Nuovo ordinamento per il servizio pubblico di gondola “da parada”"Entrerà presto in vigore il nuovo ordinamento per il servizio pubblico di gondola “da parada”: le novità consistono nella cessazione dei contributi erogati dal Comune di Venezia ai Bancali e la modifica delle tariffe, che passeranno, dal 1 gennaio 2013, dagli attuali 50 a 70 centesimi per i residenti e possessori di Imob e a 2 euro per tutti gli altri. Per rendere noti i dettagli della delibera, con la quale è stato approvato lo schema di accordo per l'applicazione del nuovo regolamento, questa mattina l'assessore comunale alla Mobilità e Traffico acqueo, Ugo Bergamo, e il presidente del Bancali, Aldo Reato, sono intervenuti in una conferenza stampa che si è tenuta a Ca' Farsetti.
Bergamo e Reato si sono detti soddisfatti dell'accordo raggiunto, in piena collaborazione e con grande disponibilità: “Quello dei traghetti è un servizio essenziale per la città – ha spiegato l'assessore Bergamo – in quanto si tratta a tutti gli effetti di un trasporto pubblico legato alle tradizioni di Venezia. Questo cambiamento rappresenta una svolta storica che si è potuta compiere grazie al grande senso di responsabilità dimostrato dalle categorie coinvolte.”
Il nuovo ordinamento prevede che il Comune non supporti più economicamente il servizio “da parada” a partire dal 1 luglio. Erogherà perciò soltanto metà dei contributi totali previsti ogni anno (quindi circa 300mila euro anziché 600mila) e porterà a termine entro il 31 dicembre 2012 la manutenzione di tutti gli stazi e di tutti i mezzi di lavoro e trasporto che, dal primo gennaio 2013 in poi, saranno a carico della costituenda società dei gondolieri titolari dei traghetti. Le nuove tariffe entreranno in vigore dal 1. gennaio 2013, mentre rimarranno invariati gli orari.
Infine è previsto che gli introiti pubblicitari delle installazioni sui pontili “da parada” vadano per il 50% al Comune e per il 50% all'Istituzione per la Conservazione della gondola e del gondoliere, e che quelli che derivano dal servizio pubblico non di linea di gondola siano trattenuti dai titolari dei traghetti."
VENISE,UN LIEU MA ANCHE UN VIAGGIO NELL'EUROPA CHE MI PIACE NOT THE ONE OF THE GLOBALIZATION MAIS CELLE DES NATIONS DES PEUPLES DES CULTURES, PATRIA DELLA DEMOCRAZIA DELLA FILOSOFIA DELLA STORIA LA REINE DES VILLES AU SEIN DE L'EUROPE REINE DU MONDE
13 juin 2012
C'est officiel : le Traghetto à 2 euros en janvier prochain !
Le traghetto est le plus ancien moyen de franchissement du Grand Canal. Du temps où seul le pont du Rialto relayait les deux rives, l'usage de la gondolina da parada permettait de traverser l'artère principale de la Cité des Doges. Aujourd'hui encore chaque jour les passeurs effectuent des centaines de voyages chaque jour. Il suffisait autrefois d'un simple appel depuis l'autre rive, et une barque venait vous chercher. Le cri de "Pope" retentissait et l'embarcation glissait sur les eaux pour vous faire franchir les eaux qu'encombraient déjà de nombreux navires de toutes les tailles, galères et gondoles, barges amenant fruits et légumes, ballots de tissus précieux, épices d'orient et barriques, sacs de farine et bois de chauffage. Le trafic n'est plus tout à fait le même, mais le service existe toujours et c'est un élément fondamental non seulement du paysage urbain, mais du fonctionnement de la cité. Aujourd'hui, cet usage millénaire s'apprête à être révolutionné par les impératifs économiques ou plutôt par la dictature du profit véhiculée par cette idéologie ultra-libérale qui gangrène nos sociétés et oblige les administrations à rogner sur ses missions fondamentales.
L'ultra-libéralisme n'a honte de rien ! Depuis des mois, en réponse à la rumeur, les pouvoirs publics - et les gondoliers eux-mêmes - clamaient haut et fort que le tarif pour les vénitiens ne serait pas augmenté d'un centime ! Seuls les touristes seraient ponctionnés... Il a été annoncé aussi que les recettes des emplacements publicitaires sur les pontons seraient partagées entre les caisses de la ville et celles de l'organisation qui veille à l'entretien et à la conservation des gondoles.
Autre volet de l'affaire qui attire les foudres des vénitiens : il faudra faire valider sa carte avant que de monter sur l'embarcation. Sans carte ce sera le prix fort. On peut comprendre la démarche dans une logique de rationalisation des transports urbains dans un univers aussi particulier que le centro storico mais ces bornes de validation sont un peu ce que la diabolique carte Monéo est à nos porte-monnaies : un outils de pistage, de contrôle de nos mouvements. Car les données enregistrées sont conservées par le services. On sait ainsi quels sont les horaires et les habitudes de déplacement des titulaires de la carte. Sous prétexte de statistiques utiles au maintien et à l'amélioration de la qualité des services proposés, on sert Big Brother sans que personne ne s'en rende vraiment compte. Les vénitiens l'ont bien compris qui se révoltent contre ce flicage qui correspond bien à la dureté et à la rigueur d'esprit de l'actuel président du Conseil, l'économiste Monti et de cette Europe technocrate qui semble n'avoir toujours rien compris et s'entête sur les chemins de la croissance à outrance pour créer l'illusion de richesses et nous enferme dans un matérialisme suicidaire. Des plaintes ont été déposées par des associations de vénitiens. On attend la suite.
La rogne qui est relayée par les réseaux sociaux, Facebook et Twitter en tête depuis la conférence de presse semble ne pas devoir servir à grand chose. Hors la Tesserà Imob, point de salut pour votre portefeuille, et les amis vénitiens résidents que j'ai interrogé sont assez désabusés. Pareille à la trombe d'eau qui s'est abattue l'autre jour comme une tornade de Floride sur le Nord Est de Venise, la nouvelle vient s'ajouter à tous les motifs de désenchantement qui gagnent les habitants de la Sérénissime. Les vénitiens sont bouche bée à l'idée de devoir montrer leur carte IMOB pour pouvoir monter sur le traghetto s'ils ne veulent pas être contraints de payer 2 euros comme les touristes ! Comme l'écrit Alberto Toso Fei sur sa page Facebook : " Finalement, on a compris à quoi sert la carte IMOB... à monter sur le traghetto !" Décidément, nous vivons une époque moderne comme disait Philippe Meyer chaque matin sur les ondes de France Inter !
12 juin 2012
Tornade sur Venise
Cela pourrait être le titre d'un livre de Donna Leon,
mais la trombe d'air qui s'est abattue sur la lagune un peu avant midi
n'est hélas pas de la science-fiction. En quelques minutes l'ouragan a
tout balayé sur son passage comme en Floride. Pas de blessés, mais
d'importants dégâts matériels. Le Sestiere de Castello, et
particulièrement les environs de Sant'Elena, a été particulièrement
touché, ainsi que les îles. La Certosa a perdu tous ses arbres, comme
une grande partie de Castello. Mazzorbo a eu de nombreux dégâts. Le chantier naval de Castello n'est plus qu'un amas de
ruines. A
Sant'Erasmo, la quasi totalité des potagers et des vergers a été décimée
en un instant. Les édiles ont promptement réagi, d'autant que la tempête avait
été annoncée, évitant des victimes parmi la population. Le maire adjoint
s'est rendu sur les lieux et a annoncé la sollicitation des fonds
spéciaux réservés aux catastrophes naturelles. ..
Par
solidarité ce matin les vénitiens se sont rendus en masse au marché et
sur les points d'approvisionnement des Amap qui ont à Venise de plus en
plus de succès pour se fournir en masse auprès des maraîchers très
touchés par la tornade. Décidément, après les secousses, le spectre
d'une catastrophe écologique avec les grands navires ultra-polluants et
cette autre forme de pollution que sont les 30.000 visiteurs qu'ils
débarquent chaque jour dans le centre historique,
les herbes-algues qui ont menacé d'asphyxier les eaux de la lagune ces
derniers jours, et l'augmentation du traghetto, Venise semble vivre un
drame permanent. Les mauvaises langues disent qu'il faudrait peut-être
que Monti reste en Ukraine ou retourne dans
un des châteaux où le groupe Bidelberg travaille à régenter le monde au
profit de l'argent-roi en se moquant du changement climatique comme de la première Rolex de ses membres.
08 juin 2012
COUPS DE CŒUR (HORS SÉRIE 29) : Le Lapsang Souchong
Les
lecteurs de Tramezzinimag connaissent bien mes préférences en matière de
café et j'ai fourni à plusieurs reprises dans ces colonnes les adresses
où, selon moi, on trouve les meilleures variétés de café à emporter
chez soi. Puisque nous sommes à l'heure anglaise avec le jubilé de la
Reine, ce coups de cœur spécial est consacré au thé. Je ne suis pas un
expert mais, en consommant plusieurs tasses par jour depuis ma plus
tendre enfance, j'ai quelques variétés que je souhaiterai vous
recommander. Encore une fois il ne s'agit pas là d'un
publi-rédactionnel. cependant, si les entreprises citées veulent
m'envoyer quelques échantillons des variétés que j'ai omis de citer,
qu'ils se sentent libres de le faire !
.
Tea Adventure Ltd
www.tea-adventure.com
10/10
Il est bientôt 17 heures. Constance va bientôt rentrer du collège. La bouilloire siffle. Faire provision de plaisir et d'énergie avant de partir écouter dans la chapelle de l'école Saint-Genès le département d'instruments Anciens du Conservatoire de Bordeaux Jacques Thibaud, qui fête aujourd'hui l'arrivée du nouveau clavecin commandé au grand et sympathique facteur Emile Jobin. Ce sera un grand moment que présidera Alain Juppé notre maire et où l'ensemble des professeurs - Aurélien Delage, Kevin Manent, Guillaume Rebinguet-Sudre, Paul Rousseau, Cécile Orsini pour ne nommer qu'eux - joueront avec les élèves du département, les plus grands, quasi professionnels mais aussi les plus jeunes. Nous en reparlerons.
www.tea-adventure.com
10/10
Le fameux Lapsang Souchong, Cet extraordinaire thé fumé aux grandes
feuilles longues délicatement repliées en séchant, accompagne très bien
les mets salés mais aussi des mets sucrés. il est agréable à n'importe
quelle heure de la journée. Désaltérant, ce thé noir quasi sauvage doit
être parfait pour éviter de laisser en bouche un goût amer de charbon.
Les Établissements Tea Adventure ont déniché le must du must dans les montagnes de Tongmu, au Nord de la Province de Fujian, plus précisément dans le district de Wuyishan
vaste espace préservé sur les pentes et dans les vallées des Monts
Wuyi, aujourd'hui protégé, à l'abri des déprédations qui partout
désormais détruisent et polluent la nature en Chine. L'endroit où pousse
le meilleur thé noir de Chine, est situé à 1.200 mètres d'altitude,
dans un paysage à couper le souffle.
Les feuilles récoltées là-bas sont fumés au feu de bois. Son
goût très fin provient des aiguilles de pin, de l'écorce de cerisier
nain et d'autres essences de la région qui sont utilisées. Un peu âpre
en entrée de bouche, il s'adoucit sur le palais pour donner une
impression soyeuse, une onctuosité raffinée. Un thé de grande classe
qu'on dit masculin. Son goût très fumé rappelle effectivement les
volutes du tabac écossais.
La légende dit qu'un jour, à cause
des intempéries, les paysans n'avaient pu faire sécher à temps leur
récolte. Pour ne pas subir les foudres des négociants et parce qu'ils
leur fallait à tout prix vendre leur production, ils eurent l'idée de le
mettre près d'un feu de bois. Quand ils arrivèrent à la ville, les
émissaires de l'Empereur qui bataillait non loin, achetèrent du thé à
ces paysans. Le souverain le trouva tellement extraordinaire qu'il en
commanda pour son palais. Ce serait depuis ce temps-là qu'on fait fumer
le thé dans le Fujian.
Le thé actuellement à la vente
proviennent de la récolte de l'an passé. On peut trouver des récoltes
plus anciennes conservées dans de grandes jarres de faïence ou des
caisses de fer hermétiques. Je conseille d'acheter ce thé en grande
quantité, et de le conserver dans des jarres spéciales. Avec le temps,
il se bonifie. A condition évidemment que la boîte soit hermétique et à
l'abri de l'humidité et de la lumière.
Il est proposé en différents
conditionnements, depuis le sachet de 50 grammes jusqu'à la boîte de 1
kilo. Le prix en est assez élevé mais il vous parviendra directement du
lieu de production. On peut commander et payer en ligne sur le site.
D'autres maisons célèbres proposent leur propre variété. Chacun a son
fournisseur favori. Il ne faut pas hésiter à comparer. On en trouve même
en grande surface, mais je ne garantis pas la qualité, très secoué ces
thés de la grande distribution arrivent chez vous avec leurs feuilles
réduites en poussière, ce qui est dommage et très préjudiciable pour le
goût du breuvage dans votre tasse !
Dans l'ordre de mes préférences et sur une échelle décroissante de 9,5 à 6,5/10 :
1 Fortnum & Mason (http://www.fortnumandmason.com) : 9,5/10.2 Mariage Frères (http://www.mariagefreres.com) : 8/10.3 Dammann Frères ( http://www.dammann.fr) : 6,5/10.
A Venise, il n'existait pas vraiment de tradition en la matière et on ne trouve du thé en vrac que depuis peu chez Peter's Tea House,
une franchise venue du Trentin je crois et qui a ouvert des boutiques
un peu partout en Italie depuis quelques années. Vous y trouverez toutes
les variétés de thé. Ils sont en général assez bon (nous n'avons pas
encore tout goûté !) et les prix très raisonnables. On y trouve aussi
pas mal de produits "dérivés" : boîtes à thé, passoires,
théières, chopes, filtres, biscuits et bonbons. L'accueil est
sympathique. C'est à Cannaregio, au 4553/a, dans la Calle dei Preti, à
deux pas du campo Santi Apostoli (041.528.97.76). Pour ceux qui ont une voiture, je recommande la boutique Il signore del Té, à Montegrotto Terme, près de Padoue.
Il est bientôt 17 heures. Constance va bientôt rentrer du collège. La bouilloire siffle. Faire provision de plaisir et d'énergie avant de partir écouter dans la chapelle de l'école Saint-Genès le département d'instruments Anciens du Conservatoire de Bordeaux Jacques Thibaud, qui fête aujourd'hui l'arrivée du nouveau clavecin commandé au grand et sympathique facteur Emile Jobin. Ce sera un grand moment que présidera Alain Juppé notre maire et où l'ensemble des professeurs - Aurélien Delage, Kevin Manent, Guillaume Rebinguet-Sudre, Paul Rousseau, Cécile Orsini pour ne nommer qu'eux - joueront avec les élèves du département, les plus grands, quasi professionnels mais aussi les plus jeunes. Nous en reparlerons.
07 juin 2012
La visite.(work in progress)
Une
journée comme les autres. Le temps resté maussade n'encourageait pas
vraiment à la promenade. Pourtant les glycines embaumaient et parfois le
soleil éclatait, transformant la grisaille de la rue en une atmosphère
de fête. Mais cela ne durait guère. Il se remettait à pleuvoir puis la
pluie cessait et recommençait.
Philippe
ne parvenait pas à écrire. Il aurait pu ranger, faire un peu de ménage.
Le chat semblait partager son humeur, allant et venant, grattant à la
porte puis se ravisant, miaulant de dépit sur le canapé, tournant et
retournant sur lui-même sans trouver la bonne position. Ni le maître ni
l'animal n'avaient mis le nez dehors depuis deux jours. La pluie, le
vent, cela incite davantage à se lover dans un bon fauteuil avec une
tasse de thé et des biscuits. Depuis le matin, ce jour n'était qu'un
grand soupir. Cette sensation de vide, rien ne venait la remplir. Pas
une idée, une préoccupation, un désir. Rien. Le néant. Venise au-dehors
restait muette et sombre. Parfois des voix montaient jusqu'à lui puis
s'éloignaient et le silence de nouveau emplissait l'atmosphère. Philippe
s'était même assoupi un long moment. Réveillé en sursaut par le chat
qui venait de sauter sur ses genoux, il râla, hurlant après la pauvre
bête qui ne comprit pas ce mouvement d'humeur. Lui qui avait tellement
voulu quitter sa vie d'avant, laisser la grande ville tentaculaire et
bruyante pour le calme et le silence des rues de Venise, il se prenait
souvent à regretter Paris.
Il avait longtemps rêvé d'un petit terrier à
lui, immergé dans cet autre monde qu'est Venise en hiver, où il se
serait installé avec ses livres et sa théière. N'ayant trouvé en
arrivant qu'un minuscule rez-de-chaussée humide, il regretta soudain la
grande maison de famille dans la campagne normande avec sa haute
cheminée, ses boiseries cirées et ses trésors. Il aurait pu y passer
l'hiver comme son oncle lui avait proposé. Un feu de cheminée, il en
rêvait aujourd'hui. Il en existe peu à Venise, le risque d'incendie. Il y
avait bien la maison de ce peintre où brûlait en permanence un joli feu
de bois à deux pas de chez lui, mais il ne pouvait sans cesse aller s'y
ressourcer. L'appartement qu'il occupait depuis quelques mois avait le
mérite d'être clair et ensoleillé, mais la cheminée de la cuisine - une
construction en pierre sûrement de la fin du XVIIe, n'était plus que
décorative. La pluie redoublait. Ses pensées se faisaient très noires.
Le mauvais temps le rendait nerveux et idiot.
Soudain
il entendit le facteur. Le bruit des boîtes aux lettres, des pas,
quelques paroles indistinctes, la sonnette. Il se leva, regarda par la
fenêtre. "J'ai du courrier pour vous" criait
l'homme en uniforme au bas de l'escalier. Graziella, la grosse dame du
premier nettoyait les marches. Un parfum agréable parvint à ses narines
quand il ouvrit la porte. Cette odeur qu'on retrouve souvent ici,
mélange d'huile de lin, de cire et de térébenthine. l'idée d'avoir du
courrier et la délicate odeur ravivaient par bouffées sa joie naturelle.
Ce n'était pas un esprit triste. Il ne savait pas bouder, ni se mettre
en colère. Tout avait toujours été du bonheur dans sa vie. : son enfance
paisible, son adolescence curieuse, la tendresse de ses parents, de
solides amitiés, la lecture, la musique et par-dessus tout la présence
d'un petit groupe d'aïeuls chez qui il passa beaucoup de temps. Ce temps
d'apprentissage qui forge une vie. Tout cela l'avait armé de joie et de certitudes heureuses.
Puis vint le moment du Grand Tour. Comme les voyageurs des siècles passés
dont il avait lu tous les carnets, Philippe parcourut l'Europe. Il
découvrit émerveillé, l'Italie puis la Grèce. Ce fut une véritable
révolution. Jamais auparavant, il n'avait ressenti une pareille émotion.
Il confia ses impressions à ses parents qui eurent l'intelligence de
l'encourager. C'est ainsi qu'il accosta sur les rives de la
Sérénissime. Un peu par défaut, tant il aurait voulu pouvoir s'installer
à Alexandrie, à Constantinople ou même à Smyrne. Venise s'avérait plus
raisonnable. Mais la passion qu'il éprouva bien vite pour la cité des
doges effaça tout regret. Le temps de mettre ses chaussures, il dévala
l'escalier, suivi par le chat ravi de la distraction. Dehors la pluie
tombait dure.
Le vieux facteur, pas fâché de s'abriter un instant, papotait en dialecte avec la grosse dame. "Une lettre et un paquet pour le jeune monsieur" lança
l'homme à Philippe qui salua la voisine, remercia le facteur et rentra
vite chez lui, son trésor serré contre sa poitrine. Il faisait toujours
aussi sombre sur la ville, mais ce qu'il tenait dans les mains éclairait
son chemin, comme un rayon de soleil inespéré qui se serait faufilé
derrière lui dans l'escalier, sublimant la délicate odeur d'encaustique
par un parfum de curiosité.
Le
paquet arrivait d'Angleterre. Du Surrey exactement. Sa vieille amie
Dachine, auteur de romans policiers à succès, chez qui il avait séjourné
lorsque ses parents l'avaient consigné une longue année durant, dans un
de ces collèges huppés à l'architecture improbable et qu'on dit hantés.
Il y avait adoré l'échantillon de campagne anglaise qui entourait la maison et surtout le thé devenu depuis
lors sa boisson favorite. En trouver du bon à Venise relevait du
miraculeux. Partout de la poudre en sachets. Quelque fois un négoce de
café proposait des thés aromatisés en vrac. Les grandes boites en fer
dans lesquelles on les conservait avaient beau se donner des airs
britanniques, il restait médiocre et trop cher. Le paquet contenait du thé
justement et pas n'importe lequel. Son favori. Du Lapsang Souchong Imperial.
Des larges feuilles noires et lisses au parfum de bois de hêtre et de
pignes de pins brûlées. Le mot expliquait la raison de cet envoi.
Noriko
Kakura, qu'il avait souvent vu à Benton chez son amie romancière
désirait voir Venise avant de rentrer au Japon. Philippe avait connu la
jeune fille quand il était au collège. Ils avaient le même âge. Son père
était diplomate et sa mère artiste. Ils vivaient à Hampstead, préférant
la douceur des collines de cette douce banlieue aux appartements
confinés de Kensington Grove où on cantonne les fonctionnaires des
différentes légations. Philippe et Noriko se virent beaucoup dans la
maison de Dachine. ils devinrent de très bons amis. Puis Philippe
regagna la France et passés deux ou trois échanges de lettres, ils
perdirent le contact. Noriko avait continué ses études à Oxford. Puis
elle était partie aux États-Unis. Son doctorat en poche, elle retournait
chez elle pour y travailler.
La lettre expédiée six jours plus tôt
annonçait l'arrivée de la jeune fille le jour même, par l'avion de 15
heures. Elle serait là pour le thé songea Philippe soudain affolé. La
pluie dehors s'était enfin arrêtée et le ciel semblait vouloir
s'éclaircir un peu. Les oiseaux s'étaient remis à chanter. Il fallait
ranger un peu et préparer un peu la maison, mettre des draps dans le
divan, changer les serviettes. Philippe se mit au travail sous le regard
placide du chat toujours aussi ennuyé de ne pouvoir aller dormir sous
le soleil. Quelques minutes plus tard tout était en ordre et la maison
sentait bon le papier d'Arménie. Sur la table de la cuisine le plateau
en bois et son napperon bleu, deux tasses, une assiette de biscuits, la
théière. La bouilloire chauffait sur la vieille cuisinière. Douché,
changé, Philippe attendait avec impatience son amie japonaise.
Il était un peu plus de 17 heures quand la sonnette retentit pour la deuxième fois de la journée. Philippe se pencha par la fenêtre. Il aperçut deux étages plus bas une jeune femme traînant une valise à roulettes. Elle portait un petit chapeau de pluie d'un joli vert. "le vert des feuilles de thé" se dit-il en allant ouvrir. Il descendit pour accueillir Noriko. Ils ne s'étaient plus revu depuis sept ans. Avaient-ils encore quelque chose à se dire ? Se retrouveraient-ils comme si de rien n'était ? Quand il ouvrit la porte il resta un instant comme tétanisé. Il avait devant lui une ravissante jeune femme au visage très doux et au sourire charmant.
Comme
lui, Noriko avait tout juste vingt-deux ans. "Hello Philippe my dear"
lança-t-elle le regard amusé. Un peu gêné, il se pencha pour
l'embrasser. Elle n'avait pas grandi mais son corps s'était épanoui et
son visage était plus fin, ses yeux pétillaient comme avant et elle
semblait entourée de lumière. Il prit sa valise et l'entraîna vers
l'appartement. La bouilloire sifflait. La vapeur embuait les vitres de
la fenêtre. Philippe enleva le couvercle de la théière, il s'approcha de
la cuisinière et versa un peu d'eau chaude afin de chauffer la théière.
Il vida l'eau dans l'évier puis de retour devant la cuisinière, il
ajouta le filtre rempli de thé et couvrit d'eau, posa la théière sur le
plateau et retourna dans le salon. Noriko caressait le chat en
feuilletant une revue. Elle sourit à Philippe. Le chat se lova sur un
coin du canapé et se mit à ronronner.
Ils se servirent et parlèrent longtemps. Au fur et à mesure que remontaient les souvenirs de leur adolescence londonienne, ils sentaient tous deux que quelque chose d'inhabituel se faufilait en eux en même temps que les gorgées de ce thé fumé aux senteurs délicieuses. Quand Philippe voulut se lever pour refaire chauffer de l'eau, ils s'aperçurent que la nuit était tombée. Ils avaient parlé plus de deux heures sans sentir le temps passer. Tant de choses à se dire. Ils reprirent du thé. Noriko avait apporté un disque. Ils l'écoutèrent en boucle. La pluie reprit, dense, bruyante. La nuit était noire et la ville silencieuse. Une cloche parfois résonnait dans le vide de la nuit. Et le bruit lancinant de la pluie sur les vitres. Son regard clair pénétra celui du garçon.
Il eut soudain très envie de l'embrasser. La
nuit fut un rêve de douceur et de joie. Ils ne se quittèrent plus.
Noriko trouva un emploi de traductrice et de lectrice à la Ca'Foscari.
Philippe a eu un peu de mal à faire accepter au chat leur nouvelle vie à
trois. Chaque jour quand ils se retrouvent, ils boivent du thé. De
l'Imperial Lapsang Souchong bien sûr, expédié tous les deux mois depuis une petite
poste anglaise au fin fonds du Devon par leur amie Dachine. Sur la
boite dans laquelle ils conservent ces feuilles précieuses, un poème de
Kobori Enshu que Noriko a calligraphié :
Un bouquet d'arbres, l'été,
Un éclat de mer
La lune pâle du soir.
05 juin 2012
Prendre le thé au Florian
Prendre un thé au Caffé Florian après avoir admiré les fastes de la Couronne britannique à l'occasion du Jubilé de Diamant de Sa Majesté la reine Elizabeth II et la liesse de tout un peuple en dépit du mauvais temps et de la crise, c'est assez revigorant, ne trouvez-vous pas ? Demain
est un autre jour, il y a des valeurs pérennes qui rassurent et
réconfortent, valeurs refuges. Le Florian fait partie de ces valeurs-là
qu'on nomme civilisation et qui existent encore, mais pour combien de temps ?
Café Florian : Restauration de la Salle des Hommes Illustres
Le 15 septembre prochain, une grande réception aura lieu au Caffé Florian, le célèbre établissement installé sous les arcades de la Piazza San Marco depuis 1720, pour fêter la splendeur retrouvée de la Salle des Hommes Illustres, un des plus beaux salons du célèbre café vénitien. La salle va subir quatre mois de travaux exceptionnels qui rendront à ces lieux mythiques toute leur splendeur.
Au nombre de dix, les portraits réalisés au XIXe siècle par Giulio Carlini et qui représentent d'illustres vénitiens de tous les temps, vont être déposés pour être nettoyés, les stucs et les fresques vont être réparés, redorés et repeints. Les lieux étant inscrits au Domaine Public (l'équivalent de notre Patrimoine National), les travaux ont commencé discrètement il y a quelques semaines, mais il fallait le permis officiel de l'autorité de tutelle pour lancer officiellement la campagne de restauration qui sera entièrement financés par le Caffé Florian avec l'aide de mécènes et sponsors privés. Pas un centime des 200.000 euros nécessaires ne seront pris sur des fonds publics. Le Groupe UBS Italie (une banque pas encore dans le rouge dans la péninsule...) finance la restauration des toiles, les Bijoux Pomellato paieront les cadres et les dorures tandis que les Tissus Rubelli fourniront le velours damassé, baptisé Velours Florian inspiré du revêtement de l'époque mais adapté aux exigences actuelles de sécurité et d'hygiène.
"Notre projet apporte la preuve que, malgré la crise, il existe encore des initiatives dont l'objectif final n'est rien d'autre que la conservation et le respect de notre patrimoine culturel" observait Paolini en précisant que la restauration de cette salle terminera le chantier de restauration initié ces dernières années et dont le but était de rendre au Florian la beauté et le charme des lieux quand Ludovico Cadorin en entreprit la rénovation dans les années 1890, amenant aux locaux tels que nous les connaissons aujourd'hui mais singulièrement défraîchis. Un semblant de polémique semble pointer son nez quand le directeur du Florian regretta devant la presse l'absence du maire Giorgio Orsoni. « Nous espérons que le maire sera des nôtres le 15 septembre. Nous ne demandons rien, mais son soutien nous ferait plaisir ». Dans l'entourage du maire, on souligne le caractère privé de l'entreprise et la volonté de l'équipe municipale de ne pas interférer dans les initiatives privées... On est bien loin de l'administration Rigo où rien de ce qui se faisait en matière de rénovation, même privée, d'envergure ou minuscule, n'échappait aux contrôles et aux vérifications précautionneuses des élus communistes. Cela avait parfois du bon mais les temps changent.
La salle sera de nouveau ouverte au public et aux consommateurs en septembre. Nous redécouvrirons les portraits des illustres vénitiens, Pietro Orseolo, Marco Polo, Paolo Sarpi, Enrico Dandolo Francesco Morosini, Vettor Pisani, Benedetto Marcello, Le Titien, Palladio et Goldoni, en son temps grand habitué des lieux. En attendant, les artisans restaurateurs de l'entreprise Libralesso se sont mis au travail, sous la direction de l'architecte Barbara Pastor pour restituer à la cité des doges la beauté originelle de ce joli salon. On peut regretter que le mobilier reste le même, juste réparé et nettoyé. On ne retrouvera donc pas les sièges et les tables d'avant Cadorin, dont quelques exemplaires se trouvent parfois dans différents petits cafés de la ville. Je me souviens du petit bar situé sur la Fondamenta Zorzi Bragadin, en face de la galerie Ferruzzi où je travaillais (aujourd'hui boutique de la Guggenheim). Les trois ou quatre tables que le propriétaire disposait devant son café provenaient de l'ancien Florian. C'est du moins ce que disait le peintre Bobo Ferruzzi, fils et frère d'antiquaire, lui-même un peu antiquaire et collectionneur.
Bel objet vénitien en vente cette semaine à Drouot
En couverture cette semaine sur la Gazette de l'Hôtel Drouot un objet rare dont on sait peu de choses. Comme l'énonce la notice, il s'agit d'une "Imposante gourde de pèlerin ou flacon d’apparat, cet objet en verre, monté de cuivre ajouré, présente un délicat décor de pampres feuillagés, agrémentés sur la panse de grappes de raisins. Mais ce qui attire le regard, c'est le médaillon champlevé, émaillé bleu azur et turquoise, figurant le lion de saint Marc."
Le soin porté à la ciselure du décor de la monture de cette "fiasca da pellegrino" (gourde de pèlerin) est assurément l’œuvre d’un orfèvre de talent. Certains spécialistes évoquent même le Florentin Antonio di Salvi (1450-1527), dont les décors gravés très similaires de pièces liturgiques sont conservés au Bargello à Florence. Cependant la figure du lion de saint Marc, tenant le livre entre ses pattes, importe plus. Dans cette posture hiératique, le félin incarne la majesté de l’État. Il est finement gravé, la crinière et des ailes laissées en réserve, l’auréole et les fonds étant émaillés de deux bleus différents. Ont-ils été appliqués au moment de la fabrication de l’objet ou plus tard, pour masquer par exemple des armoiries nobiliaires ou faire de cette fiasque un cadeau diplomatique de la cité des Doges ? il faudrait de longues heures d'études dans les salles des Archivi delle Stato derrière les Frari ou à la Marciana pour en apprendre peut-être davantage sur ce bel objet qui va partir dans une collection privée puisque à ce jour aucun musée italien ou français ne semble vouloir s'y intéresser.
J'ai souvent tendance à penser, quand de tels objets du passé resurgissent des collections privées où ils étaient conservés, que nous devrions organiser des souscriptions publiques pour acquérir ces objets et en faire ensuite don aux musées vénitiens. Encore faudrait-il être informé assez tôt pour pouvoir lancer la souscription. Même en période de crise, tout ce qui concerne le patrimoine du passé mérite d'être protégé et conservé comme bien de l'humanité toute entière et non pas disparaître dans des collections privées où ils sont souvent considérés seulement pour leur valeur marchande...
Exceptionnelle pièce que cette gourde en verre, enchâssée dans une monture en cuivre gravé, ciselé, repercé, découpé, doré, champlevé et émaillé reposant sur un piédouche. La fiasque est en verre de Murano de couleur bleu cobalt avec un très long col et une panse circulaire aplatie. La monture qui recouvre entièrement la fiasque dépasse du col de la bouteille d'environ deux centimètres. En la démontant, les experts ont pu en restituer l'agencement : Elle se compose de deux coques, constituées chacune de deux parties métalliques soudées entre elles ; sans décor sur les pourtours, cette armature est repercée de motifs végétaux sur toute la hauteur des deux faces du col ; deux mufles de lion en fort relief sur l'épaulement sont retenus à l'intérieur de la monture par des écrous en étoile ; chacun de ces mufles conserve un maillon des chaînettes manquantes qui étaient reliées aux petits anneaux placés au milieu du col ; de chaque côté, un large motif de rinceaux, en forme de croix et fixé par deux vis ; ces deux éléments servent à consolider l'assemblage et masquent la séparation des deux coques, en faisant la jonction entre les mufles de lions et les deux disques repercés qui ornent les deux faces de la gourde. Ces deux disques au décor ajouré sont fixés aux parties métalliques de la coque par des rivets disposés sur leurs circonférences. Le centre de ces deux disques est orné d'un médaillon champlevé, émaillé bleu azur et turquoise représentant le lion de saint Marc en buste, les ailes relevées et tenant le Livre fermé entre ses pattes. Le piédouche, reprenant les motifs ajourés, est fixé à l'armature également à l'aide de rivets.
En dépit de quelques légers manques et déformations, l'absence de chaînettes et du bouchon, l'objet est dans un état de fraîcheur incroyable. On peut penser que le médaillon en émail a pu être placé à une époque postérieure. Lors du démontage, on observe des consolidations anciennes à l'étain, notamment à l'emplacement des soudures et des fixations des éléments décoratifs. Des petites pattes métalliques ont été rajoutées afin d'améliorer la solidarité entre toutes les différentes pièces de la monture. Le col a ainsi été doublé intérieurement à son extrémité afin de le rigidifier. Par un souci de protection du papier et du coton ont été glissés sous le fond de la fiasque entre le verre et la monture. La bouteille, en verre soufflé dans un moule, présente de nombreuses bulles et deux petits défauts de fusion. Des dépôts et des salissures sont visibles. On peut ainsi penser que l'objet fabriqué à Venise pendant cette période bouillonnante pour les arts que fut le début de la Renaissance, a ensuite été remanié - suite à un dommage ou pour être mis au goût du jour - ce qui le rend très vivant, laissant à notre imagination tout loisir pour lui inventer une histoire...
04 juin 2012
Un (grandiose) air de Venise sur la Tamise
Des milliers d'embarcation hier dimanche sur la splendide Tamise pour accompagner la barge royale sur laquelle le peuple de Londres a pu voir passer sa souveraine à l'occasion du jubilé de diamants de la reine. Soixante ans d'un règne fêtés comme à Venise on fêtait le doge par un long cortège naval. Du jamais vu depuis le XVIIe siècle et un régal pour les yeux : du canoë aux frégates de la Royal Navy, des gondoles aux vedettes à moteur, une foule nombreuse glissa le long des 16 kilomètres qui séparaient l'embarcadère de Greenwich au fameux Tower Bridge en haut duquel fut tiré un gigantesque feu d'artifice après le passage de l'embarcation royale, toute d'or et de rouge décorée. La reine était en blanc, et la barge avait des airs de Bucentaure. La toute puissante Angleterre montrait hier soir sa parenté avec Venise qui fut avant elle la reine des mers. Personnellement ce n'était pas pour me déplaire. Long Live the Queen !
30 mai 2012
Gustav Klimt au Musée Correr
Venise avait acclamé Gustav Klimt lors de sa première venue à la Biennale de Venise en 1910. Revoilà certaines des œuvres présentées alors qui reviennent sur la lagune avec une extraordinaire exposition. Organisée à l'occasion du 150e anniversaire de sa naissance (14 juillet 1862), l'exposition est le fruit de la collaboration entre la Fondation des Musei Civici di Venezia et le Musée du Belvédère de Vienne, sous la direction d'Alfreid Weidinger, un des lus grands experts de l’œuvre du peintre autrichien.
"Gustav Klimt nel segno di Hoffmann e della Secessione" (Gustav Klimt sous le signe de Hoffmann et de la Sécession) tente de reconstituer la genèse et le cheminement de l’œuvre de Klimt et du mouvement de la Sécession viennoise. Peintures, dessins, mais aussi mobilier et bijoux très raffinés. On trouve des œuvres de Kolo Moser (1868-1918) de Jan Toorop, Minne, Fernand Khnopff, et reliant le tout la présence du grand ami de Klimt, le compagnon de toutes les aventures intellectuelles et de nombreux projets, Josef Hoffmann (1870-1956).
Le public peut découvrir dans les salles du Musée Correr, l'ancien palais impérial et royal, des peintures réunies pour la première fois ensemble, comme sa Judith I (1901) et la Judith 2 (1909) achetée en 1910 par la Galerie Nationale d'art Moderne de la Ca'Pesaro. La majeure partie des peintures exposées proviennent du Belvédère où sont rassemblées la plupart des œuvres majeures du peintre. D'autres proviennent de collections publiques et privées comme par exemple la Dame devant la cheminée (1897), Les Amants (1901), Hermine Gallia (1904)... Cela me ramène vingt-huit ans en arrière :
En 1984, une gigantesque exposition avait eu lieu au Palazzo Grassi, "Le Arti a Vienna, Dalla Secessione alla caduta dell'Impero asburgico" (Les Arts à Vienne, de la Sécession à la chute de l'empire habsbourgeois"). En feuilletant le magnifique catalogue (589 pages, paru aux Éditions de la Biennale, chez Mazzota) - une curiosité bibliophilique aujourd'hui -, on se rend compte de la qualité et de l'importance des expositions de l'époque. Autour de Klimt, se trouvaient les œuvres majeures de Kokoshka, de Egon Schiele, Moser, Gerstl, Hirschl-Hirémy, Blauensteiner, Kalvach, ainsi qu'une importante collection de mobilier, de bijoux, de céramique et d'orfèvrerie, de nombreux dessins et des photographies, le tout provenant de collections publiques et privées du monde entier. C'était longtemps avant la crise...
Pour en savoir plus, Tramezzinimag vous renvoie à l'excellent billet du blog Olia i Klod, ICI et au site de l'exposition : ICI.
"Klimt nel segno di Hoffmann e della Secessione"
Jusqu'au 8 juillet 2012
Museo Correr, piazza San Marco, Venise
Tous les jours de 10 heures à 19 heures
Entrée 16€ / Tarif réduit : 8€
(avec l'accès à tous les musées civiques)
29 mai 2012
La terre tremble aussi à Venise
Il
était à peine 9 heures ce matin quand la terre s'est mise à trembler à
Venise et dans les environs. Plus de peur que de mal sauf pour une des
deux statues du grand portail d'entrée aux Jardins Papadopoli à Santa
Croce, en face de la Piazzale Roma, par où les touristes passent pour
rejoindre le Rialto et San Marco. La statue, dont les soutiens
métalliques posés au XIXe siècle semblent avoir été complètement érodés
par le sel et la rouille est le seul incident majeur survenu dans le
centre historique.
Par précaution, le ponte del Prefetto, très emprunté,qui relie la
Piazzale Roma aux Jardins, a été fermé. La circulation pédestre est
ainsi déviée jusqu'à nouvel ordre vers le ponte Zuccato un peu plus à droite qui débouche sur la Fondamenta del Magazen et rejoint la Fondamenta Condulmer, en face de l'église des Tolentini. Des écoles et des maisons de retraite, lieux "sensibles"
ont été évacués, mais tout est rapidement rentré dans l'ordre. A la
Fenice, pourtant dotée d'un système anti-sismique, la représentation de
La Bohème a été annulée. Toujours le principe de précaution. Du coup, le
Wifi de la ville disponible partout dans le centre historique mais
réservé aux abonnés, a été ouvert librement à tous afin de permettre aux
gens de rentrer en contact avec leurs familles et de se tenir au
courant des évènements.
L'épicentre, toujours en Émilie-Romagne, a produit une secousse de 5,8
sur l'échelle de Richter faisant encore une fois de nombreux dégâts et
des victimes. Le maire Orsoni a rendu hommage
à tous ceux qui ont disparu. Les dégâts matériels sont assez importants
parmi les monuments, touchant durement le magnifique patrimoine de
cette région.
A Venise, c'est surtout dans les étages supérieurs que la secousse a été
vraiment sensible. Quelques touristes affolés (mais ils sont moins
nombreux le matin tôt qu'en plein jour, et le tenancier du kiosque à
verroterie situé à l'entrée des jardins qui a eu la peur de sa vie. Plus
de peur que de mal donc mais une alerte supplémentaire pour les
autorités. Les pompiers et les services municipaux auscultent d'ailleurs
depuis hier campaniles et façades des palais les plus susceptibles
d'avoir souffert, même si cela ne se voit pas, certains ponts ont aussi
été sondés comme aussi les cheminées des usines de Marghera. Des sondes
ont aussi été placées dans certains points de la lagune pour vérifier
qu'il n'y a pas eu de modification du sous-sol qui pourraient avoir des
conséquences désastreuses pour l'écosystème.
Un évènement somme toute très mineur par rapport à ce que cette énième catastrophe en Émilie, mais qui conforte les opposants au projet de métro souterrain qui devrait relier la terraferma avec le centre historique... On peut rêver que les fous furieux qui défendent ce projet puissent être engloutis par un tremblement de terre et leur projet enfoui avec eux (et les milliards de bénéfices qu'ils supputent avec !). mais on va encore m'accuser de mauvais esprit !
27 mai 2012
Vogalonga 2012, premières images
La Vogalonga 2012, c'est aujourd'hui
La 38e Vogalonga a lieu aujourd'hui ! Gageons que ce sera une réussite sous un ciel splendide avec au moins autant d'embarcations que l'an passé où plus de 6.000 rameurs avaient pris place sue 1.650 bateaux en tous genres. Dans la joie et avec l'accent vénitien avant tout. Notons cependant que depuis quelques années de nombreux clubs nautiques viennent de toute l'Europe et spécialement de France. Mondialisation oblige. Tant que cela ne dénature pas la fête et son authenticité... En revanche le site officiel n'est plus qu'en italien et en anglais. Un bon sujet de réflexion pour notre (provisoire) ministre de la culture.
San Zaccaria, un matin de mai
San Zaccaria. Un matin de mai. Peu de monde dans l'église. Bellini. Le chef-d’œuvre. Le concert à la vierge. La madone assise en gloire sur un trône luxueux, entourée de saints, en extase vers son fils écoutant un ange lui faire de la musique. Tableau délicieux. Tant d'amour et de résignation dans ce regard de mère. Tant de douleur et de gloire dans ces sons qui le bercent. On ne fait plus de belle musique comme cela maintenant.
Joie et bonheur que ces retrouvailles matutinales avec la beauté. Dans la nef, une femme balaye le vieux pavement humide. Les cloches dehors sonnent à toute volée. La crypte résonne du clapotis de l'eau qui remonte des profondeurs du temps.
C'est à chaque fois une grande paix, Venise, à l'intérieur d'une église. Quand la froidure de l'hiver rend la lumière de midi d'un blanc métallique, que les volutes de pierre et tous les ors s'animent et réchauffent le passant transi. Quand à la fin du printemps, lorsque le jour vient à mourir et teinte les vitraux de rayons roses qui rendent l'heure poignante et douloureuse alors que dehors tout n'est que rire et légèreté.
Autrefois, à San Zaccaria, on vendait à côté des cierges de jolies petites fleurs blanches appelées étoiles du berger. Les dames les accrochaient à leur revers quand elles ne les déposaient pas au pied de ce joli concert immortalisé par Bellini.
25 mai 2012
A Venise, l'Infini prend peu de place
"Comme toute œuvre mémorable, et comme aucune autre ville, Venise dit sa merveille et, en même temps, qu'elle aurait pu exister." Ces par ses lignes que le sud-américain Hector Bianciotti auteur de l'affirmation qui sert de titre à ce billet, montre sa conception de cette Venise des écrivains qui s'inscrit en bonne place parmi les nombreuses Venises : celle des peintres, celle des musiciens, celle des photographes, celle des architectes et depuis quelques années, celle des écologistes.
.
"[...] Enfin, un jour, il y a une vingtaine d'années, j'ai débarqué à Venise. Et j'ai cessé de rêver d'autres villes, d'autres pays. je n'ai même plus envie de voir les Pyramides, Égypte ; c'est comme si je les avais déjà connues. Alors que Venise me manque d'une façon physique, et que je pense à elle à chaque moment. Non seulement je regrette de ne pas m'y trouver mais il me semble incompréhensible qu'elle soit là-bas, sous son ciel toujours intime, que les gens entendent les pas d'autres gens qui s'approchent puis s'éloignent, ou leurs voix, tandis que moi, je suis ici.
Longtemps, je n'ai pas osé faire allusion à Venise, moins encore essayé de la décrire. J'avais peur de tomber dans le plus mièvre des lieux communs ; j'avais peur de cette rêverie que dispense toute chose insolite ; je n'avais pas encore le courage d'aimer ce qui me plaît en toute simplicité[...]
.
L'écrivain argentin, devenu français et membre de l'Académie, qui est un grand et lucide amoureux de Venise dont il a fait le décor de plusieurs de ses écrits, avait publié en 1984 dans la revue Carré Magazine un texte repris l'année d'après par le Magazine littéraire (n°219, mai 1985). Tramezzinimag en publie quelques extraits - qui selon moi forment une jolie base de réflexion - où les lecteurs retrouverons l'esprit de ce blog.
."[...] Enfin, un jour, il y a une vingtaine d'années, j'ai débarqué à Venise. Et j'ai cessé de rêver d'autres villes, d'autres pays. je n'ai même plus envie de voir les Pyramides, Égypte ; c'est comme si je les avais déjà connues. Alors que Venise me manque d'une façon physique, et que je pense à elle à chaque moment. Non seulement je regrette de ne pas m'y trouver mais il me semble incompréhensible qu'elle soit là-bas, sous son ciel toujours intime, que les gens entendent les pas d'autres gens qui s'approchent puis s'éloignent, ou leurs voix, tandis que moi, je suis ici.
Longtemps, je n'ai pas osé faire allusion à Venise, moins encore essayé de la décrire. J'avais peur de tomber dans le plus mièvre des lieux communs ; j'avais peur de cette rêverie que dispense toute chose insolite ; je n'avais pas encore le courage d'aimer ce qui me plaît en toute simplicité[...]
[...] Venise, je le compris alors, manque aussi de syntaxe. ville où les merveilles prolifèrent jusqu'à l'absurde - comment dire l'angoisse que suscitent ces façades admirables, parfois séparées l'une de l'autre par quelques centimètres, que nul regard ne peut entièrement saisir ? - Venise est une ville fermée, ou, plutôt qui se ferme à chaque pas, avec des profondeurs étroites où il y a comme un perpétuel engendrement de menaces, une distribution chaotique des attributions ; une ville qui se répète, se confirme et s'échappe à chaque coin de rue, et qui aboutirait à l'asphyxie s'il n'y avait pas l'eau : les canaux, la longue ondulation du Grand Canal, la lagune au-delà, la mer. Ville rebelle, dont la carte incessante cache toujours, même au connaisseur, d'autres plis et replis, et qui ne se laisse pas imaginer en entier.
A Venise, l'infini prend peu de place. Cela constitue un fait magique et aussi terrifiant que d'avoir la tête pleine de mots et de ne pas réussir à articuler une phrase. Heureusement, pour pallier la maladresse des dieux qui l'ont conçue ainsi échouée dans un lieu inconcevable, il y a les quelques architectures de Palladio, les façades blanches de ses églises, bien en vue sur la lagune, qui ponctuent le désordre somptueux, halluciné et auxquelles l'âme se raccroche. Que Venise soit mon ciel ou mon enfer, dépend uniquement de ce qu'elles se trouvent ou non dans mon champ de vision."
Hector Bianciotti
© Carré Magazine
22 mai 2012
La phrase du jour
La basilique Saint-Marc et la Piazzetta photographiées en 1854 |
Guy de Maupassant
Inscription à :
Articles (Atom)