27 septembre 2012

« I Nua», un petit moment de paradis

C'est un véritable trésor que Tramezzinimag a la joie de vous présenter aujourd'hui. Remastérisé, ce documentaire retrouve toute la fraîcheur particulière du cinéma italien de l'après-guerre. 
 
Après avoir visionné ce merveilleux petit film de Francesco Pasinetti, primé à la Mostra en 1952, on ne peut que se sentir bien. Un peu nostalgique aussi à la vue de cette Venise désormais disparue, engloutie par les temps modernes et son cortège de maléfices : pollution, tourisme de masse, exode et perte des traditions... Les images défilent sur une musique de Virgilio Chiti et la belle voix qui récite le magnifique poème de Domenico Varagnolo (1882-1949) qui a inspiré le film, est celle de Cesco Baseggio, un acteur très connu en Italie qui se rendit célèbre pour ses interprétations du personnage de la Commedia dell'arte, le fameux Pantalon.

Comme on le voit un moment dans le film, avec un plan fixe sur un panneau, la baignade dans les canaux était déjà interdite dans les années 50. Déjà du temps de la République les plongeons n'étaient pas autorisés et les autrichiens renforcèrent, sans grand succès, l'interdiction. Lorsque le temps se fait si lourd et humide que l'on ne tient plus même à l'ombre dans les maisons, les enfants de Venise ont toujours apprécié de se rafraîchir, même lorsque les bains de mer n'étaient pas en vogue. Au XIXe siècle, quand une grande partie de la population vivait dans la misère, les gamins des quartiers pauvres s'amusaient à plonger pour attirer les touristes qui leur jetaient des pièces. 
 

Le texte, I Nua (les nageurs) composé en dialecte vénitien, est une pure merveille. L'auteur a su avec les mots de son peuple, faire surgir des images que le cinéaste a cherché à matérialiser et que la magnifique diction de Baseggio embellit : cette nuée d'enfants rigolards, la force suggestive du noir et blanc rend encore plus forte la sensation de chaleur pesante, et on retrouve cette atmosphère unique qui disparait peu à peu à Venise, quand tout le monde savait se réjouir des petits bonheurs du quotidien, comme batifoler dans l'eau qui n'était pas encore empoisonnée ou remplie de pantegane, ces énormes rats marins qui sont parfois plus gros que des gros chats. 
« Xe un zorno de lugio, el tempo xe beo, no core na nuvola la suso nel cielo, no tira un fià d'aria, ma un sol malignaso dal qual no xe caso poderse salvar, ne passa el capeo, ne arde el cervelo, ne fa delirar, xe l'ora del sofego e della brusera, gh'è i muri che boje e scota ogni piera, i oci che lacrima, vien seca la gola, le gambe se incola, le stenta a obedir, al moto più picolo se ansa, se sua, se supia, se spua, me par de morir.»
«C'est un jour de Juillet, le temps est beau, pas un nuage ne court dans le ciel, pas un souffle de vent, mais un soleil insistant auquel personne ne peut échapper, qui pénètre à travers les chapeaux, brûle les têtes et pousse au délire. C'est le temps où l'air stagne et la chaleur devient étouffante, les murs sont brûlants et les pierres bouillantes, les yeux pleurent, la gorge est sèche, les jambes collent et ont du mal à obéir, le moindre mouvement rend la respiration haletante, on transpire, on souffle, on crache, on croit qu'on va mourir.»
«I rii che internandose fra campi e calete i taja Venexia in cento isolete i ga l'aqua tiepida e cossa assae rara, l'è bela, l'è ciara, la cresse pianin, xe proprio la colma, e la sula riva de boto la riva al quinto scalin, se vede un fio picolo a poca distansia, streta na corda atorno a la pansa, ch'el par na bondola molada nel brodo, che cerca ad ogni modo de sora restar, a trati afidanse a un toco de tola, ch'el sternse, ch'el mola, ch'el torna a ciapar...»
«L'eau des canaux qui se faufilent entre campi et ruelles de Venise,  la découpant en une centaine de petites îles, est belle. Elle est chaude et, c'est très rare, elle est claire.  Elle monte peu à peu. La marée est presque haute, elle déborde sur la rive et touche presque la cinquième marche sur le quai. Non loin de là, on peut voir un enfant avec une corde nouée autour de sa taille. On dirait une saucisse qui trempe dans un bouillon. Il essaie de rester à flot par tous les moyens.  de temps en temps, l'enfant s’appuie sur ​​une planche, la tenant serrée, puis la lâchant, la reprenant...»
«Un altro po' capita più svelto, più scaltro, e a quelo fa seguito un altro e po' un altro, insoma into un atimo la riva xe piena, i xe na trentena parola d'onor, de grandi, de picoli, de mogi, de suti, de bei e de bruti, de ogni color, el rio se scombusola, l'è tuto un misioto de brasi, de gambe, de teste in cramboto, chi quieto se snanara, … chi soto se cassa e beve salà, chi va come el fulmine par drito e par storto, chi invece fa el morto la ben destirà,»
«Arrive alors un autre enfant plus habile, plus intelligent qui est suivi par un autre, puis encore un autre. En fait, instantanément la rive est pleine d'enfants.  Parole d'honneur, ils sont une trentaine, des grands, des petits, des tous mouillés ou des déjà secs, des mignons et des très laids, des garçons de toutes les couleurs.  Le canal est perturbé, ce n'est plus qu' un mélange de bras, de jambes, de têtes. Il y en a qui crapotent, d'autres qui nagent paisiblement comme le font les canards, d'autres qui plongent et avalent de l'eau salée, certains filent en zig zag comme des anguilles, un autre fait la planche bien à plat sur l'eau...»
«Dal ponte i più pratici se butta vardando chi l'aqua buta più alta, tre quatro se struscia intorno a un palo, i monta a cavalo, i va a rodolon, e altri co impeto se buta in schenada, sguazzando la strada con un gusto baron...»
«Les plus intrépides plongent du pont regardant à qui fera jaillir le plus d'eau, trois ou quatre s'enroulent autour d'un poteau, se mettent à califourchon et se lancent dans l'eau, d'autres se jettent en arrière, éclaboussant la rue comme le font avec délice tous les gosses... »

© Traduction (approximative) Tramezzinimag.


6 commentaires

 

Les Idées Heureuses

Il y a une plaque commémorative de ce grand artiste, Cesco Baseggio à la fondamenta di Borgo où il vécut de 1911 à 1934.

Une Venessia que l'on aurait aimée connaitre.

Martine de Sclos  

29 septembre 2012

Les Idées Heureuses

Serait ce trop vous demander en temps bien sûr...de continuer d'écrire le texte avec la traduction, j'ai cherché veinement sur le net le poème...ce qui m'a fait passer par de jolis chemins de "traverse" mais nenni sur le poème.

C'est tellement agréable d'écouter, de lire et de comprendre cette prose si chantante dans ce dialecte si particulier....et puis j'apprends ainsi quelques rudiments!

ça y est je me suis inscrite à des cours d'italien, enfin, je commence jeudi.

Merci de tout coeur.M de Sclos

29 septembre 2012