Je
 revois cette toute petite chose arrivée en grande pompe un samedi tout 
pareil à aujourd'hui, dix-sept ans plus tôt. Il faisait très beau. La 
chanteuse Ella fitzgerald quittait ce monde à presque 80 ans, et Hugo Pratt, disparu l'été précédent aurait eu 69 ans. Elle venait au monde le même jour que Brigitte Fossey, Johnny Hallyday (rien n'est parfait) ou James Belushi... 
L'accouchement ayant très fatigué sa mère, le bébé resta seul dans son 
berceau. J'attendais dans la chambre vide, un peu anxieux. Puis une 
infirmière amena l'enfant. Une fois encore, la même émotion, la même 
joie mêlée de tant d'inquiétude. Et puis toujours le même questionnement : serons-nous à la hauteur ? Saurons-nous
 l'aimer indéfectiblement et la guider sur le chemin de la vie, sur le 
chemin du bonheur ? elle était là, toute petite, les poings serrés, les sourcils froncés... J'ai pris ce petit
 corps si fragile contre moi. Nous sommes restés ainsi un long moment dans la magie de ses premiers instants de vie. 
Peu à peu elle a desserrée ses petits poings et a ouvert les yeux. 
J'avais beau savoir qu'un bébé qui vient de naître ne voit pas encore 
vraiment, j'ai eu la sensation que ma petite fille me dévisageait, comme
 pour se faire une idée du père qu'elle allait devoir supporter tout au 
long de son enfance puis de son adolescence... 
Et soudain elle a souri - un rictus 
de bébé - puis elle s'est endormie. Je sentais son petit corps contre ma
 poitrine et une immense gratitude s'est emparée de moi. C'est avec les 
larmes aux yeux que j'ai accueilli sa mère que les infirmières 
ramenaient de la salle de réveil. J'ai posé le bébé sur sa mère qui 
découvrait sa troisième fille, notre quatrième enfant. Nous avons passé 
de longues minutes en silence tous les trois, dans la paix de cette 
chambre de clinique. Puis Maya, notre nounou est arrivée avec les trois «grands». Margot (8 ans) et Alix (6 ans) se comportèrent en petites mamans, attendries et attentionnées pour le bébé comme pour leur mère. Jean
 qui n'avait pas encore trois ans, plus déluré, visiblement ému par cette toute petite chose, était lui aussi plein de
 précautions avec sa petite sœur à peine arrivée. Nous avions plusieurs 
prénoms en tête, mais aucun ne s'était encore imposé. Pour tout le 
personnel de la Maternité, les infirmières inscrivirent donc "Bébé"
 suivi de notre nom de famille, par défaut, sur son bracelet... Ce n'est
 que deux ou trois jours plus tard que nous fûmes (tous) d'accord, et 
certains du choix : Constance, Philomène, Marie prenait place dans la fratrie.
 Elle poussa sa première colère dans le taxi qui nous ramenait à la 
maison. Elle aurait à l'évidence un caractère bien trempé ! Il y a dix-sept ans déjà !
 J'ai l'impression que c'était hier ! Joyeux anniversaire ma Constance !
[Les neuf commentaires à ce billet ont été engloutis avec le premier Tramezzinimag suite à une incompréhensible décision de Google jamais encore éludée. Si leurs auteurs repassent par cette page et qu'ils se souviennent de ce qu'ils ont écrit, ils sont évidemment les bienvenus.]
