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04 juin 2007

le 4 juin 1798, à Dux

Retiré du monde, loin des femmes et du jeu, Giacomo Casanova mourut le 4 juin 1798, après avoir passé les dernières années de sa vie dans la bibliothèque de son dernier protecteur et ami, le comte de Waldstein, qu'il était chargé de classer et d'entretenir. C'est dans ce château agréable qu'il rédigea en français ses fameuses mémoires qu'un éditeur de Leipzig édita, grâce à son neveu et héritier. L'ouvrage fit le tour des cours d'Europe et le Paris de la Révolution fit un succès au livre. Cette gloire posthume aurait comblé d'aise l'aventurier vénitien. Né en 1725, dans une famille de comédiens, il était destiné à devenir prêtre, mais la vocation tardant à venir, il fit de nombreux métiers, errant à travers l'Europe. Inventeur, brillant causeur, jouer invétéré, un peu escroc, grand coureur de jupons, franc-maçon, magicien, charlatan, il ne laissait jamais indifférent. A Venise, il eut de nombreux riches protecteurs. ce fut le cas aussi à Dresde, à Paris, à Madrid. Ami de têtes couronnées, d'ecclésiastiques influents, de savants, d'artistes de renom (comme Goethe ou Mozart), c'était un homme curieux, brillant et très cultivé. Pas seulement un séducteur sans vergogne...
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Rentré dans la mythologie populaire universelle comme un libertin frondeur et téméraire, il serait surpris mais fier de voir son patronyme devenu un nom commun. Une messe est dite à Venise , chaque année depuis 1798, pour la paix de son âme.

A Dux, aujourd'hui Duchkov, en Bohème, on peut voir dans le château des Waldstein, la chambre du vénitien, le fauteuil sur lequel il était assis quand il mourut.

En revanche sa tombe a disparu dans les années 50, à l'époque maudite de la dictature communiste. Elle était à 14 pas sur la droite en partant du fronton de l'église paroissiale Santa Barbara. Un pas par année passée à Dux. Son protecteur y avait fait installer une énorme croix qui s'endommagea avec le temps et les communistes achevèrent le travail du temps en rasant le cimetière.
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On raconte que les femmes se rendant à la messe ne pouvaient pas passer devant son tombeau sans que leur robe ne s'accroche aux reliefs usés de la pierre tombale. Ce qui faisait dire dans la petite communauté, que même mort Casanova ne laissait jamais les femmes en paix ! L'intérieur de l'église a brûlé pendant la seconde guerre mondiale. on ne voit plus que l'emplacement de la loge vitrée près du Maître-Autel où la famille Waldstein se tenait avec les plus importants de leurs gens. Casanova avait l'autorisation de s'y tenir pour écouter la messe quand le comte n'était pas à Dux. Il en parle dans les mémoires.
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Le manuscrit de celles-ci est revenu sur les lieux de sa création en 1998, à l'occasion du bicentenaire de la mort de l'écrivain. On peut les consulter au musée de Dux, à quelques centaines de mètres du château.

26 octobre 2006

TraMezZiniMag Galerie : Geoffrey Humphries

En fouillant dans ma malle aux souvenirs vénitiens, j'ai retrouvé hier soir les lettres d'une amie qui fut longtemps proche d'une très jolie modèle française qui est depuis ces années-là la muse de Geoffrey Humphries, peintre d'origine anglaise qui vit et travaille depuis 40 ans à Venise. 

Plus connu sous son seul prénom, l'homme a marqué une période de la vie mondaine et artistique locale. Sa peinture est aujourd'hui très recherchée. Je me suis souvent rendu lorsque j'étais étudiant dans sa célèbre maison de la Giudecca où il recevait beaucoup. Hôte charmant et généreux, il tenait table ouverte et les soirées chez lui étaient fort agréables, le buffet largement garni et les verres toujours bien remplis. La compagnie joyeuse. C'est aussi un très bon musicien (il joue admirablement bien de la guitare) et un hôte chaleureux. Peintre expressionniste, coloriste flamboyant, il transmet avec son pinceau toute la fougue et l'enthousiasme d'un homme du Nord conquis par la lumière et l'art de vivre du Sud. Depuis longtemps installé au bord de la Giudecca (depuis 1966),il sait retranscrire l'atmosphère unique née de la lumière, des reflets. Ses toiles, qu'il s'agisse de paysages ou de nus sont toutes remplies de cette atmosphère si particulière depuis toujours et dont on s'imbibe peu à peu lorsqu'on vit à Venise... 

Voici donc quelques reproductions qui ne sont qu'un bref aperçu de sa peinture où la femme est fêtée avec presque toujours un paysage vénitien dans l'encadrement d'une fenêtre ou d'une porte. 




posted by lorenzo at 20:22

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Commentaires 27/10/06 :

Gérard said...
Un trésor .
La première , endormie négligée , faussement bas bleu , très effilée , se demande si Jane Avril n'a plus vingt ans .
Comme le temps passe !
La seconde , bibi Marie von Wägen , espiègle débarquée de Charleston , se méfie .
Ironise .
Nous défie .
Les cuivres sont bien faits .
Les accoudoirs serrés .
Son petit pied est trop parfait .
La troisième , directo sortie d'un Degas , rose de non confusion , fuira le pas des deux .
En lacets .
Les trois Voltaire , qui en ont tant vu , eux , sont assoupis .
Leurs formes sont arrondies .
Comme le temps passe .
Un vrai trésor !
La quatrième me semble trop incongrue .
Modulo 3 .
Venise , c'est une femme !
Ici !

25 août 2006

Coup de Coeur : Alain Crozier


Connaissez-vous Alain Crozier ? 
J'ai découvert son site par hasard. Un personnage !
Il écrit de belles choses et je vous livre ici, en même temps qu'un raccourci vers son site, deux poésies . Sobres. Très pures. Très fortes. Elles sont imprégnées de l'atmosphère de Venise...
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Une place vénitienne
.Une place vénitienne,
A l'ombre d'un campanile.
Le temps est tellement beau,
La fin de l'après-midi.
En train de devenir amoureux
Depuis le train,
Ne sachant pas que c'était réciproque.
Une place vénitienne,
Ma future amante à mes côtés.
Je suis loin du monde,
Je suis hors du temps.
Venise est en train de nous appartenir,
Depuis le train,
Les plus beaux jours de ma vie.
Le cerveau déconnecté,
Je ne pense à rien,
Plus à rien.
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Échos du quai ensoleillé
( publié dans Bastet n°3 - juillet 2004)
.Le jour se lève sur le quai,
Un matin ensoleillé.
Seul sur ce quai,
Je repense à elle,
À Venise et son train.
Au départ ou à l'arrivée
Du voyage fantastique,
C'est ici que tout a commencé.
Suis-je déjà venu ici
Avant de succomber ?

.© Alain Crozier
Tous Droits Réservés
posted by lorenzo at 16:35

24 août 2006

Dachine Rainer, poète et anarchiste

"La pierre sous l’orme / prend forme maintenant / la pierre se courbe sur son bord / la pierre qui dans l’air prend forme... "

"L’arbre a pénétré dans mes mains, / la sève est montée le long de mes bras / l’arbre dans ma poitrine est devenu grand, / vers le bas, / les branches sont sorties de moi comme des bras / tu es arbre, / tu es mousse, / tu es violette que caresse le vent... / les arbres meurent et le rêve reste. "
Ezra Pound
Canto XC

En 1984, j'ai rencontré entrée par le plus grand des hasards à la galerie Graziussi où je travaillais, une vieille dame anglaise qui se prit pour moi d'amitié. Je me souviens de son allure, petite, un peu ronde, elle portait ces inénarrables jupes de tweed qui font invariablement penser à la Miss Marple des romans d'Agatha Christie. Ses cheveux étaient blancs et assez courts. Elle ne marchait pas mais courrait. 


Un air décidé et sévère tempéré par un sourire moqueur, elle m'expliqua son passé anarchiste, ses déboires en Amérique et au Royaume-Uni avant et pendant la guerre (elle fut emprisonnée aux Etats Unis pour propagande pacifiste). J'étais fasciné par ses aventures. Nous discutions autour d'une tasse de thé dans ce salon de thé aujourd'hui disparu qui était aussi à l'époque le seul restaurant végétarien de Venise, Calle della Mandorla. Je lui faisais visiter les recoins méconnus de la Sétrénissime. Je lui plus et elle fit du jeune homme que j'étais son compagnon de promenade, sorte de secrétaire particulier et de drogman on demand.
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Elle avait loué un tout petit appartement à deux pas de l'église Santa Maria del Giglio, près du Gritti. Cette maisonnée me fascinait. Située au rez de chaussée d'une vieille maison, on y pénétrait par une porte peinte en vert. A gauche du couloir, une salle de bain en marbre rose, puis la cuisine et le living, vaste pièce éclairée par une grande fenêtre ornée d'un rideau de cretonne fleuri, tout cela respirait une atmosphère de campagne anglaise. Toujours Miss Marple... Bien meublé, cet appartement m'attirait. Il était tellement à l'opposé de mon appartement. Puis quelques mois plus tard, elle s'installait à Dorsoduro, dans une maison jouxtant la Guggenheim, tout près de la galerie de Ferruzzi où j'allais travailler les deux dernières années de mon séjour vénitien (devenue aujourd'hui la boutique de la Guggenheim)... Vaste appartement à l'étage, avec deux ou trois chambres dont les fenêtres donnaient sur les jardins du palais. Une merveille. La décoration, les meubles, les tableaux au mur, tout respirait une atmosphère de paix et de raffinement. Je me souviens d'une chambre avec deux lits jumeaux très année 50. La lumière y était très belle. Le calme absolu. 
Je rêvais de m'y installer pour écrire et lire. Je lui proposais à demi-mots d'entrer à son service comme factotum : j'aurai fait les courses, le ménage, la dactylographie de ses travaux et en échange, elle me permettait d'occuper cette chambre, à l'autre bout de la maison, en haut de ces quatre marches de bois qui craquaient délicieusement et sentaient l'encaustique. Elle refusa, prétextant qu'elle avait besoin d'être seule et qu'elle trouvait
"scandaleux de m'employer comme un vulgaire laquais alors que je méritais mieux et qu'il me fallait toujours rester libre et ne pas me vendre pour un lit et un bol de soupe"...
Elle avait certes raison, mais mes vingt ans affamés ne comprirent pas tout de suite ce refus. J'avais déjà lu trop de romans...
 
Dachine s'intéressait aux chats du quartier et aimait m'entendre lui raconter les péripéties de Rosa, ma petite chatte grise. Elle prenait beaucoup de notes et lorsque, après le déjeuner, l'inspiration lui venait elle me chassait, me priant de la laisser vite travailler. Elle venait me chercher à la galerie pour une promenade ou une démarche administrative et souvent, me racontait en s'appuyant sur mon bras, ses péripéties pendant la guerre, quand elle fut internée pour ses opinions libertaires et son opposition violente à la guerre. Lorsqu'elle quitta Venise, elle laissa une assez grosse somme d'argent à la vieille dame de la calle Navarro, tout près de ma nouvelle demeure, qui abritait dans sa grande maison des dizaines de chats. Elle m'écrivit une ou deux fois, m'envoya des extraits de son Giornale di Venezia et d'un texte sur Ezra Pound (elle l'avait bien connu et le considérait - à juste titre - comme un des plus grands auteurs modernes) et Olga Rudge qu'elle rencontra à plusieurs reprises à Venise avec moi.
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Je crois qu'elle se méfiait un peu de moi : j'avais faim, j'étais désargenté et j'étais jeune,
"trop beau et trop jeune, pas assez pauvre et pas assez affamé"
me disait-elle. Elle l'écrivit aussi dans un de ses textes... Elle ne concevait pas que je puisse être autre chose qu'un idéaliste révolutionnaire, anarchiste ou nihiliste... Peut-être craignait-elle que je m'intéresse à elle uniquement parce que j'étais fauché et elle fortunée... C'était une romancière... Elle avait tellement de choses à raconter. Nos journées étaient passionnantes.
Elle aussi avait lu beaucoup de romans et elle s'en faisait un aussi dans sa tête... Quelques années plus tard, retourné en France et jeune marié – elle était repartie dans son manoir écossais – je l'avais invitée à Bordeaux pour faire la connaissance de ma femme et de notre fille qui venait de naitre. Elle hésitait, m'écrivant qu'elle avait besoin d'un lieu paisible pour terminer je ne sais quel ouvrage, qu'elle se sentait toujours poursuivie, harcelée par ses ennemis de toujours... 
Je lui proposais de venir s'installer dans notre chambre d'amis tapissée de livres, tout au fond de notre appartement, éclairée par le plafond comme un atelier d'artiste. Elle y serait vraiment au calme pour écrire. Devenue un tantinet paranoïaque, elle se croyait épiée et menacée par les Services Secrets anglo-saxons, l'idée d'un refuge bordelais lui plût. Ravie de mon invitation, elle hésita cependant. Nous avions convenu d'une date et après quelques arrangements, elle devait prendre l'avion pour Bordeaux sous quelques semaines. Elle ne vint jamais.
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Elle mourut deux ans après, en 2000. Je ne l'ai plus jamais revu. Elle m'a dédicacé un exemplaire du Giornale di Venezia où elle parle quelque part de nos journées, de nos promenades et des lieux que je lui ai fait découvrir, mais je n'ai jamais reçu le colis... Il m'a été adressé par sa fille quelques mois après sa disparition. Je le conserve précieusement avec ses lettres et les pages du tapuscrit qu'elle m'avait envoyée qui concerne nos promenades ainsi qu'un texte où elle parle du jeune érudiant fou que j'étais alors.
Sur sa tombe à Londres, au cimetière de Highgate, non loin de celle de Karl Marx et de Rossetti, il y a pour seule inscription :
"poète et anarchiste"
posted by lorenzo at 21:44

13 novembre 2005

Roberta di Camerino

J'ai eu le privilège entre 1981 et 1985 de rencontrer la célèbre Roberta di Camerino, grande dame de la mode italienne âgée aujourd'hui de 85 ans. Giuliana Coen, de son véritable nom, a commencé pendant la guerre à créer des sacs et des vêtements. revenue à Venise après l'armistice, elle fonda sa maison de couture et e rendit célèbre en créant des modèles devenus fameux, comme le fameux sac Basonghi, adopté par la Princesse Grace puis par de nombreuses célébrités américaines et italiennes. 
 
SAS La Princesse Grace de Monaco à la une de Europeo, avec la borsetta Basonghi en 1959
Elle dessinait sans arrêt et j'allais souvent chez elle, dans son palais, magnifique bâtisse du XVIème siècle, où se croisaient des stylistes, des créateurs de tissus, de jeunes artistes et des hommes d'affaires pas toujours recommandables. C'était l'époque de la loge P3, des mafieux recyclés dans la politique internationale, des politiciens affairistes. Il y avait des gardes du corps à l'entrée. Giuliana était toujours affable. J'étais un peu au début considéré comme le grouillot de la maison d'édition Graziussi. Puis, à force de rencontres, de conversations et surtout après plusieurs soirées à la Fenice ou au Palais Clary, chez le consul, Giuliana, commençant de me prendre en considération, se prit d'amitié pour moi. Contrairement à son mari, Adalberto Sansone qui s'entêta toujours à m'apostropher avec l'épithète (assez péjoratif dans la hiérarchie des titres italiens) de "geometro" pour marquer je ne sais quelle différence... Giukiana me parlait de mille choses, et j'assistais souvent à des scènes truculentes entre son mari, ses assistantes et elle. Bonne fourchette, c'était aussi une excellente cuisinière et autant que je m'en souvienne, elle était membre de notre Academia della cucina italiana, ancêtre du mouvement Slowfood dont je vous reparlerai. Nous avons publié un très joli portfolio en très petit tirage aujourd'hui rarissime, où la Camerino présentait une douzaine de croquis ornés de son célèbre R pour Roberta. La maison continue sans elle, dans le même esprit, avec beaucoup de panache et un peu plus de modestie peut-être, après quelques années sombres. Son logo est présent aux quatre coins du monde mais reste peu en vogue en France.