31 août 2007

Dimanche prochain, la Régate Historique

Le toujours très apprécié défilé historique qui précède la régate.
Le 2 septembre aura lieu la traditionnelle régate historique, grande fête très appréciée des vénitiens et des touristes. Elle retrouve cette année sa configuration traditionnelle puisque les travaux de restauration de la Ca'Foscari sont terminés et que la "Machina", la grande installation somptueusement décorée qui abrite depuis le temps des doges, les autorités de la ville et leurs invités de marque, sera de nouveau dressée sur le grand canal, à l’endroit où la vue est la meilleure pour assister à cette grande course. 
 
Aujourd'hui devant la Salute, comme le veut la tradition, le patriarche de Venise, le Cardinal Angelo Scola bénira les embarcations et les équipages qui participeront aux différentes compétitions. 
 
Dans une conférence de presse donnée à la Ca'Farsetti mercredi, Massimo Cacciari a souligné combien la municipalité avait fait en sorte que tout soit fait pour que cette fête appartienne avant tout aux vénitiens. C'est ainsi que de nouvelles courses ont été mises en place, dont notamment celle pour les très jeunes rameurs, réservée aux garçons de moins de 14 ans, les futurs champions. Il a particulièrement insisté sur la nécessité de maintenir un esprit de bonne conduite et de fairplay. Souvent dans les années passées,  trop d'incidents avaient eu lieu : contestation de la décision des juges, mauvais esprit entre équipes, tricheries et gros mots échangés. Cette année le maire a menacé d'interdire la prochaine stagione remiera (la saison 2008) s'il se produisait la moindre nouvelle incivilité.

Lady Diana, dix ans déjà

Le matin du 31 août 1997, j'allumais machinalement la radio de la cuisine. La maison dormait encore et comme tous les dimanches, que ce soit à Venise, à Bordeaux ou ailleurs dans nos lieux de vacances, je m'étais réveillé avant tout le monde pour préparer le petit déjeuner familial, moment sacré du week-end. Il devait être 8 heures et le journal venait de commencer. 

Les mots prononcés très lentement par le journaliste avec beaucoup d'émotion dans la voix : "La Princesse de Galles est décédée cette nuit des suites d'un accident de voiture à Paris", je les entends encore résonner dans ma tête. Le pot de lait que je tenais à la main m'échappa et comme des millions de gens ce jour là, je fus suffoqué. Les enfants et leur mère réveillés par le bruit du pot fracassé sur le carrelage, furent eux aussi atterrés. Nous avons su plus tard combien la réaction fut partout dans le monde, instantanément la même.

Cette femme magnifique qui occupait la scène médiatique tant par ses mésaventures conjugales que par la générosité de ses combats, disparaissait brutalement au moment où on la disait prendre son destin en main. Elle rayonnait. 
En un instant je pensais aux morts célèbres qui m'avaient profondément marqué dans ma jeunesse : l'assassinat de John F. Kennedy, appris un soir ( j'avais à peine huit ans) avant de m'endormir au moment où ma mère venait m'embrasser, laissant la radio allumée comme un rite. Nos larmes soudaines. La mort du Général de Gaulle en 1969, la foule des chefs d’État du monde entier à Notre Dame. Puis un matin de septembre 1982 où je tenais l'accueil du petit Hôtel Biasin près du ponte delle Guglie à Venise, l'annonce de la mort de la Princesse Grace... 

Des êtres d'exception qui deviennent pour les peuples du monde entier des sortes d'icônes, des modèles voire des références. On peut se moquer de cet attachement qui efface tous les défauts, les erreurs ou les manquements de ces héros des temps modernes. Ils occupent l'esprit et réchauffent le coeur de bien des malheureux, un peu comme les saints pour les gens d'autrefois. Ne nous gaussons pas. 
Sur la photo ci-dessus, la Princesse de Galles sortait d'un déjeuner à la Locanda Cipriani de Torcello avec le Prince Charles et leur suite, lors de leur visite à Venise. Un déjeuner dans un cadre bucolique par une belle journée d'été. C'était en 1984.

....................

8 commentaires:


condorcet a dit…
Le Général de Gaulle mort en 1969 ? Une mort politique alors : après le référendum du 27 avril 1969, il démissionne de ses fonctions de Président de la République. Il nous a quitté le 9 novembre 1970. Ce qui illustre bien la théorie du "double corps" s'appliquant aux monarques capétiens (on peut l'étendre aux monarques républicains) chère à Kantorowicz, un corps charnel d'un côté et une essence divine de l'autre... Les saints, les rois thaumaturges. Je ne sais pourquoi mais les Annales me manquent tout d'un coup. C'est le bonheur des classiques que de pouvoir être relu sans perte et sans abus de l'arguement d'autorité.
condorcet a dit…
"argument" : mille excuses. Ce clavier est une erreur. "Ne nous gaussons pas" : l'attraction du grand public ne saurait constituer un sujet de moquerie mais au contraire celui d'une étude historique dans les règles. Cordialement. F.
condorcet a dit…
"erreur" et surtout horreur, le clavier et pourtant il ne s'agit pas d'un QWERTY !!
Lorenzo a dit…
Oui pardon 1970. Je devrais davantage me relire.
condorcet a dit…
Mais non, mais non (on fait tous des erreurs et celle-là est bien menue) : vos commentaires sont excellents et stimulent l'esprit. C'est au lecteur de mobiliser ses ressources. Continuez ainsi, vous nous offrez une belle fenêtre sur la vie vénitienne, dans toutes ses dimensions. Cordialement. F.
Gérard a dit…
Ce qui était terriblement prenant lors des funérailles de De Gaulle n'était peut-être pas à Paris , mais se trouvait à Colombey . Il y eut d'abord l'affût sortant de la Boisserie et portant le cercueil français drapé en bois des chênes de Clairvaux ou des forêts qu'il parcourut alentour . Et puis . Il y eut le silence du village, le froid. Il y eut la famille , la toute petite église , les Saint-cyriens, le vent, les Compagnons, la population. Il y eut la simplicité, cet honneur qu'il voulut et qu'il reçut : absolu ! Un très grand moment d'Histoire qui nous ramène tout d'un coup à ce que nous sommes. Face à lui ! Je l'avoue , j'ai pensé à Diana Spencer ; elle fut littéralement broyée et ceci du début jusqu'à la fin par une effroyable machination, la pire de toutes. La raison d’État. Perfidie. Secrets inavouables. Son allure, son feeling, sa jeunesse m'imposent d'ailleurs un jugement à ce sujet certainement erroné. Alors tant pis. Irrationnel, tant mieux ! Ce fut terriblement injuste. Et c'est pour cela que je pense très fort à elle ! Les "Mémoires" commencent ainsi, et en un lieu où tout se rejoint : "... le sentiment me l'inspire aussi bien que la raison . Ce qu'il y a d'affectif en moi imagine ..... "
condorcet a dit…
Quelques éléments troublants entourent la disparition de Lady Di : mort rapide de certains témoins, disparition des prélèvements sanguins du chauffeur, incohérence entre les résultats communiqués et la possibilité de conduire. Il y a quelques années, un historien s'est penché [dans la revue "Vingtième siècle, revue d'histoire" - malgré des recherches sur Persée et Cairn, impossible de retrouver ses références exactes] sur ces doubles funérailles qui renforçaient selon lui la théorie du "double corps du roi", d'un côté une essence divine à Notre-Dame et de l'autre l'enveloppe charnelle à Colombey. Alain Peyrefitte le raconte avec soin dans ses "Mémoires" : le testament de 1952 et la simplicité voulue : http://perso.orange.fr/colombeyles2eglises/testament/testament.html.
Gérard a dit…
Non. L'enveloppe charnelle rejoignit le divin et ceci précisément dans un seul lieu : le village tant aimé de la Haute-Marne. Celui des terres pauvres, landeuses, crayeuses. Pas à Notre-Dame. Qui fut un rendez-vous politique ou des politiciens, de notables, c'est comme on veut. Le divin voulu par ce militaire pour le moins curieux, mais fidèle à l'irradiation qu'il reçut, peut-être d'instinct d'ailleurs, du vieux pays hexagonal, le divin vint se manifester ici dans sa véritable expression majeure : le dépouillement exigé. Afin que tout le superflu en fut définitivement chassé ! Et le recentrage final eut lieu sur l'essentiel en fait : une parcelle de la terre de France, la famille et l'Ordre, quelques gens anonymes. C'est à dire le point origine de son départ. L'éternel constituant d'une véritable nation. Celui de Péguy, celui de Bergson, celui de sa famille, celui de ses professeurs, celui de Jeanne, celui des villageois proches. Et pour toujours, jusqu'au bout, cette incroyable rébellion atavique. Ce pied de nez aux corps constitués du pouvoir. Qui est aussi parfois une manifestation terrestre du divin recherché  Afin que ceux qui vont la quêter, ceux qui la sentent en eux, puissent un jour - dans mille ans certainement - s'y reconnaître. Qui sait ? 
Les cérémonies de Westminster avaient quelque chose de déplacé, comme un malaise, et ce ne sont pas les commentaires des journalistes mondains d'aujourd'hui qui changeront mon jugement. La destinée de cette jeune femme fut terriblement injuste ; mais le propre des trajectoires de l'Histoire se nomme souvent Tragédie. La Félicité, dans ce domaine - et elle sut l'irradier comme bien peu - , ne peut être qu'un chanceux Miracle. Que l'on reçoit. Mais qui, hélas, s'évapore et ne dure. Et que finalement jamais elle ne reçut . Ce Miracle , On y croit . Nous aussi . Et faut y croire : c'est nécessaire !

29 août 2007

Peindre, l'été à Venise...

...........................

1 commentaire:

Lili a dit…
Comme je comprends ces artistes là d'avoir choisi ce si joli coin pour modèle.. Le ponte Moro et le rio Trapolin.. un endroit que j'adore.... parmi tant d'autres !!!

Les films en compétition à la Mostra

En compétition pour le Lion d'Or

Douze de Nikita Mikhalkov
Les amours d'Astrée et Céladon d'Eric Rohmer
The assassination of Jesse James by the coward Robert Ford de Andrew Dominik, avec Brad Pitt (voir la bande-annonce)
Expiation de Joe Wright, avec Keira Knightley et Vanessa Redgrave (voir la bande-annonce)
Le Chaos de Youssef Chahine
The Darjeeling Limited de Wes Anderson (voir la bande-annonce)
En la ciudad de Silvia de Jose Luis Guerin (voir la bande-annonce)
La graine et le mulet d'Abdellatif Kechiche
Help me Eros de Lee Kang Sheng
Il dolce e l'amaro d'Andrea Porporati.
I'm not there de Todd Haynes, avec Richard Gere (voir la bande-annonce)
In the valley of Ellah de Paul Haggis, avec Susan Sarandon (voir la bande-annonce)
It's a free world de Ken Loach
Lust, caution d'Ang Lee (voir la bande-annonce)
Michael Clayton de Tony Gilroy, avec George Clooney (voir la bande-annonce)
Nessuna qualità agli eroi de Paolo Franchi
Nightwatching de Peter Greenaway
L'ora di punta de Vincenzo Marra (voir la bande-annonce)
Redacted de Brian de Palma
Sleuth de Kenneth Branagh (voir la bande-annonce)
Sukiyaki western tango de Takashi Miike (voir la bande-annonce)
The sun also rises de Jiang Wen (voir la bande-annonce)

Section horizonsSuely de Karim
Callas assoluta de Philippe Kholy

Hors CompétitionCassandra's dream de Woody Allen
La fille coupée en deux de Claude Chabrol (voir la bande-annonce)
Kantoku banzai ! de Takeshi Kitano (voir la bande-annonce)
Blood brothers d’Alexi Tan
 
Merci à La Panse de l'Ours qui a détaillé sur son site toute la Mostra 2007 !

28 août 2007

La Mostra du cinéma fête ses 75 ans !

Elle s'ouvre demain pour la 64e fois et fêtera cette année son jubilé : La célébrissime Mostra del Cinema est avec ses 75 années d'existence le plus vieux festival au monde consacré au 7e art ! Les festivals de Cannes, Deauville, Toronto, Sundance ou Berlin sont des benjamins à côté de la brillante manifestation créée au Lido par le Baron Volpi.
 
Présidée cette année par le cinéaste chinois Zhang Yimou ("épouses et concubines"), avec comme marraine la splendide Ambra Angiolini (photo ci-contre), la Mostra accueille comme chaque année une kyrielle d'acteurs et de metteurs en scène. La France y est traditionnellement bien représentée, mais le cinéma américain très présent depuis les années 80 sera là aussi avec Woody Allen notamment (qui présentera hors compétition son nouveau film, "le rêve de Cassandre". Le Lion d'Or est devenu au fil des années une étape obligée vers les Oscars d'Hollywood. 
 
Contrairement à Cannes, la Mostra reste plus simple. Bonne enfant. Les stars reconnues et les acteurs inconnus se cotoient au milieu du public et bien que - époque oblige - les services de sécurité soient omniprésents et parfois très insistants, il est facile de se promener dans le hall de l'Excelsior ou au Palais du Festival et de croiser au bar des vedettes. Les jeunes baigneurs continuent d'aller chaque jour à la chasse aux autographes sur la plage ou autour de la piscine de l'Excelsior. A mon époque (j'ai couvert le festival pour le journal Sud Ouest en 1985 et 1986), on pouvait boire un verre avec Depardieu, faire un brin de causette avec Sabine Azéma ou Marie Laforêt, écouter Maurice Pialat débattre avec Antonioni, parler avec Eugène Ionesco soutenu par sa femme qui s'affaissait sur une chaise, croiser Frank Capra et Pontus Hulten à deux pas de la piscine où Monique Lang décidait des interviews qu'accorderait son mari, notre pétulant ministre de la culture qui avait un faible pour Fabienne Babe, jeune débutante à l'époque. Il n'était pas le seul...
 
Les producteurs américains l'avaient fiancé à Rob Lowe, à moins que ce fut Tom Cruise, qui était plus petit qu'elle et se montrait partout à ses côtés, sauf sur la plage (à cause des talonnettes !). Guillaume Depardieu, jeune adolescent, s'agaçait quand son père buvait trop et le président de la Gaumont s'énervait contre son attachée de presse que John Schlesinger consolait. Danièle Mitterand se promenait sur la digue en compagnie d' Agnès Varda, Daniel Toscan du Plantier recevait luxueusement ses hôtes à l'Hôtel des Bains. Je me souviens être rentréce soir-là sans carton d'invitation à la soirée Unifrance avec Fabienne Babe, Agnès Calvy, la fille du consul de France, d'autres (jolies) filles et deux ou trois amis dont Thierry Delettre (aujourd'hui costumier - Van Gogh, Vidocq, le bonheur est dans le pré, c'est lui), par un stratagème souvent imité depuis : Christophe Airaud, mon ami photographe nous mitraillait pendant que notre groupe s'avançait comme si de rien n'était... En quelques secondes, (cela ne loupait jamais en fait), une demi-douzaine de paparazzi firent comme lui et c'est sous les flashes que nous sommes arrivés au somptueux buffet d'Unifrance, tout le monde s'écartant pour nous laisser passer ! L'esprit "Dolce vita" venait encore de frapper !
 
 L'année d'après c'était Pontus Hulten qui faisait visiter à François Léotard, nouveau ministre de la Culture l'exposition sur le futurisme au Palais Grassi. Le ministre nouvellement nommé s'intéressait appremment davantage aux services d'alarme et d'éclairage du musée qu'au contenu des vitrines. Son prédécesseur était là aussi et l'échange avec Hulten fut d'une autre nature. Disons davantage culturelle... J'avais d'ailleurs mis au moint un article que le journal refusa : j'avais interviewé Jack Lang et François Léotard à la même table sur la terrasse de l'Excelsior, l'un après l'autre, de telle sorte que les réponses de l'un se trouvent en parallèle avec celles de l'autre et mon papier donnait l'impression d'un dialogue (de sourds) entre deux hommes que tout opposait. Il fut décidé à la rédaction que je n'étais là que pour le cinéma et pas pour la politique. Dommage. Vexé (et prétentieux), je n'ai donné au journal aucun article en 1986. Ce fut la fin de notre collaboration et de ma carrière de journaliste !
 
Tout ces "people" que l'on n'appelait pas encore ainsi vivaient à Venise le plus simplement possible et nous, les centaines de journalistes accrédités nous glanions les informations, passions des conférences de presse aux séances de pose sur la plage, des cocktails dans les jardins de l'Hôtel des Bains ou sur la terrasse du Danieli. C'était le temps où sur le campo San Polo les films en compétition étaient présentés en plein air au public vénitien qui ne se trompait pas souvent et savait faire un triomphe au film que le jury couronnerait quelques jours plus tard.

A cette époque, nous dictions nos articles par téléphone à une dactylo de la rédaction. Pas encore de fax encore moins d'ordinateurs. Il ne manquait que le chapeau avec l'étiquette presse comme dans les films américains... La grande salle de presse de l'Excelsior était munie de grosses machines à écrire manuelles prises d'assaut dès le matin et nous carburions au café ou au thé (dans les belles tasses blanc et or de la Ciga Hôtels que certains confrères passaient leur temps à faucher, se constituant jour après jour un joli service). Nos casiers débordaient de cartons d'invitations, de communiqués de presse et de dossiers. C'est ainsi que j'ai eu le bonheur d'assister au repas de presse de la Storia de Comencini en compagnie de Claudia Cardinale et de Lambert Wilson, dans un palais du Grand Canal, ou à celui de Tango de Solanas avec la sublime Marie Laforêt qui m'accorda un long entretien en tête à tête... mon premier interview. Mais laissons-là ces souvenirs d'ancien combattant. 
 
La Mostra ouvre ses portes demain, le tapis rouge est déjà prêt sur les marches du palais et les lions dorés se dressent fièrement devant le temple du cinéma. Que le spectacle commence ! Il débutera dans la grande salle avec "Atonement" ("Expiation") de Joe Wright, en compétition, d'après le best-seller de Ian Mc Ewan. Après minuit, ce sera la projection d'une version restaurée et intégrale du célèbre "Pour une poignée de dollars" de Sergio Leone. Et ce soir, en avant-première à l'ouverture du festival, sur le campo San Polo, dans "l'arena" sous les étoiles, comme autrefois, une projection de "Gli uomini che mascalzoni", un film de Mario Camerini datant de 1932, l'année du premier festival.

27 août 2007

Un nouvel endroit chic et sophistiqué : le 947 Club



C'est un évènement. On en parlait depuis plusieurs mois et ça y est, la nouvelle s'est répandue comme une traînée de poudre (à canon) : le Club 947 est ouvert. Un endroit ultra raffiné, chic sans être snob, sophistiqué sans mauvais goût vient de naître.
 
Situé au 4228 de Castello, sur le campo Santi Filippo e Giacomo, à deux pas de San Marco, l'établissement a tout pour plaire : ambiance chaleureuse et raffinée, une décoration classique dans les tons crème et rouge selon l'étage, mobilier glamour-chic très new yorkais (les vénitiens adorent New York), une cuisine sophistiquée à l'extrême. Rien à voir avec la pizzeria du coin au menu casalinga. Ambiance lounge pendant le repas avec la musique du Dj Matteo Rossi (alias Rougedish) et les performances de Micky Moi’s au piano et au violon.

Pourquoi ce nom ?
Le propriétaire, Max Costa, nous l'a expliqué lors de sa conférence de presse : en 1947, son père et son oncle ont ouvert la Conca d'oro, première pizzeria de Venise. Il y servaient une nourriture raffinée et "évènementielle" (la pizza au mètre c'est eux) et créèrent un cocktail à base de basilic et de vodka (Il Basiliquito"). 
C'est cet esprit qui a présidé à la création du Club 947. La cuisine se veut simple, vraie et tendance... Tout, jusqu'aux couverts, a été dessiné par Max Costa pour le nouvel établissement. Pour commencer, 500 cartes de membres ont été délivrées, puis ces membres feront rentrer d'autres membres qui partageront la philosophie des lieux. Mais c'est ouvert aussi aux non-membres, à condition de réserver et d'apprécier l'ultra-chic somme toute un peu décadent de notre XXIème siècle. Comme le dit Costa "cela va si bien à Venise finalement"...
Seulement sur réservation donc. Déjà complet pour de nombreuses semaines ! Pour tenter votre chance, envoyez un courriel à : club947@hotmail.it ou téléphonez à Giacomo Gervasutti au 347 4279658. Inauguration en septembre, nous vous raconterons.

25 août 2007

Les pâtes, festin de roi

Je ne sais si vous êtes comme nous, mais il n'y a rien que nous préférons à une bonne assiettée de pâtes cuites al dente dans de l'eau aillée et bien salée que je sers aussitôt prêtes avec du coulis de tomates, du parmesan fraîchement râpé, des tranches de tomates crues bien mûres et du basilic. Un filet d'huile d'olive et Lucullus dîne chez Lucullus. Parfois des anchois fraîches que je fais griller au four avec un peu d'huile simplement assaisonnées avec du tamari, un hachis d'ail de basilic et de persil viennent raffiner le plat; ou bien des petits morceaux de blanc de poulet dorés à la poêle, voire du jambon de San Daniele en lamelles qui cuit un peu au contact des pâtes bouillantes (comme les tomates d'ailleurs)... Les recettes sont nombreuses. Il faut avant tout que les ingrédients soient de très bonne qualité. Des pâtes faites avec des farines de haute tenue et ce ne sont pas forcément les marques les plus connues qui sont les meilleures.

Voici un autre exemple, que mes amis ont baptisé la Pasta Lorenzo :

Il vous faut des penne rigate (100% blé dur italien). 150g. de noix; 2 belles gousses d'ail frais, du bouillon de poule, du basilic frais, de la marjolaine, du romarin, huile d'olive, sel et poivre, parmesan frais.

Faire cuire les pâtes dans le bouillon dégraissé avec une gousse d'ail. Pendant que les pâtes cuisent, râper le parmesan, hacher les noix fraîches avec l'ail, le basilic, la marjolaine et le romarin. Faire chauffer du beurre dans de l'huile d'olive. Une fois le beurre fondu, ajouter le hachis. L'ail ne doit pas se colorer. Bien mélanger. ajouter le vin blanc et le jus du citron (ou bien seulement d'un demi-citron selon la taille du fruit).  Ajouter le poivre. Quand les pâtes sont cuites al dente, les égoutter  Les verser aussitôt dans la sauce et bien mélanger. Dresser aussitôt dans les asssiettes, en saupoudrant généreusement de parmesan et en ajoutant une ou deux feuilles de basilic.

Un délice dont vraiment nous ne nous lassons jamais. Et puis au délicat fumet qui se dégage de nos assiettes se mêle le parfum de nos journées italiennes, à Venise, Sorrente ou à Capri... Dans le sud justement, quand il fait bien chaud on sert la crudaiola, variante froide de la pastasciutta. Je tiens la recette d'une vieille cuisinière capriote qui aimait beaucoup me raconter la vie dans l'Ile il y a cinquante ans. Elle faisait une tarte aux pommes extraordinaire qu'elle servait comme au café de la Belle Carmelina avec un Lacrima Tiberio des Fratelli Brunetti à se damner.

22 août 2007

Les touristes Eurodisney

Sans vouloir poursuivre la polémique ni paraître sectaire à mes fidèles amis lecteurs, je voudrais revenir sur cette problématique (allez un peu de jargon "tendance" sur TraMeZziniMag !) qui bouleverse depuis quelques années la vie quotidienne des vénitiens et représente un réel danger pour la ville elle-même, comme pour tous les lieux visités du monde d'ailleurs. L'exemple de Bordeaux est frappant : devenu un des sites du patrimoine mondial, la ville semble envahie en permanence par un flot incessant de touristes. Certes tant mieux ; cependant à bien y regarder, que sont ces nouveaux visiteurs ? des groupes de gens qui envahissent les monuments, déambulent dans les rues et encombrent. Toutes proportions gardées, les embarras provoqués rappellent les rues du Rialto ou des alentours de San Marco : impossible de se faufiler si on est pressé, les groupes vont au pas, (normal direz-vous : ils sont en vacances), s'arrêtent en plein milieu d'une ruelle, pénètrent dans la moindre cour, jusque dans les halls des immeubles, si par malheur les portes sont restées ouvertes. Et nous avons même depuis quelques semaines un ridicule petit train rouge qui promène les gogos avec des commentaires caricaturaux (truffés d'inexactitude et d'approximation). Partout dans le monde les beaux endroits qui sont la richesse de l'humanité sont désormais envahis. On aménage le moindre paysage : tables pique-nique et poubelles, panneaux explicatifs : "regardez à gauche, levez la tête, ne cueillez pas les fleurs, ne nourrissez pas les autochtones". Ce tourisme de masse n'en a qu'à ses débuts. Ressource inespérée pour beaucoup de lieux en désuétude économique, ils confirment les paroles de l'Archiduc Otto de Habsbourg qui nous disait un jour "évitons à nos enfants de devenir les garçons de café des touristes des super-puissances qui envahirons nos places et nos monuments". 
 
Le tourisme eurodisney est la plaie de Venise, je continue de l'affirmer. Il faudrait trouver un moyen pour l'éclairer. Lui faire comprendre que Venise (comme Paris, Séville ou Katmandou) se déguste avec sensibilité, au hasard des découvertes, des surprises, des erreurs. Il faut savoir se perdre. Se pénétrer de l'atmosphère des lieux, appliquer le sage proverbe anglais "when in Rome do as the romans do" . Oubliez les plans, laisser nos habitudes alimentaires, observer et rester civilisé. Voilà la règle que j'aimerai enseigner à tout ces visiteurs. Ceux qui se vautrent à même le sol de la Piazzetta bivouaquant au milieu de la foule, qui déballent leurs sandwichs, grignotent leurs chips et boivent des litres d'eau gazeuse ou de jus de fruits synthétiques survitaminés, pieds nus et souvent même torses nus, ne feraient jamais cela devant chez eux. Et ceux qui s'entêtent à transposer à Venise - comme ailleurs - leur mode de vie quotidien ne peuvent ni profiter pleinement de ce que Venise a à leur offrir, ni vivre leur présence dans l'un des plus beaux lieux du monde d'une manière optimale. Un voyageur lambda (voir le lien ci-dessus), a trouvé cette expression "les touristes eurodisney". Je vous livre son article dans sa version intégrale et je le félicite de sa sagacité :
"As I use this term quite often in my writings about Venezia, I will explain it here. Remember the statistics of Venezia’s tourism. Nearly 80% of us are day visitors, coming in the morning and leaving in the evening and don’t come back. When I was wandering through Venezia, looking here and there and also taking the vaporettos, I did see so many of very strange behaving foreigners, so I decided to call them Eurodisney visitors. So who are they ? They are tourists who believe that Venezia is a museum. A gigantic museum on water, made to please their eyes. What they neglect is that this city has been erected ages before even anyone thought of their existence and was not at all built to be seen as a tourist trap or a museum city. Venezia just was lucky that it was not much bombed during the world wars (that’s what I read) and that the Venezianos love their home city very much, thus take care that it won’t be destroyed by the ravages of time, and by us tourists. Eurodisney visitors will block almost everything, as (as described above), they cannot believe that other people actually have to go from A to B and not marvel at Eurodisney Venezia like themselves. Several times I also did observe that they must have fall from the sky onto the vaporettos, as they seem not to realise that – once a vaporetto approaches a yellow vaporetto stop (like one where they themselves sould have boarded the vaporetto), it will stop there, let passengers get off and on the boat. They were hanging over the rail (the one, the assistant would have to open to let others get off and on), and looked at this poor assistant as if he would be an alien. I am sure, they never got the point why he wanted them move away from the rail……Yes, I am fully aware that I am very very much sarcastic here. I had to get it off my chest and maybe it helps the non-VTers which come from Google’s search engines, to realise that they should watch their behaviour towards the others when visiting what they believe is Eurodisney museum city Venezia". (*)
Sans commentaire.
 
Note :

(*) :  "Comme j'utilise souvent ce terme dans mes écrits sur Venise, je vais l'expliquer ici. N'oubliez pas les statistiques du tourisme à Venise. Près de 80% des visiteurs ne reste qu'une journée, arrivant le matin et repartant le soir, et ne reviennent pas. Quand je me promenais dans Venise, regardant ici et là et prenant également les vaporettos, j’ai vu tellement d’étrangers se comporter de façon étrange, que j'ai décidé de les appeler les visiteurs Eurodisney. Qui sont-ils? Ce sont des touristes qui croient que Venezia est un musée. Un gigantesque musée sur l'eau, conçu pour leur plaire. Ce qu'ils oublient, c'est que cette ville a été érigée bien avant qu'ils existent et qu'elle ne l'a pas du tout été pour attirer les touristes. Venise a la chance de ne pas avoir été beaucoup endommagée au cours des guerres mondiales (c’est ce que j'ai lu) et que ses habitants l'aiment avec passion, veillant donc à ce qu’elle soit préservée des ravages du temps, et des touristes. Les Visiteurs Eurodisney encombrent partout, comme je l'ai écris plus haut, ils n'ont pas conscience que des gens doivent réellement se déplacer d'un point à un autre et n'ont pas forcément le temps de s'émerveiller de la Venise Eurodisney comme ils le font. Plusieurs fois, j’ai eu l'impression de les voir tomber du ciel sur les vaporettos, car ils ne semblaient pas se rendre compte que - dès qu’un bateau se rapproche de son arrêt jaune (comme celui d'où ils vont eux-mêmes prendre le vaporetto), il s’arrêtera, pour laisser les passagers descendre. Agglutinés devant la rembarde (que l'employé doit ouvrir pour permettre aux gens de descendre et de monter à bord), ils regardent ce pauvre homme comme s'il était un extra-terrestre. Je suis sûr qu'ils n'ont jamais compris pourquoi il voulait qu'ils s'éloignent de la rembarde ... Je suis tout à fait conscient d'être vraiment très sarcastique, mais j'avais besoin de l'exprimer et peut-être cela aidera ceux qui ne sont pas vénitiens adeptes des moteurs de recherche de Google à se rendre compte qu’ils devraient surveiller leur comportement vis-à-vis des autres lorsqu'ils visitent ce qu’ils considèrent être l'Eurodisney ville-musée Venezia". (Traduction TraMeZziniMag)

Etre un chat au soleil à Venise...


Celui-ci pose bien malgré lui et ne semble pas tout à fait satisfait de la présence indiscrète du photographe. Méfiant mais poli, il se tient sur ses gardes, dubitatif "Sait-on jamais" se dit-il "peut-être après tout ce bipède qui me tire le portrait ne me veut pas de mal et me donnera-t-il une caresse voire quelque chose à manger". Au risque de me répéter, Venise est vraiment le paradis des chats : pas de voitures, des humains le plus souvent très attachés aux félins, et les chiens muselés ; l'histoire de la Sérénissime aussi et la tradition qui en font une confrérie respectée et protégée ; le climat idéal pour les matous. Bref, être chat à Venise c'est garanti beneficum sine cura !

Jardins secrets et secrets bien gardés



Les amis du Campiello viennent de mettre en ligne un série de photos de jardins secrets de Venise. Je vous invite à vous y rendre, c’est magique. Il existe encore d'autres lieux cachés mais doit-on en parler ? Pour ma part, j'hésite toujours entre dévoiler les moindres endroits reculés et inconnus des touristes ou garder cachés ces lieux magiques qui échappent encore aux flots de la horde des visiteurs.
 
 
Un lecteur m'en fait d'ailleurs le reproche, récriant cet élitisme somme toute inacceptable. Le monde s'est ouvert et le monde a l'intention de déferler sur les plus beaux sites de la planète. Nous n'y pouvons rien. Mais comment préserver l'authenticité et la vie réelle de ces lieux qui fascinent ? Comment éduquer les visiteurs pour en faire des voyageurs curieux et non pas un troupeau bêlant ? Lors de mon dernier passage à Venise, au printemps, j’avais des démangeaisons : plusieurs centaines de touristes de la pire espèce (casquettes américaines à l'envers, sodas géants à la main, dégoulinant de sueur, a demi vêtus - tout ce que j'aime!), défilaient devant la terrasse - autrefois très tranquille - où je sirotais un bon café en lisant le Gazzettino. Le marchand de fruits et le boucher qui tenaient boutique à côté il y a encore cinq ou six ans ont été remplacés par des masques et de la verroterie (pas du fabriqué à Venise, tout là-dedans est Made in Taïwan). D'où l'étape instaurée par les tour-operators dans ce café... Bruyants, rigolards, désordonnés, ils passaient et repassaient, faisant la queue devant le bar pour acheter des bouteilles d’eau et des glaces chimiques Motta (alors qu’à trente mètres un pâtissier propose des sorbets et des gelati casalinghe sublimes)… Seriez-vous restés de marbre face à cette pollution ? Moi non.

Alors, ne comptez pas sur moi pour vous signaler ces endroits merveilleux où les barbares ne pénètrent pas, ces passages secrets dignes de Corto Maltese, ces jardins perdus où poussent des merveilles de la botanique, cette roseraie remplie de fleurs et de papillons, ce jardin suspendu aux senteurs de jasmin, une vigne et un verger paradisiaque (ah les pêches jaunes que les enfants disputent aux oiseaux!), et tant d’autres lieux qu’il faut protéger de la horde. Mais rien ne nous empêche d’en montrer les images. En tout cas celles publiées par Jas et Stef du Campiello sont très belles. 

Photos de Stef

....................

13 commentaires:

condorcet a dit…
Je me sens visé par l'accroche "un lecteur m'en fait d'ailleurs le reproche". A la réflexion, je regrette un peu la violence de l'apostrophe et si j'avais pu l'enlever ou l'amender, je l'eusse fait.
En un sens, votre désespoir ne me laisse pas indifférent. Voir et entendre mes voisins ivres et drogués beugler et s’affaler devant ma porte à une heure avancée de la nuit (un spectacle un peu trop récurrent cet été) ne m’amuse guère non plus.
Dans un autre domaine, croyez-vous que le foisonnement des thèses en histoire me plaise ? Certes, on connaît les étudiants qui travaillent sérieusement et ceux qui le sont moins. Mais, en un sens, un directeur de thèse qui suit 20 étudiants à la fois peut-il le faire sérieusement ?
Évidemment, non et le danger du nombre que vous pointez est plus que réel : il est même l’enjeu majeur de la contemporanéité.
C’est par une patiente imprégnation que l’on apprend, pour Venise comme pour les émissions littéraires. Nous sommes dans un paradigme : vous voulez montrer sans révéler. Quasiment un droit d’auteur. Comme moi, dans ma thèse, si je révèle trop, non seulement je cours le risque de voir mon travail dénigré, mal compris, copié et d’entraver mes débouchés professionnels.
Moralité : nous sommes moins précis sur certains points, sur certaines idées, sur certains lieux moteurs. Triste perspective.
condorcet a dit…
Venise au Carnaval, à la Mostra ou à Ferragosto dans le triangle Rialto - San Marco - Accademia : un cauchemar.
Restent les lieux secrets, ceux que les guides les plus divers ne mentionnent pas, et le hors-saison.
Mais on ne peut reculer éternellement : un jour ou l'autre, il faudra réfléchir à la place de la culture dans une société marchande de manière beaucoup plus sereine, complète et étendue qu'on ne l'a ébauché jusqu'ici. Réfléchir, concevoir, décider.
Lorenzo a dit…
Visé certes, mais en toute amitié. Vous semblez bien connaître et aimer Venise. Vos commentaires sont précieux. Je vous en remercie. Vous parlez d'un travail universitaire... Sans vouloir être indiscret, sur quoi porte votre thèse ?
condorcet a dit…
La th�se porte sur les �missions litt�raires � la t�l�vision fran�aise (avec "Apostrophes" entre autres). En clair, il s'agit de savoir comment le livre est pr�sent� dans un type particulier d'�mission litt�raire.
J'aime beaucoup Venise et ma th�se mais comme Douille, je suis tr�s pessimiste. La hausse exponentielle des prix et un accueil de plus en plus tourn� vers le nombre aux d�pens de la qualit� finiront par avoir raison des amoureux de Venise (non-r�sidents) qui se lasseront d'�tre d�pouill� et pris pour ce qu'ils ne sont pas : des vautours � plumer.
Je dois h�las aussi tenir quelques propos trop acides � mon go�t mais r�fl�tant une r�alit� pr�occupante : pr�parer un doctorat en sciences humaines devient une gageure. On se heurte de plus en plus aux obstacles financiers (peu d'aides financi�res, d'insertion avec le milieu des chercheurs, trop de n�potisme, de g�rontocratie).

J'aime passionn�ment l'histoire et Venise. Et pourtant, l'une comme l'autre se croient �ternelles. Rien n'est plus faux. La demande sociale dont se targue l'histoire peut se tarir et l'attrait pour Venise peut se transformer en "happening" g�ant ou ghetto local. A �tre hautaines, l'histoire et Venise partagent un m�me aveuglement devant l'Histoire : comme le soulignait Paul Val�ry, les civilisations sont mortelles.
condorce a dit…
Nouvel essai de transmission du message dans une version acceptable :
La thèse porte sur les missions littéraires à la télévision française (avec "Apostrophes" entre autres). En clair, il s'agit de savoir comment le livre est présenté dans un type particulier d'émission littéraire.
J'aime beaucoup Venise et ma thèse mais comme Douille, je suis très pessimiste. La hausse exponentielle des prix et un accueil de plus en plus tourné vers le nombre aux dépens de la qualité finiront par avoir raison des amoureux de Venise (non-résidents) qui se lasseront d'être dépouillé et pris pour ce qu'ils ne sont pas : des vautours à plumer.
Je dois hélas aussi tenir quelques propos trop acides à mon goût mais réflétant une réalité préoccupante : préparer un doctorat en sciences humaines devient une gageure. On se heurte de plus en plus aux obstacles financiers (peu d'aides financières, d'insertion avec le milieu des chercheurs, trop de népotisme, de gérontocratie).
J'aime passionnément l'histoire et Venise. Et pourtant, l'une comme l'autre se croient éternelles. Rien n'est plus faux. La demande sociale dont se targue l'histoire peut se tarir et l'attrait pour Venise peut se transformer en "happening" géant ou ghetto local. A être hautaines, l'histoire et Venise partagent un même aveuglement devant l'Histoire : comme le soulignait Paul Valéry, les civilisations sont mortelles.
condorcet a dit…
Le « beneficium sine cura » est un bénéfice ecclésiastique accordé accordé à un clerc pour lui permettre de poursuivre un travail de recherche sans avoir à assurer de services religieux dixit Wikipedia.
Wikipedia : les rumeurs les plus malveillantes courent sur cette encyclopédie « libre » qui a un mérite : celui de donner corps et vie à l’utopie du village planétaire, celle d’Internet à ses origines. Comme toute source, tout ouvrage, elle mérite un recoupement, une confirmation, une critique sage et raisonnée. Pourquoi refuser le nouveau parce qu’il est nouveau, c’est-à-dire incertain, non reconnu par les autorités ?
Le « beneficium » est au Moyen Age un bienfait, soit un bien concédé par un seigneur à un vassal, soit un revenu lié à une charge ou à une dignité ecclésiastique.
Ce « beneficium sine cura », cette sinécure, n’est pas pour autant de tout repos. Assumer un travail de recherche au Moyen Age, en quoi cela pouvait-il consister ? Lire « Les intellectuels au Moyen Age » de Jacques Le Goff offrirait qq ouvertures. A défaut, on peut penser aux ateliers de reproduction des manuscrits dans les monastères (les scriptoria), de l’indexation et de la traduction des auteurs de l’Antiquité paienne (Platon pluôt qu’Aristote) et chrétienne (les Pères de l’Eglise : Tertullien, Augustin, Jérôme…).
Le savoir médiéval a hérité de la division élaborée à la fin de l’Antiquité classique. Les arts libéraux qui séparent le cycle littéraire : le « trivium » (grammaire, rhétorique, dialectique) et le cycle scientifique : le « quadrivium » ( arithmétique, astronomie, géométrie, musique).
Chercher au Moyen Age, c’est retrouver les splendeurs perdues du savoir antique, retrouver la vérité originelle. Le savoir est confiné dans quelques catégories bien précises de la société : les clercs en concentrent la plus grande partie, à la fois parce qu’ils connaissent et vivent dans les lieux du savoir, qu’ils incarnent et confirment la légitimité dynastique, enfin parce qu’ils sont au sommet de la pyramide sociale.
La sinecure ne le devient vraiment qu’à l’époque moderne.
Sinécure, privilèges (priva lex : « statut particulier ». Ex : la « bonne ville » de Tours était exemple de la taille, impôt qui pèse sur les revenus, est prélevé non par répartition mais par quotité : on demande une somme plutôt qu’une portion des revenus.).

Sinécure : ce n'est pas une sinécure que d'en retracer l'évolution sémantique !
condorcet a dit…
Comme de coutume, c'est l'essentiel qu'on oublie.
Les servies religieux pouvaient être contraignants au Moyen Age. Il s'agissait de ne manquer les offices religieux, la messe et les prières célébrées aux différentes heures de la journée :
A la 1ère heure de la journée (6h)
- les moines vivaient au rythme du soleil -, laudes;
A tierce (9h), nouvelle prière (on récite les diverses parties du bréviaire);
A Sexte (12 h), none (vers 15 h), vêpres (17 h), complies (fin de journée).
Les frères convers suivent un rythme plus souple de même que les bénéficiaires d'une sinécure.
Cette sinécure n'est pas une facilité, c'est simplement une possibilité de travailler, contrairement à ce que l'imaginaire collectif en a retenu.
Gérard a dit…
Les civilisations ne meurent jamais !
Eruptives ?
Puisqu'elles épousent .
Seuls disparaissent ce qui les enfante : la vanité historique et son imprégnant , l'orgueil local .
Nous léguant ainsi leur dot magnifique : la poussière de ces scories .
Et à Venise , voyons , quelles cendres !
Parfois volcaniques , même .
Eruptives ?
Je le crois .
Oui , et encore .
Pire .
Je veux y croire !
condorcet a dit…
Mon cher Gérard,
Elles ne meurent pas, elles s'effacent. Que savons-nous des Avars qui assiégèrent Constantinople en 626 ?
Venise est plus qu'un réceptacle de cendres, c'est l'étalon même du temps.
Gérard a dit…
Faut que j'revienne donc à l'assaut de ce magnifique jardin où broussailles et ancolies , fleurs sages ou de la mélancolie , m'assaillent !
Comme j'aime ce jardin de Verrières !
N'est-ce pas ?
C'est l'étalon du temps : très juste !
Bien vu !
Moi , je m'impose le pire .
L'avenir .
C'est le " pied de Vicenze " , le pied de l'avenir , le pied de notre avenir .
Palladio aima jadis les coudées franches , comme les Égyptiens .
Comme il avait raison !
Devrons-nous au nom des immortelles et des chrysanthèmes y laisser périr les " Mémoires " de nos Grands Anciens ?
Pas question !
Pire : plus jamais question !
J'aime y voir flâner tous les pieds-bots du monde entier .
Ils sont nombreux .
Ayons pitiè !
D'eux .
De nous , surtout !
A l'instar des maisonnées penchées , la voilà qui s'exclame à leur passage , et la voilà qui nous inspire :
" Quand je m'examine , je me méprise ; mais quand je me compare , alors là ! "
Facétieuse immortalité : après le feu , les cendres , et dessus revoilà le roncier et enfin l'ancolie !
condorcet a dit…
Vous avez dit : "Seuls disparaissent ce qui les enfante : la vanité historique et son imprégnant , l'orgueil local".
A fréquenter Venise par intermittences, c'est le contraire qui m'est apparu. Qui oserait se proclamer reine parmi les reines alors que son pouvoir temporel est réduit à néant ? Même le pape Pie IX qui se déclarait "prisonnier dans ses États" prêtait à sourire. Comme le relèvent Joseph Brodsky ou Liliana Magrini, il y a bel et bien un "orgueil local". A preuve les multiples qualificatifs d'exclusivité utilisés comme arguments touristiques aujourd'hui ou le classement au Patrimoine de l'Unesco.
Vous avez dit : "Moi je m'impose le pire, l'avenir". Concevoir l'avenir se résume bien souvent à vouloir empiéter sinon avoir la mainmise sur celui des autres. Par exemple, les architectes (comme Palladio qui nourrissait de sombres projets pour la Piazza) revêtent souvent le costume de visionnaires dans la mesure où ils organisent l'espace, s'efforcent autrui de la beauté de leurs rêves. Est-ce vraiment parce que l'on est convaincu, habité par son rêve que l'on doit l'imposer à ses contemporains voire à ses successeurs ?
On retrouve aisément ce pendant dans les déterminismes historiques. Les prétendues "lois ou jugement de l'histoire" étayent des volontés de puissance quasi nietzschéennes.
Quelquefois l'oubli ne manque pas de grandeur. Et si Venise méritait d'être oubliée quelque temps pour être mieux redécouverte ensuite ?

Votre propos ne manque de beauté cependant.
Gérard a dit…
Comme le pape et à son inverse , je souris .
Tendrement .
Et si tous ceux qui ne savent pas qu'elle existe - ils sont nombreux - avaient tort ?
Et si ceux qui n'en finissent pas de s'en occuper - sont nombreux aussi - faisaient fausse route ?
Et si les personnalités notoires - plus rares car " élite " - s'activaient en pure perte ?
C'est vraiment drôle de penser à tout ça .
Les habitants du golfe , finalement , s'en fichent de ce tout ça .
Pour avoir les pieds parfaitement plantés là-bas , ils savent qu'il faut y vivre , et c'est bien ça qui compte pour eux .
Et où est la vie , comme dit l'autre , reste l'espoir !
J'aime les observer .
Et n'ai point peur de m'y tromper .
Comme cette erreur est exaltante en fait !
Marâtre nature , tu me l'as bien rendue !
.........
Ce jardin .
Cet espoir .
condorcet a dit…
Oui, une erreur bien exaltante.