29 avril 2014

COUPS DE CŒUR (HORS-SÉRIE 36) : Tye Sheridan, l'enfant chéri des cinéastes acclamé à la Mostra

Par Aureliano Tonet 


Il a la bouille espiègle des gamins qui s'amusent d'une bagatelle. En cet été 2013, sur la terrasse de l'hôtel Excelsior, à Venise, Tye Sheridan porte une cravate, et l'homonymie entre son prénom et l'étoffe qu'il a nouée autour du cou - "tie" en anglais - le fait rire aux éclats. Alors âgé de 16 ans à peine, il est sur la lagune pour présenter Joe, de David Gordon Green, sélectionné à la Mostra, qui lui vaudra le prix Marcello-Mastroianni du meilleur acteur débutant. 

Mais, débutant, il ne l'est plus depuis belle lurette. Dans les pattes, il a déjà une Palme d'or, The Tree of Life (2012), de Terrence Malick, et Mud (2013), de Jeff Nichols, qui a ravi la critique et le public à peu près partout où il a été montré. A l'horizon, d'autres tournages se profilent, aux côtés de Charlize Theron, John Travolta ou Ewan McGregor - excusez du peu.

De ce doux manège, cependant, il parle avec l'ingénuité des garçons de son âge, quand bien même ses camarades de jeu s'appellent Brad Pitt ou Matthew McConaughey : "Tous les jours, sur le tournage de Mud, Matthew poussait une sorte de grognement guttural, pour se détendre, j'imagine. Sans m'en rendre compte, je me suis mis à faire pareil, jusqu'à ce que Jeff me gronde : “Arrête d'imiter Matthew !", dit-il, mèche châtaine sur mine chafouine.
A l'évocation de cette bêtise, il lui en revient une autre, plus grave. Ses yeux bleus brillent d'une excitation coupable et facétieuse. Le galopin hésite, puis confesse : "Dans Mud, Ray McKinnon jouait le rôle de mon père. Au milieu de chaque scène, il se gourait. Je me suis dit : Puisque Ray a droit à plusieurs prises, je mérite le même traitement ! Et j'ai commencé à foirer toutes mes répliques… Heureusement, quelqu'un m'a engueulé tellement fort que j'ai fini par me reprendre."
 
Sur le plateau de Joe, Nicolas Cage lui a fait découvrir les films de James Dean, qui est devenu son comédien favori. L'acteur de Hell Driver n'a pas eu besoin, en revanche, de lui donner des cours de conduite : Tye, qui a eu son permis en février 2013, est un as du volant. Dès l'âge de 13 ans, il s'est fait la main à bord du pick-up des parents agriculteurs d'un de ses copains.

Car le petit n'est pas un enfant du sérail. Les Sheridan possèdent un ranch dans la campagne texane, "quelque part entre Dallas et Houston", marmonne-t-il. Le père travaille chez UPS, l'entreprise postale ; la mère tient un salon de beauté. Depuis que leur fils crève l'écran, ils l'accompagnent de tournages en festivals. "Je suis devenu le boulot à plein-temps de ma mère", s'excuse le garnement, qui a abandonné le lycée pour des cours par correspondance. 

Il y a cinq ans, Tye passe le casting de The Tree of Life, comme 10.000 autres jeunes pousses. Malick le retient, séduit par la musicalité sudiste de son accent et l'expressivité de son visage, capable, en un froncement de sourcils, de faire passer des torrents de tourments juvéniles. De fait, c'est dans ce registre torturé que Jeff Nichols et David Gordon Green, poulains officiels de Malick, et anciens camarades d'université, l'emploient. "A l'école, je suis fort en sport et en anglais. Je n'aime pas lire, mais j'adore écrire. Si je réalise un film un jour, ce sera un drame", indique Sheridan. 

Lequel ne souffre guère, pour l'heure, de sa célébrité naissante : "Entre le tournage d'un film et sa sortie, je change tellement de tête que les gens sont incapables de me reconnaître !" Il n'exclut pas de s'acheter un jour une villa près de Los Angeles, songe à s'inscrire à l'université du Texas, à Austin, où vivent presque tous ses mentors. Présentement, il aimerait regarder le match de son équipe de base-ball, les Texas Rangers, mais il a un devoir à faire : visionner le DVD de Vacances romaines, avec Audrey Hepburn. "Ça a l'air cool, cela dit."  

© 29/04/2014 - Aureliano Tonet - Le Monde

21 avril 2014

Un moment de paradis : le Nisi Dominus de Vivaldi interprété par l'Academy of Ancient Music

On n'a pas tout retrouvé des œuvres d'Antonio Vivaldi. De nombreuses pièces, des oratorios, des opéras, des concerti sont à ce jour perdus mais parfois, souvent dans le plus grand des hasards, une pépite resurgit. Parmi les partitions les plus abouties et les plus émouvantes, il y a ce Nisi Dominus (RV608) dont le Cum Dederit est un moment de paradis, surtout dans cette sublime interprétation pourtant vieille de plus de trente ans enregistrée par l'Academy of Ancient Music dirigé par Christopher Hogkwood, avec comme soliste, l'extraordinaire haut-de-contre James Bowman. Fermez les yeux et écoutez : 

  
Quelle ampleur, quelle beauté. La voix et le style très pur et nuancé de James Bowman ajoute à la profondeur de la musique du prêtre roux. certains nous rabattent les oreilles avec la facilité de ses créations, leur mièvrerie, leur fadeur même. Ceux-là n'ont jamais été à Venise et ne comprennent pas que la musique de Vivaldi est remplie des sensations qui nous prennent quand on se promène dans la cité des doges, le rythme saccadé et très doux de la rame qui porte la barque, le souffle du vent, le chant de l'eau dans les canaux, la réverbération des bruits de la vie courante et au-dessus de tout cela, la grande ferveur mystique qui préside à toute création artistique véritablement vénitienne. Même si l'homme était dispensé de dire la messe, c'était un homme d'église, un religieux. Le Cum Dederit exprime cela et renvoie à leur aigreur ses pourfendeurs. 

Et puis quel beau texte  que cet extrait du Psaume 127  :  

Cum dederit dilectis suis somnum
Ecce haereditas Domini, filii
Merces, fructus ventris.

Il comble ses bien-aimés dans son sommeil 
Voici l'héritage du Seigneur, ce sont ses fils
Sa récompense, le fruit des entrailles.  

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