[...]"Les
plaisirs de l'Ailleurs, dans leur nécessaire diversité, sont encore le
meilleur antidote contre les excès de l'intolérance intellectuelle ou
esthétique [...] Ouvrir aux amoureux de l'écriture, et le plus largement
qu'il se pourra, un espace fraternel qui ignore les limites". C'est ainsi que concluait Jean-Pierre Sicre, le fondateur des Éditions Phébus, dans sa présentation du premier numéro de sa magnifique revue Caravanes. Cela pourrait être le lei-motiv de TraMeZziniMag.
C'est
en tout cas l'idée qui a présidé à sa naissance et que je garde en tête
quand j'écris. Le voyage, c'est bien entendu d'autres horizons à
travers le vaste monde que ma chère Venise. Mais comme Xavier de Maistre avait
sa chambre dont l'exploration le rendit célèbre, j'ai Venise et c'est
pour moi aussi vaste que l'immensité de l'univers. Qu'il s'agisse des
chefs d’œuvres de l'art et de l'architecture ou de ces endroits oubliés
des guides et qu'on nomme la Venise mineure, tout m'est délice dans
cette ville unique, matricielle, plantée au milieu de l'histoire des
hommes et du monde moderne tout en étant indéniablement et
définitivement extérieure à tout le reste. N'est-ce pas prodigieux
d'être ainsi à l'épicentre du désir touristique universel et à la fois
éloigné de tout ce qui constitue la cité moderne. Venise, l'unique milieu urbain qui soit à la fois
contre-nature et totalement dans la nature...
"Un bon
feu, des livres, des plumes ; que de ressources contre l’ennui ! Et
quel plaisir encore d’oublier ses livres et ses plumes pour tisonner son
feu, en se livrant à quelque douce méditation, ou en arrangeant
quelques rimes pour égayer ses amis ! Les heures glissent alors sur
vous, et tombent en silence dans l’éternité, sans vous faire sentir leur
triste passage." écrivait Xavier de Maistre
en parlant du délice qu'il trouvait à s'étendre sur son vieux fauteuil.
Mon quotidien vénitien ressemble un peu à cette description du farniente pourtant bien
rempli de rêveries et de réflexions. Ce n'est pas de paresse dont il
s'agit, bien au contraire. Plutôt d'un dilettantisme, prémisse du
bonheur.
Ce bonheur paisible qu'on ressent quand on se promène sans but
précis, sans savoir où l'on est, dans les quartiers méconnus de Venise.
Les odeurs, les couleurs et les sons que l'on croise y sont autant
d'éléments constructifs d'une paix intérieure. Je ne connais pas de
souci ni de peine qu'une journée ensoleillée d'hiver passée à errer dans
les rues de Venise ne puisse soulager.
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