au moment de servir, je rajoute un morceau de beurre et plein de parmesan fraîchement râpé. Servi avec de la polenta grillée ou en purée, c'est sublime. La prochaine fois, nous nous mettrons à la torta di mandorla. Si cela vous tente bien entendu !

7 commentaires:

Anonyme a dit…
Bien sûr que ça me tente !
Noto Bene : Où trouver la recette du foie de veau du chef de l'Antico Martini
Anonyme a dit…
Questions
Dans quel restaurant et à quelle époque peut-on déguster de bons moeche ?
Quel restaurant sert les meilleures tripes de Venise ? Da Marisa ? Ai Gondolieri ? Autre ?
Valerio a dit…
Je serai début avril à Venise et j'ai hâte de découvrir certains de vos bons tuyaux.
Merci pour votre blog qui est un ravissement pour ceux qui aiment Venise et veulent mieux connaître sa face cachée.
Lorenzo a dit…
il fegato alla veneziana... La semaine prochaine sur Tramezzinimag, laissons passer la semaine sainte ! La recette de l'Antico Martini est assez spéciale car elle renferme un ingrédient inédit. Mais chut, ce sera pour plus tard.
Anonyme a dit…
Quel suspense !
Lorenzo a dit…
N'est ce pas !
catherine a dit…
Bonjour,
De retour d'En Haut après 6 jours merveilleux à nous perdre dans la Sérénissime. Quel bonheur de découvrir vos billets sur les marchés. Notre appartement était à 5 minutes et tous les matins c'est avec un plaisir renouvellé que je découvrai l'étal argenté des poissonniers et cette mosaïque verte et rouge chez les maraichers. Nous avons fait des festins de "cuor de bue" (quand je pense aux malheureuses coeurs de boeufs qu'on essaie de nous refiler sur nos marchés !) et de roquettes. Je continue le voyage en vous lisant chaque jour et fait découvrir en ce moment à mes enfants un Livre "Rendez vous à Venise" de Eva et Olga Prud'homme.
Catherine