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07 août 2019

Les vénitiens, les chats et la tendresse d'un regard : Nicolas Cytrynowicz, photographe.

Les hasards des promenades sur internet à la recherche de nouveautés, de sons, d'images qui pourraient varier un peu l'ordinaire des jours, offrir aux lecteurs de Tramezzinimag un autre regard, des idées différentes, matière à réflexion, soutien à nos états d'âme, rire ou nostalgie... La très belle voix de la splendide Lizz Wright, pleine de poésie, accompagnait mes pérégrinations hier soir à la recherche de photographies que je ne trouvais pas. Puis soudain, une trouvaille. Un site qui n'est plus alimenté depuis quelques années, avec en légende de l'image - nostalgique -  de Venise (la rambarde en fer forgé d'un pont de Venise) sur laquelle je suis tombé, cette phrase de François Mauriac que m'avait envoyé Antoine il y a fort longtemps :
"On ne quitte pas Venise, Monsieur, on s'en arrache. 
Un séjour à Venise c'est une étreinte."
Évidemment, si ça commence ainsi, il y a de fortes chances que l'auteur du site, un certain Nicolas Cytrynowicz, soit une belle personne. En phase avec l'esprit Tramezzinimag. Au fil des pages de son blog, j'ai glané quelques bijoux. Des clichés très simples, tous imprégnés d'un respect et d'une grande poésie. En voici quelques exemples (à visionner en écoutant la merveilleuse chanson de Miss Wright, «Reaching for the moon» ci-dessous). Des deux, vous me direz des nouvelles.

 

 
Vous connaissez ma fibre investigatrice. Bien que n'étant aucunement de la trempe du flamboyant Flavio Foscarini (ceux qui auront suivi mes avis et auront lu la Vestale de Venise me comprendront - et les autres qu'attendez vous pour courir le faire ?), j'ai voulu en savoir plus sur l'homme qui a ce regard aussi doux sur les gens, sur Venise. J'ai découvert des pages très belles sur les chats, des photographies de voyage à travers le monde. Je puis vous dire que le photographe vit dans l'est de la France, qu'il travaille ou a travaillé pour aider les autres à se mieux porter mentalement par de l'accompagnement personnel (comme les journalistes, voilà que je flotte dans l'à-peu-près. 


Trois photographies m'ont particulièrement ému et serviront de conclusion à l'hommage que je souhaitais adresser à ce monsieur, l'une représente un jeune garçon et un chat, quelque part en Chine, en 2010, je crois. Il s'agit de Thomas, le fils du photographe. Devenu un talentueux photographe bien engagé dans cet art aujourd'hui (voir ICI), l'autre une jeune fille au regard très beau et la dernière, Nicolas Cytrynowicz lui-même, sur la dernière page de son blog, avec pour seule légende "Au-revoir".
   
©Nicolas Cytrynowicz
©Nicolas Cytrynowicz
©Nicolas Cytrynowicz
Mes remerciements à Nicolas Cytrynowicz pour la publication de ses photographies et à son fils Thomas.




20 février 2019

L'homme aux singes de Santa Marta

Certains vont penser qu'il s'agit d'une invention et peu de gens s'en souviennent aujourd'hui, mais il y avait à Venise toute une colonie de petits singes en semi-liberté.C'était il y a une trentaine d'années.L'idée de ce billet m'est venue une nuit, alors qu'avec Antoine et ses amis Giulia et Jared, nous nous promenions derrière San Marco. Nous devisions joyeusement lorsqu'une forte odeur de marijuana nous est parvenue d'un sottoportego sombre où trois jeunes gens bavardaient. L'odeur, que je n'aime décidément pas, m'a rappelé celle qui régnait dans ce coin derrière Santa Marta quand par un après-midi très chaud je tombais nez à nez avec une tribu de babouins accrochés à un grillage et qui me regardaient...



C'était non loin de San Nicolo dei Mendicoli, dans ce quartier retiré de la Sérénissime, encore alors seulement habité de marins et de dockers, de pêcheurs d'ouvriers. Un quartier pittoresque mais apparemment sans grand attrait historique. Difficile à trouver, peu avenants, les lieux n'attiraient guère les touristes. Les étudiants n'y vivaient pas encore et la nuit les ruelles semblaient moins éclairées qu'ailleurs. C'est dans ces lieux éloignés qu'un homme surnommé Lele et que mes amis appelaient The monkey man, abritait cette colonie pour le moins spéciale... 

L'endroit est exotique, éloigné de tout, silencieux et désert., pareil à une ville des Balkans qu'aurait revu Giorgio De Chirico, un de ces lieux étranges qui évoquent à la fois le Tintin du Sceptre d'Ottokar et Morgan, l'ultime aventure de Corto Maltese...  Je n'ai jamais su grand chose du bonhomme qui vivait entouré de cette ménagerie. Je me souviens vaguement d'un article dans je ne sais quelle revue locale à moins que ce fut dans la Nuova ou le Gazzettino. Nous étions au tout début des, années 80. 

On disait qu'il avait été dans la marine du temps de la conquête de l’Éthiopie. mais la dernière guerre était loin dans ces années 80 commençantes. On disait aussi qu'il était devenu un peu fou à force de fumer de la marijuana. Il avait transformé le jardin de sa maison en une vaste volière sans oiseaux, mais remplie de ses fameux singes qui attiraient les gamins du voisinage et effrayaient les passants. On disait qu'il avait aussi une passion prononcée pour les adolescents mâles qu'il abordait à tout moment et sans détours. Il fréquentait le cinéma de Santa Margherita, qu'on appelait le Vecio pour le différencier du cinéma Moderno. Il chassait dans l'obscurité du cinéma où venaient les garçons en groupes. Je me souviens l'avoir vu à plusieurs reprises au Baretto, appelé aussi I Due Draghi, juste en face du campanile. Il y venait boire son verre de blanc ou prendre un café... 

Les singes - étaient-ce des babouins ? - ne sont pas une invention de buveurs impénitents comme on en rencontre à Venise dans les osterie et qui nourrissent l'inspiration des écrivains depuis toujours.Lele pateon (*), bien que fumeur compulsif de "maria" qu'il fumait presque en permanence, n'était pas fou. La maison, située dans un pâté de maison retiré et tranquille. Haut de trois étages dont quelques fenêtres sont grillagées, l'immeuble possède une cour-jardin attenante entièrement clôturée d'un grillage pareil à une volière.C'est là que vivaient la dizaine de petits singes joueurs et bruyants qui animaient le coin comme le font les petits enfants dans un square. Que sont-ils devenus ? L'homme vit-il encore ? Où était-ce exactement ? Qui pourrait me montrer des photographies de l'endroit, de cette petite ménagerie et de son propriétaire ?

© Il Poltronauta
Un blogueur vénitien, Il Poltronauta, a écrit un billet il y a quelques années sur le même sujet avec, curieusement, les mêmes sentiments et en relevant des détails similaires. Le monsieur écrit joliment bien ses sentiments et son quotidien vénitien, sa mélancolie éclairée par une belle culture et par un sens propre au peuple vénitien de la résilience plutôt que de la résignation. Comme une fraternité de cœur et d'émotions... Voilà un extrait de son texte consacré au Monkey Man via une réflexion sur une chanson du groupe Toots and the Maytals au titre éponyme : 
"[...]sembra disabitata, ma poi sento le risate di alcuni bambini provenire dall’interno.No, non sono bambini, nessun bambino riderebbe così.Sul bordo del muro vedo una mano, poi due, e infine una faccia pelosa con dei denti aguzzi, che mi guarda di traverso e inizia ad urlare. Subito dopo un’altra faccia, e poi un’altra ancora. Eccole, finalmente, le scimmie. Mi fanno un paio di smorfie, ma dopo un po’ se ne vanno, evidentemente la mia faccia sorpresa le mette a disagio, o forse hanno meglio da fare. Torna a casa contento, mi sento David Attenborough di ritorno dal Borneo, so già che quel disco di Toots and the Maytals non suonerà più come prima. So anche però che, fra cinquant’anni, racconterò questa storia a qualcuno, che ovviamente non mi crederà."(**)
 

___________________

Notes :
*- Allusion à ses attirances : le terme vénitien “pateon” a une connotation très allusive en rapport au goût du personnage pour les formes masculines. La patta était la partie de la chausse qui correspondrait à la braguette dans le pantalon moderne et qui mettait en avant les avantages du corps masculin souvent d'une manière exagérée comme en témoigne la peinture de l'époque.En l'occurrence, au lieu de choquer et de poser un problème d'attentat à la pudeur, les formes volumineuses seront plutôt un objet de moquerie, récurrent dans les pantomimes de la Commedia dell'arte. C'est l'exemple du costume de Pantaleone. Montaigne s'en indigna qui qualifia "ce protubérant artifice" de "ridicule pièce qui accroît [leur] grandeur naturelle par fausseté et imposture". À la fin du XVIe siècle, les poches détrônent la braguette. 

**- "[...] semble inhabité, mais ensuite j'entends des rires d'enfants qui viennent de l'intérieur ... Non, ce ne sont pas des enfants, aucun enfant ne rirait comme ça ... Sur le bord du mur, je vois une main, puis deux, et enfin un visage velu avec de dents pointues, qui me regarde de côté et se met à crier, immédiatement après un autre visage, puis un autre encore, les voilà enfin,les singes, ils me font quelques grimaces, mais au bout d'un moment ils s'en vont mon visage surpris les met mal à l'aise, ou peut-être ont-ils mieux à faire ... rentrez heureux, je sens que David Attenborough revenant de Bornéo, je sais déjà que Toots et le disque de Maytals ne sonneront plus comme avant. mais que, dans cinquante ans, je raconterai cette histoire à quelqu'un qui, évidemment, ne me croira pas. " (Traduction d'un passage du billet de Poltronauta : https://ilpoltronauta.com/2014/02/08/monkey-man/)

20 juin 2018

Nous ne serons jamais seuls !

Une fois n'est pas coutume, un son d'aujourd'hui destiné aux jeunes filles en fleur et aux jeunes garçons en ébullition qui seront demain à notre place, diffusé sur TraMeZziniMag. Ceux qui entendent l'anglais comprendront vite : Never be alone, n'être jamais seul... C'est ce que proclame Shawn Mendes, ce jeune chanteur canadien bourré de talent. Des paroles découvertes au moment où je rédigeais l'appel que nous venons de publier, préambule au lancement effectif, matériel, palpable de ce projet éditorial médité depuis 2010 et, timidement, initié avec la publication de Venise, l'hiver et l'été, de près et de loin... Pas de hasard, ce " tu ne seras jamais seul" : on a beau le savoir, cela fait du bien de l'entendre à la radio au moment où on décide de sortir de sa zone de confort pour démarrer, vraiment, une nouvelle aventure. Se savoir porté, sentir avec plus ou moins d'acuité, que c'est la bonne voie, le bon choix et se jeter à l'eau, parce qu'on ne sera pas seul dans l'aventure. C'est réjouissant et très encourageant. D'avance, à tous, merci !

24 mai 2018

Lectures, considérations diverses et cousinage...

Lire le dernier Joël Dicker à l'ombre d'une glycine centenaire avec comme fonds sonore le pépiement des oiseaux, un ciel bleu sans nuage. Une douce paix comme je les aime. Bien sûr, il est encore très tôt. les touristes ne sont pas encore levés ; certains entament leur petit-déjeuner, les pendulaires s'excitent à l'approche du pont. Celui de leur liberté et notre aliénation. Bientôt l'été, la plage, le silence de la mer à l'aube ou au crépuscule quand tous s'en sont allés.. Mille rêveries qui me prennent soudain à l'ombre de la vieille glycine...

Joël Dicker, jeune auteur talentueux qui a l'âge de ma fille aînée, m'agace un peu. Non pas parce qu'il semble éructer avec tellement de facilité plusieurs centaines de pages sans jamais lasser le lecteur, non pas non plus parce qu'il a réellement du talent. Un vrai talent, fait d'une maîtrise de la langue, d'une imagination polymorphe, d'un enthousiasme et d'une énergie incommensurables. On ne peut que s'en réjouir pour lui et pour ses lecteurs. Non, il m'agace parce qu'il me met face à mes lâchetés, mes abandons, mes faiblesses. Comme Léo, le voisin du narrateur du roman commencé ce matin, Le Livre des Baltimore, un vieil homme qui enrage de voir le jeune écrivain qu'il apprécie et admire, passer ses journées à faire du sport ou à rêvasser et qui pourtant n'arrête pas d'engranger les succès littéraires, quand lui reste incapable d'avancer dans son roman, toujours bloqué devant son cahier n°1 qu'il ne parvient pas à remplir. 


Ce fils de libraire et de professeur de français écrit bien, il a beaucoup lu aussi et avance sur son chemin avec beaucoup d'assurance. Cela interpelle l'écrivain procrastinateur, qui fait le sourd aux appels réitérés de ses personnages. Ils ne cessent de frapper à sa porte mais lui sait bien que s'il répond, s'il les laisse rentrer, tout son univers sera envahi, bousculé, piétiné. il devra les loger, les nourrir, les aider, les écouter. car ils se feront entendre et, pareils à nos enfants adolescents qui se rebiffent et doivent le faire, ils nous cracheront mille vérités à la figure et ne nous laisseront plus jamais en paix. Sauf à mettre le point final à leur histoire dont nous ne savons encore rien, ou pas grand chose...

Bref, hauts les cœurs, il faut se remettre au travail. Écrire à Venise, sur Venise finalement est une douce chose. Mais pas une mince affaire. Tout le monde nous attend au tournant. S'il s'agit de fiction, nos personnages ;  si c'est d'histoire que nous voulons parler, les redites et les conclusions hâtives, les interprétations hâtives menacent et l'erreur comme l'approximation ne pardonnent pas. Il suffit de se promener au fil des blogs et des sites pour retrouver mille contre-vérités, des idées et des faits inventés, détournés, tout un ramassis d'à-peu-près qu'il ne faudrait pas renforcer en les citant ou en les décrivant à notre tour. Non, Venise c'est un sujet difficile. Allez, remettons-nous au travail.


En attendant de vous offrir du nouveau, chers lecteurs, TraMeZziniMag , vous propose pour vous occuper, outre de lire l'excellent roman de Joêl Dicker, d'aller jeter un coup d’œil sur un site dans lequel nous nous sommes investis au propre comme au figuré. En dépit de quelques erreurs et approximations, Cool Cousin est une communauté virtuelle dont le principe nous a tout de suite séduit. L'objectif est de mettre en contact des voyageurs potentiels avec des cousins à travers le monde qui proposent leur vision de la ville où ils vivent. 

Totalement dans la logique qui est la nôtre, ce Spirito del Viaggiatore qui sera bientôt le titre d'une collection d'ouvrages consacrés au voyage comme mode et conception de la vie et de la obligatoire à ces gogos du XXIe siècle pour qui seul le paraître compte ainsi que l'avoir et vendent leur âme à la mode et à l'argent. L'esprit Cool Cousin , c'est privilégier l'être, voir et entendre l'autre et penser le voyage comme une formation, une découverte autant des autres justement avec leurs différences, et de soi :  https://www.coolcousin.com/cities/venice/

21 février 2018

Aux vénitiens la politesse

Voilà un document oublié qui rend aux vénitiens la priorité sur toutes les entités officielles ou non qui cherchent à "éduquer" les touristes mal élevés qui, l'été le plus souvent, se laissent aller et se répandent dans le centre historique comme une coulée liquide, mélange de soda, de sueur et de méprise sur l'endroit où ils débarquent, une sorte de junk place avec de la junk food, des commodités, de l'ombre et de la pacotille bon marché qu'ils ramènent en souvenir, pressés de tout voir avant la fermeture de ce parc d'attraction où les figurants sont renfrognés et bien impatients. Les esprits chagrins verront dans le texte de l'affiche des remugles d'une bien mauvaise époque pour l'humanité, quand on chuchotait que les murs avaient des oreilles, que l'ennemi partout veille et que tout un peuple était assimilé à travers le monde comme un ramassis de parias dangereux responsable du malheurs de tous.

Traduction de ce manifesto de la célèbre Compagnia de Calza i Antichi, pour ceux qui ne lisent pas l'italien :

Vénitien éduque tes touristes 
Ne délègue pas à d'autres 
tes devoirs 
de maître de maison

Conseille
Raisonne
Informe
Habille le touriste mal éduqué

Toi à Venise tu y vis

08 juillet 2017

COUPS DE CŒUR (HORS-SÉRIE 35) : "Vedro con mio diletto" interprété par Jakub Józef Orliński, Vivaldi chanté comme en rêve...


c'était ce matin dans l'atmosphère unique, à la fois détendue et très concentrée d'une émission de France Musique, en direct et en public depuis Aix en Provence, sous la férule de l'inénarrable Patrick Lodéon, le jeune contre-ténor en bermuda se nomme Jakub Józef Orliński. il est accompagné par le tout aussi jeune et brillant pianiste Alphone Cemin. Un moment de pur bonheur partagé comme entre amis. Grande émotion. Le jeune polonais, solaire et passionné est l'un des cinq Lauréats HSBC de l'Académie 2017 du Festival. 

Une découverte émouvante que cette nouvelle voix dont on m'avait parlé à Venise, mais que je n'avais jamais eu le bonheur d'entendre da vivo. Une fois encore l'Académie va au-delà de l'attente de son public et c'est une grande joie que de sentir cette complicité qui lie ces jeunes musiciens et se transmet au public du festival. que cela est bon et doux dans ce monde de barbares. 
Józef Orliński est en train de se frayer de manière fracassante une place de tout premier rang  sur la scène internationale. Avec un timbre superbe et percutant, une maîtrise stylistique irréprochable et une présence scénique à couper le souffle, ce jeune artiste humble et très simple s'excuse presque d'avoir autant de talent et de facilités. C'est un bosseur, un passionné et un pur et nous n'avons pas fini d'entendre parler de lui. 
Je n'ai pas été autant ému dans ce répertoire depuis James Bowman. est promis à un avenir glorieux. Hâte de l'entendre de nouveau. Il sera à Paris en janvier prochain avant une tournée en Espagne, en Angleterre et à New York. Ne pas le manquer !

11 juin 2016

Le secret professionnel de l'île la plus secrète de Venise, la Giudecca

Crédit photographique ©  Jean-Pierre Dalbéra - 2016 - Tous droits Réservés


Dimanche dernier, mon ami Francesco Rapazzini était l'invité du 219e numéro de Secret Professionnel, l'émission de Charles Dantzig, pour parler de l'île de la Giudecca sur laquelle il a écrit de très belles pages pour le magnifique ouvrage publié par les éditions Robert Laffont pour la collection Bouquins. Francesco est écrivain, vénitien d'origine, mais aussi journaliste, aussi sait-il parfaitement parler à la radio. C'est toujours un plaisir de l'entendre avec son accent italien que je le soupçonne d'entretenir alors qu'il vit en France, à Paris, depuis vingt-cinq ans. Coquetterie ? Non pas, juste un indicible rappel de son appartenance. Il est né de père milanais mais a grandi auprès de sa mère à Venise, à la Giudecca précisément, et encore plus précisément dans la maison même de Giorgio Baffo, du moins son casino sur la Fondamenta di Ponte Longo, une de ces maisons que les patriciens emménagèrent dès la fin du XVIe siècle pour y faire de la musique, y donner des bals et jouer aux jeux de hasard que l’Église longtemps réprima.

Lorsque je l'ai connu, au hasard d'un traghetto en vaporetto, entre le Lido et les Zattere, alors que je revenais de la Mostra del Cinéma avec un de ses amis, Francesco ne savait pas encore trop ce que serait son devenir. Il ne parlait pas le français mais il écrivait déjà. Les années passèrent, nous nous sommes perdus de vue après mon mariage. La dernière fois que je l'avais vu, ma fille Margot venait de naître. Nous n'avions jamais vraiment cessé de nous écrire, puis les lettres se sont raréfiées de ma part comme de la sienne et un jour il m'annonça sa venue à Bordeaux, dans notre appartement de jeunes mariés... C'était au début du Printemps il me semble. Je devais partir pour Antibes où m'attendaient mon épouse et notre petite fille. Ce furent trois ou quatre jours merveilleux de retrouvailles et d'amitié, qui je crois furent parmi les éléments qui déterminèrent Francesco à laisser quelques années plus tard, Milan et Venise pour s'installer en France. Aucune prétention dans ces lignes.

Crédit photographique © Giovanni dall'Orto - 2008 - Tous droits Réservés
 
Je ne voudrais pas laisser à penser que je puisse avoir eu autant d'influence, mais je sais le raisonnement qu'a tenu à l'époque le jeune étudiant en droit un peu acteur et modèle qu'était alors Francesco. Tout le monde passe un jour par Venise, tout le monde y vient mais peu y restent. A chaque rencontre qui comptait dans sa vie, le jeune giudecchino se retrouvait un jour ou l'autre face à la douleur du départ de ses amis et cette sensation d'abandon s'est muée en désir de partir à son tour. Il a roulé sa bosse, exercé plusieurs métiers jusqu'à ce que l'écriture, le journalisme - talents (et virus) inscrits dans son code génétique puisqu'il est entouré dans sa famille par des artistes, des savants... jusqu’à Vittoria, sa propre mère qui est écrivain et directrice de revues - pour finalement devenir cet écrivain véritable et prolixe que nous connaissons. La vie parisienne ne l'empêche pas de rester profondément italien, et plus que cela, vénitien.

J'invite les lecteurs de Tramezzinimag à se pencher sur sa bibliographie. Elle est dense et Francesco écrit sur des sujets fort intéressants. Nous avons à plusieurs reprises cité ses ouvrages dans ces colonnes. Lisez-le, vous m'en direz des nouvelles. C'est bien écrit, gourmand, esthétique, profond, intelligent. A son image. 
 
 
Francesco Rapazzini parle de la Giudecca avec Charles Dantzig 
sur France Culture : cliquer ICI 

15 août 2015

Pranzo di Ferragosto : la bande-annonce




Ce fut la surprise (agréable) de la 65e Mostra du Cinéma, vous en souvenez-vous ? Un film incroyable joyeux, paisible et tellement dans la tradition du cinéma italien, réalisé par Gianni Di Gregorio. En voici la bande-annonce. Si vous décidez de le visionner, surtout chers lecteurs, voyez-le dans sa version originale sous-titrée, mais pas dans l'épouvantable version doublée en français (pourtant au Canada) qui est une catastrophe comme, hélas, le plus souvent. Bon appétit ! 

"La canzone dei vecchi amanti" par Franco Battiato

La très belle version en italien de la chanson de Jacques Brel, qui s'échappait l'autre soir d'une fenêtre ouverte, dans une ruelle improbable de Canareggio, du côté de San Sebastiano, comme un retour en arrière... La voix de Franco Battiato résonnait sur les murs hauts et étroits ; les magnifiques paroles semblaient vouloir s'envoler et se répandre dans la ville endormie. Je remontais la rue à la recherche d'un peu de fraîcheur, porté par la musique. Soudain les cloches se sont mises à sonner, se répondant les unes aux autres, puis des mouettes lancèrent leur cri, un volet claqua, une mère appela son enfant qui ne répondait pas. Le vent se leva, doux et parfumé... Je venais de mettre mes pas dans les pas du garçon que j'étais trente ans plus tôt. Qui était le doux, le tendre, le merveilleux amour qui occupait mon cœur cette nuit-là, dans les années 80 ? Plusieurs noms me viennent aux lèvres en même temps qu'un sourire ému... Est-ce à cause de la musique qui accélère ma respiration, est-ce à cause du vent qui soudain s'est levé sur les Fondamente Nuove, mais j'ai comme des larmes dans les yeux ?... 

04 août 2015

Lo spirito del viaggiatore (1) : Petits moments de paradis

à Alexandrine de Mun


Un proverbe ici dit que le voyageur qui passe par Venise, reste "trois jours ou trois ans"... Il n'en est pas toujours ainsi, loin s'en faut hélas. Mais il n'est pas besoin de rester longtemps pour s'imprégner de l'esprit comme de l'âme de cette ville unique, cité-civilisation, univers à part qui ne peut laisser quiconque indifférent. D’où l'idée qui vient de germer, au hasard de mes rencontres et des conversations avec les uns et les autres, d'une série de billets consacrés à l'art du voyage. Ce qui faisait dire à Henri de Régnier qu'on pouvait ou non être - ou devenir - "bon vénitien"... Mais l'esprit du voyageur (voyez combien cela sonne mieux en italien "lo Spirito del Viaggiatore"...) s'applique aussi dans tous les lieux de villégiature que nous choisissons ou qui s'imposent un jour à nous.

I zoga i fioi nel campo
no, no i me disturba
go imparà ad amor sto' ciasso
sto' rumor
fato de alegria"


"Les enfants qui jouent sur le campo/ne me dérangent vraiment pas/j'ai appris à aimer ce vacarme/tout rempli de joie" (traduction Tramezzinimag)
Ces vers, écrits en dialecte par l'éminent poète vénitien Mario Stefani, expriment avec simplicité et bonhommie une part de la réalité locale, casalinga, de cette vie vénitienne que le touriste souvent trop pressé, par habitude ou par économie, va le plus souvent ignorer. S'entasser comme des sardines dans une boîte de conserve sur les vaporeux qui parcourent le Canalazzo, se retrouver par milliers, suant et piétinant - ruminant aussi parfois - sur la Piazza, n'a rien de l'esprit du voyageur dont il est question ici. Au lieu de cela, celui qui s'installe sur un des bancs d'un campo comme celui de San Giacomo del'Orio, cherchant un peu de fraîcheur à l'ombre des arbres, trouvera vite ce que cet esprit veut dire... Il s'attardera et peu à peu l'atmosphère de l'endroit le pénètrera comme par enchantement. Il se surprendra à écouter les conversations des gens assis comme lui sur les bancs, il s'amusera des jeux criards des enfants qui jouent, suivra du regard la jolie fille qui traversera la place en compagnie de ragazzi très bronzés et musclés, jeunes coqs à l'allure trop affirmée pour être vraie. 


Un régal que ce spectacle, simple et gratuit qui enchantait déjà Goldoni et a nourri le poète dont les fenêtres donnaient sur ce campo. Ma grand-mère appelait cela des "moments de paradis"... Lo Spirito del Viaggiatore est fait tout d'abord de tels petits moments dont nous sommes les témoins sans l'avoir cherché.

28 décembre 2012

Dialecte vénitien et leçon de sciences naturelles

C'est vrai qu'on ne dit plus Sciences Nat, mais SVT pour Sciences et Vie de la Terre (toujours cette bêtise de vouloir être moderne, à tout crin) ... Mais on dit toujours brouillard et brume, ce qui se traduit en vénitien par le mot très imagé de Caìgo et quand il est assez dense pour sembler se matérialiser devant nous on rajoute le mot "fisso".

Caìgo fisso donc à Venise ces jours-ci. Rien à voir avec le Smog londonien qui du temps de ma jeunesse anglaise collait à la peau et suintait la tourbe et le charbon. Sur la lagune, il est comme un épais rideau de toile, comme mille couches superposées de mousseline blanche, presque argentées. Il sublime tout, le moindre poteau, une simple barque et amplifie les bruits, les odeurs... Quand il  se taja col corteo (se taille au couteau), il recouvre toute la ville et rend Venise encore plus mystérieuse, féérique. Se promener dans le brouillard, être surpris à l'angle d'une rue par un passant qui surgit de nulle part, percevoir le son des cloches au loin par bribes, ne plus voir que les dalles du sol qui brillent et à certains moments ne plus entendre que le bruit de ses pas et les battements de son cœur. expérience unique quand on la vit pour la première fois. Un régal toujours.

21 mai 2012

Alain Delon jeune Premier à Venise

 
Une amie italienne vient de retrouver dans ses archives cette photo de Delon jeune homme sur la Piazza. Il s'agit certainement d'un de ses séjours avec Luchino Visconti ou avec Romy Schneider pour la Mostra du Cinéma. Si les lecteurs de TramezziniMag ont davantage de précision sur l'année, qu'ils me le fassent savoir.

01 décembre 2010

Pour lui aussi, voici le temps des frimas

Et en attendant que les vénitiens obtiennent que le réverbère reprenne sa place. Il était tout de même plus éclairant...

 Le garçon à la grenouille de Charles Ray - Coll. Fondation Pinault.
 

7 commentaires:

venise a dit…

j'aime bien cette idée de le protéger du mauvais temps de l'hiver :) merci aussi pour votre billet du mardi, si doux à lire

Anne a dit…

Merci pour votre humour!
Anne

Lorenzo a dit…

Merci de le comprendre !

Lorenzo a dit…

Pour Venise : A quand ce prochain voyage à Venise ? Pour le prochain carnaval ou plutôt au printemps quand la lumière se fait si douce qu'on a envie de la caresser...

Yvonne a dit…

Poor little fellow! I will knit him a nice warm sweater, and trousers!

Anonyme a dit…

Cela pourrait être une "performance" intéressante dans le cadre d'une prochaine Biennale

venise a dit…

j'aimerais tant, j'ai attendu presque vingt ans entre mes deux voyages à Venise, j'espère que le prochain ne sera pas aussi tardif Mais pour le moment, d'autres impératifs, surtout financiers, des enfants qui grandissent, dont il faut financer les études, les rêves doivent rester à l'état de rêve. Pour un temps, du moins...
La prochaine fois, je pense que ce sera au printemps et non plus au Carnaval, c'était un projet, un rêve éveillé que j'ai vécu l'an dernier. Il était parfait tel quel... L'impression de marcher dans vos pas aussi avec toutes les adresses collectées sur tramezziniMag. bon vendredi Lorenzo

03 septembre 2009

Un chat à sa fenêtre


Photographie © Enzo Pedrocco - 2009.

5 commentaires:

VenetiaMicio a dit…

Micio aime aussi se mettre à sa fenêtre ,repère en hauteur, pour surveiller les environs...mais lui il a son jardin avec toutes ses cachettes. Celui-là, je ne sais pas si il a le droit de se promener dans les calle de Venezia.
Belle photo de Enzo Pedrocco...
Bonne journée Lorenzo

Michelaise a dit…

c'est quand même hallucinant cette histoire !! un simple chat, une demie fenêtre et un vague pan de mur... cela pourrait être n'importe où... et pourtant ON SAIT QUE C'EST VENISE

Lorenzo a dit…

Le vert des volets, le grain du crépi, la lumière et ce regard tranquille des chats de Venise...

VenetiaMicio a dit…

Effectivement c'est tout cela qui fait la différence !!!

Anonyme a dit…

Bienheureux chat !
Gabriella 

 03 septembre, 2009

20 décembre 2007

à B.L.
"... A la pointe de leur état, je suppose qu'il doit arriver aux mystiques de bonne foi de se demander s'ils ressentent vraiment quelque chose. A la pointe de l'état extrême de la contemplation du corps humain, la sensation est devenu si ténue, qu'un doute nous vient si notre extase n'est pas une fantasmagorie de l'esprit, un langage vulgaire un montage de cou et une pose ; bref, 1° : si l'objet est beau ; 2° : si, l'objet étant beau, nous en sommes touchés. Il vient toujours un moment où enfin nous détournons la tête. Toutes les musiques finissent par le silence."
Henri de Montherlant
Fragment lu en écoutant la gavotte de la Sonate da camera a tre n° 2 en mi mineur de l'Opera Prima d'Antonio Vivaldi interprété par Enrico Gatti et l'Ensemble Aurora (Glossa, 2007) et dédié à un ami dont la vie pleine de bouleversements inattendus et parfois douloureux n'est rien d'autre finalement que la substance même de son art, un don du ciel. Qu'il y puise sa vie durant toute sa force et son énergie.

08 octobre 2007

Et si on reparlait des gondoliers ?


Non, celui-ci n'en est pas un qui serait trop fatigué d'avoir mené à travers la ville des japonais insatiables ou qui aurait un peu abusé de ce délicieux Soave qu'il servent au bar d'à côté... En dépit du canotier et du polo rayé, cet homme n'est pas un gondolier. C'est l'un des derniers "facchini" dont la fonction était d'aider les gondoles à accoster et qui surveillaient les barques et les bagages.
 
Ils ne se déplaçaient jamais sans leur crochet qui permettent de retenir le bateau près de la rive en attendant qu'il finisse d'accoster. On dit que ce qont parfois d'anciens gondoliers. Ils rendent des menus services, portent les bagages ou font des courses. Ils sont en général plutôt jeunes. mais celui-ci a bien vieilli et bien nourri, il mérite un peu de repos.
Nos amis gondoliers commencent leur période de vacances en ce début d'automne. La plupart d'entre eux partent en général entre novembre et février aux Bermudes ou aux Seychelles. Pour un repos bien mérité et souvent très cher. Car c'est une profession qui ne crie pas famine. Au prix des balades en gondole cela se comprend. Les plus jeunes ou les moins fortunés restent et continuent d'assurer leur romantique business dont je plaisante mais qui est très réglementé. Une réglementation qui date d'ailleurs de fort longtemps : la taille et la couleur des gondoles, la tenue réglementaire selon les occasions, la manière de conduire sa barque (au propre comme au figuré), tout est inscrit depuis le temps de la Sérénissime et peu de choses ont changée si ce n'est que peu sont encore à la solde de particuliers. Indépendants ils ont une autonomie limitée par l'appartenance - obligatoire - au syndicat (confrérie disons plutôt pour rester dans la tradition vénitienne) des gondoliers. Caisses communes, astreintes, ils doivent se plier au règlement sous peine d'être mis à pied ou de voir leur gondole mise sous séquestre. C'est qu'on ne plaisante pas avec la loi chez les gondoliers. Mais le conseil de discipline n'intervient que très rarement. La plupart du temps ces hommes s'entendent à merveille, plaisantent, chahutent comme de vrais collégiens et partagent tous, sans exception, un amour profond pour Venise et pour la lagune.
 

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3 commentaires:


Anonyme a dit…
Connaîtriez-vous des ouvrages sur les gondoliers : histoire, règles de vie... Ouvrages fiables et détaillés en italien ou en français. Merci
Lorenzo a dit…
Il y en a des dizaines. surtout en italien. Si vous voulez une bibliographie à peu près exhaustive, rendez-vous sur le chapitre consacré aux ouvrages sur le site officiel de la coopérative des gondoliers : http://www.gondolavenezia.it/biblioen.asp
Anonyme a dit…
merci mille fois. la toile est si vaste que je m'y perds plus souvent que dans les calli de Venise. Je vous tiendrai au courant de mes investigations.