21 février 2021

Une époque moderne. Journal, Extraits


4 février.
Qui s'en souvient ? Il y a un an encore, avant que tout ne se précipite et nous bouscule dans notre routine, il semblait possible de pouvoir affirmer que nous avions beaucoup de chance, sans qu'une masse se dresse contre nos propos. On pouvait être comme on est sans s'attirer les foudres de ceux qui ne pensaient pas comme nous. Notre vocabulaire était plus pauvre et notre esprit plus riche. La joie était facile, notre monde s'acheminait vers davantage de justice, de culture, de découvertes heureuses. Il y avait toujours quelque part autour de nous de quoi satisfaire les plus exigeants question qualité de vie, sérénité ou résilience. La nouvelle chasse aux sorcières n'empoisonnait pas encore la communication entre les hommes. Tout n'était pas parfait, il y avait encore beaucoup à faire. Mais les imperfections étaient supportables, parce qu'on les savait corrigeables. Le "bien commun" était la préoccupation majeure de nos gouvernants.

Mais c'était avant. Avant cette "pandémie" qui nous harcèle et occupe tous les esprits. Soudain, le monde s'est réveillé dans un autre monde. Comme s'il se voyait dans un miroir déformant. Ce qui n'était que mauvaise fiction devenait réalité. Triste réalité que d'entendre les chefs d’État et leurs ministres dirent tout et son contraire dans la même journée, des principes et des lois bafoués, le mensonge et le parjure devenus outils de communication et peu à peu le silence de tous, l'effarement, la sidération. L'impression que, sans envisager que tout cela fut pensé et orchestré en amont par des fous furieux multimilliardaires méprisants le commun des mortels comme dans les pire romans d'anticipation ou certaines bandes dessinées. C'est c'est de la vie soudain dont il s'agit et laisser entendre qu'un danger sournois et invisible nous menace tous, faire entendre que notre santé est menacée et pour les plus fragiles d'entre nous, la vie même. L'information soudain n'a plus porté que sur le sujet. Et nous avons tous pris peur. 


5 février.
Depuis près d'un an, nous vivons masqués, à bonne distance de l'autre, méfiants. Porter un bout de tissu sur le visage est devenu une habitude, tant est si bien qu'il nous arrive d'oublier que nous sommes masqués et le rester même seuls chez nous... Curieux, n'est-ce pas comme l'homme s'habitue à tout... Pourtant, notre nature ne peut être longtemps et impunément contrainte. Tous nous ressentons les mêmes besoins. La peur et le doute instrumentalisés ou pas ne peuvent éteindre en nous cette flamme qui nait avec la vie, ce besoin d'aimer et d'être aimé, d'aller vers les autres et de les savoir semblables, avec les mêmes doutes et parfois des peurs semblables. 

Le diable a tellement de tours dans son sac. Bien qu'il ne gagne jamais, que les ténèbres ne l'emportant jamais sur la lumière, il semble plus que jamais à l’œuvre, croyant à chaque fois son triomphe imminent. Il faut dire que nous l'y aidons avec nos prétentions, notre bêtise, notre propension à l'égoïsme et à la jalousie. Le plus souvent, ce manque d'amour n'es rien d'autre qu'un réflexe de défiance envers l'autre, l'étranger, l'inconnu, surtout quand il frappe à nos portes sans arme et sans ornements, nu, fatigué, blessé. Là où l'enfant, l'innocent, le ravi tendent leur main, spontanément, sans crainte ni mépris, trop souvent nous fermons notre cœur. S'ils arrivaient, ces étrangers mal mis, couverts d'oripeaux somptueux, déclamant de beaux discours et les bras chargés d'offrandes, ce ne serait pas pareil. A deux battants, nous ouvririons les portes de nos cœurs et de nos maisons et l'étranger serait présenté à nos enfants et à nos voisins, accueilli, choyé.

Drôle d'époque donc où l'individu ne finit par ne plus vraiment retrouver ses marques, où les images, les paroles sont dures et parfois violentes, où nos routines volent en éclat, laissant les plus fragiles encore plus démunis. J'avoue être de ceux qui sont naturellement portés vers l'idée que ce qu'on ne voit ni n'entend n'existe pas vraiment. Mon métier, mes goûts, ma nature me portent naturellement vers la solitude et l'isolement organisé. Non que je sois un misanthrope, j'aime les gens, j'aime la vie autour de moi mais celle qu'on nous impose depuis un an ne me convient en rien - à qui peut-elle convenir finalement ? - Cette crise inattendue, jamais vécue en temps de paix, nous rapprochent tous de l'essentiel dans nos vies : notre famille et nos amis véritables, ces "Huckleberry friends"(*) qui accompagnent nos rires et nos joies depuis toujours nous sont plus que jamais nécessaires et les savoir au même diapason n'est que joie et félicité. même l'exil forcé loin de Venise semble moins douloureux. J'ai toujours été ébahi par la manière dont ces jeunes africains débarqués par miracle de ces bateaux devenus trop de fois des tombeaux quand ils auraient dû être berceaux. combien d'anonymes leur ont ouverts leurs bras, les ont pris chez eux et les ont installés dans leur vie et dans le paysage. 

L'italien sait bien ce qu'est l'exil, l'émigration contrainte, ce qu'abandonner sa terre, ses frères, ses usages pour l'inconnu, la douleur de l'errance et l'angoisse du vide qui se déploie davantage à chaque pas. Cet accueil spontané, joyeux ou silencieux selon les caractères des lieux de débarquement de ces réfugiés en loque, affamés, fatigués et terrorisés, souvent presqu'encore des enfants, des jeunes gens partis avec l'espoir de revenir un jour, enrichis des savoirs et des rencontres dont ils se seront nourris tout au long de leur chemin. A Venise, sinon quelques esprits chagrins, rances et aigris, adeptes d'un nationalisme si peu italien, ces migrants n'ont jamais été mal traités. La toponymie de la cité des doges a certainement quelque chose à y voir. Les "Vu cumpra" des années 2000, alignés le long des rues passantes et présentant la même camelote Made in China, moqués par les berlusconiens et les néo-fascistes, regardaient la vie se dérouler autour d'eux avec un incroyable sourire et quand ils le pouvaient, ils s'affairaient avec une extrême gentillesse, aidant de vieilles dames à tirer leu caddie ou ramassant le journal qu'un vieillard presque impotent laissait tomber. Ceux qui sont restés, s'expriment en dialecte désormais et beaucoup ont trouvé des petits boulots. Rien de mirifique, trop souvent à la limite de l'acceptable certes. Mais ce qui rend leur quotidien vivable, empêche l'enfer, ce sont les mains tendus des vénitiens, individuellement ou par le biais des associations qui se sont créées ces dernières années. Le discours officiel et l'immobilisme de l'administration contraste avec la réalité du terrain. Je ne sais pas ce qu'il en est à Rome, à Turin ou à Milan. L'italien n'est pas naturellement raciste. Souhaitons qu'il ne le devienne pas.


10 février
Le temps du carnaval est arrivé. Après le brouillard, la froidure, les précipitations et les grandes marées de ces dernières semaines, la neige viendra-t-elle comme elle nous y avait habitué longtemps ? Que de souvenirs, la neve di febbraio... Une année, j'avais invité ma mère à passer quelques jours avec moi à Venise. Je n'y vivais pas encore mais ma décision était prise de quitter Bordeaux et de m'y installer à l'année. L'inviter à voir Venise en hiver, faire avec elle mes promenades préférées m'aiderait à la convaincre de me laisser partir. De la laisser. Lui parler ainsi librement de mon amour pour la cité des doges, sur les lieux mêmes de ma passion me permettrait sûrement de la convaincre plus facilement.

Le touriste se faisait rare l'hiver  à cette époque. L'assessorat au tourisme et le syndicat hôtelier venait de lancer une opération Venezia d'Inverno. J'ai retrouvé récemment la brochure de l'Office du Tourisme. L'offre était intéressante. Des palaces de la CIGA, la compagnie qui appartenait à l'Aga Khan qui possédait entre autres le Danieli et le Gritti) aux auberges plus modestes, les hôtels ouverts en hiver proposaient leurs chambres et les services attenants entre 30 et 50% moins chers que pendant la haute-saison. Venezia d'Inverno prévoyait un thé-concert au Palazzo Mocenigo, des entrées dans les principaux musées, et plein de réductions dans les restaurants et les magasins de luxe. Bref, l'idéal pour permettre à un étudiant peu fortuné d'inviter sa mère dans des conditions décentes. 

Venise, Lista di Spagna, années 80
 
Quelques années auparavant, nous avions logé au Londra, sur les Schiavoni. Mais les chambres situées face à San Giorgio étaient en rénovation. J'avais choisi le Concordia, des chambres avec balcon donnant directement sur la Piazza. L'hôtel était lui aussi en travaux mais on m'avait garanti que tout serait terminé pour son arrivée. Il n'en fut rien et je l'appris en arrivant... L'hôtel était encore fermé et le directeur qui nous attendait, se confondit en excuses et nous expliqua qu'une suite nous était réservée à l'Antica Panada. J'ai retrouvé mes notes dans mon journal de l'époque : 

Coup de théâtre comme accueil. A peine descendus du taxi, la surprise : l'hôtel est fermé pour travaux. Un employé empressé nous présente ses excuses dans un français de comédie. très goldonien. Deux complices, un type à la peau grise avec une moustache et un garçon de mon âge ou un peu plus jeune s'emparent de nos valises. Nous sommes relogés à deux pas nous dit-il. « Aussi confortable et tranquille, mais sans la vue ». Nous sommes partagés entre l'envie de rire et la la colère. j'avais pensé sauf à tout sauf à ça. L'aléa qui fera l'anecdote. Maman cache sa lassitude par un sourire poli. 

Il s'agit en fait du directeur de l'établissement, très obséquieux, comme dans un film de Visconti. Il aurait ajouté « pour vos excellences » et nous étions dans Mort à Venise. Ce qui à l'époque n'était pas pour me déplaire en fait... 

« Les petits-déjeuners vous seront offerts en compensation... et puis il y a Prosecco, panier de fruits et fleurs qui attendent tout pareil à l'Antica Panada »...« Venezia d'inverno, tout pareil, tout pareil !» 

Les deux garçons portent la livrée de l'hôtel nous ont accompagnés jusqu'à la « solution de remplacement qui s'est imposée et qui vous donnera la meilleure satisfaction pour votre séjour ! ». L'Antica Panada est situé une centaine de mètres plus loin sur la Calle dei specchieri. En face du do Forni. Chambres confortables, décoration un peu toc de luxe. Nous passons une agréable nuit. Venise de nouveau et maman contente. 

Je me souviendrai de cette arrivée. Froid intense le matin en ouvrant ma fenêtre, mais froid vénitien.

Petite mésaventure somme toute bien sympathique, Je n'ai jamais pu faire de comparaison entre le Concordia et l'Antica Panada, mais ce fut confortable et les chambres formaient un petit appartement au deuxième étage du palazzo. Les notes de mon journal précisent qu'une fois changés, nos affaires installées, nous sommes allés déjeuner en face, au Do Forni. Une promenade autour de la Piazza, visite de San Marco puis un chocolat chaud au Florian où travaillait certainement mon cousin Sandro dont je ferai quelques mois plus tard la connaissance par le plus grand des hasards, mais y en a-t-il vraiment à Venise ou du moins dans ma vie à Venise ? Mon journal indique que nous sommes ensuite rentrés à l'hôtel pour nous préparer à la passeggiata et nous changer pour dîner. C'était la veille du carnaval balbutiant. Dîner dans une trattoria derrière l'église San Fantin, un restaurant où, quelques années plus tard, je me rendrais souvent, avec le galeriste Giuliano Graziussi, Arbit Blatas, Ludovico de Luigi et d'autres. En sortant, un brouillard très dense avait recouvert la ville. C'était magique. Tout semblait s'atténuer et se fondre dans l'air. Il faisait froid mais nous ne pouvions pas rentrer sans faire une promenade. Je voulais aller jusqu'à la Pointe de la Douane et voir ce que nous pouvions voir malgré cette nebbia intense. La Piazza semblait flotter sur des nuages bas. Le vent était tombé quand nous arrivions au môle, devant les colonnes de la Piazzetta. Il y avait dans l'air des senteurs étrangement envoûtantes. Magiques. La promenade qui longe les jardins royaux était presque vide, quelques couples qui se rendaient au Harry's Bar ou en venaient. Les vitrines donnaient à la rue une éclairage de fête. on aurait dirt qu'entre la lumière et le brouillard, une sorte de lutte était en train de se dérouler. Bien couverts, nous avions les mêmes impressions qui nous gagnent en montagne quand la lumière semble rendre le froid plus intense et que le confort des vêtements chauds et ouatés nous permet de garder à distance. nous avons ainsi marché jusque sur les Zattere. 
 
On marche beaucoup à Venise. J'en avais l'habitude. Pas ma pauvre mère. Après cette longue promenade, elle souffrait terriblement. Son amour pour les élégants escarpins de chez Fendi l'avait empêchée de chausser ses souliers de marche, légers et souples. J'avais insisté pour qu'elle se change après le dîner. « Non non, une autre fois. Nous sommes à Venise tout de même pas dans le Kent. Ces chaussures me rappellent trop ma mère. J'aurai l'air d'une vieille méthodiste anglaise » avait-elle répliqué. Le brouillard était tellement dense que plus un seul vaporetto ne circulait, plus un taxi, encore moins une gondole. Il allait falloir refaire tout le chemin à pied. Nous voilà repartis, après une pause en haut du pont de l'Accademia. Le brouillard était parfois moins dense mais une brise survenait soudain qui le rendait de nouveau très dense. Quand il se dégageait le ciel apparaissait couvert d'étoiles. Le grand canal était silencieux. Partout autour de nous des lumières et leurs reflets. Se promener ainsi dans Venise sous le brouillard et dans la nuit est une expérience unique. J'étais content de la faire partager à ma mère. Une cloche sonna, puis une autre. 
 
Soudain, l'incroyable. En un instant, ce fut le noir complet tout autour de nous. Plus une seule lumière dans la ville...Une gigantesque panne d'électricité priva Venise de lumière au moment où nous arrivions devant le kiosque du fleuriste, devant le Palazzo Franchetti. Quelqu'un venait d'éteindre sans prévenir. Pour un peu on aurait même cru entendre le déclic de l'interrupteur. Rapidement, nos yeux s'habituèrent à l'obscurité et les dalles de pierre d'Istrie guidèrent nos pas. Comme une ligne de veilleuses ou de fanaux indiquant la piste aux avions. Les passants s'interpelaient les uns aux autres, parfois un homme allumait un briquet, on croisait des lampes de poche. Je retrouvais l'atmosphère vécue un soir d'hiver à Londres, quand la ville était encore sujette au Smog, mélange graisseux de brume et de pollution, avec cette odeur inoubliable, mélange de grésil et de tourbe qu'on sent encore dans le métro. Peu à peu, au fur et à mesure que nous avancions vers San Marco, la lueur de bougies apparaissait aux fenêtres ou aux vitrines des restaurants et des bars encore ouverts. Quand nous avons finalement regagné l'hôtel dont le hall était éclairé par des candélabres,  la lumière revint et on entendit partout dans la ville presque endormie comme un soupir de soulagement. 
 

Pour la petite histoire, une seconde panne eut lieu quelques heures plus tard et le lendemain encore. Les journaux parlèrent du froid qui avait amené les gens à forcer les chaudières mais Venise à l'époque était encore en grande partie chauffée au charbon ou au fuel... Une expérience unique qui nous fit regretter que les codegon n'existent plus, ces guides nocturnes qui louaient leurs services et ceux de leur lanterne - appelée codega - pour accompagner les passants. Jusqu'à la chute de la république, il n'y avait d'éclairage public qu'autour de la Piazza et du palais des doges. Les porteurs de lumière étaient donc très utiles la nuit. Même pour les personnes mal intentionnées. Combien d'histoires sont rapportées de malheureux qu'on attira avec une  de ces lanternes dans un guet-apens, surtout par les nuits sans lune quand la nebbia comme celle que nous avions traversée ma mère et moi se répandait partout dans la ville. Combien se sont noyés après qu'ils aient voulu se rapprocher d'une lanterne qu'ils imaginaient devant eux mais qu'on agitait en fait depuis une barque ou de l'autre côté d'un rio. On allait le lendemain reconnaître le cadavre des infortunés sur la piazzetta des Leoncini où ils étaient exposés. Accident ou meurtre, les enquêteurs de la Magistrature n'aboutissaient quasiment jamais à conclure...

12 février.
L'an dernier à cette date j'avais quitté Venise depuis une semaine. L'étudiant écossais que j'hébergeais dans le cadre de son Erasmus était parti retrouver sa petite amie à Hong Kong où il cherchait un stage. J'avais retrouvé Bordeaux pour quelques semaines avant de retourner sur la lagune lancer la maison d'édition. le nom avait été présenté, l'équipe formée. Je tenais à lancer l'opération de financement participatif pour les premiers titres, depuis la France. Même bilingues, les livres que nous nous apprêtions à publier le seraient toujours en français. Le projet devait être remisé puisque un mois plus tard l'Italie se confinait. Et les semaines puis les mois passèrent. Je suis toujours exilé, passant mes jours entre Bordeaux et la campagne, me rendant parfois auprès de mes enfants. 
 
Nantes, Lyon, Paris. Dans la joie de les voir et de passer du temps avec eux. Mais sans le plaisir ressenti avant à l'idée de voyager, de croiser d'autres voyageurs, d'imaginer leur vie, de partager le temps du trajet quelques réflexions. Le silence et la solitude des voyages en train - mais aussi en bus, délice vécu lors de mes voyages d'étudiant, en Turquie notamment, et depuis l'invention des bus Macron - pendant ces heures tranquilles sur les routes de France. La crise sanitaire aura insufflé dans nos esprits la méfiance voire même de la peur. Les messages répétés dans les trains, sur les affichettes au sujet de la distanciation sociale, de l'hygiène des mains, des masques, ce n'est pas anodin. Les esprits les plus positifs, les plus sereins ne peuvent pas rester étanches à force d'entendre la même propagande. réaction irrationnelle certes mais qui encombre et modifie nos comportements, nous fait hésiter et nous fait craindre quand il y a si peu de risque finalement... Mais à quoi bon lutter contre la peur du plus grand nombre, à quoi bon. Se battre contre des moulins n'a jamais rien amené. Ni pour soi ni pour les autres.
 
La réflexion remonte à loin déjà. En mai dernier, je notais :
D'aucuns dans les milieux de la pensée parlent d'une ère nouvelle. un nouvel âge en train de naître... Nous assistons apparemment au commencement d'un autre monde, « une sorte de siècle épidémiologique », disait sur France Culture il y a quelques mois un historien. Désormais, nous sommes régulièrement confrontés à l'irruption de virus qui assaillent le monde. N'est-ce pas la démonstration que nous sommes entrés dans d'une ère nouvelle, celle de l’anthropocène. Car, c'est directement l’intervention humaine qui ruine la nature, flore et faune sauvage et qui favorise ainsi, la propagation des virus. Qui oserait désormais le nier ? Cette crise inédite, de sanitaire risque de se transformer en crise financière, et cela très rapidement,que les adeptes du jargon post-moderne traduisent par le terme présentiste. 
Il y eut les grandes épidémies de peste, mais peut-on réellement puiser dans le passé des éléments de comparaison et trouver dans le passé de quoi ajuster les réponses à apporter pour conduire les projets collectifs d’avenir. Au début de la crise, au printemps dernier, on m'a plusieurs fois demander d'écrire sur l'exemple des pandémies qui touchèrent Venise et amenèrent à l'invention de la quarantaine, l'édification des lazarets, etc. L'historien a toujours le réflexe - souvent salutaire - de regarder dans le passé des sociétés des idées pour nos temps. Mais en 2021, beaucoup de questions se posent, mais peu de réponses sont évidentes. Bien qu'utile, la comparaison avec les crises précédentes n'apporte aucune véritable solution, si ce  la terrible grippe espagnole au début du XXe siècle.

La nature exceptionnelle de cette pandémie, son universalité(puisque là non plus le virus ne respecta aucune frontière, aucun peuple, aucun régime, aucune organisation sociale) fait qu’elle fut le révélateur de dysfonctionnements, d’interrogations et en même temps d’espoirs. Comme la grippe espagnole, le covid ne peut pas être qu’un moment. On voit collectivement une aspiration à quelque chose d’autre pour l’avenir. L'Histoire est là pour nous l'enseigner : Le monde d’après 1918 n’était soudain plus le même, des empires se sont écroulés, des peuples se sont réveillés, les mentalités changèrent, les aspirations aussi, y compris sur le plan psychologique, . La grippe espagnole vint achever l'ancien monde à cause des traumatismes de la guerre. De même, « au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, la conception collective que l’on se faisait de la démocratie n’a plus été la même. On avait besoin de beaucoup plus d’intervention, de protection, d’égalité ». Étant donné l'importance et l’universalité de la crise que nous vivons aujourd’hui, il est évident qu'elle ne peut pas être qu’une transition, encore moins une parenthèse. Cet électrochoc sera peut-être salutaire. Ou pas...

Je lis déjà les commentaires de certains lecteurs : mais et Venise sans tout cela ? Pourquoi nous rappeler ce que nous vivons tous les jours depuis près d'un an ? Ce blog est-il un forum complotiste ou sanitarien (encore le jargon actuel !). C'est que tout ce qu'il nous est donné de vivre avec la crise sanitaire procède d'une mise en question de notre modèle social, politique et économique. Les gouvernants tâtonnent mais ils cherchent, les peuples murmurent mais ils se soumettent, certains se servent des évènements pour faire avancer leurs idées voire leurs ambitions, rien que de très humain là-dedans. Et bien, en partant du principe défendu dans ces colonnes depuis toujours, que Venise est, a été et peut redevenir un modèle pour la société contemporaine, tout ce qui se passe dans cette petite lagune avec ses minuscules îlots n'abritant plus qu'un dixième de sa population d'autrefois (aux alentours de 56.000 aujourd'hui, près de 500.000 dès le XVIe siècle pour la même superficie), la gestion des évènements naturels provoqués par l'ineptie des appétits humains, celle du tourisme, la résilience si particulière aux vénitiens, l'omniprésence de l'histoire et de ses trésors se mêlant à une énergie créatrice qui n'a pas son pareil dans les mégalopoles, font bien que le sujet est en adéquation avec Venise. 


14/02/2021
Je découvre dans ma boîte mail le message d'un ami avec.  qui je corresponds depuis mon retour de Venise. Vénitien, il vient enfin de rentrer chez lui après un séjour forcé en Australie. Bloqué comme tant d'autres par la pandémie, il effectuait un stage de bénévolat pour une ONG australienne dans je ne sais plus quel territoire voisin de la grande île. Si le surf et la nature avaient surtout motivé son choix il y a deux ans, ce qu'il a vécu là-bas a transformé son regard d'européen. Par ses commentaires passionnants, il m'a éclairé dans bien des domaines où mon point de vue demeurait somme toute assez figé. Lorsque mon fils séjourna à Vancouver après une année passée à Montréal, il en fut de même. Mon ami vénitien a seulement deux ans de plus que mon fils. Est-ce alors une question de génération ? Il sait que je finirai par évoquer nos échanges et le mentionner dans ces colonnes. Aussi lui ai-je promis de ne pas citer son véritable nom. Considérons qu'il s'appelle Carlo.
 
Carlo m'a envoyé le lien vers un article paru dans Linkiesta, ce (multi)média italien publié en ligne depuis sa création en 2011.  Outre le contenu éditorial de belle tenue, de couleur gauche progressiste - si je puis m'exprimer ainsi pour traduire l'orientation générale de la rédaction dans un pays où on ne sait plus très bien qui est où et défend quoi...-, c'est sur son design qu'il voulait attirer mon attention. Car Linkiesta et ses suppléments est un beau journal. Format, typo, couleurs, mise en page. Tout est splendide, efficace mais joli, fonctionnel mais esthétique. Couleurs et formes rafraîchissent après l'inondation des motifs et modèles Canva ! On est loin de la ringardise des studios de publicité de l'hexagone où les questions qu'on se pose encore concernant les préférences présumées du public entre le jaune et l'orangé, l'horreur absolue du violet et la puissance indétrônable du rouge royal... Chez Linkiesta, on vole plus haut. Et c'est beau. Carlo a raison. Comme toujours, je suis aller farfouiller dans leurs archives pour vérifier que le contenu était aussi beau que le contenant, en cherchant tout ce qui a pu paraître ces derniers mois sur Venise. J'en ai trouvé plusieurs, liés à la politique nationale italienne, à la gastronomie ou au tourisme. Le plus récent en date susceptible d'intéresser les lecteurs de Tramezzinimag concerne la décision inique de Luigi Brugnaro, le maire réelu de ne pas rouvrir les musées de la ville (voir l'article du Figaro qui relate parfaitement la situation cité par le magazine italien : ICI). Le maire resté enfermé dans un modèle dépassé qui favorise la terre ferme et ses électeurs de Mestre et de Marghera au détriment des résidents du site historique - la seule et vraie Venise - et montre combien dans ses choix il considère le centro storico comme une sorte de parc d'attraction faisant rentrer les devises qui permettront de financer des projets à Marghera. L'électoralisme de la giunta au pouvoir n'échappe à personne. Seulement, il ne s'agit pas de n'importe quelle bourgade mais d'un des hauts-lieux culturels du monde qui n'est pas un Disneyland. Les vénitiens ont aussi soif de culture et les musées sont aussi - je dirai même avant tout - pour eux. Sans oublier les milliers d'étudiants qui ont besoin de nourrir leur culture avec ces biens culturels appartenant à tous et gratuits. Un sondage avait réuni plus de 6000 signatures. Pour ceux qui lisent l'italien : le lien vers l'article cité ICI).
 

 
 
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(*) : in-Breakfast at Tiffany's avec la merveilleuse Audrey Hepburn. Expression difficile à traduire provenant de la chanson Moon River de Henri Mancini, mais qui sert à désigner, selon le Urban Dictionary de la langue anglaise, « au singulier, un très bon ami qui fait partie de notre vie depuis des années, généralement depuis notre jeunesse», quelqu'un de très spécial donc. Mes lecteurs savent combien l'amitié est un sentiment important pour l'auteur de ce blog depuis sa plus tendre enfance.

 

18 février 2021

«O mein papà» par Nilla Pizzi

 
Souvenirs d'enfance. Une chanson que fredonnait ma mère quand j'étais enfant et que j'avais appris à chanter très jeune. L'air est un peu démodé et l'origine allemande de la mélodie rappelle l'époque à laquelle elle fut à la mode, quand l'Italie se fourvoyée dans sa funeste alliance avec l'Allemagne nazie, l'URSS de Staline et le Japon, cet axe criminel qui généra l'une des plus grandes boucheries qu'ait connue l'Humanité. Mais la chanson est belle et émouvante. Elle réveille mille souvenirs d'enfance, l'amour d'un fils pour son père et le chagrin de l'avoir perdu trop tôt et d'avoir aujourd'hui un âge qu'il n'a jamais atteint. 
« O mein papà, sei l’uomo più adorabile. / O mein papà, sei l’uomo più sincero,/ O mein papà, sei tanto caro e amabile, /e nel tuo cuor c’è solo la bontà. / Degli occhi tuoi gli sguardi m’accarezzano / perché, lo so, per te son bimbo ancora./ O mein papà, fratello e amico unico,/ O mein papà, sei tutta la mia vita. / E se l’amor potesse far miracoli, / vorrei tornar bambino insieme a te./ O mein papà, o mein papà, o mein papà.

Certaines strophes n'ont plus été reprises avec le temps. Elles marquaient une vision du monde qui n'est plus du tout politiquement correcte de nos jours. 

«Quand’ero bambino, / l’amico più caro sei stato tu solo, papà. / Tornavi piccino, per farmi giocare / e imitavamo i negri e gli indù. / Ta ta pum – Ta ta pum – Ta ta pum./ Fra tanto clamor, sembrava il Far West / la casa tra i fior… laggiù. / Se a volte guastavo i miei balocchi / e il pianto sgorgava dal cuor,/ col tuo bel sorriso, baciandomi gli occhi, / si dileguavan tristezze e dolor.»

On y parle de jouer en «imitant les nègres et les Hindous», jargon connoté qui passe aujourd'hui pour du racisme comme apparaissent racistes Tintin et le capitaine Haddock, les héros de notre enfance. C'est vrai que quand nous jouions enfants, l'indien perdait toujours, il était le méchant et le gentil cow-boy s'avérait toujours plus fort que les apaches et les sioux, que nous appelions les sauvages. Que tout cela est loin désormais. Mes propos, pourtant simple réminiscence de l'enfance et commentaire innocent d'une chanson, émouvant souvenir de mes jeunes années, vont certainement être jugés réactionnaires par les «modernes», victimes consentantes de la pensée unique et du lavage de cerveau.Mais qu'importe les pisse-vinaigres, je ne vais rien censurer de mes souvenirs et la nauséabonde cancel culture ne passera pas chez Tramezzinimag ! Nous ne portons pas la responsabilité des erreurs commises par ceux qui vinrent avant nous.

04 février 2021

Venise Citybooks N°1 : Les impressions de Cees Nooteboom

Tramezzinimag a beaucoup de lecteurs en Belgique et aux Pays-Bas. C'est par le biais de ces abonnés fous de Venise, que nous avons découvert l'écrivain Cees Nooteboom, il y a quelques années. L'auteur a publié en 2013 dans la très belle revue belge Septentrion, des extraits de son Citybook sur Venise. Il y livre ses impressions après quelques jours passés en résidence dans l'île de San Giorgio, à la Fondation Cini. Tramezzinimag vous en livre à son tour quelques extraits :
 
I

J’ai acheté une immense carte de la lagune de Venise pour essayer de ramener la ville à sa juste proportion. Curieux exercice. Je sais que j’arriverai par avion demain mais, cette fois, c’est par la mer que j’aborderai cette ville que j’ai si souvent visitée. Sur la carte, le rapport entre l’eau et la ville est de l’ordre de mille pour un et, dans ce bleu infini, la ville est devenue village, petit poing serré posé sur un grand drap, si bien que tout ce vide semble avoir engendré, dans un moment de colère, la ville qui plus tard allait le dominer. L’auteure mexicaine Valeria Luiselli voit au lieu de mon poing une rotule brisée et, à mieux y regarder, je crois qu’elle a raison. Depuis les hauteurs de Google Earth, l’analogie est encore plus évidente, le Grand Canal est la fracture du genou ; le labyrinthe granuleux désagrégé tout autour représente l’os de la ville où je vais me perdre demain comme tous ceux qui viennent de l’extérieur doivent s’y perdre : c’est la seule manière d’apprendre à la connaître.

J’ai séjourné à plusieurs adresses en ce lieu, parfois dans de vieux hôtels, la plupart du temps dans d’étroites ruelles obscures, dans des parties de palais qui n’évoquaient jamais un palais, des cages d’escaliers en piteux état, des petites chambres avec tout juste une fenêtre donnant sur l’arrière d’une maison qui paraissait inhabitée, alors que dehors étaient pourtant suspendues à un fil à linge précaire deux culottes gelées, dans le froid glacial et silencieux. Parfois aussi une vue sur l’eau d’un canal latéral inconnu où, tous les jours à la même heure, un bateau passait, chargé de fruits et de légumes. Cette fois, ce n’est pas l’hiver, nous sommes en septembre, et tout rêve d’une ville déserte s’est volatilisé dès mon arrivée : Venise appartient au monde entier, et le monde entier est au rendez-vous. S’il y a un Proust ou un Thomas Mann, un Brodsky ou un Hippolyte Taine parmi eux, ils se cachent bien. Des armées entières montent en ligne à cette époque de l’année, l’armée chinoise, l’armée japonaise, l’armée russe. Pour découvrir sa Venise, il va falloir faire preuve d’obstination et d’esprit de décision, revêtir une cuirasse invisible, et se dire humblement que pour tous les autres, on fait tout simplement partie de ceux qui se mettent en travers de leur chemin et se serrent désagréablement contre eux dans la partie ouverte du vaporetto où il n’y a rien pour se tenir.

Mais je n’en suis pas encore là. Je viens tout juste d’arriver et mon voyage associe déjà trois des quatre éléments : l’air, car j’ai traversé le ciel pour venir ici, la terre que j’ai foulée à mon arrivée, et l’eau au bord de laquelle je viens de m’arrêter et où scintille la lumière, tandis que j’attends un taxi sur un appontement. Quant au quatrième élément, le feu, je ne m’y risquerai pas, même si le soleil flamboie dans l’eau ondoyante. L’art contemporain de la description a en effet ses limites, liées à la patience du nouveau lecteur. J’ai acheté avant mon départ un livre d’Hippolyte Taine datant de 1858. J’y ai marqué d’une croix des passages évoquant l’éclat du mouvement de l’eau. C’est là une autre leçon d’humilité, car il rend par sa description l’eau véritablement éclatante, elle aussi. Maintenant que je suis ici, je constate à quel point il est difficile de se livrer à un exercice qui se pratiquait encore au 19e siècle sans aucune gêne : décrire minutieusement, dans les moindres détails, de façon impressionniste, ce que l’on voit.

Le taxi interrompt mes réflexions. Il fend l’eau de la vaste lagune, file le long des bittes d’amarrage formant une ligne géométrique sur ce qui doit être le Canale di Tessera et se rue sur la ville. Je vois les silhouettes de tours connues, j’ai l’espace d’un instant le sentiment de rentrer chez moi, nous passons à vive allure à côté de Murano, contournons par le sud l’île des morts de San Michele et entrons dans l’Arsenal, longeant soudain lentement les hauts murs de briques du quai puis traversant en biais le Canale di San Marco en direction de la petite île de San Giorgio où je vais séjourner cette fois. Les cloches de la colossale basilique San Giorgio se mettent aussitôt à sonner, je n’y suis pour rien : il est six heures du soir, c’est l’angélus. J’entends aussi les cloches de la basilique San Marco et de l’église du Redentore, dont le tintement se propage sur l’eau. Pris entre un feu croisé de sons, debout sur la grande place dégagée devant l’église, je vois un homme à genoux qui, muni d’une brosse métallique bien trop petite, frotte les escaliers pour en retirer, centimètre par centimètre, les algues qui y ont poussé juste en dessous de la surface de l’eau, un travail de Sisyphe qui semble plus proche de l’éternité que du monde d’où je suis venu aujourd’hui.

Une heure plus tard, après avoir déposé ma valise dans ma chambre monacale, j’entre dans la gigantesque basilique encore ouverte. Dans ce genre d’espace, on recherche malgré soi les parois latérales : le vide au milieu est dangereux. J’ignore si l’on vient prier ici. On ne décèle pas la moindre trace de cette intimité propre aux églises romanes : c’est une station spatiale pour se rendre sur la planète Mars, un autre Dieu, classique, martial, règne ici, dans cette demeure que Palladio a conçue pour lui. Même les grandes fresques du Tintoret, à peine visibles dans la pénombre, sont intégrées dans un réseau mathématique de lignes implacables. Je sais que, derrière l’imposant maître-autel, doivent se trouver d’extraordinaires stalles flamandes mais, alors que je cherche à m’en approcher, un bruit de voix,le faible murmure plaintif de voix de vieillards, me retient. Le bâtiment était autrefois un monastère bénédictin. Quand les moines en ont été chassés, tout est tombé en ruine. Aujourd’hui s’est implantée sur l’île une fondation où je suis autorisé à passer quelques jours, mais les moines ont quant à eux rejoint leur monastère réduit à une plus petite taille. Ils n’occupent plus que quatre des nombreuses stalles, dans l’obscurité croissante j’ai pris position de façon à pouvoir les observer pendant les vêpres. Leurs voix, qui fredonnent des chants grégoriens, se noient dans l’immensité de la construction. L’opposition entre la magnificence classique environnante et le désarroi émanant des prières chuchotées ne manque pas de pathos ; l’atmosphère est aux adieux irrévocables et, lorsque je quitte la station spatiale sur la pointe des pieds, j’entends derrière moi l’écho toujours plus faible d’une époque à jamais révolue. Dehors, je vois les lumières de la grande place de l’autre côté et les bateaux qui naviguent du quai des Esclavons versla Giudecca. Je suis arrivé.

II

Bateau, sur l’eau, la rivière, la rivière, bateau, sur l’eau, la rivière au bord de l’eau. J’ai enfin osé. Dix séjours à Venise, et me voici pour la première fois dans une gondole. Tôt le matin, quand je bois mon café au coin des Procuratie nuove, ils sont à côté de moi : les gondolieri. En grande conversation à propos du match de la veille dans un dialecte vénitien impossible à suivre. Il fait froid sur l’eau, porter un cappuccio tient chaud. Dehors sont alignés les fins bateaux noirs en forme d’oiseaux, leurs têtes d’oiseau (ce sont des têtes d’oiseau, regardez bien) pointés vers l’île où je loge. Pourquoi n’en ai-je jamais eu envie ? Parce que c’est le cliché absolu de Venise ?

Ce serait puéril. Est-ce dû aux visages des gens dans ces gondoles ? Mais qu’ont-ils donc, ces visages ? Affichent-ils l’insupportable béatitude du but enfin atteint, le sentiment de vivre le baptême vénitien absolu, qui les rattache à jamais à la ville ? En gondole avec Thomas Mann, Marcel Proust, Paul Morand, Henry James, Ezra Pound. Louis Couperus ? Ich bin auch ein Berliner, quelque chose de ce genre ? Ou bien ont-ils cette expression sur leur visage : si nos voisins du Kansas, de Bielefeld, de Wakayama, de Novossibirsk, de Barneveld nous voyaient ? Comme si, en bas au niveau de l’eau, ils s’étaient drapés de toute la ville comme d’un manteau, le temps de cet instant silencieux, ondoyant, de plénitude, de bercement, de chuchotement de l’eau autour de soi sur des canaux plus calmes, avec derrière eux un homme invisible, le passeur, aux mouvements puissants, rythmiques. Pourtant, la plupart des gens n’ont pas la bonne expression sur leur visage, même s’ils font de leur mieux. Cela ne peut s’expliquer que par le fait qu’ils sont conscients qu’ils ne vont nulle part et reviendront, bientôt, à leur point de départ. Quelle expression adopter quand les gens dans le vaporetto, qui eux vont quelque part, vous regardent ?

Jamais je n’avais fait plus que le traghetto,une gondole aussi, mais qui sert seulement à se rendre d’un côté à l’autre du Grand Canal. Monter en chancelant, le bras maintenu par la solide main du passeur, essayer de tenir debout sans perdre l’équilibreou s’asseoir un instant sur la planchette étroite pour ne pas perdre la face. L’équilibre ou la face, voilà de quoi il s’agit. Non, je ne l’avais encore jamais fait. L’an dernier, quand il neigeait à Venise et que nous avions un petit appartement près du Campo San Samuele, à l’arrière, du côté donnant sur une ruelle, de ce qui avait dû être un palazzo autrefois (un lieu sombre, dissimulé derrière des grilles, avec un chien aboyant chaque fois que nous rentrions et à peine une vue sur l’eau), je voyais passer, tôt le matin déjà, des Japonais qui se bousculaient sous des parapluies, de la neige sur leurs chapeaux et leurs bonnets, et qui rayonnaient de joie. Le gondoliere chantait une chanson sur le soleil en essuyant les flocons qui lui tombaient dans les yeux. O sole mio. Je l’admirais. Lentement, la barque passait et je savais que les passagers n’oublieraient jamais cette excursion, j’aurais aimé savoir dire en japonais le mot « jamais ». Quand on n’a jamais pris une gondole, on n’est jamais allé à Venise. Tout le monde prenait une photo de tout le monde : preuve. Au Japon, on achète son voyage avec le tour en gondole compris. Mais était-ce une raison pour moi de m’abstenir ? Des Chinois trempés sous la pluie, des Américains munis d’une bouteille de prosecco ? J’avais essayé de trouver une justification rationnelle à mon attitude absurde, une gondole est un moyen de transport, il faut s’en servir pour aller quelque part, comme cela se faisait autrefois, à l’époque où les vaporettos n’existaient pas encore.Se contenter d’être ballotté au gré des flots, ce n’était pas un objectif en soi, pour moi qui aimes pourtant musarder à travers la ville en me laissant guider par le hasard. Une gondole encore plus noire que d’habitude, transportant un cercueil recouvert d’une étoffe brodée d’or, en route pour l’île des morts de San Michele, voilà qui était authentique, l’essence même du transport. Tout le reste n’était que tourisme, comédie, théâtre, c’était bon pour les autres.

Et maintenant ? Maintenant nous étions nous-mêmes les autres, assis dans une gondole, montés à bord d’un pas mal assuré, pesant en définitive trop lourd, l’embarcation penche, mais la main exercée connaît les corps maladroits, les installe sur un coussin, le voyage peut commencer et, tout d’un coup, le monde a changé, il se déroule au-dessus de vous, sur les quais que vous longez vous n’apercevez pas des visages mais des chaussures, les maisons s’étirent et vous découvrez soudain toutes sortes de choses auxquelles vous n’aviez jamais prêté attention ; une légère houle s’est emparée de la ville, vous voyez les murs comme une peau vivante, lésions, blessures, cicatrices, guérison,vieillesse, histoire, algues noires, algues vertes, le dessous secret des ponts, marbre et maçonnerie, les autres bateaux, la vie sur l’eau d’une ville de pierre et d’eau. À voix basse le gondoliere cite les noms des églises et des grandes bâtisses comme un vieux prêtre récite une litanie qu’on n’a pas besoin d’écouter. J’essaie parfois de suivre sur la carte l’endroit où nous nous trouvons, mais je perds vite la piste. Parfois, quand nous prenons un virage serré, il lance un « Ohé ! » sonore, comme si nous étions en danger de mort, mais j’ai décidé depuis longtemps de m’en remettre à lui, tel un enfant dans l’utérus j’écoute le murmure des eaux et je ne veux plus jamais naître.

III

Un souvenir. Un jour d’hiver. Il a neigé sur la Place Saint-Marc, mais la neige a vite fondu. Sous une des galeries, je regarde la place mouillée, je crois voir les eaux de fonte s’évacuer lentement mais, comme dans le poème de Nijhoff, il en va autrement dans la réalité : je ne vois pas ce que je vois. On dirait qu’une source coule au milieu des dalles de la place, je vois l’eau monter lentement à certains endroits, la ville semble poreuse. Je n’ai pas entendu les sirènes alerter d’un danger de hautes eaux, la situation ne peut donc pas être grave, pourtant je ne parviens pas à détacher mon regard. Il faut tout de même qu’il y ait de la terre en dessous, pas de l’eau, une ville n’est pas un navire. Ou bien si ? Je suis debout sur de la pierre,je ne suis pas le Christ. Mais suis-je bien debout sur de la pierre ? Au loin, je vois des gens coltiner de curieuses planches, je n’ai pas d’autre mot pour les nommer, ce sont de longs rectangles de bois reposant sur quatre pieds métalliques, sur lesquels on peut poursuivre son chemin juste au-dessus de l’eau sans avoir à passer à gué. Les eaux peuvent monter jusqu’à cinquante centimètres. Ces planches servent alors à construire d’étroits chemins sur lesquels se croisent tant bien que mal les piétons. Noire est la boue qui vient du fond de la lagune, les eaux du Léthé, le fleuve de l’oubli, que buvaient les morts. J’ai assisté à des opérations de dragage, une sorte de grappin creuse dans les profondeurs et vomit une boue noire comme de la poix avec divers autres objets de cette même couleur d’eau en deuil, provenant du royaume des morts, de l’anti-ville là-bas, au fond, qui attend son heure.

Quand les eaux sont redescendues, les planches restent, comme pour rappeler que la chance peut tourner, que la pleine lune des tableaux romantiques peut parfois prendre, dans un accès de mauvaise humeur, le commandement des eaux. Et comme depuis la dernière époque glaciaire, il y a dix fois plus d’eau que de terre dans la lagune, les gens se sont tirés d’affaire comme ils ont pu, dans cette région où se livre une lutte entre les fleuves et la mer. La lutte des Pays-Bas contre la mer vient naturellement à l’esprit. Les ramifications du delta du Pô ont charrié du sable depuis les montagnes à l’intérieur des terres, les courants marins ont opposé une résistance, des bancs de sable se sont formés qui ont tenté d’encercler la lagune, les bras du fleuve dans le delta ont dû être déviés pour éviter que les alluvions viennent tout engorger et pour permettre à l’eau douce de se déverser dans la mer par trois ouvertures. Sur une photo aérienne prise de très haut, la lagune ressemble à un organisme vivant, les cours d’eau à des vaisseaux sanguins, les bras du fleuve déplacés au nord et au sud à des artères, les zones industrielles de Mestre et de Porto Marghera à de grosses tumeurs et Venise elle-même à un joyau négligemment jeté et perdu. Les marais qui l’entourent prennent l’aspect d’un manteau pour un roi assis sur un trône branlant fait de grès d’Istrie, pierre salvatrice capable de résister à la voracité des eaux de la mer, de même que les pins, provenant d’Istrie eux aussi, sont profondément enfoncés dans le sable et l’argile, comme à Amsterdam, pour soutenir les maisons et les palais. Quiconque a été capable d’accomplir une telle tâche peut partir à la conquête du monde.

IV 

Trois miniatures

Tiepolo au Palais des Doges
Trois personnages contre un ciel bleu. Le trident indique le dieu dont il est question. Mais il ne tient pas cette arme curieuse qui est son emblème, elle est à moitié posée sur son dos et sur celui d’une jeune femme noire vêtue d’une robe vert foncé, dont la tête est très proche de la sienne. La personne qui tient l’arme est invisible. C’est le portrait le plus humain que je connaisse de lui. Il est grand et fort, à moitié nu, il a de longs cheveux noirs, la barbe hirsute et grise, son œil droit est amoureux, l’autre ne se voit pas, mais ce seul œil suffit, sa peau jeune est hâlée et luisante, quelques poils apparaissent sur sa poitrine, il a des mains de travailleur, d’une couleur plus foncée, comme les agriculteurs et les pêcheurs. Il les tient autour de la corne d’abondance, qu’il déverse devant la femme blonde couronnée en face de lui. Des pièces de monnaie, un morceau de corail rouge vif, des colliers de perles, le tout peint si merveilleusement qu’on croit voir les effigies sur les pièces de monnaie, des figurines dorées et argentées, ce trésor s’écoule le long de son puissant genou et se répand sur la robe de brocart de la femme. Il n’y a aucun doute possible, il ne vient pas payer son tribut par obligation : il le donne par amour et Venise est la femme à qui il offre tout. D’une longue main légère émergeant de l’hermine, elle le montre du doigt et lui lance un regard qui se situe à mi-chemin entre l’étonnement et la peur peut-être. La connotation sexuelle est indéniable, elle est belle, la main gauche avec laquelle elle tient souplement son sceptre repose sur la tête d’un gigantesque chien à la gueule monstrueuse, elle est assise, le buste incliné en arrière, dans toute la splendeur de ses habits, et occupe près des deux tiers du tableau, ce qui donne l’impression qu’il l’approche tel une puissante vague, dieu seul sait ce qui peut encore se produire entre le dieu marin et sa ville favorite. Vu au Palais des Doges, dans la salle des Quatre Portes, qui servait d’antichambre aux ambassadeurs attendant une audience.

Carpaccio au musée Correr
Ruskin a qualifié les deux femmes peintes par Carpaccio de courtisanes, ce qui en dit long sur lui. Femmes de mœurs légères (d’un bon milieu) dit mon dictionnaire français, au cas où j’aurais encore un doute. Pourquoi Ruskin a-t-il pensé qu’il avait en l’occurrence affaire à des prostituées de luxe ? Les vêtements des deux femmes sont vénitiens, somptueux, leurs coiffures raffinées, leurs bijoux pas trop exubérants, quoique bien visibles. Une des femmes a un décolleté généreux, mais cela n’avait rien d’inhabituel. Quelle mouche a piqué Ruskin ? Sa propre pruderie victorienne ? Selon la légende, il avait tellement observé les nus en marbre poli qu’il eut un choc en voyant, lors de sa nuit de noces, les poils pubiens de sa femme. Cette interprétation s’explique cependant, à mon avis, par deux autres éléments de ce fabuleux tableau. Les deux femmes regardent droit devant elles, elles se détournent de l’observateur, toutes deux ont un regard vide, qui ne se pose sur rien. Il se passe certaines choses dans le tableau, pourtant rien ne semble bouger, elles paraissent attendre, une occupation souvent prolongée dont les courtisanes avaient l’habitude.

Que voyons-nous au juste ? Deux colombes, deux chiens, peut-être les pattes d’un de ces chiens ou d’un troisième chien invisible. La femme au décolleté tient dans la main droite une longue tige que le plus gros des chiens serre entre ses dents pointues. Les lois de la perspective ne me permettent pas de savoir si les deux pattes avant, que je vois en bas à gauche du tableau et dont une est posée sur une lettre dépliée impossible à déchiffrer, appartiennent au même chien : d’après la couleur et le pelage du chien, je pense que ce doit être le cas. Dans la main gauche, la femme tient la fine patte droite d’un petit roquet dressé sur son arrière-train, qui me lance un regard insolent. L’autre femme semble avoir enfilé deux énormes chaussons verts bordés de broderie, mais ce sont sans doute des plis dans le bas de sa robe. Ces connaissances relèvent de l’histoire de l’art, comme peut-être la signification de l’oiseau semblable à une corneille qui se tient par terre juste devant elle et qui lève une patte tridactyle dans sa direction. Cette femme aussi a ce regard vide, qui ne fixe rien et que je qualifierai, par facilité, de moderne. Dans la main droite, elle tient une étoffe en lin ou en soie, son coude s’appuie sur une haute balustrade de marbre à côté d’une grenade, symbole d’amour et de fertilité, je me souviens au moins de cela. Rien ne permet de savoir si le garçon, dont la tête ne dépasse pas encore la balustrade, le sait aussi. Quoi qu’il en soit, son attention se concentre sur le paon qu’il aimerait caresser. À côté du paon sont posées deux chaussures de femme, de celles qui étaient à la mode à l’époque et avec lesquelles il était manifestement presque impossible de marcher.

Le tableau est exposé au musée Correr. Si vous avez l’occasion de vous arrêter devant et de l’observer longuement, vous constaterez le calme qui s’installe autour de ces femmes. Selon des théories plus récentes, elles attendent le retour de leurs maris de la chasse, ce qui ne résout pas l’énigme de ce calme. Les vêtements et les objets situent le tableau dans le temps, mais le vide dans le regard et l’arrogance hostile du petit chien ont des relents de mon époque. Ce petit chien en sait trop, et nous nous connaissons.

Guardi
La ville que j’ai quittée il y a quelques semaines est devenue papier. Maintenant que je suis parti, la grande exposition de Guardi est enfin arrivée au musée Correr. Francesco Guardi, qui tout au long de sa vie a dû laisser Canaletto lui passer devant, alors qu’il savait naturellement qu’il avait plus de talent parce qu’il savait donner vie à la ville, libérer les palais de la stasis où l’autre peintre les a figés pour l’éternité, laisser l’eau respirer, rendre audibles les cris de tous ces hommes sur leurs bateaux et parce que ses nuages ressemblaient tant à des personnes se déplaçant au-dessus de l’eau et de la ville qu’on avait envie de leur donner des noms. Un ami qui connaît mes obsessions m’a envoyé une édition d’El País et une page du New York Times qui traitent de l’exposition. J’ai ainsi l’impression d’être encore un peu à Venise.

À travers le blanc et le noir du papier granuleux des journaux, je vois les tableaux comme il ne faudrait pas les voir, ils sont atteints d’une sorte de grisaille incurable, mais j’y ajoute tout de même les couleurs, de mémoire et par nostalgie. Sur le seul portrait que l’on connaît de lui, le peintre est mince, un peu transparent, le pinceau à la main comme s’il devait faire une démonstration à l’aide des couleurs sur sa palette : des traits blancs et foncés, des mains de femme, des yeux clairs qui conserveraient tout ce qu’ils verraient. La ville, la ville et encore la ville, une ville fluide faite d’eau et de bateaux, une ville de pierre faite de palais, mais aussi ce qui se passait derrière tous ces murs fermés, la ville dans la ville, la foire aux vanités du Ridotto, un tourbillon de raffinement et de lubricité autour des tables de jeux, une faible odeur de pourriture annonciatrice d’une lente agonie. Ses tableaux sont rentrés chez eux. Qui sait ? Peut-être avaient-ils la nostalgie de la ville où Guardi, toujours dans l’ombre de Canaletto, tenta autrefois de les écouler sur la Place Saint-Marc. Ils ont été acheminés par avion depuis les quatre coins du monde vers le Correr, quarante musées et institutions les ont prêtés pour plusieurs mois, j’ai hâte de les voir en vrai. À travers le gris du journal devant moi, je regarde la rive de la Giudecca où je marchais encore il y a peu, je vois la petite île où j’ai vécu, prisonnière entre la lumière et l’ombre, une région lointaine, crépusculaire, où je pourrais être un des fantômes qui peuplent ses tableaux. La ville n’a pratiquement pas changé depuis son époque. Aussi ces tableaux donnent-ils l’impression d’abolir le temps qui s’est écoulé. Je ne suis plus là où je suis et, pourtant, j’y suis, j’ai pris la substance de la peinture et je marche là-bas, dans le présent de 1760, où il m’a peint, un homme dans d’étranges vêtements assis sur les marches de l’église devant laquelle je passerai deux siècles plus tard, un Néerlandais dans la république sérénissime.

Traduit du néerlandais par Isabelle Rosselin

Podcast en français : ICI et en italien : ICI

 

Isabelle Rosselin est traductrice du néerlandais et de l’anglais vers le français depuis vingt-cinq ans. Après avoir étudié l’anglais, notamment à l’université de Groningue aux Pays-Bas, elle a obtenu son diplôme de fin d’études à l’École Supérieure d’Interprètes et de Traducteurs de Paris et un DESS de terminologie à l’Université de Paris III. Avant de se lancer dans la traduction, elle a travaillé comme lexicographe chez Larousse. Elle a travaillé huit ans comme traductrice, rédactrice et responsable du service de traduction à l’hebdomadaire Courrier international, pour lequel elle sélectionnait en outre les articles de la presse belge et néerlandaise. Parallèlement à ses activités de traductrice littéraire, elle a fondé en 1999 sa propre société de traduction, Zaplangues, spécialisée dans l’économie, la finance, le marketing, la communication et la presse. Elle a traduit plus d’une vingtaine d’ouvrages littéraires du néerlandais, notamment d’Anna Enquist, d’Arnon Grünberg, d’Arthur Japin, de Harry Mulisch, de Connie Palmen et de David van Reybrouck (Congo, prix Médicis essai 2012).


La Fondazione Giorgio Cini propose les résidences sur l’Isola di San Giorgio Maggiore : un parc avec une magnifique église, plusieurs expositions et le Centro Internazionale di Studi di Civiltà Ittaliana Vittore Branca. Ce centre abrite une bibliothèque magistrale avec plus de 300.000 livres où des dizaines de chercheurs se livrent à leur travail scientifique en ne se déplaçant qu’à pas feutrés et s’exprimant par chuchotements.

Toute la ville de Venise ainsi que sa lagune est inscrite sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO Tous ceux qui l'ont visitée savent pourquoi. Venise a probablement autant de surnoms que de ponts. La ville est connue pour beaucoup d'autres choses, mais il ne fait aucun doute que les deux Vénitiens les plus célèbres sont Marco Polo et Casanova. Les villes côtières du sud de l'Europe semblent être une excellente source d'inspiration pour les découvertes et la littérature, comme l'illustrent Venise, mais aussi Lisbonne. Dans le passé, Venise a inspiré de nombreux auteurs. Les Citybooks montrent que c'est toujours le cas aujourd'hui.

A l'automne 2012, Cees Nooteboom, Atte Jongstra, Rebekka de Wit, l’italianophile Luc Devoldere et l'écrivain autrichien Lydia Mischkulnig ont passé quelques jours dans la Ville sur l'eau.  Les citybooks sur la ville sont sortis en néerlandais, en français et en anglais, avec une traduction de courtoisie en italien.

Le photographe Andrea Galiazzo a fait un portrait de Venise en 24 natures mortes. Quand la marée se retirait, Galiazzo récupérait pendant ses promenades des objets que l'eau de la lagune avait charrié et qui jonchaient le sol. Tramezzinimag présentera ce travail très original dans un prochain billet.