Qu'on
me pardonne de paraphraser le grand Hugo. Si tout visiteur peut être
saisi immédiatement ou après une certaine imprégnation par la beauté de
Venise, celle-ci n'est pas ressentie de la même manière par tous. «Où il y a de la beauté, il y a de la joie», dit Goethe. «Où il y a de la beauté, il y a de la liberté», dit Shelley. «Où il y a de la beauté, il y a de l'émotion», dit Chateaubriand. «Où il y a de la beauté, il y a de la passion», dit Stendhal. «Où il y a de la beauté, il y a de la tristesse», dit Byron... Chacun s'exprimera donc sur la beauté des choses, selon qu'il sera porté à
la joie, à la liberté, à l'émotion, à la passion, à la tristesse, et
nous pouvons avoir des chefs-d’œuvre en tous ces genres. C'est que
chacun voit tout à sa manière. Chacun s'exprime à sa façon d'après ce
qu'il ressent. Le champ demeure donc largement ouvert à tous ceux qui
veulent voir, sentir et écrire. Ainsi Venise inspirera toujours les
penseurs et les rêveurs, les peintres, les écrivains. Mais contrairement
à Florence qui nous ramène sans cesse à la réflexion, au raisonnement,
Venise nous pousse à la rêverie, à l'imagination car comme le soulignait
Taine, «Si on rêve à Venise, c'est avec des sensations, non avec des idées».
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Attendre
à Venise peut devenir un supplice. Solitude absolue. Douleur délicieuse
qui nous soulève le coeur et fait trembler nos lèvres. Viendra-t-elle ?
N'a-t-elle pas oublié ? Et si elle se perdait ? A chaque bruit de pas on
sursaute. La voilà. Non c'est une autre. Je l'entends cette fois j'en
suis sûr, dans la ruelle là-bas au fond. Non, toujours rien. Vous savez
cette histoire d'un coeur qui s'habille et tremble dès que l'heure
approche. «Il eut mieux valu revenir à la même heure»...
Comment respecter la requête du Renard de Saint Exupéry quand on est à
Venise ? Le vaporetto qui n'arrive pas, les touristes amassés sur le pont
qui empêchent de débarquer, tous ces ponts qu'il faut franchir. Et les
ruelles tortueuses, le mauvais raccourci qui rallonge et s'avère finalement n'être qu'un cul
de sac. «Aqua, aqua !» crie malicieusement une commère à sa
fenêtre. Mais attendre est aussi un bonheur. La lumière, les parfums, la
vie qui passe devant nos yeux... Rien ne ressemble au spectacle qui se
déroule là pendant l'attente, interminable moment d'incertitude et de
peur que la beauté du décor atténue.
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