26 janvier 2008

Les festivités du carnaval suspendues

Venise était en deuil aujourd'hui et pour la première fois depuis la renaissance du carnaval celui-ci a été suspendu toutes la journée à l'occasion des obsèques des deux ouvriers morts dans un accident à Marghera. Partout les policiers étaient chargés d'informer les touristes de la suspension de toutes les festivités. A Mestre, sur la Piazzale Roma et à la gare, des panneaux indiquaient en italien et en anglais l'évènement. Cela n'a pas posé trop de problème. Pas d'émeutes en tout cas. La foule (estimée à plus de 40.000 personnes) a continué à déambuler dans les rues, les touristes ignorants - ou préférant ignorer - les mesures prises en raison du deuil décrété par le maire s'amusaient dans les rues, déguisés et masqués. Parfois un commerçant ou un policier leur expliquait que le carnaval était suspendu pour la journée, toute festivité interrompue et le deuil proclamé invalidant tout délire. Demain ce sera la reprise de la fête avec le traditionnel vol de l'ange.

Nocturne vénitien


Il marchait seul dans la nuit. Depuis toujours, il aimait arpenter Venise après le coucher du soleil. Un écouteur sur les oreilles, c’était chaque fois la même musique qui l’accompagnait : Vivaldi, le Magnificat et le Gloria. Un enregistrement sublime qu’il ne peut plus entendre sans que son cœur se remplisse du bruit de ses pas qui résonnent sur les dalles des ruelles, sans être pénétré de l’envoûtante odeur de la Cité endormie, ce mélange unique d’air marin, de salpêtre et de bois pourri. Il marchait seul dans la nuit en compagnie de ses rêves. Dans cette ville unique au monde, il savait qu’on ne risque pas de mauvaises rencontres dans les rues de Venise.

Il avait ainsi appris à connaître chaque recoin de la ville. Sa première promenade, il l’avait faite, seul déjà, un soir d’août alors qu’il n’avait pas quinze ans. Il demeurait avec ses parents et ses sœurs au Londra, sur la Riva dei Schiavoni, avant de partir pour la Grèce et la Turquie. Ce soir-là, il n’avait pas voulu accompagner sa famille à un concert. Il préférait se promener, seul. Il partit en même temps qu’eux mais choisit d’aller dans l’autre direction, vers les Giardini Reali, derrière la Piazza, le long de cette promenade qui borde le bassin de San Marco, avec les gondoles et les taxis bien alignés devant les balustres en pierre blanche. Le soir toute une foule cosmopolite et élégante s’y rencontre. De mauvais peintres y proposent des portraits à trois sous, des camelots se mêlent aux touristes sous le regard indifférent des nombreux chats qui vivent là depuis toujours. Il avait toujours aimé les chats et surtout ceux de Venise, tantôt faméliques, tantôt plantureux. Ses sœurs se moquaient de lui : il voulait un chaton vénitien comme à Rhodes il voudra un chaton grec. Ce n’était plus un enfant mais ce jeune adolescent restait très jeune dans sa tête. Poète, il rêvait chaque instant de sa vie et sa rencontre avec Venise fut un miracle, une révélation. Il ne devait plus s’en guérir. Jamais.

La nuit allait être belle et la lune brillait. Le soir tombait peu à peu recouvrant d’un voile rose les toits et les façades. Les colonnes de la Piazzetta se dressèrent devant lui quand sonnait le Gloria dans son casque. Il se rêva condottiere dans son retour triomphant d’Orient. Tour à tour prince d’Asie ou riche marchand, il avançait à travers les rues, hors du temps. Fasciné, il marcha plusieurs heures et ne revint dans sa chambre que fort tard dans la nuit. Il s’endormit, rompu, les yeux remplis de toute la beauté dont il s’était imprégné dans cette nuit magique.

Ce plaisir ne l’a jamais plus quitté. Il a grandi, Devenu homme, il a beaucoup voyagé. Nombreux de ses rêves d’enfants ont été trahis, perdus, abandonnés. La vie ne lui a pas toujours été facile, mais il n’a jamais cessé de revenir marcher dans la nuit, à Venise. Et toujours, depuis plus de trente ans, il écoute le Gloria et le Magnificat en errant sur les ponts, dans les rues et les campi de sa ville.
Parfois c'est la romance anonyme de Narciso Yepes ou la sonatine de la Cantate BWV 106 de Bach qui l'accompagnent, mais aucune musique n'accompagne et illustre mieux la longue histoire d'amour qui le lia définitivement ce soir à Venise...

 

2 commentaires:

venise86 a dit…
C'est en traversant mon premier pont et en rencontrant donc le premier canal, au bout d'une ruelle étroite et sombre, à la descente d'un vaporetto coté Castello, que je suis tombée irrémédiablement amoureuse de Venise...
anita a dit…
Découvrir vos mots , vos textes , le matin ...quel plaisir ! mais quel bonheur aussi de musarder ce soir , avant de me mettre au lit ... et rêver d'Elle ... anita

25 janvier 2008

Dans la brume

Le trafic sur le grand canal ne faiblit jamais même avec le brouillard qui envahit souvent l'hiver la lagune. Il enveloppe d'une aura de mystère toute la ville et rend tout somptueusement mystérieux. Se promener l'hiver dans la brume à Venise est une expérience magique. On n'est plus dans le monde mais dans un ailleurs fait de silences et d'odeurs particulières. La lagune se fait immense et voguer loin des chenaux les plus empruntés par un jour de brouillard même en plein après-midi, est une sensation extraordinaire tant on se sent perdu au milieu de cette étendue où le ciel et l'eau ne font plus qu'un.


1 commentaire:

anita a dit…
....je n'ai pas encore vécu cette magie ( peut-être lors de mon dixième court séjour , fin mars !) mais j'ai gardé précieusement quelques photos du Canal , de la lagune et d' églises tronquées par une brume facétieuse .... anita

23 janvier 2008

La mort d'Heath Ledger


J'avais dit mon sentiment sur le film que tourna le jeune acteur australien et dont le tournage dura cinq mois à Venise il y a trois ans. Cette vision amusante et légère de Casanova regorgeait de trouvailles mais aussi de tellement d'erreurs et d'invraisemblances comme trop souvent et je déteste cela.
Cependant, le personnage principal était magistralement interprété par ce beau jeune homme de 25 ans que le médiocre "Secret de Brockeback mountain" a rendu célèbre et qui vient de perdre la vie mardi. Ledger semblait promis à une brillante carrière. Parler des "people" n'est ni mon habitude ni mon goût, mais j'avais trouvé le jeu de ce Casanova en devenir très vrai et si le film n'était pas un chef-d’œuvre, il mettait joliment Venise en scène. 

On dit qu'il avait adoré tourner dans la la cité des doges et que tout le monde l'avait pprécié ici. Il n'aimait pas les contraintes de la célébrité et détestait être mis en avant. Après les prises de vue, il se régalait de ses promenades dans les ruelles éloignées ou personne ne faisait attention à lui et où il n'était pas suivi par une meute de fans et de journalistes. Lasse Hallstroem, qui l'avait dirigé dans "Casanova", l'a confirmé :
"Les cinq mois fantastiques de tournage à Venise furent une expérience inoubliable. Travailler avec lui était un régal, il était très intelligent, très réfléchi... Il était aussi très mûr pour un garçon de son âge..."
Le monde est ainsi aujourd'hui et beaucoup ne s'y sentent plus à leur place. Je viens de retrouver dans mes archives cette photo qui définit bien le personnage. C'était à la Mostra, lorsque Heath Ledger reçut la coupe Volpi, sous le regard surpris mais amusé du Lion de San Marco.

3 commentaires:


anita a dit…
....les plus sensibles des artistes ( c'est presque un pléonasme ) s'y sentent souvent mal à l'aise ... leur monde est si différent de l'autre , devoir y être confronté leur est souvent fatal . anita
Gérard a dit…
Le monde des médias , du cinéma en général , ne parlons pas de celui de la politique et des affaires , n'est qu'un monde de terreur . Un monde de manipulation . Et de manipulations . Où les agissants sont souvent les mêmes victimes expiatoires de leur propre spectacle . Et pour en avoir fréquenté quelques uns , finalement de pauvres humanoïdes . Hier soir , regardant et écoutant attentivement celle qui fut et qui demeure il faut bien le dire la très belle Jeanne Moreau , je me suis posé la question : " Comment a-t-elle fait pour tenir dans ce milieu ? Et comment son âme n'a pu être trop brisée par ce double jeu , souvent très petit et très infâme ? " Cette Femme-Verseau est une source . J'y bois . Dormeur du Val , il sait que rien ne vaut l'éclat renaissant de la pourpre énergétique qui luit au revers des coquelicots . Quand il relève son regard de l'onde qui coule , vers la mer des blés nourriciers . Simples , mais incandescents . Lumière !
anita a dit…
Oui oui Jeanne moreau !!! et aussi Danielle Darrieux ( presque )fraîche comme une rose .... Quel bonheur ! anita

22 janvier 2008

Merci à mes lecteurs !

Le cap des 70.000 visiteurs a été franchi pendant mon absence. Comme en catimini !!!
 
Joie de voir ce journal virtuel attirer de plus en plus de monde. Rassurant de savoir combien Venise est aimée et combien tout ce qui la concerne touche les gens. C'est cela le patrimoine de l'humanité après tout, cette notion artificielle trouve ses fondements et sa justification dans l'affection que nous portons à des lieux mythiques, souvent fondateurs de ce que nous sommes. S'il est un peuple, une cité qui sont porteurs de civilisation, c'est bien le peuple vénitien et la Sérénissime après tout ! En tout cas, je ne vous remercierai jamais assez, mes chers lecteurs, pour votre enthousiasme, votre fidélité et votre indulgence !

4 commentaires:


anita a dit…
Ne croyez-vous pas que ce soit moi et tant d'autres qui devons vous remercier ? Je lis actuellement " Le piéton de Venise " de Marc Alyn ... eh bien , il y manque juste une dimension ( et laquelle !!! ): la chaleur de l'enthousiasme que vous ajoutez aux écrits que vous nous livrez ... anita
Myriam a dit…
non non ne me remerciez pas ou plutôt ne nous remerciez pas. Merci de m'apprendre tous les jours, petit à petit, l'histoire de Venise d'hier et d'aujourd'hui. Merci de me faire partager tous les jours, petit à petit à travers vos récits, vos photos, et toutes les atmosphères que vous décrivez..........Venise Myriam
Florence a dit…
Cest à nous de te remercier de tous ces articles sur Venise. Pour moi c'est un réél plaisir de lire Tramezzinimag, je me sens au plus près de mes racines...et ça me permet de patienter entre 2 séjours. Ciao e grazie
Gérard a dit…
3 femmes et pas un homme ! Alors , Ozon ! Bravo à ce blog infiniment lumineux . Bon , la vieille cité , des fois elle me semble loin , si loin .............. Là-bas , comme perdue au fond d'la mer . Et puis d'un coup , la voilà qui m'revient en plein d'dans , comme une secrète nécessité . Une vague . Sont-ce les couleurs voletantes du fabuleux papillon impérial d'Amérique centrale ? Cet éternel périodique . Où bien celles idem des marbrures époustouflantes des Miracoli ! Posées d'ssus . Toujours est-il que par moments la force et la légèreté viennent à se confondre et ici à se fondre . Cette Cité-Femme qui se balade dans les esprits , pour une fois , pour une fois seulement , est libératrice ! On s'y accroche ! A ses ailes . A son nectar .

21 janvier 2008

La Venise des origines

Les Fous de Venise que sont pratiquement tous mes lecteurs sauront reconnaître l'endroit où cette photo a été prise (*). La question que je me pose - car un doute subsiste - est de savoir si cette crypte magnifique où on respire un air qui semble venu des temps anciens, était déjà inondée quand je vivais à Venise ? Je crois me souvenir de longs moments passés assis sur les dernières marches de l'escalier qui descend vers la crypte à lire le Lorenzetti sans être dérangé par d'autres visiteurs... La présence des générations fondatrices se ressent très fortement entre ces murs, comme à Torcello ou dans certains très vieux palais. Comme s'ils étaient physiquement présents bien qu'invisibles....
.
(*) : Il s'agit de la crypte byzantino-romane de la chiesa di San Zaccaria.

1 commentaire:

venise86 a dit…
Comme je vous envie de connaitre si bien Venise.. Intimement... Que de lieux à noter et à retrouver... moi qui suis brouillonne et pars le nez au vent des ruelles sans dessein, ni but determiné.. Venise la folle, la baroque, va t elle finir par me discipliner?

20 janvier 2008

Les noyés de la piazzetta

On a repêché l'autre jour le cadavre d'un homme flottant dans les eaux du grand canal. Cela ne se produit plus très souvent mais l'évènement a fait jaillir des tas de souvenirs dans l'esprit des vénitiens. Des bons et des mauvais.
 
Saviez-vous qu'autrefois, la République faisait exposer les noyés sur la piazzetta dei leoncini, cette petite place située à côté de la basilique San Marco, devant l'actuel patriarcat (demeure de l'archevêque de Venise). Là, les cadavres repêchés dans les eaux de la lagune étaient exposés sur des brancards afin de permettre aux familles de venir reconnaître parmi les dépouilles gonflées par l'eau de la lagune leurs disparus. C'était devenu une attraction. La nuit, des lanternes éclairaient les catafalques sous la surveillance des soldats qui veillaient à ce que personne ne vienne voler ce que les noyés pouvaient avoir sur eux. Il y eut une période où les brancards remplirent toute la place. C'est que pendant longtemps, il n'y avait pas de parapets. 
 
On pouvait glisser d'un pont ou marcher trop près de la rive. L'eau est froide en hiver et peu de gens autrefois savaient nager. Il y avait aussi les noyades provoquées. Un mari jaloux, un marchand escroqué, un adversaire politique. La méthode fit ses preuves. Pour rentrer chez soi la nuit, puisqu'il n'y avait pas d'éclairage public (ou, quand il y en eut un il n'existait pas dans toutes les rues de la cité et ne fonctionnait qu'aux alentours immédiats de San Marco), les vénitiens utilisaient les services de jeunes gens munis d'une lanterne spéciale que l'on appelait el Codega (les porteurs de lumières furent ainsi baptisés "codegon"). Une loi de 1450 obligeait toute personne circulant dans la ville après trois heures du matin à se munir d'une lumière afin d'être reconnaissable. Il y avait tellement d'agressions. 
 
Comme partout régnait une obscurité absolue parfois allégée par la présence de la lune et, de loin en loin, par les lumignons (les "cesendeli") qui brûlaient devant les petits temples votifs dédiés à la Vierge ou à des saints, il fallut bien trouver des solutions. ce fut El codegà. L'usage de ce service permettait de circuler en conformité avec la loi si on n'avait pas avec soi de lanterne ou de bougie. Comme il n'y avait pas de rambardes ni sur les ponts, ni le long des canaux, il était facile de tromper quelqu'un. Il suffisait que le porteur de lumière accélère et se rendre sur l'autre rive d'un canal par exemple puis attire son client qui pour ne pas le perdre de vue s'engage en direction de la lumière et plouf, le voilà à l'eau. Après une soirée bien arrosée et un trop riche repas, l'eau glacée de la lagune avait la plupart du temps raison de la pauvre victime. Le porteur de lumière éteignait vite sa lanterne et rentrait chez lui, la bourse bien remplie pour son méfait. D'autres fois, suivant le codegà dans des ruelles éloignées, le passant était attendu par des trousse-jarets qui l'assommait ou le transperçait de leur lame effilée et il finissait dans l'eau... On retrouvait nos pauvres victimes le matin sur la piazzetta dei leoncini...

3 commentaires:

Florence a dit…
Ciao Lorenzo,
Je ne connaissais pas l'ancienne "utilisation" de la piazzetta....
Pour ma famille, tous les enfants se sont faits photographiés assis sur un des leoncini de la photo. Tradition!! que j'ai bien sûr appliquée avec plaisir qui j'espère perdura un jour quand je serai nonna.
A presto

Anonyme a dit…
il semble d'après les webcams branchées en permanence sur 5 endroits de Venise que la meilleure semaine pour y aller soit celle-ci = juste avant le carnaval : presqu'aucun touriste! Marie G
Lorenzo a dit…
Effectivement, il faut en profiter. Le temps n'est pas si mauvais et la foule reste absente. Mais c'est hélas un peu comme le calme avant la tempête...

19 janvier 2008

Nature anti-nature

On ne rencontre jamais mieux Venise que seul et sans but. Malinconia. Cet état atroce et merveilleux, le solitaire s’y accroche car il y trouve un délicieux bonheur, une richesse unique. Triste et joyeux presque simultanément, le malade de Venise s’enrichit d’heures en heures de sensations spécifiques. 

Un peu à l’image du novice qui peu à peu se dénoue et entr'aperçoit sa véritable essence après plusieurs mois, voire plusieurs années dans sa cellule solitaire. Bien au contraire. 
C’est la joie de cette lumière, le bonheur de cette atmosphère unique, cet esprit unique : être et évoluer dans un milieu terriblement humain et pourtant totalement artificiel puisque gagné sur la nature. Les pierres et les piliers de bois sont de la nature mais leur utilisation et l’usage qui s’en suit est par essence anti-nature. Ce qui ne veut pas dire contre-nature… Bref au milieu de cet ensemble nature-antinature qu’est Venise, j’ai trouvé ma vraie nature. L’universalité née de sa beauté et des mythes qu’elle a ainsi suscité me permet – comme à des millions d’autres adeptes (on se croit toujours seul et unique amoureux, seul et unique connaisseur et de facto consommateur de Venise) de la retrouver partout presque instantanément et même sans le vouloir : sur les écrans de télévision, sur la toile, aux vitrines des librairies, dans les musées, les conversations. Un reflet, un son particulier, une odeur et n’importe où me voilà transporté à Venise et dans mes souvenirs aussi…

4 commentaires:

condorcet a dit…
Très belle évocation de ce lien si particulier qui unit Venise à ses admirateurs. Un amour partagé car, contrairement aux lignes vengeresses sur les foresti et autres vandales, Venise se dévoile avec plaisir aux promeneurs tardifs, à l'âme errante, à la recherche sereine. Comme le fil de l'existence, Venise se déguste à toutes les allures.
anita a dit…
Oui " on se croit toujours seul ...unique connaisseur ..." dégustateur de cette ambiance qui ( m')ensorcèle dès l'esplanade de la gare ... admirateur de tout Elle , ses ruelles casanoviennes , celles qui doivent se mériter ! ses verdures qui jouent les coquettes : se laissant admirer , un peu, beaucoup , passionnément ... C'est cela être amoureux ! Je remercie le Ciel de me permettre de La découvrir à chaque fois un peu mieux ... C'est cela être amoureux et remercier le Ciel de L'avoir connue

venise86 a dit…
Tout est dit ci-dessus et complète mon commentaire précédent.. Quand je suis à Venise, par bonheur, je ne construis rien de mes journées, ou presque. Je prends, je bois, Venise comme elle se donne... Et ce n'est qu'au retour que je rationalise.. J'aimerai tellement que Venise me devienne aussi familiere que mon coin de campagne, ou mon quartier quand je suis en ville... J'aurai tellement l'impression de l'offenser en voulant la rencontrer au travers des guides...
venise86 a dit…
Être amoureux, c'est retrouver, ou croire retrouver, partout, des signes de l'aimé... Il en est ainsi de Venise en effet... Mon entourage parle de mono mania... et ne comprend pas... Mais ne fait pas pour autant le voyage, paralysé qu'il est par les clichés...

18 janvier 2008

Une journée en hiver



 

4 commentaires:

Anonyme a dit…
la première photo, est-ce le canale di san Pietro? je crois reconnaître.... et la deuxième est assez ancienne, non? Bonjour de Belgique. Marie G
anita a dit…
Merci ....pour ce que je me réjouis de trouver le matin en ouvrant le mag ...
Aujourd'hui la Venise fraîchement engourdie et votre salutaire coup de gueule !
Anita
M@rie a dit…
Bonjour, j'ai visité votre blog et je l'ai trouvé intéressant. Pour rassembler les blogs évoquant Venise, j'ai créé une communauté nommée Venise sur la ville italienne ainsi que toutes les petites venises du Monde. Accepteriez vous de nous rejoindre sur cette communauté, si vous le pouvez?
Lorenzo a dit…
Merci pour cette invitation. Envoyez moi le lien.

17 janvier 2008

Carnaval revient dans dix jours et rien ou presque sur le net

A une semaine du début des festivités 2008, rien ne semble vraiment prêt pour informer les amateurs de cette liesse obligée qu'est le carnaval. Aucune lisibilité, aucun programme en ligne, rien que des généralités. Jan Van der Borg, professeur d'économie touristique à la Ca'Foscari et l'un des plus éminents spécialistes actuels de l'étude et de la gestion des flux touristiques dans les grandes villes d'art, écrivait ce matin dans le Gazzettino un billet d'humeur qui, au-delà de la rogne, montre d'une manière significative l'échec actuel de toutes les tentatives d'organisation et d'encadrement des grands évènements touristiques.


Il a voulu voir où en était cette fameuse Agenzia degli Eventi (agence des Évènements) qui est depuis peu responsable de l'organisation et de la sponsorisation des évènements touristiques, connue jusqu'à ce jour par l'appellation Casino di Venezia Spa. Organisme mi-privé mi-public qui regroupe entre autres des hommes d'affaires de Las Vegas, de Disneyland... Qu'en est-il des préparatifs ? Cet éminent universitaire s'est donc promené en ligne à la recherche de sites qui pourraient lui donner les informations nécessaires à l'organisation d'un séjour à Venise pendant le carnaval. Seul le site de la Municipalité donne quelques détails et renvoie au site officiel (www.carnevale.venezia.it) qui n'est encore qu'un superbe carton d'invitation animé sans aucun détail précis. Curieusement, sur le site du casino, aucune trace du carnaval ! Comme le souligne Van der Borg, n'avait-on pas insisté lors du lancement de cette fameuse "agence" sur "la priorité donnée à la mise en place d'une totale et complète synergie de communication" (cela figurait dans le somptueux dossier de presse qui nous avait été remis) ? 

Aucune information logistique (et quid de la gestion des flux justement ?), aucun conseil utiles pour ceux qui voudraient découvrir la plus importante manifestation touristique de l'année (quid de la qualité de la visite proposée au touriste ?). Un site officiel qui consiste seulement à présenter un sorte d'affiche publicitaire, carton d'invitation virtuel qui bouge dans tous les sens, où en plus du nom du directeur artistique, on découvre que seuls les habitants de la terraferma pourront dormir tranquilles pendant le temps du carnaval, puisque les manifestations semblent, au vu de ce qui est indiqué sur le site, ne concerner que les seuls quartiers du centre historique...


Il semblerait donc qu'encore une fois, les responsables locaux ont perdu l'occasion de donner une vraie lisibilité à l'évènement et aux règles de comportement de qui vient à Venise. Pour Van der Borg, avoir laissé de côté internet, le média considéré aujourd'hui à juste titre comme le plus puissant vecteur d'information - en général et en particulier pour le secteur touristique - est vraiment impardonnable. Pour notre spécialiste, cela n'est que le symptôme d'un mal bien plus grave : une agence dont le principe paraissait formidable qui s'avère mort-née aussitôt créée... On ne peut qu'espérer la voir ressusciter avec l'arrivée annoncée des intervenants privés. 

1 commentaire:


douille a dit…
Je crois que cette date de carnaval, trop hâtive sur les calendriers, n'arrange personne.

16 janvier 2008

Eaux mortes.

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Quand Philippe quitta Paris, il ne savait pas si Anna l’attendrait. Elle lui avait écrit trois mots en deux ans et il n’avait plus aucune nouvelle depuis plus de six mois. Était-elle encore à Venise ? L’épreuve de l’hiver sur la lagune avait-elle eu raison de sa détermination. Il voulait la revoir et la serrer enfin dans ses bras. Mais que trouverait-il en arrivant ? Une maîtresse attentive et aimante ou bien une gorgone enragée ivre de travail et débordant d’idées fantasques comme lorsqu’elle s’était livrée le dernier soir, quand ils s’étaient promenés sur les Zattere et qu’elle l’avait laissé la prendre dans ses bras, face à Saint-Marc, à la pointe de la douane ?

Le train démarra enfin. Blotti contre la fenêtre de sa cabine, il attendait la cloche du premier service. Il aimait ce dîner rituel dans le wagon-restaurant italien. Les serveurs en veste blanche, le verre de Prosecco et les œillets-d'Inde dans les vases sur la nappe damassée. Autre chose que ces immondes voitures-bar du Paris-Rome ou du Paris-Milan… Il traînait longtemps à table, parlant avec les serveurs, presque toujours vénitiens. Quand il rentrait se coucher, les couloirs de son wagon étaient depuis longtemps vides de tout passager. Il dormait peu, rêvant à sa ville. Cette fois, Anna se mêlait aux images de Venise, les canaux, les reflets, les palais, les parfums, les silences et les bruits de la ville. Sa ville.

Il n’avait pas tout à fait fini Sciences po. Brillant mais paresseux, il s’était enfoncé dans la vie étudiante comme on se rue vers un eldorado à peine découvert.

(à suivre)
 
 
 
 

4 commentaires:

anita a dit…

C'est émouvant , frissonnant , chaleureux comme .....vous !
Vite , la suite ....
Anita

Etienne a dit…

Joli texte Lorenzo Est ce une nouvelle ou l'ébauche d'un roman enfin ? nous attendons la suite avec impatience c'est vrai !

Lorenzo a dit…

Un test plutôt sur une idée de texte que je vais prendre le temps de peaufiner à Venise dans quelques jours.

Anonyme a dit…

que ça doit être charmant un oeillet-dinde!!! et les oeillets-dindons? ne viendraient-ils pas d'Inde, plutôt? oups pardon... un si joli texte! désolée!

 
 

15 janvier 2008

Persone per Hora Segreta

Délations, dénonciations et accusations alimentèrent les tribunaux vénitiens tout au long de la vie de la Sérénissime. Je viens de lire un ouvrage de Paolo Preto sur cette institution typique du système politique et juridique de la Venise d'autrefois. 
 
Professeur d'histoire moderne à l'Université de Padoue, l'auteur est surtout connu pour son travail retentissant sur les Services Secrets de Venise. Dans son ouvrage sur le système de délation qui était courant dans la cité des doges, Paolo Preto aborde les précédents connus dans les cités antiques et à Rome. Il nous amène jusqu'à la République de Venise, et on voit ce processus de gouvernement de la cité se développer en même temps que le principe de l'inquisition. Les dénonciations anonymes ne l'étaient pas tant que cela. Elles devaient pour aboutir sur le bureau des membres du Conseil des dix ou pire sur celui des inquisiteurs être corroboré par deux témoins dont les coordonnées devaient être précisées. Toute dénonciation fallacieuse faisait encourir à son auteur la même peine que celle qui aurait pu être appliquée à celui qu'il dénonçait à tort. C'était un moyen de maintenir les citoyens dans un état de veille permanente vis à vis de la défense des principes fondateurs de l’État et de préserver le respect des règles, gage du maintien du tissu social. La peur du gendarme amplifiée par la peur d'être dénoncé par son voisin. Les fascistes de Mussolini remirent à l'honneur cette pratique comme Rome avant Venise avait eu l'initiative. 
 
Les dénonciations anonymes qui font partie de la "légende noire" de la Venise des Dix et des Inquisiteurs, représentent un des thèmes principaux qu'utilisèrent les ennemis de la République et de son système. Mais despotisme, espionnage organisé, délation et vengeance forment autant d'éléments parfaits pour les romanciers, les peintres et les librettistes d'opéra. Avec le temps, on ne fait plus une fixation sur ce mode de gouverner les peuples. Big Brother au XXIe siècle ne fait pas mieux et je ne suis pas certain que notre époque d'autocensure et d'inculture soit plus libre et respectueuse de l'homme que celle de la Venise du Conseil des Dix.

1 commentaire:

anita a dit…
D'une nature génétiquement confiante ( !!! ) je me méfie cependant des " traces " qu'il me faut laisser sur la toile ... "tordre" ma nature me fait beaucoup de peine .
Anita

14 janvier 2008

Rébellion à Venise : il y a un avenir pour la cité lagunaire crient les vénitiens !

 
Lorsque MassimoCacciari a annoncé que pour la première fois dans l'histoire de la Venise moderne, les vœux des autorités constituées seraient prononcées depuis la terre-ferme, le tollé fut général. 

Le maire-philosophe osait enfreindre une tradition séculaire et choisissait la banlieue de Mestre pour présenter les vœux de la municipalité aux vénitiens et au monde. Du jamais-vu. De la provocation. Tout un symbole en vérité. Si Cacciari a préféré la ville nouvelle aux dorures du salon d'apparat de la Ca'Farsetti, c'est qu'il voulait adresser un signe fort en direction des habitants de la terra ferma - là où il y a le plus d'électeurs - dans la perspective des élections à venir mais aussi pour signifier. Ses adversaires prétendent en fait que devant l'absence d'un vrai projet visionnaire pour l'avenir de la lagune, il faut occuper l'espace en remuant de l'air... 

J'avoue ne plus savoir ce qu'il en est. Les politiques prétendent que l'avenir économique de Venise est à Mestre comme il le fut un temps à Marghera... Marghera vaste complexe industriel né de la volonté d'un riche aristocrate visionnaire n'est plus qu'une gigantesque friche qui se transforme peu à peu et à qui on doit l'inexorable pollution de la lagune et l'empoisonnement d'un écosystème qui apporta la vie et la prospérité aux vénitiens pendant plus d'un millénaire. Mestre dans sa laideur contemporaine n'a rien à voir avec Venise. C'est un autre monde.
 
Certes il est peuplé aujourd'hui de tous ceux que la spéculation et le tourisme a chassé du centre historique, mais ce n'est rien qu'un gros bourg de province grandi trop vite gonflé de ces zones urbaines où on vit mal et tristement et qui dégénèrent peu à peu en nids de délinquance et d'exclusions. Tout au long de son existence souveraine jamais Venise n'a connu cette misère déguisée sous des oripeaux de confort et de modernité. L’État prenait soin des pauvres et des laissés pour compte. 
 
Tous les sujets de la Sérénissime mangeaient à leur faim. Jusqu'à la révolution française, les pitoyables razzias de Buonaparte et l'insane occupation autrichienne. Le Corbusier disait que "Venise est la cité de l'avenir parce que la ville piétonne est le rêve de tous les architectes"... Sans tourner le couteau dans la plaie on peut se poser des questions sur l'avenir justement quand on voit les difficultés des administrateurs d'aujourd'hui quand il s'agit d'élever un quatrième pont sur le grand canal (avec l'aide de toutes les techniques sophistiquées du XXIe siècle) face à l'aisance de ceux qui érigèrent en un temps record un des chefs-d'oeuvre de l'architecture qu'est le pont du Rialto (sans ordinateur, sans interventions extérieures et sans incident technique). Il est clair que Santiago Calatravà n'est pas Antonio da Ponte ! Massimo Cacciari n'est pas non plus le doge Pascuale Cicogna sous le règne duquel le pont du Rialto fut construit.

Alors avec toutes ces ratiocinations, les vénitiens crient leur ras-le-bol. Ils veulent vivre, travailler et mourir au pays. Cela ne vous rappelle rien ? Moi oui, les paysans des montagnes que chantait Jean Ferrat et que le progrès, la croissance, et tutti quanti forçaient à partir peu à peu pour renforcer les rangs des déclassés, des exploités dans les barres de H.L.M. des grandes cités, purs produits de notre époque moderne. Mais je m'égare. Il s'agit de Venise et des vénitiens, pas de Roubaix-Tourcoing. Mais le résultat est le même.

2 commentaires:

Luc et Danielle a dit…

Bravo et merci Lorenzo pour cette très bonne synthèse des problèmes actuels de Venise !

Quant au Comte Volpi, qui a initié le Port de Marghera, il n'est pas à l'origine de la partie chimique, qui est venue bien plus tard. Il souhaitait prioritairement développer l'économie locale dans un axe "transports modernisés".

Enfin, peut être un espoir pour la pollution, même si c'est aussi un drame pour d'autres, le pôle chimique de Marghera est aujourd'hui en faillite et sa reconversion est à l'ordre du jour. L'ensemble de la zone chimique, après dépollution du sol, devrait être transformé en un pôle technologique type "cité numérique". Il ne manque plus que les "sous" des autorités nationales.

Gérard a dit…

Plus généralement , il est devenu désuet et malvenu de s'accrocher dur comme fer à la vie des cités antiques .
Et pourquoi donc ?
Très simple .
Le tourbillon de folie de l'économie libérale à outrance , des fonds de pension et des finances à vocation planétaire , de la pensée multilatérale et paradoxalement à consistance unique ou monoforme , du déni de démocratie que des gourous et des imposteurs incroyables veulent à tout prix nous imposer , bref cette force de destruction hyper concentrée , maléfique , se justifie de tout et menace l'Histoire et la Culture , les bouscule toutes deux et ceci sans vergogne .
Des soudards .
Et nous , misérables , un genou déjà à terre !
Ah , la beauté des forts !
On ne l'sait pas tout à fait encore , bien que nous en ayons quelques aperçus particulièrement effrayants .
Faudrait y voir !
Quand même ,
A deux fois !
Jean François Kahn disait que la vraie révolution à venir sera faite par ceux qui mettront l'Homme et ses environnements au centre de tout .
Un nouvel Humanisme .
Renaissant .
Et à définir .
Une recherche .
Ou ,
Un vide espérant à combler .
Ou quelque chose comme ça .
J'y crois .
Toute folie humaine appelle inévitablement l'espérance de son contraire .
C'est justement la parade à l'attaque de ceux qui veulent nous détruire sans cesse .
Ils sont hélas partout !
Et c'est pour ça que tous les humanistes , finalement , s'attachent tant à la préservation de l'antique cité , ce vieux refuge .
Ce sont des anachroniques un peu dépassés , mais hyper modernes .
Des fous , des libertaires , des romantiques , des poètes ou des rêveurs , bref des solitaires : ils sont l'essentiel de ce que l'on appellera un jour de manière simple , l'Homme .
Puisqu'ils y vont , chacun à leur façon , tous tendus vers ce qu'ils attendent secrètement .
Une étrange attirance .
Le vide que cette société à but seulement et désespérément argentifère crée n'a , par nature , aucun avenir .
Ce vide absurde génèr
e sa propre déchéance : la savent-ils , cette sécheresse ?
Certainement pas !
Et pourtant demain n'est rien d'autre qu'une sphère immense remplie du non moins gigantesque hier , et ces monstres " aujourd'hui libéraux " qui veulent éradiquer tout ça n'y pourront rien !
Puisque c'est déjà écrit sur des pans même assez plissés de notre vieille voûte antique !
On s'accroche .

Viale Garibaldi, janvier 2008

 

Une splendide photographie de nos amis Luc et Danielle qui nous amènent dans un joli périple du côté de Castello à la découverte de sites inédits et de trésors méconnus. Jetez un coup d’œil à leur article sur e-venise.com

4 commentaires:

FRANCOIS a dit…

Venise veut dire "reviens" c'est vrai qu'on a chaque jour cette envie folle d'y retourner ....
J'y suis allé 6 fois,je veux y retourner cette année une semaine.

Votre site est vraiment extraordinaire ...il remplit nos cœurs et nos âmes et apaise cette envie folle et irrépressible de repartir...

bravissimo!!!et MERCI

Lorenzo a dit…

merci à vous. C'est votre enthousiasme et votre soutien qui font vivre TraMezziniMag !

Tietie007 a dit…

Nous avions bien aimé cette artère un peu à l'écart de l'agitation autour de Saint Marc. Au bout, il me semble que sur la droite il y a un grand parc, ce qui nous avait surpris. Nous avions fait le tour du quartier et j'avais remarqué de superbes immeubles d'époque, peut-être du logement social. Je pense que c'est dans ce quartier que les vrais vénitiens habitent.

Lorenzo a dit…

Effectivement il y a non loin les jardins publics et de la Biennale dont Napoléon décida l'aménagement. C'est un lieu bien agréable en été. Au-delà, les logements construits à partir des années 20 forment un quartier un peu à part comme en face de la gare ces immeubles collectifs qui donnent tous sur des rues pavées et non plus des canaux. Si vous poursuivez votre promenade, vos pas vous porteront vers San Elena et son cloître. les moines y vivent paisiblement et sont très accueillants. L'église dans sa simplicité franciscaine est (en été surtout) un havre de paix. A côté un stade où les jeunes vénitiens s'entraînent au football. En marchant encore on rejoint par des tas de détours la basilique San Pietro, l'ancienne cathédrale et résidence du patriarche avec son campo verdoyant et le port. Des lieux éloignés du passage des touristes.