24 juillet 2013

Maxi Navi à Venise : ne serait-on pas en train d'avancer ?

Quand peu à peu, les vénitiens et les amoureux de Venise ont compris le danger de la prolifération sans cesse grandissante des navires de croisière qui traversent quasiment chaque jour les eaux de la lagune, on a senti qu'un mouvement de fond fait de mécontentement profond, de rogne et de ras-le-bol risquait de s'emparer tôt ou tard de la cité des doges. Ils étaient plus d'une centaine dans la tribune du public au conseil municipal et pratiquement autant dans le hall de la Ca Fasrsetti (la mairie), à l'appel du Comitato No Grandi Navi. La mobilisation a dépassé les calculs les plus optimistes, ce qui rendait le groupe des membres du comité “Cruise Venice" l'influent et déterminé lobby pro-croisière ridicule. Atmosphère tendue parce que le sujet est vital pour la sauvegarde et la protection de la lagune et de son écosystème, mais aussi pour la défense de Venise et de ses habitants. 

La tension était telle que l'on pouvait craindre que ça dégénère à tout moment et quand un peuple est en colère, les règles de bienséance sont parfois oubliées. Après quelques rappels à l'ordre, le conseil municipal a pu commencer. Durant près de quatre heures, les débats ont été houleux. Les élus devaient débattre du prochain rendez-vous du maire Giorgio Orsoni, le 25 juillet à Rome, pour participer à une importante réunion avec le ministre des infrastructures, Maurizio Lupi et celui de l'environnement, Andrea Orlando. Au centre des débats, l'application effective du décret Clini et Passera, du nom des ministres qui en sont à l'origine, et qui prévoit l'interdiction absolue du passage dans le Bassin de San Marco et sur le canal de la Giudecca, des navires d'une jauge supérieure à 40.000 tonneaux.

La décision jamais encore appliquée, a été littéralement congelée depuis mars 2012 dans l'attente d'une proposition alternative de transit de la part des Autorités Maritimes. Mais aussi parce que le lobby pro-croisières a été très actif, bien organisé et surtout doté de moyens financiers importants. Ils ont gagné du temps. La seule bonne volonté des vénitiens qui militent pour ce contournement vers des lieux moins fragiles.
"Le débat sur le passage des grands navires doit être traité de suite. Venise réclame l'application immédiate du décret Clini-Passera et demande que la loi soit respectée et appliquée sans retard" a dit le maire en guise d'introduction à l'ouverture de séance. "Nous serions dans l'erreur, a poursuivi Giorgio Orsoni, si nous envisagions de renoncer à ce que les activités de fret comme de passagers, nous apporte aujourd'hui. Ce sont des activités économiques qui composent notre ADN et nous devons réfléchir aux meilleurs moyens de les développer, de la manière la plus compatible avec la structure de notre ville. La compatibilité - dit-il - n'est pas seulement le problème des citoyens, mais c'est c'est en premier lieu celui des autorités portuaires et des entreprises en lien avec les activités portuaires. Si celles-ci veulent vraiment jouer leur rôle, elles doivent se projeter dans le temps, ne pas se contenter d'un fonctionnement et d'un système acquis, mais anticiper des solutions nouvelles, envisager un modèle qui puisse évoluer dans l'avenir. Le problème n'est pas seulement d'apporter un remède à une situation devenue insoutenable, mais de trouver des solutions, même transitoires voire temporaires, dans la perspective d'un développement compatible avec Venise."
Giorgio Orsoni a expliqué ensuite que l'idée d'utiliser Porto Marghera pour développer le port de passagers  figurait déjà dans le programme électoral sur lequel s'est construite la majorité : 
" Tout y était déjà écrit." a souligné le maire, "Nous avions bien à l'esprit que la Gare Maritime est une ressource qui viendra à saturation et que le développement de la future zone métropolitaine ne peut que se recentrer vers la terre-ferme, vers Porto-Marghera. Nous sommes convaincus qu'il n'y a pas nécessairement à abandonner la Maritima, qui va profiter des investissements déjà réalisés, cependant les navires doivent arriver dans un lieu où on puisse les accueillir sans risquer d'endommager l'écosystème lagunaire. L'accès à Marghera, a-t-il rappelé au Conseil,  peut se faire par le canal des pétroliers, dans des lieux non encore dévolus à ce jour aux activités portuaires et dont le développement serait parallèle aux activités de fret sans risque pour celles-ci, en se servant des chenaux existants sans avoir à passer par San Marco."
Cette possibilité qu'évoquait le maire éviterait d'avoir à creuser de nouveaux canaux qui causeraient certainement des dommages importants au système hydraulique de la Lagune.
 "Le creusement du Canal de contournement Sant'Angelo, est une perspective qui doit être abandonnée !" a-t-il martelé."parce que le développement logique devra se faire du côté de Marghera et pas ailleurs ! " 
A la satisfaction du Comitato No Grandi Navi, le maire a ajouté:
"Bien que l'exclusion définitive des grands navires dans la Lagune doit être une perspective envisageable à long terme, il est nécessaire d'étudier toutes les propositions alternatives qui permettront de réduire les risques liés à ce trafic. Nous devons aborder ces questions avec une grande sérénité, mais en ne perdant pas de vue la priorité que sont la protection de l'environnement naturel de la Lagune et la santé des citoyens. N'ayons pas d'avis préconçus."
Le maire a ensuite rappelé qu'il n'accepterait jamais de s'asseoir à la même table que "des interlocuteurs qui prétendraient qu'on ne doit pas toucher à la gare Maritime et que les Maxi Navi doivent à tout prix y accoster", reprenant ainsi la polémique récente avec le président de l'Autorité Portuaire, l'ancien maire Paolo Costa

La position du maire s'est traduite par un ordre du jour qui a été adopté à la majorité, bien que le gouvernement municipal soit composé de sensibilités très diverses. Le conseiller vert Beppe Caccia a exprimé son désaccord avec le maire quant à l'évidence de la "localisation du port de passagers à Marghera comme stratégie à long terme." Selon lui, le gigantisme naval, tant pour le trafic industriel et commercial, que pour le transport de passagers, est structurellement incompatible avec le milieu ambiant lagunaire et la ville de Venise. 

L'avenir selon Beppe Caccia, ne peut résider ailleurs que dans l'éloignement maximum du terminal à l'extérieur de la Lagune. "Cependant", a-t-il précisé, la proposition du maire a le mérite d'aborder la question selon le meilleur angle possible actuellement. Toutes les alternatives structurelles au transit actuel des monstres marins doivent être envisagées sérieusement. En attendant, l'application du décret Clini-Passera doit être mise en œuvre au plus vite. Aucun nouveau creusement de canaux ne doit être autorisé  dans la Lagune et dans cette optique, Marghera peut s'avérer une solution transitoire efficace."
 
De leur côté, les membres de l'opposition de droite (à laquelle se joignaient quelques membres du PD et de l'Udc) se sont fermement retranchés en compagnie des conseillers PDL et de la Ligue du Nord, dans un soutien sans faille à la position de l'Autorité Portuaire et de Venezia Terminal Passeggeri, la société mixte qui recueille les profits dérivés de l'activité croisiériste. Pour eux, les Maxi Navi doivent rester définitivement à la Gare Maritime, même si cela présente une menace permanente au coeur même de la cité historique ! (sic) C'est de gros sous dont il s'agit et fi du danger écologique pour ces gens-là.

Tommaso Cacciari, du Comitato No Grandi Navi, a exprimé la satisfaction du comité à l'issue du conseil : " Seule la mobilisation populaire, et notamment les récentes initiatives de blocus du port et du canal de la Giudecca le 9 juin dernier, ont permis de faire prendre conscience à tous les acteurs concernés, de la gravité de la situation et la nécessité qu'il y a de trouver au plus vite des solutions de rechange viablesDès le début, nous avons contesté le décret Clini-Passera, parce qu'il limite l'interdiction au bassin de San Marco et pas à l'ensemble de la Lagune, repoussant ainsi sa complète exécution aux calendes grecques. Le transfert à Marghera que propose le maire ne nous convainc pas :Ce n'est pas à la ville ni à l'écosystème de la Lagune, de s'adapter à la taille monstrueuse des navires. C'est à ce système économique de pillage qu'est le trafic croisiériste de s'adapter.  La sanctuarisation de la Giudecca et de San Marco n'est que la première étape et elle doit être appliquée de toute urgence. Mais nous continuerons à nous battre jusqu'à l'éloignement définitif de ces navires de la Lagune !" 

Le dernier mot appartient désormais au sommet de Rome, le 25 juillet, où s'affronteront les défenseurs des droits de toute une communauté et les représentants du lobby des croisières. Si le choix pour une protection maximale de l'écosystème lagunaire et de la population vénitienne paraitrait évident à un enfant de cinq ans tant il est vital pour l'avenir de ceux qui viendront après nous, la puissance des intérêts financiers et politiques en jeu, qui privilégient comme il sied dans le système ultra-libéral une vision à court terme uniquement basée sur  la croissance et le profit, demeure préoccupante. Il y aura encore beaucoup de manifestations, beaucoup de luttes et d'interventions avant que soit éloigné définitivement le risque permanent que représentent ces Maxi Navi.  
 

Tramezzinimag se joint aux vénitiens et continuera d'apporter un soutien inconditionnel au Comitato No Maxi Navi. Comme la plupart des personnes ayant pris position contre le passage de ces monstres dans les eaux de la Lagune, et qui frôlant des fonds marins fragilisés et un habitat historique lui aussi fragile, constituent un danger avéré pour ces lieux uniques, nous n'avons rien contre ces croisières et encore moins contre ceux qui y participent. Bordeaux, port en milieu urbain, où tout le monde se réjouit de la fréquence des escales des paquebots, développe depuis quelques années avec le Port Autonome, la Chambre de Commerce et des sociétés croisiéristes, le tonnage de son port de passagers. La particularité du fleuve, large, profond, proche de l'estuaire et donc de l'océan, permet d'accueillir en toute sérénité ces immenses navires qui ne dénotent pas autant que sur la Lagune. Mais les schéma n'est pas le même et la Garonne n'est pas le Bassin de San Marco (voir les clichés à gauche et ci-dessous)



23 juillet 2013

Inédit : Le journal de Nicolas W. de W.

Pour A., 
qui peut-être lira ses lignes. 

[...] Il referma la grille du jardin sans un seul regard vers la rue. Déjà, l'air se faisait différent. L'agitation de la rue, les bruits de la ville s'estompaient comme montait en lui une infinie tristesse. Un goût amer dans la bouche, il renifla pour retenir ses larmes. Comme tout avait été simple. Un adieu rapide, quelques mots brefs prononcés avec indifférence. Un dernier regard puis l'absence, le vide et le silence. Plus rien jamais ne serait comme avant. Pourtant il fallait qu'il en soit ainsi, il le savait. La satisfaction d'avoir agi sagement pourtant n'atténua pas le cataclysme intérieur qui s'était emparé de lui. Ses pas sur le gravier, le chant d'un merle dans les buissons, l'odeur des roses et l'herbe coupée, tout cela d'habitude le réjouissait quand il pénétrait dans ce jardin. Pourtant, tout lui semblait fade et moche à cet instant. Un premier chagrin véritable qui le laissait brisé, anéanti, perdu. [...] 

 ..Quelques lignes écrites par un inconnu, quelques mois avant la première guerre mondiale. Un jeune aristocrate comme l'Europe en produisait encore. Il se prénommait Nicolas Weyss de Weyssenhoff. Un joli nom pour un bien grand mystère. Il y eut longtemps quelques traces de lui à Venise. Des témoins. Olga Rudge m'avait présenté à une de ses amies musiciennes qui avait connu sa famille... Adolescent, la lecture d'un carnet retrouvé dans notre vieille maison, quelques photos, des lettres piquèrent ma curiosité. On me montra la tombe de sa mère Marie de Wirouboff, qui resta longtemps dans un angle du cimetière orthodoxe de San Michele, non loin du monument de Caterina Potemkine.  Elle mourut, assez jeune encore, dans un palais vénitien dont je n'ai jamais retrouvé l'adresse, un jour d'hiver 1899. Je crois que Nicolas naquit à Constantinople, comme sa tante Hélène Stoyanovich, morte elle aussi à Venise à l'aube du XXe siècle. J'ai longtemps voulu écrire un roman de sa vie. Mais il eut fallu presque tout inventer, faute de documents. Pourtant, son amour pour Venise, la mélancolie de ses propos et les quelques vers bien tournés de son carnet pourraient constituer l'ébauche d'une biographie imaginée. Un jour peut-être. Rien ne presse.



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21 juillet 2013

Amoureux de Venise, connaissez-vous l'Avogaria ?

Ce lieu magique est la démonstration accomplie que la tradition, l’histoire, le passé peuvent se mêler avec beaucoup de bonheur au modernisme le plus élaboré. Ce restaurant situé au 1629 Dorsoduro, entre la chapelle San Ludovico (lieu d’expositions d’art contemporain dont je vous reparlerai) et San Barnaba, est selon moi le plus esthétique de tous ceux qui existent à Venise. Une atmosphère raffinée et élégante, un public très choisi visiblement conscient du choix qu’ils font en venant dîner ici, une cuisine mêlant tradition et innovation à l’italienne, un accueil incomparable. Bref un endroit où il fait bon venir.  

Avec le Harry's Dolce, et dans la lignée du regretté Caffé Orientale qui fut longtemps ma cantine, l'Avogaria (dont la métamorphose date de 2002) fait partie de ces restaurants "lounge" de qualité internationale, tant par ce qu’on y sert que par la beauté moderne et raffinée des lieux. Ouvert en 1986 je crois, il a été restauré par l’architecte Francesco Pugliese, frère et complice de la cuisinière, qui a su mettre en valeur les vieux murs typiques de brique vieux de 400 ans, par des panneaux de couleurs denses et du mobilier et des accessoires ultra contemporains. 

Mais, contrairement à ce qui se retrouve dans les créations de beaucoup de nos prétentieux et redondants architectes hexagonaux, tout à l'Avogaria est harmonieux, chaleureux, et surtout confortable. Ici on ne trouve pas de trace de ce snobisme qui veut que la beauté n’ait rien à voir - "surtout pas, voyons" - avec le confort dont la recherche est jugée trop vulgaire. On se sent bien à l’Avogaria, véritable lieu Feng-Shui, non seulement parce que Mimmo Piccolomo, le gérant, est accueillant sans affectation, parce que la cuisine inventive et sensuelle d’Antonella Pugliese fait des merveilles pour nos papilles en plongeant ses racines dans la richesse culinaire des Pouilles, parce que la carte des vins est riche et gourmande, parce que les végétariens y sont bienvenus, dorlotés et ravis, mais aussi et dès l’entrée, parce qu’on y est bien assis, parce que la lumière est agréablement nuancée, l’acoustique onctueuse et la compagnie le plus souvent de bon aloi. 

Un cadre et un état d'esprit slowfood de toute évidence. L’addition n’est pas toujours légère certes (compter au minimum 50 € par personne), mais une soirée entre amis, entre amoureux, pour le plaisir ou les affaires, vaut bien que l’on allège son portefeuille. Je vous recommande leur site que j’ai mis en lien, il vous donnera une idée parfaite des lieux. Manquent le parfum des mets et la saveur des vins (ils ont un délicieux Moscato di Trani !)… Sans conteste, l’un des meilleurs restaurants de la ville !

Il est prudent de réserver soit par téléphone, soit par mail. Fermeture hebdomadaire le mardi. 

Le site du restaurant : ICI

20 juillet 2013

Un rêve de maison


 

Située sur le campiello face au Palazzo Querini-Stampalia, elle avait été restaurée dans les années 80. Depuis, le temps et la nature ont fait leur œuvre et la façade aurait bien besoin d'être ripolinée de nouveau. Je l'admirais chaque jour, du temps où je venais travailler à la bibliothèque de la Querini qui, de par la volonté du dernier propriétaire du palais qu'il donna à la ville à l'expresse condition que la bibliothèque reste ouverte quand les autres sont fermées. On entrait alors par le délicieux petit pont de bois dessiné par Scarpa. Il y avait peu de visiteurs et cette petite entrée conçue par le génial architecte suffisait pour accueillir tout le monde. 
 
J'aimais m'asseoir sur le pont storto qui traverse le rio di San Giovani Novo et dessiner la maison. J'y ajoutais des personnages nés de mon imagination. polichinelles, belles colombines et arlequins fantasques évoluaient devant mes yeux. Je rêvais d'être un jour l'heureux propriétaire de cette belle maison vénitienne. Sa grande sœur se dresse sur le campo de Torcello, devant la basilique. Même époque, même plan, mêmes proportions. Il y a en d'autres de cette époque disséminées un peu partout dans la ville. elles ont toutes un côté un peu rustique, campagnard. Un rêve de campagne au milieu de la ville, l'émanation d'une architecture mineure de la Sérénissime... A ma connaissance, la belle n'est toujours pas à vendre.
 

L'été à Venise à l'ombre des arbres et dans le silence des maisons

Lorsque l'été est vraiment, vraiment là à Venise, la vie en ville change inexorablement. Vivre à Venise est un art en temps normal, mais devient presque une science entre ces deux dates-butoir que sont la Festa del Redentore (3e weekend de juillet - précisément aujourd'hui) et la Regata Storica (premier dimanche de septembre). Il fait chaud. Très chaud et l'invasion des touristes est à son comble. Ils ne sont peut-être pas statistiquement beaucoup plus supérieurs en nombre qu'en mai ou juin mais le fait d'avoir eux-aussi à affronter la moiteur de l'air et la puissance du soleil semble démultiplier leur présence. C'est à cela qu'on reconnait que Venise s'enfonce dans la langueur de l'été : touristes dénudés avachis à l'ombre dans les jardins du Palais Royal à San Marco, ou du côté des Giardini à Castello, pieds qui trempent dans l'eau des canaux, arrêts fréquents sur les marches des ponts quand on y trouve un peu d'ombre, odeurs sui-generis du touriste en promenade, mêlées aux relents d'after-shave et de déodorants trop parfumés, bouteilles plastiques et canettes de bière vides qui débordent des cestini le long des rues et sur les campi et flottent sur les canaux... Et puis les trains de gondole jusqu'à pas d'heure qui passent avec les rengaines habituelles dans les canaux lorsque la nuit tombe... D'autres mieux que moi ont décrit la vie touristique de la Sérénissime en été. 

  
Pour les vénitiens qui restent encore, le rythme de vie change aussi et pas seulement à cause des hordes de touristes. Cela, ils en ont l'habitude. Non la vie change car tout le monde soit s'adapter aux grandes chaleurs, à l'absence de vent, à la rareté de l'ombre. Le vénitien se lève tôt et sort à la fraîche pour aller faire ses emplettes. En plein été, sortir chercher le journal, aller prendre le café du matin et la brioche qui va avec, devient une véritable geste. Bon nombre de cafés et pasticcerie ont installé l'air conditionné. piège terrible et monstre pas très écologique. De quoi attraper une bronchite tellement il y fait froid. Pour ma part, je craindrais davantage une syncope à passer des 18° du local aux 32° de dehors ! Le vénitien, donc, cherche l'ombre, prend des raccourcis inconnus des touristes, là où il fait plus frais, et ne se hâte pas pour ne pas souffrir outre mesure de la chaleur. Les volets sont fermés dès 9 heures, les stores baissés. plus question de boire son jus d'orange sur l'altana ou le balcon. Trop chaud. On rentre les plantes qui risqueraient autrement de bruler littéralement et quand on habite dans les étages supérieurs, l'eau de la douche a du mal à venir à nous. Pas assez de pression et moins d'eau... Rien que de très banal. 

Il y a d'heureuses contreparties : les fleuristes du Rialto baissent plus facilement leurs prix car les pauvres fleurs arrivées pimpantes à l'aube, souffrent vite de l'air bouillant, les étals de fruits et légumes proposent des délices qui parviennent en ville chaque jour depuis les montagnes : myrtilles, groseilles, framboises viennent s'ajouter aux délicieuses pêches, aux abricots et aux raisins cueillis aux alentours de la Sérénissime. Les melons sont parfumés à se damner... Dans les maisons tenues fraîches, il règne une douce atmosphère. Le plus souvent, le terrazzo, ce sol fait d'éclats et de mosaïques de marbre, que je regrette en hiver, s'avère le bienvenu en été. La lumière filtre à peine à travers les persiennes et les stores. Tout invite au farniente, à la sieste. 

Pas un vénitien véritable qui s 'aventure dehors, sauf à y être contraint, entre 13 heures et 17 heures. Le silence dans certains quartiers est un bonheur. Même les oiseaux qui depuis le mois d'avril nous régalent de leurs trilles, se taisent. Seuls les goëlands et les hirondelles crient encore. Puis vient le temps de la passeggiata. On se rend sur les campi les plus frais, on se promène sur les Esclavons ou les Zattere, mais le plus tard possible, lorsque les touristes sont partis dîner voire quand ils sont enfin rentrés se coucher. Les vénitiens aussi vont dîner all'aperto et les trattorie qui échappent encore aux chinois et proposent encore des mets traditionnels à des prix nostrani (vous savez bien, ceux qui n'affichent pas de menu ni de carte en d'autres langues que celle de Dante). Rentré, il faut souvent faire avec les moustiques, le chant des gondoliers (mais bon, cela reste plus sympathique, sauf si vous avez décidé de vous coucher avant minuit !) et plus avant dans la nuit, quand un petit vent frais se faufile discrètement, le bruit des valises à roulettes que les touristes arrivés de nuit traînent avec eux sur le chemin - qu'ils ont le plus souvent du mal à trouver - de leur hôtel.Il y a longtemps que le dernier codega a rendu l'âme et sa lanterne...


Ne croyez-pas que je veuille décrire la Venise du plein été comme un enfer. Il faut toujours garder un œil amusé et n'avoir que des pensées positives. Le propos de ce billet en fait était de parler des endroits méconnus des touristes où il fait bon se rendre quand il fait chaud et qu'on ne veut pas rester enfermé chez soi. L'excellent blog Côté Jardin présente justement un de mes lieux favoris, les jardins du palazzo Bembo. J'ai longtemps habité non loin et ce bel espace tranquille s'ajoute à la liste des espaces verts méconnus - heureusement - de la Sérénissime. 


Le petit square des étudiants, en face de la reprographie et du Bureau des élèves de la Ca'Foscari, le jardin de l'ancien lycée arménien, celui de la maison du peintre Wolf-Ferrari, re-devenu une annexe de la Ca'Rezzonico, et tant d'autres à l'accès plus ou moins libre, plus ou moins régulier...
 
 
La Biennale 2013 permet aussi de pénétrer des cortile arborés et de délicieux petits jardins abandonnés comme on en oublie dans Venise depuis des siècles. Faut-il en dresser la liste ? Nombre des sites cousins et amis de Tramezzinimag ont depuis longtemps publié des billets sur ces lieux. Fort heureusement, la plupart de ces petits paradis ne sont pas ouverts au public, ou du moins ne le sont que sur demande ou pour des occasions particulières. En revanche, la littérature qui leur est consacrée est assez fournie avec des publications le plus souvent de qualité. 
 

[ Note ajoutée le 29/07/2023 :   Il y avait à l'origine neuf commentaires sur ce billet malheureusement perdus lors de la suppression par Google du blog en juillet 2015. Huit ans plus tard en dépit de nombreuses interventions et une procédure qui n'avance pas, aucune réponse de Google concernant la disparition du blog et de toutes les archives de Tramezzinimag...:]

16 juillet 2013

Ah ! ces touristes !


 
Campo San Luca. Fin de la matinée. Une pancarte bien lisible, rédigée en italien et en anglais demande aux touristes de ne pas s'asseoir sur les marches. S'il est vrai que le campo manque de bancs, est-ce une raison pour investir tout ce qui peut accueillir un postérieur de touristes ? Même chose pour les marches des ponts qui servent de gradins pour admirer le spectacle ou se reposer des inéluctables fatigues de l'excursion à Veniceland. "«Et ces vénitiens, quels grincheux, ils s'énervent vite, dites-donc !» 
 
Normal, ils vivent là eux, ils e déplacent pour aller travailler, ils aimeraient bien que personne ne s'arrête pile sans prévenir au beau milieu d'une ruelle ou sur un pont, ils aimeraient bien pouvoir rentrer à la banque sans avoir à slalomer entre les tas de gens vautrés...

15 juillet 2013

La Semaine Européenne de l’énergie durable à Mestre organisée par l’Association Nordest Sudovest

C'est sur la Terre-Ferme, à Mestre, le pendant moderne de Venise où sont désormais concentrés les trois-quarts de la population vénitienne, suite à un terrible phénomène d'exode que rien n'est encore parvenu à juguler ( plus de 100.000 habitants dans les années 50, environ 80.000 dans les années 80 et un peu moins de 50.000 aujourd'hui !) que l'a très dynamique association NordEstSudOvest organisait, pour la troisième fois consécutive,sa semaine d'initiatives informatives sur les énergies durables.

..Du 22 au 30 juin dernier, cette dynamique association italienne organisait cette nouvelle série d'initiatives informatives dans le cadre du programme européen intitulé "Semaine Européenne de l'énergie durable" visant à soutenir les objectifs fixés par l'Union européenne pour 2020  : tirer 20 % de ses besoins énergétiques de sources renouvelables et réduire de 20 % ses émissions de gaz à effet de serre ainsi que la consommation d'énergie. Afin de renforcer l'importance de l'évolution vers plus d'efficacité énergétique et d'énergie renouvelable, de nombreuses manifestations se tiendront tant au niveau européen qu'au niveau national et local.
..A Mestre donc, un stand a été dressé Piazza Ferretto, la place principale de Mestre - et la plus belle, avec sa tour médiévale - C'est là qu'ont eu lieu séminaires et conférences dont l'objectif était d'informer la population des nouveautés relatives aux énergies alternatives. Le maire Orsoni était présent et très attentif. C'est que Venise et sa lagune étaient très concernés...
..La conférence inaugurale, dirigée par Pierantonio Belcaro, organisateur et coordinateur des initiatives à Mestre, a permis à plusieurs autorités locales d'intervenir et de s'exprimer pour informer les citoyens des chantiers en cours et des progrès obtenus. C'est ainsi que  Massimo Giorgetti, assesseur aux Travaux Publics et à l’Énergie à la Région de la Vénétie, nous a appris que l'Italie est désormais le second pays européen en production d'énergie alternatives après l'Allemagne (cette dernière avec un pourcentage très supérieur toutefois) : finalement une bonne nouvelle ! Par les temps qui courent, cela fait du bien !
..A Venise, l'objectif est de continuer le long et difficile travail de reconversion industrielle du Port de Marghera, produisant depuis l'ère fasciste des produits chimiques extrêmement polluants, tous dérivés du pétrole. Marghera avait été développé dans les années trente afin de relancer l'activité économique de Venise après la première guerre mondiale. Aujourd'hui, la Région de la Vénétie souhaiterait une requalification du territoire, en exploitant notamment les déchets chimiques  pour produire de l'hydrogène, comme combustible alternatif au pétrole des transports publics lagunaires ou les autobus du territoire de la Terre-Ferme de Venise et des communes limitrophes. Il s'agit d'un vaste et ambitieux projet qui suit son cours et demandera encore de nombreuses années d'expérimentation avant qu'il ne devienne opérationnel. De cette manière, les industries chimiques de Marghera deviendraient une ressource au lieu d'être un sérieux problème pour l'environnement comme c'est le cas aujourd'hui, dans une zone par ailleurs densément peuplée (environ 18.000 habitants). 

A  la fin de la conférence un représentant du gouvernement, venu expressément de Rome, Pier Paolo Baretta, Sous-Secrétaire d' État au Ministère de l’Économie et des Finances a fait une intervention. Il a appris à l'auditoire, qu'il est impératif pour l'Italie doit changer rapidement par nécessité des urgences en cours. L'un des objectifs principaux est de réaliser une vaste politique d'économie d'énergie à tous les niveaux : dans les écoles publiques, sur les autoroutes etc. et surtout d'amorcer un changement de mentalité sans quoi rien ne pourra se faire : changer de mode de vie, en donnant la priorité à la qualité plutôt qu'à la quantité d'énergie consommée. Sages paroles.

Le lundi 24 juin a eu lieu une autre conférence portant sur l'énergie et le Bâtiment Durable, auquel participa un autre représentant du Gouvernement, rien de moins qu'Andrea Orlando, Ministre de l'Environnement et de la tutelle du Territoire et de la Mer, pour démontrer l'importance d'une information complète des citoyens sur "la direction à suivre pour un comportement vertueux". Mais ces gens pris dans le système qui continue de voir dans la croissance et le progrès technique la panacée pour sortir des crises et sauver l'humanité sont-ils crédibles et sincères ? Les italiens n'ont pas d'autre choix que se fier à eux, et à leur faire confiance...
 
Pour plus d'information : www.nordestsudovest.org
et le site européen officiel :www.eusew.eu

29 juin 2013

Lundi à Venise


Je ne sais jamais, lorsque je pars rejoindre la cité lagunaire, si je suis content d'y revenir ou désolé de la retrouver à chaque fois un peu plus endommagée, souillée, dénaturée. Et puis, la légèreté de l'adolescence m'a depuis longtemps quittée. Je n'aime plus partir depuis longtemps. "Vous n'avez qu'à y rester à Venise" me disait ce matin une vieille amie "comme cela, plus de problème ! " Évident et facile mais le passage à l'acte reste néanmoins ardu. Pas facile de satisfaire tous les caractères qui forment celui que nous sommes... Je suis toujours très content d'aller à Venise, heureux de revenir à la source, mais jamais de partir. Et dans une semaine quand il sera temps de refaire les bagages, de fermer les volets et de boire un dernier verre avant que de reprendre le train de nuit, je serai très triste, rageant de devoir partir encore et moins, bien moins heureux de rentrer...  
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24 juin 2013

Mais pourquoi tant de laideur ?



Des goûts et des couleurs, évidemment on ne discute pas. De l'art, souvent naissent débats et l'opinion de chacun est respectable. Le discours de l'artiste, lorsqu'il est sincère trouvera toujours une oreille attentive et bienveillante. L'art conceptuel donne à réfléchir. Snobisme décadent ou erreur passagère qui vogue entre la laideur et l'insignifiance. Toujours une question de point de vue. Et de goût. Mais quand on se promène dans les rues de Venise, happé par tout ce qui s'offre à nos yeux, où même l'être le plus irréductiblement hermétique à la beauté de la ville est secoué par ce miracle de polychromie et de reflets, qu'il s'agisse de lambeaux et de ruines ou de somptueux monuments fraîchement restaurés, se retrouver face à une de ces éructations acryliques qu'on nomme tags et que les vénitiens gratifient d'un "solo merda" définitif, comme me le disait une dame très élégante effarée devant cette chiure qui défigurait un sottoportego où nous nous croisions. 

"La laideur est multiple" écrivait Jules Barbey d'Aurevilly. Multiples en effet les genres de graffitis qui polluent les murs de Venise. Rien à voir, nous l'avons déjà écrit maintes fois ici, avec ces pochoirs ou collages le plus souvent très poétiques ou plein d'humour qui apparaissent un matin au détour d'une calle, sur un mur, et disparaissent bien vite. De vrais artistes en sont les auteurs. C'est beau, drôle le plus souvent et cela n'abime rien de la beauté de la ville. Parfois même, cet art éphémère complète ou illustre la beauté des lieux. Hélas, ces petits bijoux sont submergés par ces horribles vomissures qui fleurissent partout dans Venise. Calme et posé, j'ai soudain des montées d'adrénaline et j'enrage quand j'en découvre, rêvant - je sais, ce n'est pas bien, ni chrétien, ni charitable - de leur faire avaler leur bombe de peinture après les avoir aspergé avec des pieds à la tête ! 

Là-encore, les vénitiens ne baissent pas les bras, et même s'il en revient toujours, ils font la chasse aux tags. Courageusement, entre amis, en famille, ils retroussent leurs manches et vont recouvrir ces horreurs en ripolinant les murs souillés. 

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Histoire d'un coup de canon



Jusqu'à la seconde guerre mondiale, le milieu du jour n'était pas seulement annoncé par la Marangona, la grosse cloche du Campanile de San Marco, il Paron di Casa et par les autres cloches de la ville. Chaque jour, depuis le parvis de San Giorgio, était tiré un coup de canon. Chaque jour immanquablement, les pigeons sursautaient, s'envolant comme un rite pour se poser de nouveau quelques secondes plus tard au milieu des passants de la Piazza.

"meso giorno el pan xe in forno, se el se coto damene un toco, 
se el xe cruo, lassio là...meso giorno xe sonà." 

disaient les vieux vénitiens ("à midi, le pain est au four, s'il est cuit fais-moi signe, s'il est cru laisse-le là, c'est midi qui sonne") qui vivaient avec comme une part des rites et traditions de leur ville. 


Voulue par les autrichiens quand ils occupaient la ville, cette salve a toujours ses défenseurs. Notamment ceux qui, avec humour, souhaiteraient qu'on s'en serve contre les Maxi Navi qui font la polémique à Venise et font en ce moment la une des journaux. Outre le danger pour l'écosystème que Tramezzinimag a souvent dénoncé dans ses billets, le risque d'un accident catastrophique si une mauvaise manœuvre ou une défaillance technique faisaient entrer un de ces mastodontes en collision avec des bâtiments.  Ces horribles navires passent tellement près. 

Même déviés par le chenal qui longent l'arrière de la Giudecca et de la Sacca Fissola, ils représentent à tout moment un risque grave. Un naufrage, une perte de mazout et c'est toute la lagune qui meurt. Déjà terriblement fragilisée, elle ne se remettrait certainement pas facilement d'une catastrophe de ce genre.

Nous à Tramezzinimag, nous opterions pour un port spécialement aménagé sur l'Adriatique, au sud des bouches d'accès à la lagune, avec des équipements hôteliers et d'accueil face à la mer, et un système de navettes, vaporetti ou motoscaphes électriques pour assurer la navette vers le centre historique, des bus pour relier l'aéroport. Cela dynamiserait l'économie locale, créerait des emplois et contribuerait à préserver l'environnement fragile de la lagune et de la cité des doges. mais qui nous écouterait ?

Le maire Orsoni vient de réagir et dans la ville, la colère gronde. Attendons la suite. 

Merci à Gianni Poli qui m'a soufflé ce sujet. 

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19 juin 2013

Les bons comptes font les bons amis...

La souscription du premier titre publié par les Éditions Tramezzinimag, créées pour l'occasion, a été un succès au vu du tirage qui en avait été fait. Les cent cinquante exemplaires numérotés formant l'édition originale ont tous été vendus. 

Cependant un certain nombre de ratées - outre le nombre incroyable d'erreurs typographiques et de fautes échappées à la vigilance des correcteurs - ont pu être constatées. Des souscripteurs ont reçu leur exemplaire en double, d'autres ne les ont jamais eu. Erreurs dans le libellé ou malveillance lors de l'acheminement ? Qui peut le dire ? Il est bien difficile à notre équipe extrêmement réduite de déterminer si tout le monde a bien été servi et si aucune maladresse n'a été commise. La plupart du temps, nous avons pu réparer et satisfaire les demandes des lecteurs. 

Mais il se peut que certaines commandes ne soient toujours pas honorées à ce jour. C'est pourquoi nous sommes à votre disposition pour que tout soit parfaitement régularisé : 

N'hésitez-pas à nous écrire à l'adresse suivante qui centralise désormais toutes les demandes concernant le livre et la maison d'édition : 


D'avance, nous adressons nos excuses à ceux qui pourraient être encore dans l'attente de la réception de leur commande. Un retirage est en cours.

17 juin 2013

Un petit tour à la Pescheria

Le marché aux poissons, situé à côté du marché du Rialto, dans une bâtisse récente qui se fond parfaitement avec les bâtiments anciens de l'endroit. Il faut visiter les lieux tôt le matin ou tard le soir pour se rendre compte de l'importance qu'avait cet endroit, le ventre de la République. 

Depuis quelques années, le marché de gros a été transféré sur la Terraferma, au grand dam des pêcheurs et des vénitiens. Heureusement, la halle aux poissons est toujours là et s'y promener est un régal. Je me souviens dans mon enfance des barques à rame qui transportaient de grandes panières bombées remplies d'oursins, de couteaux, de poissons de toutes sortes. Espérons que la maladie de la modernité ne poussera pas les édiles amants du progrès à enlever à à Venise ce magnifique marché aux poissons.

16 juin 2013

Ils ont nettoyé Venise

 

Comme toutes les villes du monde, Venise est la proie de biens des maux nés des temps modernes. Il en est un qui est particulièrement insoutenable, inadmissible et sacrilège : partout des vandales taguent les murs, couvrant chaque espace disponible de graffitis la  plupart du temps laids et minables (voir Tramezzinimag du 18/06/2012 : ICI).  
 
Ces imbéciles iconoclastes ne prennent même pas la peine de laisser sur les murs historiques de la Sérénissime des tentatives de création artistique esthétique. Ce ne sont que des "signatures", histoire de montrer qu'ils sont passés par là, comme les chiens qui pissent pour marquer leur territoire. Pourtant, à la suite de Giorgione et de Carpaccio, le Street Art peut être beau et s'inscrire parfaitement, avec son côté éphémère, dans le paysage urbain des sites historiques. Ernest Pignon-Ernest, Miss Tic ou Bansky ont ainsi créé des œuvres sur papier ou au pochoir qui n'endommagent ni n’enlaidissent les murs où elles sont apposées. Beaux toujours, drôles souvent et facilement détachables des murs sans risquer de les endommager, ces créations sont de vraies œuvres picturales.
 
Hélas ce qu'on voit partout à Venise, comme à Berlin, à Londres ou à Paris, n'est qu'éructation et flatulences pseudo-artistiques de jeunes dévoyés mal lavés et un peu trop astiqués à la marijuana et à la bière. Ces No Future traînent leur bêtise et leur désespérance le long des calle et des fondamente, et le moindre sottoportego attire leur soif de déjection. Des vénitiens - et souvent des étrangers amoureux de Venise - se mettent au travail pour nettoyer ces déjections immondes. 
 
Tramezzinimag, qui s'est depuis longtemps dressé contre ces nouveaux barbares (Voir ce billet du 14/04/2009 et celui plus ancien du 20/01/2010 ainsi que cet autre billet du 24/04/2012 ),  leur adresse ses plus vives félicitations et tous ses encouragements !

 

 

15 juin 2013

La petite dernière est devenue grande... Constance a 17 ans aujourd'hui !

Je revois cette toute petite chose arrivée en grande pompe un samedi tout pareil à aujourd'hui, dix-sept ans plus tôt. Il faisait très beau. La chanteuse Ella fitzgerald quittait ce monde à presque 80 ans, et Hugo Pratt, disparu l'été précédent aurait eu 69 ans. Elle venait au monde le même jour que Brigitte Fossey, Johnny Hallyday (rien n'est parfait) ou James Belushi... 
 
L'accouchement ayant très fatigué sa mère, le bébé resta seul dans son berceau. J'attendais dans la chambre vide, un peu anxieux. Puis une infirmière amena l'enfant. Une fois encore, la même émotion, la même joie mêlée de tant d'inquiétude. Et puis toujours le même questionnement : serons-nous à la hauteur ? Saurons-nous l'aimer indéfectiblement et la guider sur le chemin de la vie, sur le chemin du bonheur ? elle était là, toute petite, les poings serrés, les sourcils froncés... J'ai pris ce petit corps si fragile contre moi. Nous sommes restés ainsi un long moment dans la magie de ses premiers instants de vie. Peu à peu elle a desserrée ses petits poings et a ouvert les yeux. J'avais beau savoir qu'un bébé qui vient de naître ne voit pas encore vraiment, j'ai eu la sensation que ma petite fille me dévisageait, comme pour se faire une idée du père qu'elle allait devoir supporter tout au long de son enfance puis de son adolescence... 
 
Et soudain elle a souri - un rictus de bébé - puis elle s'est endormie. Je sentais son petit corps contre ma poitrine et une immense gratitude s'est emparée de moi. C'est avec les larmes aux yeux que j'ai accueilli sa mère que les infirmières ramenaient de la salle de réveil. J'ai posé le bébé sur sa mère qui découvrait sa troisième fille, notre quatrième enfant. Nous avons passé de longues minutes en silence tous les trois, dans la paix de cette chambre de clinique. Puis Maya, notre nounou est arrivée avec les trois «grands». Margot (8 ans) et Alix (6 ans) se comportèrent en petites mamans, attendries et attentionnées pour le bébé comme pour leur mère. Jean qui n'avait pas encore trois ans, plus déluré, visiblement ému par cette toute petite chose, était lui aussi plein de précautions avec sa petite sœur à peine arrivée. Nous avions plusieurs prénoms en tête, mais aucun ne s'était encore imposé. Pour tout le personnel de la Maternité, les infirmières inscrivirent donc "Bébé" suivi de notre nom de famille, par défaut, sur son bracelet... Ce n'est que deux ou trois jours plus tard que nous fûmes (tous) d'accord, et certains du choix : Constance, Philomène, Marie prenait place dans la fratrie. Elle poussa sa première colère dans le taxi qui nous ramenait à la maison. Elle aurait à l'évidence un caractère bien trempé ! Il y a dix-sept ans déjà ! J'ai l'impression que c'était hier ! Joyeux anniversaire ma Constance !


[Les neuf commentaires à ce billet ont été engloutis avec le premier Tramezzinimag suite à une incompréhensible décision de Google jamais encore éludée. Si leurs auteurs repassent par cette page et qu'ils se souviennent de ce qu'ils ont écrit, ils sont évidemment les bienvenus.]

13 juin 2013

In Principio : Le Vatican dresse son pavillon à la 55e Biennale

 

Une première : le Vatican a son pavillon à la Biennale de Venise depuis le début du mois. Le Saint-Siège a commandé des œuvres sur le thème de la tension entre création et chaos, en trois volets. 

La partie «Création» a été confiée à un groupe d’artistes italiens, le studio Azzurro de Milan, qui présente une installation multimédia plaçant le visiteur au centre d’un "mouvement physico- sensoriel et mental". La «Dé-Création» (allusion au Déluge, à Caïn et Abel) est illustrée par des photos géantes du Tchèque Josef Koudelka : des chars russes à Prague en 1968. Enfin la «Re-Création» cupération pour «"donner le sens d’un nouveau départ vers un monde guidé par Dieu». Coût de l’opération : au moins 750.000 euros apportés par des sponsors, comme le groupe énergétique ENI et la banque Intesa SanPaolo. Tout cela pour remédier à «un divorce qui s’est consommé, mais qui n’a jamais été total et absolu» entre l’art et la foi, dixit le Vatican.


Car le dialogue entre l'art contemporain et l’Église romaine a été longtemps interrompu. Méprise ? Blocage dogmatique ? Besoin d'émancipation des artistes par rapport à la morale chrétienne ? Un peu de tout ça certainement. Mais voilà qu'à l'occasion de cette 55e biennale, le dialogue reprend et pas sur un mode mineur. Création, dé-création et re-création... Voilà une thématique qui peut se décliner sur plusieurs modes. Spirituellement et artistiquement. Dialogue difficile qui se réamorce peu à peu donc, mais qui n'a jamais été vraiment interrompu, tant la création artistique ne peut s'envisager sans une part de spirituel. Le message de l'artiste, même lorsqu'il se fait sombre et pessimiste, reste une démarche intellectuelle d'où le sacré n'est jamais vraiment exclus. Il y au Vatican des amateurs d'art et des théologiens qui n'ont jamais cessé de suivre la création contemporaine et ses chapelles. 

Le cardinal Gianfranco Ravasi en présentant la démarche du Saint-Siège et le choix des artistes invités, rappelait la collection d'art contemporain voulue officiellement par Paul VI et qui compte des œuvres de très grande qualité produites par des artistes de haut vol. Comme l'a précisé le cardinal :
«Il s'agit de restaurer le dialogue interrompu entre l'Art et la Foi... Inciter au dialogue dans un contexte plus ample et diversifié que celui dans lequel l'art sacré évoluait jusqu'alors.»

De fait, en installant ses cimaises pour la première fois, parmi les pavillons de cette grande kermesse de l'art où le public a été confronté à maintes reprises à des œuvres délibérément blasphématoires, le Vatican a choisi de s'inscrire dans une démarche dynamique, souvent décriée par les plus orthodoxes défenseurs du Dogme catholique. Pas d'ornements d'église ni d'art sacré donc, mais de la matière à réflexion proposée par les artistes sélectionnés, le Studio Azzurro, Josef Koudelka et Lawrence Carrell, lié au mouvement Arte Povera. Tous trois artistes laïcs, sélectionnés à l'intérieur d'un groupe restreint de plasticiens de renommée internationale” par une très sérieuse commission scientifique sous la direction du directeur des Musées du vatican, Antonio Paolucci. Parmi les membres de cette haute autorité, il faut citer Micol Forti, directrice de la Section Contemporaine des Musées du Vatican, Sandro Barbagallo, Francesco Buranelli et Pasquale Iacobone.
Le cahier des charges  auquel les artistes avaient à répondre se résumait à une interprétation libre et personnelle des onze premiers chapitres de la Genèse s'articulant en trois idées. C'est ainsi qu'est née la Création du Studio Azzurro, installation intitulée «In Principio e poi» (En Principe, et puis), la De-création, qui s'expriment à travers 18 photographies géantes de Koudelka, et la Nuova Umanità, ou Re-création matérialisée par Lawrence Carroll dans des objets et matériaux de récupération à qui l'artiste a redonné une nouvelle vie.  Avec ces travaux, la salle d'armes de l'Arsenal qui accueille le pavillon de l’État pontifical, présente aussi un triptyque du romain Tano Festa, disparu en 1988, et qu'il destinait à la Chapelle Sixtine. propriété du collectionneur Ovidio Jacorossi qui en a fait don aux Musées du Vatican.
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.La foi (ou l'absence de foi) des artistes n'a pas été prise en considération dans le choix de la commission pontificale. «Nous voulons amorcer un authentique dialogue entre la composante religieuse et l'art contemporain qui possède une nouvelle grammaire expressive. C'est pour cela, que nous attachons beaucoup d'importance à cette expérience, en espérant qu'elle s'avère particulièrement significative en ce qu'elle s'inscrit dans la grande tradition de l'art et de la foi, avançant ensemble sur le chemin de la culture.»"


..Le catalogue de l'exposition est édité par FMR Art’è.