19 septembre 2009

Est-ce qu'il existe encore des vénitiens ? Si oui, où sont-ils passés ?

C'est une question qu'on ne peut pas éviter de se poser quand, en se promenant dans les rues de la Sérénissime, on entend parler toutes les langues du monde et de moins en moins le vénitien. Des commerçants ont même installés dans leur vitrine des compteurs affichant en temps réel le nombre exact d'habitants...
 
Voilà la mi-septembre, il y a maintenant assez de recul pour commencer à tirer les premières conclusions sur la saison estivale 2009, avec la Biennale et quelques jours après la clôture de la 66e Mostra du Cinéma. Avec une météo trop clémente pendant pratiquement trois mois d'affilée (il n'avait pas fait aussi chaud depuis longtemps), le thermomètre a plusieurs fois atteint les 34° dans le centre historique, une masse incroyable de touristes écrasés par l'insupportable chaleur et assoiffés, de moins en moins respectueux, de plus en plus adeptes de la formule "mordi e fuggi" (je consomme et je repars), qui comme le dénonce depuis longtemps Stefano Mattiuzzi, commerçant sous les arcades de San Marco : «... Non seulement n'apportent aucun bénéfice économique à la ville, mais entraînent des dommages de plus en plus coûteux pour la ville ».  
 
Tramezzinimag en a souvent parlé. «La faute en revient aux politiques incapables de gérer leur ville » s'exclame sans mâcher ses mots Sebastiano Costalonga, leader du parti berlusconien à Venise, qui louche bien évidemment sur le fauteuil de Massimo Cacciari, et qui oublie de rappeler les liens de son patron avec les organismes financiers et immobiliers qui eux louchent sur le casino, les grands hôtels et rêvent de faire de Venise un Disneyland-Las Vegas pour Happy Few et se réjouissent de faire main-basse sur les immeubles délaissés. L'incroyable manne financière du tourisme de masse est un appât de taille pour les politiques affairiste de la Berlusconie.
 
L'été 2009 restera dans les mémoires parce que c'est la période où le seuil fatidique des 60.000 habitants a été atteint. Oui, vous avez bien lu : il ne reste plus aujourd'hui que 60.000 vénitiens dans le centre historique, selon le compteur de Venessia.com installé le 21 mars 2008, dans le but de suivre en temps réel le décompte de la population vénitienne résidente (voir la photo). Un chiffre qui fait réfléchir. Jamais dans l'histoire, les vénitiens n'ont été aussi peu nombreux. On peut s'en inquiéter en ce que cela transforme de plus en plus Venise en musée à ciel ouvert. Comment rester une ville à part entière. La cité des Doges pourra-t-elle rester longtemps métropole régionale ?
 
«...Voilà presque un an et demi que le groupe Vanessia.com a installé dans la vitrine de la Farmacia Morelli à S.Bortolomeo le monitoring de la population vénitienne. C'était en mars 2008 et Venise avait 60.720 habitants», explique Matteo Secchi, porte-parole de Venessia.com et il ajoute tristement : «aujourd'hui, nous en sommes à 60.054 et nous approchons du niveau des 60.000, niveau reconnu comme le minimum vital pour une ville moderne. Depuis des années les différentes administrations ont pensé à construire un centre hospitaliers à Zelarino, des ponts inutiles à des coûts prohibitifs, un tramway dangereux, ils ont organisé le transfert des ressources et des projets économiques vers l'eldorado du XXIe siècle, la terraferma, mais jamais aucune solution pour enrayer l'exode massif de la population...». 
 
Et qu'en pensent les vénitiens ? : «Ils sont pleins d'amertume après trente ans de fausses promesses et de projets». C'est pourquoi Venessia.com a décidé d'organiser sous peu les "Funérailles de Venise". Afin d'attirer l'attention de l'opinion publique mondiale sur ce problème majeur encore peu connu. «Derrière la carte postale, il y a une population aujourd'hui décimée et proche de l'extinction», explique Matteo Secchi avec des paroles dures et sans espoir.
 
 
Le crépuscule colore le bassin de San Marco comme une toile de Monet, San Giorgio et la Giudecca se parent de mille couleurs diaprées comme les a vues et copiées le Tintoret en son temps. Le temps d'un soupir et comme à l'improviste, la sirène d'un bateau de croisière géant retentit pour saluer son entrée à Venise. Deux vedettes remplies de touristes torses nus filent plein gaz vers le Lido de Cavallino, laissant derrière elles un sillage d'écume. Comme un symbole... Le compte à rebours est-il inexorablement lancé ?

6 commentaires:

Anne a dit…

Venise est indissociable des Vénitiens, c'est une évidence.
Anne

Anonyme a dit…

resistere! resistere! resistere!

Guillaume

Lorenzo a dit…

Nous reparlerons des "Funérailles de Venise" organisées par Venessia.com. Mais nous devons tous là où nous sommes, relayer cette information et alerter l'opinion. Il y a des sijets plus graves, plus douloureux, mais le dépeuplement de Venise est un phénomène de société hautement symbolique. "Matter of culture and civilisation" diraient nos amis anglo-saxons.

Evelyne a dit…

Je connais quelques parisiens qui s'installent à Venise pour leur retraite....

Venise86 a dit…

J'aimerai pouvoir venir vivre à Venise... La vie m'appelle ailleurs. Pourtant c'est à Venise que je trouve la commission européenne de la démocratie par le droit, qui me donne de l'espoir ce soir face à certaines décisions nationales qui me hérissent !! Venise est vivante, européenne comme toujours, et il faut la relier au contemporain vivant, pour ne pas en faire un musée gentil gentil dans nos têtes ! Même s'il s'agit d'un musée des arts et traditions populaires animé de vrais personnages sauvegardés !!
Si Venise peut être un avenir, elle ne deviendra pas une ville musée !!

Lorenzo a dit…

Fin octobre aura lieu à l'Arsenal le VeniceCamp, grande messe du numérique qui verra Venise projetée à la pointe du progrès technique. On peut, c'est évident cumuler la préservation des trésors du passé et les plus belles innovations technologiques.il en a toujours été ainsi à Venise depuis sa création après tout !