14 janvier 2008

Rébellion à Venise : il y a un avenir pour la cité lagunaire crient les vénitiens !

 
Lorsque MassimoCacciari a annoncé que pour la première fois dans l'histoire de la Venise moderne, les vœux des autorités constituées seraient prononcées depuis la terre-ferme, le tollé fut général. 

Le maire-philosophe osait enfreindre une tradition séculaire et choisissait la banlieue de Mestre pour présenter les vœux de la municipalité aux vénitiens et au monde. Du jamais-vu. De la provocation. Tout un symbole en vérité. Si Cacciari a préféré la ville nouvelle aux dorures du salon d'apparat de la Ca'Farsetti, c'est qu'il voulait adresser un signe fort en direction des habitants de la terra ferma - là où il y a le plus d'électeurs - dans la perspective des élections à venir mais aussi pour signifier. Ses adversaires prétendent en fait que devant l'absence d'un vrai projet visionnaire pour l'avenir de la lagune, il faut occuper l'espace en remuant de l'air... 

J'avoue ne plus savoir ce qu'il en est. Les politiques prétendent que l'avenir économique de Venise est à Mestre comme il le fut un temps à Marghera... Marghera vaste complexe industriel né de la volonté d'un riche aristocrate visionnaire n'est plus qu'une gigantesque friche qui se transforme peu à peu et à qui on doit l'inexorable pollution de la lagune et l'empoisonnement d'un écosystème qui apporta la vie et la prospérité aux vénitiens pendant plus d'un millénaire. Mestre dans sa laideur contemporaine n'a rien à voir avec Venise. C'est un autre monde.
 
Certes il est peuplé aujourd'hui de tous ceux que la spéculation et le tourisme a chassé du centre historique, mais ce n'est rien qu'un gros bourg de province grandi trop vite gonflé de ces zones urbaines où on vit mal et tristement et qui dégénèrent peu à peu en nids de délinquance et d'exclusions. Tout au long de son existence souveraine jamais Venise n'a connu cette misère déguisée sous des oripeaux de confort et de modernité. L’État prenait soin des pauvres et des laissés pour compte. 
 
Tous les sujets de la Sérénissime mangeaient à leur faim. Jusqu'à la révolution française, les pitoyables razzias de Buonaparte et l'insane occupation autrichienne. Le Corbusier disait que "Venise est la cité de l'avenir parce que la ville piétonne est le rêve de tous les architectes"... Sans tourner le couteau dans la plaie on peut se poser des questions sur l'avenir justement quand on voit les difficultés des administrateurs d'aujourd'hui quand il s'agit d'élever un quatrième pont sur le grand canal (avec l'aide de toutes les techniques sophistiquées du XXIe siècle) face à l'aisance de ceux qui érigèrent en un temps record un des chefs-d'oeuvre de l'architecture qu'est le pont du Rialto (sans ordinateur, sans interventions extérieures et sans incident technique). Il est clair que Santiago Calatravà n'est pas Antonio da Ponte ! Massimo Cacciari n'est pas non plus le doge Pascuale Cicogna sous le règne duquel le pont du Rialto fut construit.

Alors avec toutes ces ratiocinations, les vénitiens crient leur ras-le-bol. Ils veulent vivre, travailler et mourir au pays. Cela ne vous rappelle rien ? Moi oui, les paysans des montagnes que chantait Jean Ferrat et que le progrès, la croissance, et tutti quanti forçaient à partir peu à peu pour renforcer les rangs des déclassés, des exploités dans les barres de H.L.M. des grandes cités, purs produits de notre époque moderne. Mais je m'égare. Il s'agit de Venise et des vénitiens, pas de Roubaix-Tourcoing. Mais le résultat est le même.

2 commentaires:

Luc et Danielle a dit…

Bravo et merci Lorenzo pour cette très bonne synthèse des problèmes actuels de Venise !

Quant au Comte Volpi, qui a initié le Port de Marghera, il n'est pas à l'origine de la partie chimique, qui est venue bien plus tard. Il souhaitait prioritairement développer l'économie locale dans un axe "transports modernisés".

Enfin, peut être un espoir pour la pollution, même si c'est aussi un drame pour d'autres, le pôle chimique de Marghera est aujourd'hui en faillite et sa reconversion est à l'ordre du jour. L'ensemble de la zone chimique, après dépollution du sol, devrait être transformé en un pôle technologique type "cité numérique". Il ne manque plus que les "sous" des autorités nationales.

Gérard a dit…

Plus généralement , il est devenu désuet et malvenu de s'accrocher dur comme fer à la vie des cités antiques .
Et pourquoi donc ?
Très simple .
Le tourbillon de folie de l'économie libérale à outrance , des fonds de pension et des finances à vocation planétaire , de la pensée multilatérale et paradoxalement à consistance unique ou monoforme , du déni de démocratie que des gourous et des imposteurs incroyables veulent à tout prix nous imposer , bref cette force de destruction hyper concentrée , maléfique , se justifie de tout et menace l'Histoire et la Culture , les bouscule toutes deux et ceci sans vergogne .
Des soudards .
Et nous , misérables , un genou déjà à terre !
Ah , la beauté des forts !
On ne l'sait pas tout à fait encore , bien que nous en ayons quelques aperçus particulièrement effrayants .
Faudrait y voir !
Quand même ,
A deux fois !
Jean François Kahn disait que la vraie révolution à venir sera faite par ceux qui mettront l'Homme et ses environnements au centre de tout .
Un nouvel Humanisme .
Renaissant .
Et à définir .
Une recherche .
Ou ,
Un vide espérant à combler .
Ou quelque chose comme ça .
J'y crois .
Toute folie humaine appelle inévitablement l'espérance de son contraire .
C'est justement la parade à l'attaque de ceux qui veulent nous détruire sans cesse .
Ils sont hélas partout !
Et c'est pour ça que tous les humanistes , finalement , s'attachent tant à la préservation de l'antique cité , ce vieux refuge .
Ce sont des anachroniques un peu dépassés , mais hyper modernes .
Des fous , des libertaires , des romantiques , des poètes ou des rêveurs , bref des solitaires : ils sont l'essentiel de ce que l'on appellera un jour de manière simple , l'Homme .
Puisqu'ils y vont , chacun à leur façon , tous tendus vers ce qu'ils attendent secrètement .
Une étrange attirance .
Le vide que cette société à but seulement et désespérément argentifère crée n'a , par nature , aucun avenir .
Ce vide absurde génèr
e sa propre déchéance : la savent-ils , cette sécheresse ?
Certainement pas !
Et pourtant demain n'est rien d'autre qu'une sphère immense remplie du non moins gigantesque hier , et ces monstres " aujourd'hui libéraux " qui veulent éradiquer tout ça n'y pourront rien !
Puisque c'est déjà écrit sur des pans même assez plissés de notre vieille voûte antique !
On s'accroche .

Viale Garibaldi, janvier 2008

 

Une splendide photographie de nos amis Luc et Danielle qui nous amènent dans un joli périple du côté de Castello à la découverte de sites inédits et de trésors méconnus. Jetez un coup d’œil à leur article sur e-venise.com

4 commentaires:

FRANCOIS a dit…

Venise veut dire "reviens" c'est vrai qu'on a chaque jour cette envie folle d'y retourner ....
J'y suis allé 6 fois,je veux y retourner cette année une semaine.

Votre site est vraiment extraordinaire ...il remplit nos cœurs et nos âmes et apaise cette envie folle et irrépressible de repartir...

bravissimo!!!et MERCI

Lorenzo a dit…

merci à vous. C'est votre enthousiasme et votre soutien qui font vivre TraMezziniMag !

Tietie007 a dit…

Nous avions bien aimé cette artère un peu à l'écart de l'agitation autour de Saint Marc. Au bout, il me semble que sur la droite il y a un grand parc, ce qui nous avait surpris. Nous avions fait le tour du quartier et j'avais remarqué de superbes immeubles d'époque, peut-être du logement social. Je pense que c'est dans ce quartier que les vrais vénitiens habitent.

Lorenzo a dit…

Effectivement il y a non loin les jardins publics et de la Biennale dont Napoléon décida l'aménagement. C'est un lieu bien agréable en été. Au-delà, les logements construits à partir des années 20 forment un quartier un peu à part comme en face de la gare ces immeubles collectifs qui donnent tous sur des rues pavées et non plus des canaux. Si vous poursuivez votre promenade, vos pas vous porteront vers San Elena et son cloître. les moines y vivent paisiblement et sont très accueillants. L'église dans sa simplicité franciscaine est (en été surtout) un havre de paix. A côté un stade où les jeunes vénitiens s'entraînent au football. En marchant encore on rejoint par des tas de détours la basilique San Pietro, l'ancienne cathédrale et résidence du patriarche avec son campo verdoyant et le port. Des lieux éloignés du passage des touristes.