11 janvier 2008

I walked, he danced...

J'ai déjà eu l'occasion de vous parler sur ce site, de Dachine Rainer, cette extraordinaire vieille dame rencontrée à Venise en 1984 ou 85. J'ai relu son Giornale di Venezia, recueil de poèmes composés la plupart pendant son séjour vénitien, et qu'elle termina entre Dwelley House, son manoir écossais et Twickenham, où elle s'était retirée, chez sa fille Thérèse.
 
Dachine était persuadée qu'on en voulait à sa vie et qu'un gang lié à l'Establishment cherchait à l'empoisonner. De fait, dans une lettre datée de mars 1987 ou elle répondait à mon invitation (je lui proposais de venir se reposer et travailler chez moi), elle m'expliquait qu'elle venait de mettre en vente sa propriété qu'elle aimait tant parce qu'elle y subissait mille pressions. Elle me disait même souffrir d'un empoisonnement chronique au mercure que rien d'autre qu'un complot ne pouvait expliquer selon elle... Qu'en fut-il en réalité ? Interrogée, sa fille reste très évasive. Discrète. Ses amis américains ou irlandais n'hésitent pas à se lancer dans de terribles diatribes contre l'Establishment britannique et les hommes en noir qui n'oublient jamais rien... 
 
On nage en plein roman et ma petite Miss Marple, qui a connu les affres de l'emprisonnement et des violences policières pour ses actions contre la guerre, sa dénonciation du fascisme latent et des exactions du capitalisme - comme du bolchévisme d'ailleurs - dans les années 1930 à 1950, fut en même temps l'amie et l'hagiographe d'Ezra Pound et de sa femme Olga Rudge. Cela en fait un personnage atypique de l'intelligentsia anglaise. Une femme d'une grande liberté d'esprit, une de ces intellectuelles comme le XXe siècle en a produit. je pense à Virginia Woolf, Edna O'Brien ou à Marguerite Yourcenar. De Yourcenar, elle avait la culture, de Woolf cette attitude purement anglo-saxonne. 
 
Un mélange de high-tea-biscuits-tweed attitude et de whisky sec. Elle était totalement imprévisible pourtant. S'apitoyant sur le sort des chats abandonnés de Venise, elle ne pensait plus qu'aux moyens d'approvisionner les différentes associations qui s'occupent de la gent féline dans la cité des doges. Lorsque j'eus à résoudre de graves problèmes avec le galeriste de la Fenice qui m'avait employé, elle se révéla redoutable tacticienne, s'impliqua dans ma vie en recherchant solutions et parades. Elle vivait dans l’œuvre d'Ezra Pound, homme des droites extrêmes, dont le travail git encore malheureusement dans un injuste purgatoire que ses prises de position ne justifient absolument pas. Nos visites à Olga Rudge (qui repose aujourd'hui à ses côtés au cimetière de San Michele) furent toujours pour moi un régal. Les deux femmes parlaient bien évidemment du maître avec force détails. Olga Rudge nous parla un jour de la passion de Pound pour Vivaldi qu'il contribua à faire redécouvrir dans les années 30. J'ai eu la chance d'entendre plusieurs enregistrements d'émissions faites par Ezra Pound où il parlait de Venise et de Vivaldi, dans la maison même où il composa plusieurs de ses grands poèmes.  
 
Dans ces moments-là, Dachine ressemblait à une petite fille reçue par sa directrice de pensionnat ! Un jour, elle raconta à Olga une soirée au théâtre Malibran où nous nous étions réfugiés un soir de carnaval. Venise était ce soir-là entièrement sonorisée et les hauts-parleurs diffusaient à outrance de la musique rock. La ville était envahie par le bruit. Un paroxysme de décibels, si vous m'autorisez cette expression. Au théâtre, le concert fut si beau, si ample, si agréable à nos oreilles et tellement reposant. 
 
En sortant, j'étais tellement joyeux : tellement content d'avoir pu fuir ce bruit insupportable, je venais de régler mes problèmes avec G. grâce à l'intervention du consul (je dois à cet excellent homme beaucoup de ma réussite à Venise comme après en France !), j'avais trouvé en quelques jours un nouvel appartement et le journal allait publier mon article sur Moebius. Bref, mon euphorie se matérialisa en une sorte de ballet effréné. je tournais autour de Dachine en riant, comme un cabri, comme un enfant. Elle riait, tentait de parler, se remettait à rire tout en avançant et en me traitant de gamin, mais je n'arrêtais pas de tourner autour d'elle en chantant et en riant. Nous avançâmes ainsi jusqu'à la Piazza presque vide... 
 
J'ai eu la surprise de découvrir longtemps après la version poétisée dans le Giornale di Venezia que Dachine publia en revenant de Venise : «I walked, he danced». Le souvenir de cet enfer sonore du carnaval de cette année-là est décrit dans son poème «Rock Music» qu'elle m'a dédicacé.

10 janvier 2008

Jubilatoire indiscrétion

J'aime le matin quand, avant de sortir de la maison, je soulève par habitude, subrepticement, le rabat en cuivre de notre boîte aux lettres pour regarder, comme en cachette, les gens qui passent dans la rue. 
 
Parfois quelqu'un s'arrête pour téléphoner, des amoureux croient s'éloigner pour se glisser de doux mensonges, les enfants de l'école voisine se cachent pour effrayer leurs camarades... 
 
Et moi, derrière ma porte, je jubile de mon indiscrétion : un spectacle sans prétention, des instantanés de vie volés au quotidien des autres. Jubilation en effet tellement il est joyeux de se retrouver à la maison, à Venise, et de respirer à pleins poumons ces senteurs si particulières, d'entendre les bruits de cette ville unique au monde et, pour un temps, de participer à nouveau au mouvement...

4 commentaires:

anita a dit…

....un régal ! quel plaisir de vous découvrir : finesse , humour , sensibilité et ...Venise !
Anita

anita a dit…

quelle chance ! je vous ai découvert hier ... il me reste 36 mois de blogs à déguster !!!
Anita

venise86 a dit…

Jalouse.. je suis...

géraud a dit…

Ouh, la Toletta ! très bel endroit.

09 janvier 2008

L'hiver fait une trêve

L'hiver doucement semble vouloir laisser la place au printemps. Mais n'est-ce pas simplement une accalmie. Le ciel s'est fait plus lumineux, et il y a dans l'air quelque chose de doux dont on n'avait depuis longtemps qu'un vague souvenir. Le grand canal est moins gris. Il n'y a pas de vent. Les jours se suivent. Paisiblement. Déjà un peu partout, les préparatifs du carnaval chassent peu à peu les vestiges de Noël. Les décorations multicolores n'éclairent plus les vitrines et les pères Noël qui ont fait leur apparition depuis quelques années, suspendus aux balcons et aux gouttières sont rentrés se reposer. Les enfants ont repris le chemin de l'école. Les touristes sont toujours aussi peu nombreux. Cette accalmie est reposante et les groupes rencontrés autour de Saint Marc semblent tous imprégnés de la magie des lieux. Le rythme des allers et venues semble même serein. Il y a souvent après l'épiphanie cette trêve. Le froid glacial s'estompe, on se prend à rêver aux douceurs d'avril. Mais bien vite la pluie, le vent et parfois la neige en abondance montrent que bonhomme hiver n'a pas dit son dernier mot...

1 commentaire:

anita a dit…

Bonjour Lorenzo ! Comme c'est bon de s'extraire des paillettes et autres mensonges plus ou moins dissimulés !
Je vous lis , j'admire la photo et ...je frissonne . J'y serai bientôt , une fois de plus , en apesanteur , grisée , heureuse seule ou accompagnée ... Et puis je rentrerai chez moi en manque bien sûr , avec un seul désir : y retourner dès que possible !
Y habitez-vous ?
Merci
Anita

08 janvier 2008

Avant l'aube

Venise n'est jamais aussi belle qu'au petit matin, quand on discerne encore à peine les contours des bâtiments qui se profilent au loin, entre le ciel qui s'éclaire et l'immensité ondulante de la lagune. Moment magique comme une musique qui s'élance. On dirait que la vie va surgir pour la première fois, la lumière embraser tout l'espace comme éclate une symphonie.

2 commentaires:

jean-marie a dit…

Cher Lorenzo,

Je vous souhaite une excellente année vénitienne et forme le voeu que les amoureux de cette cité découvrent (comme cela m'est arrivé il y a quelque temps) votre délicieux "blog". Qu'il est doux, en effet, de retrouver à travers les images et les mots, cette Venise que nous aimons. Ce rendez-vous quotidien avec elle est un indispensable moment de bonheur.

Jean-Marie Gallina

Tietie007 a dit…

Je me souviendrais toute ma vie, de notre arrivée à Venise, en vaporetto, que nous avions pris dans la zone des parkings. C'était au crépuscule, et les coupoles et campaniles se dessinaient sous le ciel bas et lourd !
Bonne année vénitienne !
http://tietie007.over-blog.com

07 janvier 2008

Sur les pas de Consuelo, Venise 1745

Consuelo est le roman le plus important de l’œuvre de George Sand. Conçu au moment où l'écrivain fit la connaissance de Pauline Viardot, la sœur de la Malibran, et comme elle une grande cantatrice de l'époque romantique, c'est un ouvrage malheureusement méconnu en dépit de l'admiration que lui portait le philosophe Alain. Pierre Barrat consacre cinq émissions du «Matin de Musiciens» sur France Musique, à un récit librement adapté du roman de George Sand. 

Consuelo est l'histoire d'une voix, l'histoire du destin d'une femme. Nous sommes à Venise dans les années 1740. Vivaldi vient de mourir dans une grande solitude à Vienne. Consuelo, née d'une mère espagnole, orpheline dès son plus jeune âge, parvenue dans la cité des doges après un long périple sur les routes d'Europe, va devenir l'élève et la protégée du grand Porpora, compositeur de plusieurs opéras aujourd'hui perdus. C'était un grand maître du chant : c'est lui qui forma les plus célèbres castrats de son temps dont le légendaire Farinelli. La voix rare de Consuelo va vite faire d'elle une vedette des théâtres de Venise puis de Vienne. Elle se produira dans des oeuvres que sa voix magnifiera. Au cours de ses voyages, elle rencontrera et se liera d'amitié avec Joseph Haydn alors âgé de 18 ans et qui rêve de devenir un grand compositeur. De ce récit, plein d'aventures et de péripéties, Pierre Barrat a tiré un récit très librement adapté (difficile de réduire plus de mille pages en cinq heures d'émission !). Cécilia Bartoli prête sa voix à l'héroïne rendant vivant ce personnage qui s'anime peu à peu au fur et à mesure que le récit prend forme. elle interprète du Caldara, Cavalli, Vivaldi, Haendel. Nicolas Porpora est aussi présent avec des extraits de ses oeuvres chantés par Philippe Jaroussky. Consuelo est un roman hanté par la musique et par Venise. Je vous recommande cette émission qui est en podcast sur France Musique (cliquer sur le lien) et sera diffusée en cinq émissions à partir d'aujourd'hui. 
 
Alain, un des penseurs contemporains que j'aime beaucoup et quon ne lit plus assez (c'est tellement plus sain et reposant que les néo-penseurs qui nous rabattent les oreilles, les Bernard-Henri Lévy, Glucksmann et autres de ces imposteurs fâts à la mode), a merveilleusement écrit sur la musique. Son texte sur Consuelo est superbe. C'est lui qui dira à propos du chant (dans un autre texte daté de 1930) :«Dans une belle oeuvre, que je voudrais mettre sous le nez des critiques, et dont le titre, Consuelo qui veut dire consolation, est symbolique, George Sand fàit comprendre que le chant est une méthode pour vivre, pour supporter, pour surmonter.»
 
Voici un extrait du Propos sur Consuelo que le philosophe compare au Wilhelm Meister de Goethe :
 
«George Sand est immortelle par Consuelo, oeuvre pascale. C'est notre Meister, plus courant, plus attachant par l'aventure, et qui va au plus profond par la musique, comme fait l'autre par la poésie. J'y joins la Comtesse de Rudolstadt, car il faut suivre l'histoire du génie chanteur jusqu'à sa délivrance, où il chante enfin comme les oiseaux. Mais vous trouverez mieux votre résurrection en ces cinq volumes si vous avez expérience, comme je le souhaite, de notre Schola et du vieux maître à tête de lion exerçant le pouvoir absolu sur cent têtes frivoles ; image renouvelée de Nicolas Porpora, du chant sacré de l'invisible Consuelo, et de sa voix sublime ; oeuvre et modèle ensemble. Ici sont rassemblées majesté, puissance, justice, obéissance, égales et échangées, enfin toute la religion possible. Car le chœur trouve son salut et nous en fait largesse, comme le corps humain trouve salut et grâce dans le chant, par obéir ensemble et commander, par joindre ordre et puissance, et enfin tout résoudre dans le royal accord. Ici l'esprit trouve résonance, et la matière répond au delà. L'éternel paraît. Cette religion n'a point d'incrédules.Que peut un livre ? Mais attention, mes amis, ce n'est pas une petite chose qu'un livre ; ami de solitude, par d'autres préparations, par des voies indirectes et sinueuses, il discipline le raisonnement, trop sauvage encore. La religion bavarde trop souvent au lieu de chanter. Ainsi toute l'injustice du monde, et la violence même, renaissent de la musique par une théologie renversée. Hier, en cette fête du soleil, des musiciens défilaient au pas militaire ; un blessé suivait, allongeant sa béquille, avec une trompette aussi, et partant pour la guerre. Le malheur est qu'une musique, même de trompettes, prouve fortement quelque chose qu'on ne sait dire, et ainsi prouve n'importe quoi. L'âme juste voudrait nier la musique, et se trouve triste et seule. Ce n'est pas un petit travail d'accorder sagesse et musique. Platon nous a tracé plus d'un chemin.Pousser la musique au delà de l'amusement ; en faire gymnastique du corps entier par le chant. Par ce côté-là chercher le vrai triomphe, qui est le salut. Ainsi surmonter l'applaudissement et même la gloire. Méditer continuellement sur le plus austère et le plus difficile ; par ce moyen descendre en ses passions et les remonter. Reconnaître en ce savoir-faire le modèle de tous les genres de pensée ; régler autant que l'on peut toutes ses pensées sur ce mouvement assuré. Les ramener là ; les joindre toujours à ces mouvements du cœur délivrés par la musique. De là réfléchir et débrouiller, mais sans s'éloigner, et revenant là, et toujours chantant. D'une vertu faire toutes les autres, et d'un métier, le métier d'homme. Ainsi par souterrain travail, à travers embûches et pièges, toujours aller du beau au vrai, et du son juste à l'action juste. Vivifier la religion à son antique source, et subordonner la théologie à ses vraies preuves ; tel est le chemin de Consuelo ou Consolation.»

 
Alain
«George Sand est immortelle par Consuelo»
in- Propos de littérature, chapitre LXIV
Paris, Paul Hartmann Éditeur
1934

06 janvier 2008

La Giudecca par un matin d'hiver

Êtes-vous déjà allé vous promener à la Giudecca par un matin d'hiver ? La traversée, pourtant rapide, est déjà une aventure. La brume, la largeur du canal, ses eaux profondes et les énormes navires que l'on y croise souvent... Débarqué à San'Eufemia ou aux Zitelle, le visiteur se retrouve dans un monde calme qui grouille pourtant de vie : bars, petits magasins, passants qui se croisent et bavardent. Un autre univers. Insulaire. Différent. Paisible et joyeux à la fois.
 
En face, les Zattere et San Marco semblent tellement loin. Les gens que vous croiseraient ne vous dévisageront pas ou s'ils le font ce sera avec bienveillance. On est accueilli à la Giudecca. En quittant la fondamenta, enfoncez-vous dans les ruelles. Vous croiserez des chats, des chiens tranquilles qui viendront vous renifler. Et puis soudain, au détour d'une calle sombre, vous trouverez un jardin, un petit parc public ou un square avec des bancs, des jeux pour les enfants parmi les arbres. La balustrade ou la barrière séparera ce lieu policé de la nature encore sauvage, la lagune, la grande et profonde lagune qui sépare ce coin de Venise de la mer. 
 
Un autre monde vous dis-je, paisible et étrange. Partout des bâtiments neufs rénovés se mêlent aux vieilles bâtisses ancestrales. Il y avait là des casini, ces résidences de loisirs que bâtirent les patriciens pour se détendre des rigueurs de la vie officielle loin du regard de de l'inquisition ou pour satisfaire leurs maîtresses. On y recevait joyeusement pour danser, faire de la musique, jouer, aimer. Et puis il y avait aussi de grands jardins, des roseraies, des arboretums remplis d'essences et de plantes précieuses. Il y avait des vignes et des vergers... Il y en a encore et pas des moindres. Nous en reparlerons.

05 janvier 2008

La beauté de Venise se partage et se multiplie, chacun en a sa part et tous l'ont en entie

Qu'on me pardonne de paraphraser le grand Hugo. Si tout visiteur peut être saisi immédiatement ou après une certaine imprégnation par la beauté de Venise, celle-ci n'est pas ressentie de la même manière par tous. «Où il y a de la beauté, il y a de la joie», dit Goethe. «Où il y a de la beauté, il y a de la liberté», dit Shelley. «Où il y a de la beauté, il y a de l'émotion», dit Chateaubriand. «Où il y a de la beauté, il y a de la passion», dit Stendhal. «Où il y a de la beauté, il y a de la tristesse», dit Byron... Chacun s'exprimera donc sur la beauté des choses, selon qu'il sera porté à la joie, à la liberté, à l'émotion, à la passion, à la tristesse, et nous pouvons avoir des chefs-d’œuvre en tous ces genres. C'est que chacun voit tout à sa manière. Chacun s'exprime à sa façon d'après ce qu'il ressent. Le champ demeure donc largement ouvert à tous ceux qui veulent voir, sentir et écrire. Ainsi Venise inspirera toujours les penseurs et les rêveurs, les peintres, les écrivains. Mais contrairement à Florence qui nous ramène sans cesse à la réflexion, au raisonnement, Venise nous pousse à la rêverie, à l'imagination car comme le soulignait Taine, «Si on rêve à Venise, c'est avec des sensations, non avec des idées».

1 commentaire:

CresceNet a dit…

Gostei muito desse post e seu blog é muito interessante, vou passar por aqui sempre =) Depois dá uma passada lá no meu site, que é sobre o CresceNet, espero que goste. O endereço dele é http://www.provedorcrescenet.com . Um abraço.

Ti aspetto...

Attendre à Venise peut devenir un supplice. Solitude absolue. Douleur délicieuse qui nous soulève le coeur et fait trembler nos lèvres. Viendra-t-elle ? N'a-t-elle pas oublié ? Et si elle se perdait ? A chaque bruit de pas on sursaute. La voilà. Non c'est une autre. Je l'entends cette fois j'en suis sûr, dans la ruelle là-bas au fond. Non, toujours rien. Vous savez cette histoire d'un coeur qui s'habille et tremble dès que l'heure approche. «Il eut mieux valu revenir à la même heure»... Comment respecter la requête du Renard de Saint Exupéry quand on est à Venise ? Le vaporetto qui n'arrive pas, les touristes amassés sur le pont qui empêchent de débarquer, tous ces ponts qu'il faut franchir. Et les ruelles tortueuses, le mauvais raccourci qui rallonge et s'avère  finalement n'être qu'un cul de sac. «Aqua, aqua !» crie malicieusement une commère à sa fenêtre. Mais attendre est aussi un bonheur. La lumière, les parfums, la vie qui passe devant nos yeux... Rien ne ressemble au spectacle qui se déroule là pendant l'attente, interminable moment d'incertitude et de peur que la beauté du décor atténue.

2 commentaires :

Nicole a dit…

Beau post et sympathique photo.A-t-elle fini par arriver ? Bonne année Lorenzo votre blog est devenu comme un ami au fil des mois !

Lorenzo a dit…

Oh oui bien sûr, mais nous nous sommes souvent croisés, longtemps manqués, toujours de peu, bêtement... Jusqu'au jour où ses pas retentirent dans l'escalier. Merci Nicole, vos mots me touchent en justifiant ce travail quotidien depuis bientôt quatre ans !

04 janvier 2008

COUPS DE CŒUR N°22

Osteria Candela del Bomba
Cannaregio 4297/98 , Calle dell'Oca,
Tel : 041 5201438.
Ouvert de 10h30 à 14h00 et de 17h30 à 22h30.
C'est incontestablement une des meilleures osterie de Venise. On y trouve la vraie vie vénitienne et l'ambiance parfois rude résonne en dialecte le matin comme le soir. Il faut s'y rendre le matin dès l'ouverture quand les ménagères du quartier et les gondoliers s'y retrouvent pour boire un verre de blancs accompagnés de ciccheti casalinghe (litt. : comme à la maison et par extension : traditionnels) : petites fritures de poissons, charcutailles, oeufs durs venus d'une ferme de la lagune. Tout y est frais et très goûteux. Le comptoir déborde chaque jour de victuailles comme une corne d'abondance dans les tableaux des grands maîtres vénitiens d'autrefois. Le choix est d'autant plus difficile que personne ne prendra le temps de vous expliquer ce qu'il y a dans les plats. Cela fait partie du jeu après tout. La salle cachée par un lourd rideau de toile verte derrière le bar est un lieu magique, comme rescapé du temps de la Sérénissime. Attendez-vous à voir surgir Goldoni et une troupe de comédiens encore en costume : une longue table d'hôte occupe toute la longueur de la salle. Des poutrelles de bois servent la plupart du temps aux gondoliers qui y posent leurs canotiers. Dans ce cadre rustique mais authentique, vous goûterez avec délectation la pasta e fagioli, les spaghetti au poisson, les macaronis aux légumes, sans oublier la morue à la vicentine (une des meilleures, sinon la meilleure de Venise). Il faut essayer aussi l'assortiment de poissons grillés au four. Quant aux vins, il y a pléthore de petits et grands crus du Frioul et du Veneto. En plus les prix sont peu touristiques. Il faut seulement faire l'effort de pousser la porte et oser se risquer parmi les habitués. J'avais un ami persan (il faisait ses études d'architecture à Venise) qui y passait ses soirées, vantant la chaleur de l'accueil et la doucereuse amitié du vin rouge frioulan !
...
Cantina Canaletto
Castello 5490, Calle della Malvasia
Tel : 041 521 2661
http;//cantinacanaletto.it
C'est un lieu connu et fréquenté des touristes mais cela ne veut pas dire que ce restaurant qui est aussi un bar à vin et une pizzeria, soit un bouge infect qui sert une nourriture édulcorée internationale. Le lieu est agréable, confortable et joli, le service attentif et les patrons sont passionnés. Gabriele, Bepi et Silvio comme le chef Renato proposent des plats traditionnels mais aussi des recettes inventives qui sont élaborées pour accompagner un vin. Car chaque plat est proposé avec son vin. Pour ceux qui veulent surtout déguster les grands crus d'Italie, un assortiment de charcuteries et de fromages permet de passer un agréable moment dans la vinothèque. Pour les gens pressés et pour les fanatiques de pizza, celles que sert la cantina Canaletto sont exclusivement à base de produits frais du jour et tous sélectionnés chez les meilleurs fournisseurs. La pâte à pizza, comme le pain et les gressins sont fabriqués sur place quotidiennement. Les prix grimpent ces derniers temps mais la qualité semble rester à un bon niveau. Il faut peut-être en profiter. La petite terrasse est très agréable en été mais l'intérieur est plus cosy.
...
Sylvie Mamy,
Balades musicales dans Venise
Éditions Monde Nouveau.
Voilà un ouvrage délectable comme une tarte aux amandes. J'ai pris beaucoup de plaisir à le relire. Architecture, peinture et littérature sont abordés dans ce guide par le biais de la musique. Et on sent bien au fil des pages que Venise est avec évidence la ville où tout est musique. Sept itinéraires thématiques entraînent l'amateur dans une Venise sonore. Ils satisferont aussi le promeneur pressé à l'esprit pratique. L'auteur qui écrit fort bien vit le plus souvent à Venise. Elle en parle très bien avec cette pointe de détachement qui prouve son amour profond et inconditionnel. Son érudition n'est jamais pesante ni insistante. Le livre décrit en détail des tas de lieux méconnus dont presque personne n'a l'accès. Comme l'écrivait Adrien de Vries dans son commentaire sur ce livre : "L'histoire de Venise ne peut bien se comprendre que par les témoignages de sensibilités passionnées, enivrées par ses rues, ses fondamente, calli et campi, ses escaliers à l'issue improbable, aux trésors innombrables. Se perdre à Venise, c'est être certain d'être enchantés, au hasard d'une porte ouverte, d'un porche caché, d'une façade à l'air triste et délabré...Dans le labyrinthe vénitien où plus d'un se sont perdus, voici plusieurs cartes et itinéraires à suivre." Les promenades proposées durent une demie-heure ou plus six heures.
...
Benedetto Marcello
Sonates pour violoncelles
Anthony Pleeth et Richard Weeb, Christopher Hogwood
Label Explore. 2006.
B000EQHVAW
Ce n'est pas un disque très récent mais je l'ai découvert à Noël dans mes chaussures. Ces sonates très connues qui font partie des premières pages écrites pour le violoncelle sont ici magistralement interprétées par les violoncellistes anglais Anthony Pleeth et Richard Weeb qu'accompagnent Christopher Hogwood au clavecin. Benedetto Marcello - qui a donné son nom au conservatoire de Venise - est à ma connaissance le seul patricien (il siégea au conseil des quarante) qui fut à la fois magistrat, homme politique et compositeur. S'il avait été élu doge comme certains de ses ancêtres, la république aurait été gouvernée par un artiste de grande qualité.

________

2 commentaires :

Marianne a dit…
oui c'est un très beau disque et ces sonates sont très belles aussi. Je découvre votre blog et je suis émerveillée par tout ce travail cette érudition cette passion je crois que je vais revenir souvent vous lir.
Anonyme a dit…
Merci pour ces adresses en or!!!

03 janvier 2008

Après le baiser, les vandales


Voilà les fêtes sont terminées. Les décorations de Noël retournent dans les cartons et le réveillon de la Saint Sylvestre n'est plus qu'un souvenir pour les adeptes de cette fête commandée que le monde se croit obligé de fêter à grand renfort de bruits dans les vapeurs d'alcool. La liesse, lorsqu'elle est simple et spontanée est une bonne chose. Mais, quand la rage de casser et de détruire l'emporte sur le plaisir et sur la joie d'être ensemble, je me dis que quelque chose ne fonctionne pas. Un ressort quelque part est tordu et notre mécanique sociale bien endommagée... 

Parmi les 90.000 personnes massées sur la Piazza le soir du 31, il y avait de nombreux couples, de tous âges. Beaucoup de familles. Des gens heureux de se rassembler là et de participer au décompte des secondes qui séparait Venise et le monde de la nouvelle année, porteuse d'espoir et du mystère de l'inconnu. Mais il y avait aussi des bandes de vauriens, imbibés de bière et de drogue, excités, chahuteurs. Jusqu'à minuit, leur présence pouvait agacer mais tout restait supportable. C'est après les douze coups de minuit, lorsque la foule a commencé à se retirer, que ces bandes sont entrées en transe. Des centaines de bouteilles et de verres ont alors explosé sur les dalles de la place, des tags sont venus décorer les murs et les rideaux des magasins, des vitres ont été brisées. Comme à l'époque du concert des Pink Floyds, ces gamins avinés se soulageaient contre les murs, sous les arcades. Le tout dans un vacarme de fin du monde. Une horde de barbares. Ceux-là pourtant n'arrivaient pas des steppes du nord, ils n'étaient pas guidés par les employés des agences voyages nippones ou australiennes. Ils venaient de Mestre, de Castelfranco, de Mogliano, de Padoue ou de Vérone peut-être. Ce n'étaient que des voyous excités comme après un match de foot... La police veillait. Les choses auraient pu mal tourner. Ils ont été peu à peu évacués vers la gare et la piazzale Roma où les attendaient les trains et les bus supplémentaires. 

Les traces de leur passage sont consternantes comme est consternant ce besoin de détruire, de salir, de casser. en cela, les jeunes banlieusards vénitiens ne sont pas différents de leurs homologues des autres cités du monde. Ils extériorisent leur mal-être certainement, leur angoisse d'un avenir terne et bouché, leurs peurs mais aussi le refus inconscient de ce monde vulgaire où ils seront traités pour la plupart comme des bêtes de somme. J'ai vécu cinq longues années à Venise. J'ai croisé des bandes jeunes, bruyants, souvent ivres. Des fêtards. Jamais agressifs. Vulgaires le plus souvent, mais jamais violents. Il n'y avait pas de tags et autres graffitis sur les murs et à Venise on ne risquait rien la nuit. La peur n'existait que dans la tête des enfants que les ruelles sombres et le silence pouvaient impressionner. 

Comment les enfants de ces jeunes gens sont-ils devenus ces tifosi excités, jeunes barbares violents et désespérés ? Je vais vous le dire : un monde sans espérance, sans foi ni transcendance, un monde obnubilé par l'avoir et le paraître, par la consommation et le superflu. Et qui a laissé ce monde se développer ainsi, à Venise comme ailleurs ? Ces barbus excentriques qui faisaient le voyage en Inde dans des vapeurs de haschich, rejetaient l'hypocrite société bourgeoise et scandaient le fameux Peace and Love. Leurs enfants ont grandi dans une totale liberté, dans l'aisance et le confort, sans règle ni limite. Aujourd'hui dans un monde redevenu ce qu'il a toujours été, difficile, incertain, ils sont perdus et deviennent méchants devant ce paradis promis absent de leur quotidien. Des enfants gâtés qui n'ont plus assez de jouets... Le virtuel est leur univers, la violence leur langage et on ne peut leur parler ni de beauté ni d'esthétique. Ils ne comprennent pas. Cela n'évoque chez les moins atteints que les formes de leurs copines. Et encore. Pour les autres, la référence "esthétique" sera la dernière console de jeux japonaise, la nouvelle moto ou une marque de chaussures à la mode... A Venise, plus qu'ailleurs, ils sont à plaindre. La plupart n'ont pas d'avenir et ce décor magistral qui enchanta depuis toujours ceux d'avant eux, ils le haïssent et s'y ennuient. Ils s'en prennent à lui en cherchant à enlaidir ce qui est beau, à souiller ce qui est pure merveille née de la foi et de l'amour des hommes, leurs ancêtres... 
Mais il y a encore plus grave à mon avis. C'est cependant dans l'air du temps : Massimo Cacciari, le maire, s'est félicité de la réussite de la manifestation. Il a suggéré que cette nouvelle tradition soit délocalisée. Les jardins de Castello par exemple, ou à Mestre. La fête de la Piazza San Marco serait ainsi réservée à un public "davantage d'élite" (sic). Quand je vous dis que la muséification ou la disneylandisation de la Sérénissime est en route, je ne crois hélas pas beaucoup me tromper. Les esprits chagrins diront que de toute façon dans une quinzaine d'année tout sera submergé, nettoyé, effacé...
Allez, bonne année tout de même, ces vandales auront un jour maison, voiture ou bateau et ils n'apprécieront guère que des mouflets à peine sortis de l'enfance viennent saccager leur bien. Ils seront certainement les premiers à défendre l'intégrité de leur ville. Ils ouvriront certainement leurs yeux et comprendront que Venise est une merveille qu'il nous faut protéger et faire vivre. Et puis tous les jeunes vénitiens ne sont pas comme ça après tout. La beauté qui les entoure aura raison de leur sauvagerie et reste le meilleur remède à leur mal-être. Si seulement...

______

8 commentaires:

Madeleine a dit…
c'est incroyable et pitoyable
celeste a dit…
j'avais fait un constat du même genre (en moins complet) sur les agissements d'une certaine partie de la jeunesse bolognaise; peut-être l'avez-vous lu, sinon je vous mets le lien:
http://www.celestissima.org/bologne-precarite-et-decadence/
en 8 ans j'ai vu la ville changer, devenir triste, lourde.Comme si l'avenir n'existait pas.
françois a dit…
Quelle tristesse pour tous ceux qui aiment etrespectent Venise et souhaite y trouver ce havre de paix et de raffinement que l'on trouve nulle part ailleurs!!!!
pourvu que la vraie vie de venise soit sauvegardée le plus longtemps possible car si cela disparait c'est un bout d'humanité qui se meurt:
Gérard a dit…
Navrant !
C'est l'idée qui me vient à l'esprit à la vue de la photo du Gazzettino .
Incroyable ; le jamboree du Love parade au beau milieu des canettes vert-bouteille .
Mais bon , ce truc , c'est devenu une spécialité très in depuis plus de vingt ans maintenant dans les milieux culturels bien-pensants . Et très décorés .
Une sorte de plus à l'occidentale !
Re-navrant , de voir un si beau lieu dans un état pareil .
Et si ça vieillit comme les colonnes Burinées ou l'Opéra Bastille , le pire est devant !
J'imagine , l'espace d'un court instant , déjà , la terrasse de Jules Hardouin-Mansart et pourquoi pas , même la Galerie des Glaces . Victimes toutes les deux du phantasme un peu loufoque d'un de nos plus subtils édiles .
A qui nous nous devons d'être infiniment reconnaissants .
Et que le monde d'hier , mais aussi celui d'aujourd'hui et de demain , etc , .....
Après .
Alfred Jarry disait qu'il fallait souvent briser un miroir ; eh bien , c'est fait !
Je veux dire la Galerie des Glaces Pilées !
amarone a dit…
90.000 personne, C'est énormissime.

Il fallait s'attendre à ça.
Anonyme a dit…
J'ai envie de dire "J'y étais".
La Serenissime nous a accueilli, jeunes mariés, pour fêter cette nouvelle année.
La Piazza San Marco était belle, belle de tout cet échange d'amour.
Mais après les fameux décompte, j'ai personnellement cru que le pire des scenarii se jouait!
J'ai vu des bouteilles de champagnes voler, des gens se bousculer, souvent avec fracas, s'insulter, j'ai vu non plus de l'amour mais de la colère mêlée à la peur et à la panique, beaucoup suivant la même direction pour s’échapper, et revenir en arrière parce qu'il n'y avait pas d'issue.
J'ai cru au cauchemar. Je voulais que ca cesse, ne plus recevoir des coups, ne pas avoir envie de pleurer, juste m'enfuir de cette place!
de retour à l’hôtel, je me suis sentie soulagée, ce qui s'est passée sur cette place, c'est un échantillon de la nature humaine, s'aimer où il faut quand il faut, mais dès que la magie se dissipe, les instincts refont surface, et l'amour s'envole sous les cris.
Buon anno, e grazie di racontare belle storie italiane. 
Lorenzo a dit…
Merci pour ce témoignage vécu. Il faut oublier cette péripétie et garder espoir en la nature humaine!Que l'année vous soit bonne et heureuse, lectrice apenna sposata!
dominique a dit…
j'y étais aussi pas très tard, je n'ai pas croisé de hordes de barbare ...... paradoxalement n'est ce pas une preuve que Venise vit ......

La Venise que j'aime

La Venise que j'aime ne se trouve pas toujours dans les guides. Il faut la chercher au détour d'une rue, sur un campo improbable. C'est l'hiver, quand la furie touristique se ralentit un peu, quand le temps se fait à peine moins clément, qu'on la rencontre soudain. Cette Venise pittoresque et paisible, cette Venise bon enfant où il fait encore si bon vivre. Quelques clichés récents qui transpirent de cette atmosphère unique qu'on ne ressent qu'ici...
 
© Christine et Pierre. Décembre 2007. Tous droits réservés.

___________

3 commentaires:

Marianne a dit…
ça donne envie d'y aller ces photos !
Anonyme a dit…
celle que j'aime aussi
bonne année cher Lorenzo (si vous permettez)
Lorenzo a dit…
bonne année à vous !

02 janvier 2008

Enquête : où en sont les prix à Venise ?

Une enquête réalisée récemment à la demande de la municipalité compare les prix pratiqués aujourd'hui dans les bars à ceux en vigueur lors du passage à l'Euro. Le billet où je citais la brûlerie de Cannaregio - qui sert un excellent expresso pour 80 centimes sans que le patron (la patronne en l'occurrence) soit particulièrement militant ou l'entreprise perpétuellement en déficit -, ce billet donc a suscité la réaction d'un lecteur qui m'a dit n'avoir jamais payé son café moins de 1,50€ lorsqu'il était en Italie et me demande de parler du prix des denrées courantes.

J'ai donc interrogé les statistiques municipales récentes. C'est édifiant. Un peu comme partout en Europe dans la zone Euro. Mais le propos n'est pas de faire de politique bien qu'il serait tant de se pencher sur les "bienfaits" (les méfaits) de cette Europe qu'on nous impose malgré nous et qui ne ressemble en rien à ce qu'on aurait aimé ou espéré... A un moment où en France on piétine la volonté populaire qui a majoritairement - et en toute connaissance de cause quoiqu'en disent journalistes et politiciens de tous bords - rejeté le projet constitutionnel, en cherchant à imposer un nouveau traité qui reprend mot pour mot le texte refusé par les français, je trouve intéressant de se pencher sur le panier de la ménagère vénitienne. A Venise, on a souvent envie de crier "cher petit déjeuner" et cela n'a rien à voir la plupart du temps du moins avec le plaisir qu'on prend à ce premier repas du jour... Une étude portant sur l'évolution des prix dans les bars de la ville montre une augmentation des prix de 10 à 20% en deux ans, entre octobre 2005 et octobre 2007 ! Entre ces deux périodes, les bars du centre historique ont augmenté leurs prix d'une manière assez significative : le café est passé en moyenne de 75 à 82 centimes, soit près de 10%, le cappuccino de 1,03 euro à 1,12 euro (12%), le croissant (appelé ici "brioche") a fait un bon de 20% en passant de 69 centimes à 82 centimes ! La traditionnelle colazione du matin, café-croissant, passe ainsi de 1,44 euro à 1,64 euro... 

Cela n'a l'air de rien, mais c'est une augmentation conséquente qui n'a pas vraiment d'explication logique d'après les services concernés.Mais ce n'est pas tout. Nous revoilà dans notre bar favori à l'heure du déjeuner. Les toasts (croque-monsieurs) et les panini (sandwiches), de plus en plus choisis à la place du repas familial ou du restaurant classique, par manque de temps ou d'argent, ont pris une majoration de 25% et les tramezzini 22% ! Il est vrai que les produits de base qui rentrent dans leur fabrication, comme le pain par exemple, coûtent plus cher et les patrons des bars doivent suivre pour tenir le coup. Mais les boissons aussi augmentent : les apéritifs prennent 21,89%, les boissons non alcoolisées 17,06%, la bière 16,02%, les sirops 13,48%, les jus de fruits 8,87% et le thé 8,33%...Mais d'où viennent ces augmentations. Les matières premières ont considérablement grimpé bien sur, comme le café, la farine, les œufs, le beurre, provoquant une réaction en chaîne qui pénalise le consommateur. Mais il n'y a pas que ça, les contraintes administratives et les nouvelles réglementations venues de Bruxelles sont aussi responsables de cet "alignement" vers le haut. L'électricité, le gaz, l'eau aussi y sont pour quelque chose. Les taxes grimpent à leur tour. Dans le prix de la tasse de café, en plus du café et de l'eau, il y a le coût de la machine, le courant pour la faire fonctionner, le salaire du serveur. C'est la loi du marché dit-on au consommateur effaré de voir son porte-monnaie se vider aussi vite alors qu'il n'a rien changé à ses habitudes. En fait, tous les prétextes sont bons, surtout dans le centre historique, pour arrondir les prix à la hausse. Au moment du passage à l'euro, le café à Venise coûtait 70 centimes. 15 centimes en aussi peu de temps ne vous paraît-il pas excessif ? D'autant que la tradition et les usages font du café un produit de haute consommation en Italie. La montée des prix se fait sentir en fin d'année sur le porte-monnaie du consommateur. On ne peut envisager d'en réduire l'usage et la consommation. Alors le service des statistiques et de la recherche (équivalent de notre observatoire des prix) a lancé ce conseil : "goûtez-le bien votre cher café, buvez-le lentement et n'en laissez pas une goutte".
Au marché souvent les prix ont changé parce que, normes européennes obligent, de plus en plus de produits ne viennent plus des environs immédiats mais de tous les coins d'Europe. Ainsi, avec la baisse de qualité des fruits et des légumes on observe une augmentation des prix. A titre d'exemples, voici quelques prix relevés en décembre à Venise, sur un étal normal (je veux dire non réservé aux touristes) : tomates : 3,50 euros le kilo (contre 2,49 à Chioggia, à titre d'information), courgettes, 2,60 euros, brocolis 2 euros, salade 1,60 euro, chou-fleur 2 euros, oranges 2,40 euros et mandarines 2 euros. A Murano, un paysan de Mazzorbo vend sur sa barque de belles salades à 80 centimes, des carottes à 60 centimes le kilo et de splendides courgettes à 1 euro... Mais là-encore ne polémiquons pas. Nous vivons une époque moderne comme disait Philippe Meyer à la radio !Mais libre aux peuples de s'interroger sur la viabilité de cette Europe ultra-libérale que les technocrates européens sont en train de nous imposer... Le réveil sera douloureux. C'est à craindre !