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13 novembre 2015

E arrivato il momento ! :


Il faudrait être enfermé dans des certitudes dépassées, confit dans un engagement spirituel mal compris où les paroles de Dieu sont mal interprétées, pour continuer de refuser ce qui n'est pas qu'un simple effet de mode, pas plus que ce n'est le produit d'une éventuelle décadence de notre civilisation ou le résultat d'un perte des vraies valeurs morales : Le mariage pour tous arrive en Italie. Dans la joie. Car, comme le montre cette vidéo très émouvante, il y a beaucoup de joie à se dire que le mariage de deux êtres au nom de l'amour est un droit universel et que nul ne devrait en être exclu. Gageons que cette avancée sociale et morale ne donnera pas lieu chez nos amis cisalpins aux terribles errements qu'a connu la France quand la loi sur le mariage pour tous est devenue une réalité. Comment ne pas être ému par ces images. Oui, en Italie aussi, le moment est arrivé !



31 août 2015

La nouvelle imbécilité en vogue à Venise : les touristes en vélo !

© Corrado Claut -2017
 
Voici un billet d'humeur qu'il faut lire comme un communiqué de salut Public. Traduit du vénitien, son contenu pourrait prêter à rire si le sujet ne donnait envie de pleurer ! Les âmes sensibles et/ou piquées par le dard de la tolérance ou de la pitié sont priées de s'abstenir : 
 
«De nombreuses personnes s'en plaignent sur les réseaux sociaux et depuis quelques jours, nous sommes plusieurs à avoir constaté ce nouvel abus de la part de touristes ignares, les "barbares" : de plus en plus souvent des abrutis mal léchés pour la plupart se rendent dans le centre historique à bicyclette. cela pourrait être amusant si ces messieurs, certainement furieux d'être limités dans leurs coups de mollets par les trop nombreux ponts agressent presque à chaque fois les vénitiens venus poliment leur signaler qu'on ne peut circuler en vélo à Venise. Dernière réponse signalée sur Facebook par un monsieur effaré qui s'était approché d'un groupe de cyclistes occupés à se désaltérer à une fontaine sur le campo Santa Maria Formosa : "C'est marqué où ?" et de poursuivre leur excursion en vélo... Ce n'est écrit nulle part, non, pauvre imbécile. Juste dans la tête des visiteurs qui ont du bon sens, regardent autour d'eux et savent que la moindre des corrections est de respecter les usages des lieux que l'on visite. Certainement pas dans le cerveau de ce pauvre imbécile qui aurait mieux fait de rester dans sa banlieue à regarder le Tour de France ou d'Italie. 
Faudra-t-il mettre partout à l'entrée de la ville "interdit aux vélos et à tous les engins à deux, trois ou quatre roues ?". Et pourquoi pas un panneau "interdit aux imbéciles et autres malotrus" (cela diminuerait au moins de 90% le nombre de visiteurs annuels)... Faut-il poster des policiers et des vigiles partout ? faut-il armer les policiers municipaux comme le souhaite le nouveau maire pour être sur que, sous la menace de leur arme, ils fassent obtempérer les touristes qui viennent laver le derrière de leur chérubin sur la Piazza ou pissent dans les corbeilles disposées le long des Schiavoni, mettre en garde à vue tous ceux qui bivouaquent sur les ponts et autour de San Marco comme une armée de Huns avant la bataille, et qui laissent la plupart du temps derrière eux papiers gras et canettes, fusiller sur le champs ceux qui se mettent quasiment à poils et sont rarement les plus agréables à regarder ? Et en plus cette espèce très répandue a tendance désormais à mordre et à agresser les fonctionnaires qui tentent héroïquement de faire respecter la loi et les convenances.
Est-ce encore politiquement correct que de se plaindre de tous ces abrutis qui ne voient rien de Venise et feraient mieux de la regarder à la télévision. Ils la souilleraient moins. De loin, ce seront toujours des imbéciles, mais à distance, leur bêtise et leur mauvaise éducation ne pourront pas nous nuire ! Et si on leur offrait une gondole en plastique qui s'illumine (elle ferait drôlement jolie sur la télé avec le napperon en dentelle au point de Burano en nylon véritable), un masque de rhodoïd couvert de pampilles et de plumes affriolantes (ils adorent ça se travestir, les imbéciles) et un urinoir en verre de Murano ( du garanti 100% chinois) pour les consoler de ne plus être autorisés à se rendre dans la cité des doges ? Ils auront toujours la possibilité de s'offrir une croisière Costa en Low Cost, des fois qu'un (ou plusieurs...) de ces mastodontes rencontre un iceberg, de gros contingents d'imbéciles iraient voir les poissons de près, pour le plus grand bonheur de Venise ! On peut rêver, non ? Et rire de toute cette bêtise qui envahit la Sérénissime ! Cela aide à ne pas pleurer de rage...»


© Corrado Claut - 2016

Billet de Corrado Claut et commentaires sur Facebook, en date du 30/08/2015 en cliquant :  ICI

16 commentaires:

Anonyme a dit…

manquait plus que ça. moi qui déjà ne peut plus supporter ces cyclistes dans ma ville. je les appelle les "cyclosterroristes". pitié, pitié pas à Venise !
Anna


Line a dit…

Bien dit. Il y a des coups de pieds au c** qui se perdent.

daniela per gli amici giunela a dit…

Buttare in Canale loro ed i loro velocipedi.

Marie-France D. a dit…

En insultant ces mal-éduqués on ne règle rien ...Il vaudrait mieux les informer, leur expliquer, les ouvrir à une meilleure connaissance de cette sublime ville, à son histoire. Le mépris, le dénigrement, l'élitisme n'ont jamais fait disparaitre l'ignorance et la grossièreté, sauf à les remplacer...

Lorenzo a dit…

Marie-France, je suis bien d'accord avec vous - mais avec Daniela et Line aussi en fait, mais je n'ai pu m'empêcher de trouver une certaine satisfaction, primaire certes, à traduire ces lignes d'humeur féroce écrites par un vénitien pur jus. Ces lignes un peu outrées - j'ai pris la liberté d'édulcorer légèrement les propos de mon vieil ami - disent le ras-le-bol des vénitiens, de toutes conditions et de tous âges et de ceux qui aiment trop Venise pour la laisser entre les mains de ces iconoclastes incultes. Des insultes ? Non des vérités que malheureusement ceux qui sont visés n'entendent pas ou ne comprendraient pas. La barbarie sous toutes ses formes est bien en marche. Aucun désespoir dans mes propos. Un simple constat qui s'impose jour après jour et la certitude que nous n'allons pas vraiment vers des jours heureux et des temps meilleurs. En tout cas, pas à Venise qui n'est pourtant pas encore Palmyre...

Marie-France D. a dit…

Tout de même, "constat" désespéré ... Moi aussi je voudrais que Venise ait été préservée de cette " mondialisation" de l'irrespect, de la vulgarité, de l'œil aveugle devant la beauté ,mais comment aurait elle pu l'être , par quel miracle ? Les "monstres" marins peuvent y pénétrer, le touriste lambda aussi .Il y a droit lui aussi, et malheureusement ses droits occultent ses devoirs. Alors ? : "tri" (c'est d'actualité ...) des touristes méritants, cultivés, propres, respectueux de la ville et de ses habitants et les autres, les "vandales", les "barbares", les incultes , les indignes . Je n'arrive pas à me considérer comme seule (avec tous les amoureux fervents de Venise) habilitée à venir La voir, L'aimer ,je préfère en parler avec les "béotiens" et leur ouvrir les yeux... Simple point de vue.

Silvano a dit…

"Les cons ça ose tout, c'est même à ça qu'on les reconnait" (Michel Audiard).
"En" vélo ?! Pas vous !
La colère, sans doute.

manouche a dit…

Bientôt les pédalos et les jet-skis !

Silvano a dit…

Lorenzo, êtes vous au courant de l'arrivée à Venise des jeunes romains du collectif "Cinema America Occupato" ? Lycéens et étudiants, ils ont projeté un film sur la façade de marbre rose (si !!!) de l'hôtel Santa Chiara, atteinte inacceptable à l'intégrité de la Sérénissime.
Titre du film projeté (avant intervention des hôteliers, puis de la police) : "Main basse sur la ville" !

Silvano a dit…

http://video.repubblica.it/dossier/venezia-72/il-cinema-america-sbarca-a-venezia-la-proiezione-e-pirata/210789/209937

liliforcole a dit…

Voici qui illustre l'expression bien connue "avoir un petit vélo dans la tête"...

Anonyme a dit…

"Peuple qui Pue, Pollue et me réPugne"... (célèbre sketch de Les Inconnus)

fred Douille a dit…

D'un autre côté si on ne leur explique pas...

Virginie M. / Ma tasse de thé a dit…

Lorenzo, J'ai découvert votre blog il y a peu de temps et en suis ravie. Ravie de vous lire (quel bonheur d'intelligence, d'érudition, de finesse - et cette attention que vous portez aux petits riens qui font tout le sel d'un quotidien que nous devons à tout prix vivre de la plus belle manière qui soit) et ravie de savoir qu'il me reste tant de vos anciens articles à découvrir. J'en déguste chaque jour quelques uns, je les savoure comme on le fait avec une bonne tasse de thé, un très bon vin. Ils me transportent à Venise, me font découvrir des trésors cachés, me permettent d’attendre et de préparer mon prochain séjour dans la ville que je préfère au monde !

Anonyme a dit…

hou hou Lorenzo, où êtes vous?

Lorenzo a dit…

Pardonnez ce silence, chers lecteurs, de nombreuses occupations et le dépit de n'avoir pu me rendre à Venise en septembre comme prévu. Non, plus sérieusement, j'ai eu de longues journées très occupées mais, promis, je m'attelle de nouveau à ce Tramezzinimag qui a fêté ses dix ans cette année. Merci pour votre fidélité.

23 août 2015

I Corrieri Veneti, où quand Venise inventa la poste



"La lettre que j'ai envoyé à mon oncle installé depuis quelques mois à Rome a mis tellement peu de temps à lui parvenir que sa réponse, arrivée en trois jours, a vraiment surpris tout le monde. C'était un peu comme l'avoir croisé sur le campo s'en allant vaquer à ses nobles fonctions de magistrat exécuteur contre le blasphème avec Angelo Legrenzi, son secrétaire et recevoir de sa bouche les réponses à mes questions. Notre service de courrier est le plus efficace du monde et démontre, s'il en était besoin, la grandeur de notre administration et la sagesse du Sénat. Je suis fier d'être fils de la Sérénissime et aussi vrai que Christ est notre roi tout-puissant pour l'éternité, Venise est ma patrie chérie". Ainsi s'exprimait (la traduction est moderne et trahit sans doute un peu l'esprit de son auteur) dans ses mémoires, jamais achevées ni publiées, N.H. Carlo Agostino Ruzzini, futur Procurator de Saint-Marc, fils de Carlo Ruzzini, lui-même procurateur puis brillant diplomate, et futur doge. Le seul que la famille ait donné à la République. 
Carlo Ruzzini procurateur, ambassadeur puis doge de Venise
Carlo Agostino écrivit pendant de longues années à son oncle (sa mère et sa tante étaient sœurs), qui était aussi son parrain. Ces lettres ont fait l'objet d'une publication au début du XIXe siècle. Comme le père de Carlo Agostino, N.H. Alvise Pisani fut membre de cette magistrature née de la Sainte Inquisition (dont l'objectif était de maintenir Venise dans le respect de la Sainte Religion et de prévenir tous les égarements qui pourraient asservir l'esprit des populations dixit le Frère Tommaso Maria Gennari, inquisiteur). puis deviendra doge quelques années après son séjour à Rome, succédant à son beau-frère mort en 1735.
I Corrieri Veneti, dits di Roma, une institution aussi célèbre que les postes des futurs princes Tour et Taxis, famille qui inventa la poste moderne avec un système efficace d'estafettes protégés au fur et à mesure de l'amélioration des routes par des conventions internationales qui n'avaient rien à envier à nos traités modernes. Le prince possédait d'ailleurs un palais à Venise dont le fondaco servait de dépôt postal. Déjà, sous la Rome impériale, le courrier était acheminé d'une manière incroyablement rapide et il fallut l'arrivée des barbares pour que cette organisation s'interrompe, comme furent interrompus les aménagements et l'entretien des routes et des relais. C'est à Venise que s'établit la première administration postale des temps modernes, en 1160 exactement. 
Les Archives de la République possèdent de nombreux agréments, contrats et traités qui permirent le déploiement du système d'acheminement des correspondances dÉtat à État aussi rapidement que les moyens de locomotion le permettaient. A la fin du XVe siècle, la régularité et les délais furent règlementés afin de proposer un service performant et concurrentiel. Il ne faut jamais oublier pour comprendre Venise de comparer l'esprit de ses élites à celui des anglais de la City au XIXe siècle ou des financiers de New York à notre époque. La rapidité des échanges favorise le commerce. C'est ainsi que s'érigea en 1489, une corporation professionnelle avec sa mariegola et sa scuola qui perdura jusqu'à l'invasion française et le saccage des institutions de la République par le corse. Lors de la fondation de la scuola, le métier était exercé par quarante personnes et la charge était héréditaire. 
Ces courriers acheminaient le courrier dans des lieux aussi éloignés que Bruges, Londres, Gênes, Barcelone et valence. La liste des destinations desservies est impressionnante. On la trouve dans un ouvrage de Marin Sanudo comme dans le Coronelli, ce fameux guide des étrangers à Venise, publié pour la première fois au milieu du XVIIe siècle, qui en cite près de 150 à travers l'Europe.
Installée tout d'abord dans la contrada San Cassiano au Rialto, où étaient aussi les bureaux postaux de Portogruaro, (ceux des différentes nations étaient regroupés Riva del Carbon), elle fut déplacée près de San Moïse, Corte Barozzi en 1775, quand le Sénat décida, pour des raisons financières - la crise économique faisait rage - de nationaliser le Courrier. Le bâtiment, transformé en résidence-hôtel, existe encore. En 1541, une délégation de marchands vénitiens vint se plaindre de la lenteur du courrier. Il fallait vingt jours pour qu'une lettre parvienne à Rome... Il fut ainsi décidé d'instaurer un acheminement hebdomadaire, avec garantie de délais. Le prix fut établi selon le poids. Les missives concernant les services diplomatiques et la correspondance avec le Saint-Siège étaient en Franchise et pouvaient bénéficier d'une expédition plus rapide. L'invention de la valise diplomatique en quelque sorte... Les jours de levée furent établis et publiés, et le courrier délivré à heures régulières certains jours de la semaine selon la provenance dans les bureaux postaux. Une livraison à domicile pouvait être effectuée à Venise moyennant un supplément. 

La Scuola, peu connue, disposait d'une chapelle dans l'église San Giovanni elemosinario, surnommée San Zuanepar les vénitiens, église peu connue située au Rialto, et qui était une des églises dogales depuis les temps les plus reculés. L'autel de cette chapelle est ornée d'un retable de Pordenone, représentant la sainte patronne de Corrieri, Sainte Catherine entourée par Saint Sébastien et Saint Roch qu'on peut toujours voir à sa place d'origine, après restauration de l'église qui eut à subir bien des vicissitudes.
Curiosité retrouvée dans les archives de cette famille Ruzzini dont le nom n'est plus aujourd'hui qu'assimilé à un hôtel installé dans un de ses palais - dont TraMeZziniMag vous contera l'histoire mystérieuse - l'un des chefs de service des Postes vénitiennes qui furent maintenues dans leur organisation par les autrichiens jusqu'en 1806, se nommait Agostino Ruzzini (la famille, venue de Constantinople en 1120 à la suite du rapatriement des ressortissants vénitiens décidé par le doge Domenico Michiel), n'apparait dans le Livre d'Or de la République qu'en 1298). Le patronyme disparait définitivement en juin 1916 avec la mort lors de la bataille de Gorizia du dernier héritier mâle de la famille.

24 mai 2015

Ces Français qui s'installent à Venise par Philippe Gallard

Invité de TraMeZziniMag, le journaliste Philippe Gallard de la rédaction du magazine Challenges qui sort ce jour un article sur les français qui franchissent le pas en s'installant à Venise :
Embarcadère sur le Grand Canal. © Réa / Challenges - 2015
Formalités, fiscalité, immeubles classés, inondations… Malgré la course d’obstacles pour s’installer dans la cité des Doges, de plus en plus de Français se jettent à l’eau.

On y est. Le camion chargé de meubles, de livres et de vaisselle s'annonce enfin à l'entrée du pont attachant Venise à la terre ferme. Nous l'attendons sur un topo, péniche étroite et colorée, le long du quai du Tronchetto voué aux accouplements camion-bateau. Premier transfert, du premier au second, doté d'un pont béant alors qu'il se met à pleuvoir. Les caisses de livres en carton, trempées, ne résisteront pas au second transfert, une demi-heure de voies d'eau plus loin. Au petit point de débarquement, le topo bouche l'étroit canal, il faut faire vite. Le beau canapé-lit de cuir blanc est à deux doigts de plonger dans l'eau saumâtre. Et c'est avec une charrette à bras qu'il faut enfin emporter le tout, en s'engouffrant au passage sous un sottoportego particulièrement bas, jusqu'à la porte de l'appartement. 

Cela se mérite, de vivre à Venise, d'y avoir un appartement, acheté ou loué, même occupé une partie de l'année, comme c'est souvent le cas. Pourtant, de plus en plus de Français se jettent à l'eau. Nous en avons identifié près d'une centaine, architectes, journalistes, galeristes, blogueurs, artistes ou hommes d'affaires. De plus en plus de retraités aussi. Ils et elles partagent une passion pour la cité des Doges, malgré ses chausse-trapes. "Ne jamais oublier que Venise est tout ce qui reste de Byzance", avait prévenu un prédécesseur de Jérôme-François Zieseniss à la tête du Comité français pour la sauvegarde de Venise. 

Pour trouver son nid ou ses fournisseurs, il y a déjà le casse-tête de l'adresse : un nom de quartier plus un numero civico de un à quatre chiffres, à la distribution obscure. Rarement précisés, les noms de rue affichés sur les nizioleti – "petits linceuls" en vénitien, car lettres noires et liséré noir sur fond livide – sont en pur vénitien, langue souvent utilisée pour dérouter l'intrus, Italien inclus. Si vous voulez conduire un bateau, ce qui va un peu de soi, il vous faudra connaître à la fois le plan des rues et le plan des canaux, avec leurs panneaux et règles. Savez-vous de quel côté on doit, ou non, dépasser une gondole en bateau à moteur ?

Il faut se familiariser avec les cotes de marée, leurs heures, guetter les sirènes d’alerte ou l’application spécialisée de son smartphone. Ordures non ramassées ce matin ? Les bateaux-bennes n’ont pu passer sous les ponts, ou, plus rare, se sont échoués. Certaines lignes de vaporetto vont donc être détournées. Tiens, encore un poisson mort trouvé dans la cour. Les rayons de l’épicier seront inondés, on va mettre les cuissardes pour les courses… "La Fenice est le seul Opéra où je n’ai aucune honte à entrer en bottes de caoutchouc", relève le journaliste-écrivain Gabriel Milesi. 

"Et puis Venise est la seule ville où on ne te demande pas ce que tu fais en ce moment", se réjouit Michel Thoulouze, un ancien baroudeur des JT puis des chaînes à péage, installé au bord du potager de Venise, Sant’ Erasmo. Pourtant il ne chôme pas. En dix ans, il a recréé un vignoble qui existait jadis sur cette île vénitienne. Il a réussi à placer quelques-unes de ses 15.000 bouteilles d’orto veneto dans les meilleurs restaurants de Paris et de Venise, ou au Bon Marché. "Quand tu t’installes à Venise, tu es certain d’avoir beaucoup de visites : famille ou conseillers viennent sans rechigner, même en hiver. Il y a des vols directs de cinq villes de province (six l’été), et trois ou quatre compagnies concurrentes sur Paris-Venise." Sur son île agreste et peu peuplée, il dispose d’un service de vaporetto toute la nuit, tout le jour, d’un panorama unique, l’hiver, il baigne dans la culture et, l’été, il se baigne tout court, le Lido devenant alors une plage fréquentée. 

Et il fait des émules : la famille Tarbouriech de l’étang de Thau négocie avec les autorités vénitiennes une concession d’élevage d’huîtres dans la lagune. Il affirme avoir entendu baptiser "rue des Français" une calle de Burano, l’île multicolore, où Philippe Starck a acquis au moins deux maisons de pêcheurs, pas loin de son maître verrier habituel, Aristide Najean, un Français de Murano. 

Tout n’est pas facile pour autant. Même une location d’un mois doit être enregistrée, le nouveau venu doit absolument obtenir un codice fiscale qui sera son sésame. Les arcanes du fisc italien sont tels – il faut traquer la sortie de l’impôt local IMU sans cesse changeant – qu’on en vient vite à s’assurer les services d’un expert-comptable local. Il faut apprendre à échapper aux tarifs extravagants imposés aux touristes d’un jour : cartes Venezia Unica pour payer cinq fois moins cher le vaporetto, Muve pour entrer dans dix musei civici et Chorus dans quinze églises, ainsi que le sconto veneziano (30 à 50% de rabais dans les restaurants et certains magasins).

Mais c’est quand on songe travaux que cela s’aggrave et qu’il faut recourir à un architecte du cru. S’entendre avec les voisins pour le toit ou les murs ? Il y a rarement une co-propriété organisée. "Et les copropriétaires, il faut les trouver : avec le temps, ils sont souvent dispersés en Italie ou dans le monde, faits de familles éclatées, voire divisées", explique Giorgio Cichellero, expert-comptable bien implanté. Une fois cerné, le propriétaire vénitien, qui aura le plus souvent omis d’assurer son logis, tendra à vous décourager : "Une maison debout depuis six siècles peut bien continuer comme ça, no ?"…

Enfin et surtout, les travaux doivent être autorisés. "Tout Venise est classé vincolato. Un cran encore au-dessus, votre maison ou palais peut être notificato, c’est-à-dire expressément listé “intouchable” par la Surintendance à l’architecture, qui peut y intervenir directement", explique Gabriel Milesi, au bel appartement notificato. Et puis pas question de creuser le moindre trou sans la présence d’un archéologue. "Il y a surtout trop de textes accumulés, qui laissent la porte ouverte à trop d’interprétations : difficile d’établir ce qui est permis", constate Piero Vespignani, architecte vénitien.
Cela vaut aussi pour les constructions "modernes" si leur aménagement – y compris intérieur – est jugé typique de l’époque. C’est ainsi qu’un financier français, Claude Buchert, a acheté récemment un grand pan de la maison de Titien, largement refaite au xixe siècle. Il voulait lui rendre son visage initial sur la foi de croquis datant de Titien : refusé. Il faut la garder dans son jus xixe, a tranché la Surintendance. Claude Buchert la revend.

Les Français jouent un rôle non négligeable dans la sauvegarde de la ville. Vieux de presque un demi-siècle, le Comité français est justement en train de restaurer les dix-sept pièces de cette véritable encyclopédie de l’art décoratif vénitien du xixe qu’est le palais royal de la place Saint-Marc. Sous son égide, une bande de jeunes diplômés d’HEC et d’X s’est cotisée pour financer le nettoyage des vrais chevaux de Saint-Marc, ceux qui sont à l’abri dans le musée de la basilique, vestige majeur de Byzance. . Son président, Jérôme-François Zieseniss, vit depuis plus de vingt ans à Venise face à l’église San Sebastiano tapissée de peintures de Véronèse. Heureux, le président. Il résume : "Vie de ville de province dans une capitale artistique, maison de ville avec, d’un côté, un grand jardin, donc maison de campagne, et, de l’autre côté, un bateau, donc maison de bord de mer."

A son conseil d’administration siègent, entre autres, l’avocate Agnès Schweitzer, femme de Louis, et Chantal Mérieux, épouse d’Alain, deux couples assidus – et locataires – à Venise. Le docteur Nicole Bru, ancienne présidente des Laboratoires Upsa, a restauré le casino Zane, voué à la musique, pour y faire vivre un centre de la musique romantique française. L’architecte Jean-Michel Wilmotte vient régulièrement hanter sa fondation, ouverte près de la géante Misericordia. Et personne n’a oublié les travaux du Palazzo Grassi et de la Dogana de François Pinault.

Plus modestement, l’Alliance française, installée dans l’adorable petit ridotto Venier, s’efforce, dans un grand dénuement d’argent public, de jouer son rôle de pont et de point de ralliement culturels. Sa directrice, Marie-Christine Jamet, est depuis trente ans à Venise. "Une ville à dimension humaine, vante-t-elle. Se déplacer toujours à pied crée des relations très faciles, car on se croise sans cesse." "Les mots-clés de la vie à Venise ? Calme, beauté, non-agressivité, communication", confirme Dominique Pinchi, le libraire français de San Zanipolo, artiste aussi, trente-huit ans de lagune.

Quand il ne lit ou ne vend pas, il va ramer debout à la vénitienne sur un sandalo. Il y a beaucoup de loisirs possibles à Venise. Outre le bateau ou la plage, le vélo dans les îles de la lagune sud, jusqu’à Chioggia, ou dans les charmants marais de la lagune nord. Les stations des Dolomites sont à portée de main. Dix villes d’art italiennes sont visitables dans la journée en train. Et les enfants ? Pas d’école française officielle, mais une petite association de parents a créé Les Loustics de la lagune, où on complète l’école italienne avec des cours de français.

Le regret unanime, c’est l’ensevelissement rapide du commerce utile sous le futile touristique, aggravé par la dépopulation de Venise. "On ne peut plus songer à un sauvetage par un retour de gens du Veneto à Venise, juge Piero Vespignani. Seul un Venise ouvert à des créatifs et des passionnés venus de partout pourra retrouver une nouvelle vie." Et Venise a de quoi les attirer. La cité des Doges n’est pas près d’être engloutie. 
Philippe Gallard

06 juillet 2014

Intoxication



"Devant ce flot d'histoires extravagantes, je songeais à la Venise du candide de Voltaire, Venise aujourd'hui auberge de fous, autrefois auberge de rois."
Jean Lorrain
Un Intoxiqué
(1903)
TraMeZziniMag aura bientôt dix ans. Dix ans passés à nourrir l'appétit des Fous de Venise, de ceux qui ne se remettent jamais de leur passage sur les bords de la Lagune, de ceux qui n'arrêtent jamais d'y revenir, d'en parler, de s'en nourrir. "Fous de Venise", l'expression est bien plus ancienne. Elle date de la fin des années 60, lorsque des happy few parisiens exprimèrent le souhait de prolonger l'immense et universel sursaut de compassion pour la ville inondée par les inondations catastrophiques de 1966, en contribuant par tous les moyens en leur possession à la Sauvegarde de Venise, alors entre les mains de vieux aristocrates britanniques et de quelques millionnaires américains (on ne disait pas encore "milliardaires"). Fous de Venise, d'autres sont arrivés, de Belgique, du Canada et bien entendu de France aussi. La plupart n'avaient ni l'entregent, ni la notoriété, ni les moyens financiers des premiers. Mais ils se sont mis au travail avec acharnement et passion, diffusant dans leur univers quotidien une autre image de Venise que celle répandue alors dans les médias, contribuant, chacun à leur niveau à changer la vision des journalistes justement, qui dans leur grande majorité aujourd'hui, relaient la véritable image de la Sérénissime. Ce blog a montré le chemin, faisant de nombreux émules au fil des années. certains ont disparu, d'autres se sont étoffés au point de dépasser en activité ce bon vieux TraMeZziniMag. Nous revendiquons pourtant le titre de premier magazine virtuel des Fous de Venise. 

De temps à autres, outre les commentaires de nos fidèles lecteurs, des contributeurs se proposent. Ils ne sont pas assez nombreux. Journalistes, professionnels ou amateurs, étudiants Erasmus en séjour à Venise ou vénitiens en France, écrivains... Vous êtes les bienvenus pour soutenir le rythme et amener un peu d'air frais dans ces pages et raviver l'esprit Tramezzinimag qui s'étiole un peu parfois. Vous pensez, après dix ans, on finit forcément par dire un peu toujours les mêmes choses, avec les mêmes mots. Alors si le cœur vous en dit, envoyez vos textes, vos projets d'articles, vos billets d'humeur, vos poèmes, des extraits de vos journaux, vos carnets de voyage, vos croquis, vos vidéos. Nous les publierons dans le respect des droits d'auteur.
Envoyez vos projets de contribution à : tramezzinimag@yahoo.it 
 

10 mai 2014

Un Grand Week-end à Venise sur europe 1 ce matin

C'était ce matin sur Europe 1, dans Un Grand Week end, l'émission de Marjolaine Koch qui parlait de l'art contemporain à la Punta della Dogana et de... tramezzini, que votre serviteur a essayé de décrire au micro, mais en quelques secondes c'est bien court. 

Pour ceux que cela intéresse, ces quelques minutes consacrées à la Sérénissime par une journaliste sympathique et passionnée en podcast  ICI

J'en ai dit davantage que ce qui est passé en ligne, mais c'est cela la radio ! L'occasion aussi d'annoncer un prochain billet consacré à ces merveilleux petits sandwiches vénitiens qu'on peut essayer de faire chez soi. A suivre donc !

Ce billet publié sur le site originel
 a suscité 2 commentaires non archivés par Google.

28 décembre 2013

"Migrants Matter" : à Venise, une lutte étudiante pour la dignité

Journée internationale des migrants, 18 décembre 2013 | Crédit Photo © EMA Students | migrants-matter.blogspot.it
Aujourd’hui comme demain, les États européens seront confrontés aux défis des migrations. Guri Storaas, étudiante en master de Droits de l’Homme et Démocratisation à Venise, mais également fondatrice du mouvement  "Migrants Matter" a accepté de partager son combat, sa lueur d’espoir sur des problématiques souvent mal comprises et amalgamées. 

Stéphane Hessel, dans son manifeste « Indignez-vous !  » conseille aux jeunes de regarder autour d’eux, pour qu’ils y trouvent les thèmes qui justifient l’indignation - le traitement fait aux immigrés, aux sans-papiers, aux Roms. Il poursuit en leur suggérant de faire émerger cette indignation :
«Vous trouverez des situations concrètes qui vous amènent à donner cours à une action citoyenne forte
Après plusieurs actions au sein même de leur master, quelques étudiants en Droit de l’Homme et Démocratisation de l'Université Ca'Foscari de Venise ont décidé de se lever pour briser ce cercle de l’indifférence en cette période de Noël. 
 
Guri Storaas, fondatrice du mouvement Migrants Matter, a accepté de nous révéler sa lueur d’espoir. En cette fin d’année 2013, elle a choisi la solidarité aux immigrés. Au cours de plusieurs réunions depuis début octobre 2013, une chanson a été reprise avec passion par plusieurs représentants européens lors des Europeans Development Days à Bruxelles. Le coup final de cette campagne de sensibilisation a été la marche silencieuse en cette fin décembre. Avec un seul espoir que les migrants aussi puissent vivre dans la dignité. Les Églises chrétiennes, les communautés musulmanes, juives, bouddhistes ont manifesté leur entière solidarité.

Journal International : Quel est le but d’une campagne de sensibilisation et pourquoi l’avoir dirigée en faveur des migrants ?

Guri Storaas : Cette mission de sensibilisation permet avant tout de regrouper des personnes engagées, afin de changer les politiques à travers différents moyens et afin de faire évoluer les conditions auxquelles peuvent être confrontées certaines personnes exclues de la société. Elle se concentre sur le secteur européen notamment, car les migrants sont certainement les cibles les plus faciles pour les États. Ils subissent les politiques imposées et injustes déniant les difficultés auxquelles ces hommes, ces femmes et ces enfants font face chaque jour. Ceux qui n’agissent pas en ayant pleinement conscience des discriminations subies soutiennent au fond indirectement les violations récurrentes transgressant la Déclaration universelle des Droits de l’Homme de 1948.

JI : Justement, votre campagne se dirige en faveur d’un certain groupe de migrants puisqu’elle vise à la ratification de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille de 1990, pourquoi avoir ciblé cette forme particulière d’immigration ?

Crédit Photo © EMA Students | migrants-matter.blogspot.it
G.S. : Tout d’abord, il faut savoir que cette convention est la seule qui internationalement a été créée pour les migrants ainsi ce n’est pas un thème réducteur que nous avons choisi, mais un texte d’appui officiel qui nous permet d’agir activement sur différentes formes d’immigration. Il est également vrai que le travail est une chose qui affecte particulièrement les étrangers, les rendant plus vulnérables que les autres, car bien souvent les familles se retrouvent séparées. De plus, les migrants sont loin d’être privilégiés. Ainsi, ils subissent un traitement excessivement injuste généralement les renfermant sur eux-mêmes. Aucun texte ne définit véritablement leur statut ni ne reconnait leur existence même. Souvent rejetés, seuls, les expulsions de plus en plus nombreuses planifiées dans les pays européens sont la preuve qu’aucune garantie de protection n’a été encore appliquée, voire établie. Ce que nous souhaitons, c’est porter un message au nom de tous les immigrés et en appuyant le projet de cette convention qui est loin de faire l’unanimité jusqu’à présent. Nous pourrions enfin nous assurer que les États aient à rendre des comptes sur les politiques mises en place, qu’ils aient enfin une responsabilité officielle lorsque ces personnes immigrant sur leurs terres se voient maltraitées.

JI : Pourquoi, selon vous, de nombreux états sont-ils septiques à l’idée de ratifier cette Convention et en quoi pensez-vous que votre mouvement puisse les aider à changer d’avis ?

G.S. : Lorsque les Nations Unies ont proposé ce traité, il n’a pas été très bien accueilli. Il a été adopté en 1990 et 13 ans après, en 2003, il a pu enfin entrer en vigueur, mais seulement grâce à 20 états signataires, ce qui est bien trop peu ! Cette Convention a le potentiel de promouvoir, au moins indirectement, le droit des immigrés, pour que leur protection soit garantie par la loi même. Malheureusement, même si elle a été acceptée légalement, elle n’est que trop peu mise en pratique. 
 Selon moi, les États refusent de coopérer, car la définition donnée à l’immigration ici est bien trop large et malheureusement, de nos jours, c’est une notion qui fait peur et qui doit être plus précise pour qu’on puisse l’accepter. Je suis persuadée que c’est notamment la peur qui paralyse les États jouant sur l’aspect de sécurité en l’opposant directement à l’immigration. Les stéréotypes que l’on entend chaque jour, particulièrement depuis la crise de 2008, sous-entendant que "plus les immigrés arrivent, plus les taxes pour la population seront importantes", que l’économie soit disant "s’écroulerait si nous accueillions trop d’étrangers" sont néfastes à l’égard de l’image de ces personnes. 
 Je pense également que le fait qu’aucun groupe spécifique ne se soit battu au nom des migrants a également joué en la défaveur de ce projet. Malheureusement, nous ne sommes que de petits groupes défendant des intérêts totalement différents si l’on regarde au premier abord, car il est vrai que l’hétérogénéité migrante peut créer quelques tensions. Pourtant, au fond, nous recherchons tous le même but : que les immigrés bénéficient d’une protection adéquate, qu’eux aussi puissent profiter des droits "définis pour tous" (Ndlr, DUDH 1948). C’est pourquoi, à notre échelon, nous devons parler, nous devons nous mobiliser afin de changer quelques mentalités, afin de cibler l’aspect positif de l’immigration, de le partager et de sensibiliser l’opinion sur le bénéfice de cette nouvelle forme de multiculturalisme.

JI : Quelles sont les actions qui ont pu ou peuvent aider votre campagne à se développer et à se faire connaitre davantage ?

Crédit Photo © EMA Students | migrants-matter.blogspot.it  
 
G.S. : Nous avons la chance d’avoir 50 étudiants de notre promotion motivés et passionnés pour démarrer notre projet. Par la suite, chacun de nous a eu un rôle spécifique dans la mise en place de la campagne. Par ailleurs, une action toute simple telle que celle initiée aux European Development Days regroupant quelques personnes criant, et frappant des mains dans les couloirs de Bruxelles entre deux conférences, leur volonté de convaincre les états membres de l’Union européenne de ratifier la convention a eu un impact très positif. Nous avons pu rencontrer quelques politiciens qui suivent notre projet de très près et le supportent et c’est un appui non négligeable à l’échelle européenne. Les réseaux sont très importants pour porter notre message. 
 
Nous discutons également beaucoup avec les personnes autour de nous pour leur faire prendre conscience de l’importance de ce projet, débattons également avec eux parfois, nous sommes ouverts aux débats. Nous sommes une sorte de mouvement non-lucratif qui souhaite intégrer tout un chacun dans son combat. Nous sommes des membres de la société civile ayant décidé de se battre pour une cause que l’on trouve noble. Si nous nous mobilisons en faveur de processus légaux c’est parce que ce sont eux qui régissent par la suite nos vies, nous sommes les citoyens du monde, nous votons donc nous avons le droit de manifester au nom de ce qui nous parait juste. Trop souvent, les politiciens oublient que nous leur avons accordé notre confiance en les élisant, il est nécessaire via ce genre d’actions de leur remettre un coup de pression. Notre groupe Facebook invite à la discussion instantanée et aux soutiens surtout par n’importe qui souhaitant partager son opinion sur notre mouvement. Notre blog est notre liberté d’expression, notre façon de développer sur ce qui nous indigne, sur nos actions, mais surtout sur ce à quoi l’on croit : partager nos valeurs en parlant de l’immigration. 

Nous avons développé quelques partenariats avec notre université tout d’abord, mais aussi avec la PICUM (Platform for International Cooperation on Undocumented Migrants) et des ONG se battant pour les droits des sans-papiers. Par la suite lors du festival des droits de l’Homme de Venise se focalisant cette année sur l’identité, nous avons eu l’honneur de rencontrer autour d’une table ronde Jacopo Molina, conseiller du parti démocrate de Venise, nous donnant la position italienne concernant les questions migratoires. Tout en réfléchissant, autour de quelques films tels que "Mare Chiuso", à la politique italienne et aux diverses condamnations que l’Italie a reçu par la Cour européenne des Droits de l’Homme suite à des violations très graves. Nous avons eu aussi notre mot à dire en traversant Venise le 18 décembre 2013, Journée internationale des migrants où, je pense, nous avons pour ainsi dire touché les âmes de certains. 

Journée internationale des migrants, 18 décembre 2013 | Crédit Photo © EMA Students | migrants-matter.blogspot.it
 
JI : Comment est-ce qu’un mouvement étudiant pourrait influencer la politique et faire changer les choses ? Pensez-vous que cette journée récente puisse avoir de l’influence par la suite ?
 
G.S. : Vous savez, je sais que les campagnes de sensibilisation peuvent prendre du temps, j’ai eu des expériences totalement différentes en Afrique et en Norvège quand nous défilions à cause de l’impact du changement climatique. Nous avons également mobilisé du monde, organisé des activités diverses, récolté des signatures et même fait un tour en caravane avec au moins 180 personnes pour convaincre des milliers de gens de nous rejoindre. Et cela a marché, ce n’était pas toujours évident, mais nous sommes allés à la rencontre de la population, car après tout dans la politique c’est d’eux dont il s’agit non ? Avoir la foi est essentielle. Je ne dis pas que notre mouvement universitaire aura autant d’impact que celui qui m’a valu un long voyage, mais tellement humain avec 200 000 signatures récoltées et des concerts au nom de notre cause du Kenya à l’Afrique du Sud, mais je crois que c’est maintenant ou jamais. Un mouvement tel que celui-ci se fait au jour le jour, se vit et se construit dès à présent même si le chemin est long. 
 
Ce jour-là, nous avons défilé avec une quarantaine de personnes en marchant silencieusement en rang, certains portaient des masques représentant les états se voilaient la face en ne ratifiant pas, d’autres têtes baissées montraient leur désarroi face au manque de coopération puis des lettres avec une lueur d’espoir dans les yeux de chacun se démasquant et retrouvant le sourire apparaissait s’adressant directement aux États membres de l’Union Européenne. On pouvait alors apercevoir ce message impératif en anglais « EU, Ratify Migrants Convention ! » avant que les élèves ne se mettent à chanter et distribuer des dépliants pour que l’Union Européenne aille enfin de l’avant surtout après la polémique de Lampedusa Nous avons eu un impact relativement positif et beaucoup d’intrigués nous ont écouté, appréciant notre engagement, donc je suppose que notre campagne au nom des migrants a eu son cadeau de Noël : elle n’a laissé personne indifférent.  

Journée internationale des migrants, 18 décembre 2013 | Crédit Photo © EMA Students | migrants-matter.blogspot.it
 
* Florence carrot est étudiante en sciences politiques à l'Université Lyon II et passant un an en Inde, elle est correspondante dans ce pays (Chennai et Madurai) pour Le Journal International, mais aussi stagiaire chez People's Watch (ONG promouvant les Droits de l'Homme) et volontaire ponctuelle à l'école de Vellore Garden of Peace. elle cherche à privilégier un regard quelque peu critique dans ses articles toujours inspirés par les Droits de l'Homme, et auxquels s'ajoute souvent une dimension plus sociologique.

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15 décembre 2013

Venise, la colonne de San Salvador


..En dépit de ses presque neuf mètres de hauteur, la colonne du campo San Salvador est un des éléments "invisibles" de la cité des doges. Située sur le campiello qui fait le lien entre le Rialto et San Marco, presque toujours envahi par les On passe à côté, on lui tourne autour, mais on ne sait rien d'elle, ou pas grand chose sauf qu'on l'a toujours vue là. Et pourtant, elle a un sens pour les vénitiens qui connaissent l'histoire de leur nation. 

..Ce monument commémore la flambée d'émeutes qui secoua Venise en 1848, le 22 mars précisément, quand la population tenta de reconquérir sa liberté et fut proche d'y parvenir, tenant la ville à l'écart des autrichiens pendant dix huit mois, jusqu'à la fin de l'été suivant, après avoir poussé les autrichiens et leur gouverneur militaire, le comte Palify, à capituler et à se retirer sur la terraferma. L'Europe secouée de spasmes révolutionnaires vit l'empire austro-hongrois prêt d'imploser, comme faillit imploser le royaume de France quasiment au même moment. La colonne, trouvée dans des fouilles à Rome, fut offerte à la Commune de Venise par le sculpteur Antonio Dal Zotto, à qui l'on doit la statue de Goldoni qui trône sur le campo San Bartolomeo. Son chapiteau et les ornements de sa base sont en bronze comme l'habillage représentant une feuille de palme qui décore le fût de marbre antique, sur laquelle est inscrite la date, XXII MARZO MDCCCXLVIII. 

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le général Mezzacapo
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Le monument fut inauguré le 22 mars 1898 par le maire Grimani descendant d'une des plus grandes familles patriciennes de l'ancienne république, en présence du dernier héros survivant de cette épopée, le général Carlo Mezzacapo, qui commanda le Fort de Marghera puis ensuite celui de l'île de San Secondo pendant la résistance déterminée des vénitiens. Originaire de Capoue, le vieux militaire, était à l'époque officier des armées de l'armée des Bourbons (du Royaume de Naples), alliée des piémontais contre l'Autriche. Lorsque l'ordre de retrait arriva, il décida de désobéir et rejoignit Venise en compagnie de son homologue le général Pepe, lui aussi napolitain, qui mourut sur la lagune. Il s'unit aux insurgé vénitiens. Il refusa ensuite de réintégrer l'armée napolitaine et choisit de s'exiler. Il existe un bas-relief, calle Larga de l'Ascension, édifié à la mémoire de ces officiers napolitains qui défendirent Venise en 1848. Il représente les généraux Pepe, Rossarol, Cosenz, Mezzacapo. La dédicace : 
"Ufficiali napoletani offersero vita e sangue a Venezia per convincere il mondo esservi tutta una Italia insoffe­rente al giogo straniero, 1848 - 1849."
(Des officiers napolitains donnèrent vie et sang à Venise pour convaincre le monde que l’Italie ne souffrira plus le joug étranger, 1848-1849)

Le Risorgimento est présent aussi non loin de là, avec deux boulets de canon incrustés dans le mur de façade, côté extérieur de la Piazza, pour rappeler la pluie de bombardements qu'avait subie la Sérénissime entre le 29 juillet et le 22 août de cette terrible année. Plus de 23.000 projectiles furent ainsi tirés sur la ville par l'artillerie autrichienne. Après l'assaut des troupes ennemies, ce fut le choléra qui s'insinua dans la ville infortunée. Le poète et patriote Arnaldo Fusinato, qui s'illustra sur les barricades, a écrit sur ces moments terribles dont Venise ne s'est jamais vraiment remise. Pour la première fois de son histoire, l'ennemi l'atteignait en son cœur... : 
“Il morbo infuria / il pan ci manca / sul ponte sventola / bandiera bianca”
(La maladie fait rage, nous manquons de pain, sur le pont nous agitons le drapeau blanc...) 


crédits photographiques : veneziatiamo.eu

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