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01 septembre 2018

I Gondolini : Avec la bénédiction du Père, les champions de demain se mettent à l'eau

 
"Le sport est harmonie, mais si c’est la recherche de l’argent qui prévaut, et celle du succès, alors cette harmonie se casse... Dans une optique de victoire à tout prix, on court le risque de réduire les athlètes à des instruments dont il faut tirer profit... Ils entrent alors dans un mécanisme qui les transforme, ils perdent le vrai sens de leur activité, cette joie de jouer qui les a attirés en étant enfants et qui les a poussés à faire tant de sacrifices et à devenir des champions..." 
 
C'est avec les mots du pape François que les jeunes athlètes et leurs aînés ont été accueillis par Don Fabrizio Favaro sur les marches de la Salute. Partis du palazzo Vendramin-Calergi, siège du casino municipal, devant lequel trône une rutilante Ferrari (symbolisant le jumelage de la Régate Historique de dimanche prochain avec la célèbre course automobile de Monza qui aura lieu le même jour et sera présentée en même temps sur les écrans de la RAI).
 
Signe des temps, cet engin automobile, transporté en grande pompe sur le grand canal quelques heures avant ce magnifique et traditionnel cortège des gondolini (les barques à deux rameurs). "Nous vivons une époque moderne" comme répétait notre ami Philippe Meyer à ses auditeurs. C'est donc devant une foule assez nombreuse composée de vénitiens, curieux, parents et amis des athlètes, journalistes et quelques touristes, que les rameurs ont reçu la bénédiction après avoir écouté les discours d'usage, celui du maire Brugnaro qui a rappelé le jumelage avec le grand prix de formule 1 de Monza, le délégué à la Tradition (mais oui !) Guivanni Giusto qui a tenu à souligner la présence de très jeunes coureurs en lice pour la première fois, augurant d"un bel avenir pour la voga alla veneziana

Tout le monde était sérieux et recueilli, conscient de l'importance de cette cérémonie, dans un monde qui bouge tellement vite et laisse souvent se perdre usages et traditions. Chants traditionnels de la lagune interprétés avec enthousiasme et bonne humeur par le chœur Serenissima, puis ce fut au tour de deux rameurs, Mary Jane Caporal et Alessandro Vignati qui ont déposé un bouquet à l'autel de la Madone, entorse à la tradition, puisque jusqu'à présent l'usage voulait que ce soient les plus anciens qui se déposent la gerbe... Peut-être par ce choix, les organisateurs voulaient-ils souligner l'importance donnée à la participation de tous ces jeunes prêts pour la relève. Après le Notre Père repris par tous, les jeunes ont reçu un maillot du groupe Avm (Azienda Venezianan della Mobilità) remis par le conseiller municpal Piero Rosa Salva, tandis que le commandant Marco Agostini, chef de la police municipale a proclamé l'ordonnance qui règlera la circulation piétonne dimanche. A partir de 13 h. 30 et jusqu'à la fin de la manifestation, la police pourra mettre un sens unique dans les rues adjacentes au grand canal. Comme pendant le temps du carnaval, l'accès à certaines zones pourra être bloqué pour éviter tout incident.






Crédits Photographiques : Catherine Hédouin - 2018 . Tous Droits Réservés.

26 août 2018

Dans quelques jours la très attendue Regata Storica

Cliché Catherine Hédouin - Tous Droits Réservés.

Comme chaque année, Venise se prépare à la Regata Storica, le rendez-vous le plus important sur le calendrier des festivités traditionnelles de la Sérénissime, un des rares qui rassemblent la population et les touristes, la compétition la plus suivie - et la plus spectaculaire, des adeptes de la fameuse "Voga alla Veneta", discipline sportive unique au monde pratiquée dans la lagune depuis la nuit des temps. 

La régate et le cortège historique qui la précède auront lieu comme chaque année le premier dimanche de septembre, à 16 heures. Comme toujours devant une foule nombreuse et très impliquée où se mêleront des vénitiens de tous âges et de tous milieux, des invités étrangers (la Mostra du Cinéma début aussi dans les prochains jours), et des touristes venus du monde entier. 

La Regata Storica dans son aspect actuel est née à la fin du XIXe siècle. La tradition des courses d'embarcations à la rame est connue depuis les débuts de la République et n'a jamais été interrompue, même sous l'occupation française puis autrichienne. C'est en 1899 que le maire de l'époque, Filippo Grimani, lui donna sa forme définitive. Elle fut insérée dans le programme de la IIIe Biennale d'art et il y fit ajouter un cortège historique d'embarcations  de parade, reconstruites d'après des plans et des gravures d'époque, dont la Bissone sur lesquelles prennent place des figurants en costume d'époque. Le cortège est censé rappeler le retour en triomphe de Caterina Cornaro reine de Chypre que les vénitiens avaient contrainte d'abdiquer en 1489 en faveur de la République en échange de la seigneurie d'Asolo et d'une importante rente, entraînant de facto l'annexion de l'île par la Sérénissime.

Cliché Catherine Hédouin - Tous Droits Réservés.

16 juillet 2018

Le Belem, une légende vivante (1)

‘‘Le brigantino, c’était la première chose qu’on voyait en arrivant sur l’île de San Giorgio, et la dernière que nous laissions derrière nous en partant. Il constituait pour nous un totem ; un objet que nous investissions d’une valeur symbolique quasiment religieuse ; c’était notre grand-frère, que nous admirions et dont nous étions fiers. Il n’est pas un port d’Italie qui n’ait vu un marinaretto, ni même un chantier naval ; il n’est pas une mer qui n’ait vu naviguer un marinaretto.’’

C'est la voix troublée par l'émotion que Lauro Nicodemo, ex-marinaretto de l’Istituto Scilla, parle du Giorgio Cini, l'ancien navire école de l'établissement dans lequel il a grandi. Il arpente les coursives, s'arrête longuement pour contempler les mâts du brigantin qui revenait pour la première fois depuis longtemps à son ancien port d'attache, au printemps 2014. 

C'était il y a quatre ans. La Sérénissime recevait en grande pompe le Belem, ex-Giorgio Cini, ex-Fantôme II, qui n'a jamais cessé de faire vibrer le cœur des vénitiens de tous âges, comme le symbole moderne du passé millénaire de la République marine de San Marco, après le Bucentaure dont on ne garde qu'une idée, un vague souvenir personnifié dans les vestiges (qui ont pu échapper à l'iconoclaste général corse qui s'acharna à la détruire, davantage pour en récupérer l'or dont il était paré que pour détruire un outil d'une puissance anéantie). 

Le Belem lui existe toujours et son entrée dans les eaux de la lagune fut accompagnée par une multitude de cris de joie et de bienvenue. Les anciens marins qui apprirent avec lui la navigation étaient là, le petit-fils de Vittorio Cini fondateur de l'Institut, les corps constitués, le Patriarche et tout Venise était rassemblé, beaucoup sur l'eau dans le magnifique cortège marin que la ville avait organisé, les autres massés sur les berges, de San Elena à San Marco. Un grand moment qu'il est impossible d'oublier vraiment.
Quatre ans plus tard, retrouvant le dossier de presse et les clichés pris à l'époque, j'ai retrouvé la même émotion. Elle demeure en moi parce qu'elle fait écho à un vieux rêve d'enfant, certainement né de ceux de mon père qui, toute sa vie voulut acquérir un bateau et parcourir les mers avec nous, ce qu'il ne fit jamais pour de multiples raisons, à commencer par l'opposition radicale de notre mère qui avait une peur panique de la mer. Elle avait pourtant vécu chacun des étés de son enfance et de sa jeunesse sur le Bassin d'Arcachon et à Saint Jean de Luz... 

Mais revenons au splendide navire-école du Comte Cini. Il était récemment à Bordeaux et mes lecteurs les plus fidèles savent mon attachement à tout ce qui de près ou de loin tisse des liens entre ces deux villes, mes deux mondes qui se partagent mes jours.

Le Belem est né français et son nom de baptême lié à sa première vocation de navire de transport de cacao, il le porte de nouveau depuis la fin des années 80. Fierté de la marine française, il est le dernier des grands voiliers-marchands du pays. Mais, il reste aussi la fierté de bon nombre de vénitiens et en particulier de tous ceux qui apprirent à naviguer à son bord. Ceux aussi qui dans les dernières années y habitèrent car avant d'être vendu et rénové, il a servi de dortoir et de réfectoire aux cadets vénitiens.
 A Suivre...

10 juin 2017

Cure de jouvence pour le Todaro

C'est en 1329, si on en croit Francesco Sansovino que fut installé en haut de la colonne occidentale de la Piazzetta la statue de Saint Théodore, Todaro en vénitien, premier protecteur de la cité avant que la dépouille de l’Évangéliste Marc soit amenée à Venise dans des circonstances pour le moins rocambolesques et devienne le saint patron de la République. Cela ne représente pas as moins de 700 ans de présence au-dessus de tous en dépit de son déclassement au bénéfice de Saint Marc dont le symbole trône sur l'autre colonne, du côté du palais ducal. Bien des hivers glacés et des étés caniculaires avaient fait souffrir la statue qu'on descendit de son majestueux piédestal quand en 1940, la guerre devenant menaçante, il fut décidé de mettre la statue à l'abri. Elle n'est jamais remontée depuis, une copie en pierre d'Istrie ayant été réalisée en 1948 pour la remplacer.

TraMeZziniMag avait émis il y a quelques années l'hypothèse que le corps enseveli dans la basilique San Marco pourrait être la dépouille d'Alexandre le Grand plutôt que celle de l'évangéliste. Ce ne sont que des suppositions et une forte propension à l'uchronie qui nous firent publier cet article. Pour Théodore, saint byzantin et valeureux guerrier de légende, il ne s'agit que d'une représentation mais elle avait ses secrets elle aussi.


On raconte que Théodore, jeune soldat des armées romains qui, comme Georges, terrassa un dragon, ne cessait de proclamer l’Évangile en prêchant partout où il se trouvait. Arrêté, il refusa de renier sa foi qu'il ne cachait pas. Il fut condamné à mort pour oser ainsi à la volonté de l’empereur Dioclétien, refus d’obtempérer bien plus grave pour ceux qui le jugèrent que l'insistance avec laquelle il proclamait sa foi et son rejet des idoles païennes. Un soldat qui s'insurge ne peut rester impuni, la sédition cela fait désordre, tout le monde en conviendra. Il fut atrocement supplicié et rendit l'âme dans la sérénité la plus totale, c'est du moins ce que disent ses hagiographes qui en ont fait l'un des trois saints-martyrs des chrétiens orientaux avec Saint Georges donc et Saint Dimitri. La statue restaurée figure un soldat en uniforme, jeune et athlétique, solidement armé, au visage jeune, noble et altier. Les travaux de restauration, minutieusement menés pendant un peu moins d'un an révélèrent des éléments en partie connus depuis 1948 mais jamais prouvés parce que jamais étudiés de près. Le splendide Todaro vénitien s'est avéré extrêmement fragile et l'intervention des spécialistes fut particulièrement délicate.

En effet, il a fallu démonter chacune des pièces qui forment l’œuvre, consolider les morceaux en pierre ou en bronze fragilisés par les siècles, les nettoyer, reconstituer les manques et protéger le tout pour l'avenir. On a pu ainsi déterminer l'origine de la statue, ouvrage hybride, dont on ne saura jamais vraiment s'il existait tel quel à Byzance ou s'il fut assemblé tel que nous l'avons toujours vu pour les commanditaires vénitiens à Venise avant de devenir le portrait du premier saint protecteur de la ville. C'est en grande partie la nature de cet assemblage qui en faisait l'extrême fragilité : la tête, le buste, les jambes, les armes et le dragon qu'il piétine sont de provenance, d'époques et de matériaux différents.

La tête, probablement de l'époque constantinienne, bien que retravaillée plus tardivement, est taillé dans un marbre blanc qui provient des carrières de Docimium, non loin d'Afyon en Turquie occidentale, a pu être identifiée avec certitude, comme le portrait de Mitridate VI Euopator, le fameux roi du Pont qui tint en respect les légions romaines pendant des décennies jusqu'à sa mort en 63 avant notre ère. La ressemblance avec les monnaies frappées à son époque portent toutes le portrait du monarque ne laisse aucun doute sur l'identité du personnage. Elle a probablement était ramenée de Constantinople.

Le torse, décoré de victoires couronnant un trophée devait appartenir à la statue en gloire d'un empereur. Probablement Hadrien. Les jambes et les bras sont taillés dans un même marbre provenant de l'île de Proconnèse - appelée aussi Ile de Marmara, la plus grande de la mer éponyme - dont les carrières de marbre blanc veiné de bleu furent renommées dans l'Antiquité. Le dragon est taillé dans le même marbre. Le bouclier, plus récent, est en pierre d'Istrie. D'autres parties du corps ont été sculptées dans du marbre de Pentélie, ce gisement qui servit à construire l'Acropole et avec lequel fut bâti le Parthénon. Quant aux  armes et à l'auréole du saint, elles ont été réalisées dans un alliage de bronze typique de l'époque médiévale.

C'est donc un extraordinaire palimpseste de l'Histoire et de la culture  millénaires de Venise qui est ainsi remis en état, un exemple flagrant de ses capacités à synthétiser,  mélanger et optimiser les gens, les arts et les civilisations grâce auxquelles Venise a pu être ce qu'elle fut, méritant vraiment ses surnoms : la Dominante, la Sérénissime.

Mais, au-delà de l'importance historique et artistique de cette restauration, la manière dont elle a été organisée et menée à bien confirme, s'il en était besoin, l'extrême habileté et l'excellente organisation des services et des entreprises qui en sont à l'origine. C'est ce qu'a tenu à souligner Mariacristina Gribaudi, l'actuelle présidente de la Fondation des Musées Civiques de Venise, en expliquant combien le partenariat mis en place a parfaitement fonctionné, permettant un travail efficace et des délais courts. La société Rigoni di Asiago (avez-vous déjà goûté leurs produits ? Notamment les confitures et la crène de noisette bio ?), mécène officiel, a pleinement joué le jeu et dont les produits et la philosophie, le succès commercial, montrent le dynamisme des entreprises vénitiennes aujourd'hui reconnues au niveau international. "Une synergie vertueuse et un bénéfice réciproque."

La présidente de la Fondation des Musées Civiques et Andrea Rigoni, Administrateur délégué de Rigoni di Asiago

15 avril 2017

La Venise mineure et ses trésors méconnus (1)

"Squero San Andrea", Dessin de Andrew Fisher Bunner, 1885.
Encore un titre redondant. Certainement l'effet de l'hiver qui pointe son nez et peu à peu embrume l'horizon et donne à la Sérénissime un aspect magique et mystérieux. Le froid dehors, un thé fumant et de bons muffins anglais à côté de l'ordinateur, Pagina 3 à la radio, avec la voix chaude du passionnant Paolo Faustini pour accompagner la mise en route matinale... Tout concourt n'est-ce-pas à l'activation empressée et joyeuse des neurones. Et l'idée est venue : lancer une série de sujets qui peu à peu reprendront ceux qui avaient été traités sur l'ancien blog et dont il ne reste que le titre et des bribes dans mes carnets. L'idée aussi d'en faire un jour une suite de Venise de près et de loin. Les lecteurs jugeront au fil des parutions si cela en vaut la peine. 

En attendant, et pour le bonheur de me promener avec vous dans notre chère città, si nous allions du côté de San Giovanni e Paolo. Plus précisément dans un lieu peu connu et pas souvent visité mais qui pourtant garde dans ses murs  le témoignage de cette Venise authentique qui peu à peu s'efface et que nous sommes nombreux à vouloir protéger et à tenter de faire renaître avec nos mots. Il s'agit du squero vecio sur le rio dei Mendicanti.


Occupé depuis de nombreuses années par la Remiera Generali, c'est un lieu très vivant où se déroulent souvent des manifestations de qualité, présentations d'ouvrages consacrés à Venise et à la plaisance, soirées, dîners. Le club est actif et organise de nombreuses randonnées nautiques sur la lagune et participe à toutes les compétitions,  des grandes régates aux courses moins connues des visiteurs. 

le squero est très ancien. On en voit déjà l'emplacement dessiné dans le grand plan de Venise réalisé par De Barbari dont on peut voir les nombreuses plaques de bois qui servirent à l'imprimer, au Musée Correr. A deux pas, avec ses deux façades sur le rio et l'autre sur la fondamenta, se dresse un des palais Bragadin qui a perdu son jardin etr ses dépendances. Il fut la demeure de l'inénarrable comte Emilio Targhetta d'Audiffret dont nous avons souvent parlé dans Tramezzinimag. Il n'en occupait qu'une petite partie mais son talent avait fait de son appartement un palcoscenico somptueux. C'est en sortant de cette maison que Casanova se fit interpeler par la police d'Etat. En face du squero, c'est Vivaldi qu'on devait voir passer quand il se rendait à la Scuola dei Mendicanti, aujourd'hui insérée dans l'hôpital

30 mars 2017

Délice de saison à Venise : c'est le temps des moeche

© Catherine Hédouin - Tous Droits Réservés.

Il est à Venise un délice gastronomique rarissime qui demeure fort heureusement suffisamment rare pour ne pas devenir lieu commun et risquait de disparaître si la presque trentaine de millions de visiteurs en réclamaient lorsqu'ils débarquent à Venise. Il s'agit des moeche.

 "Dis Monsieur, c'est quoi les moeche ?" m'a demandé un jour un petit garçon en visite au marché du Rialto. Le petit bonhomme dont j'ai oublié le prénom habillé comme un collégien anglais accompagnait ses parents avec sa grande sœur. J'avais sympathisé avec eux lors d' un des concerts hebdomadaires que donnait à l'époque le propriétaire de l'Albergo Métropole. Ce devait être en 1982 ou 83. Cette famille suisse me demanda de leur montrer Venise différemment. Ce que nous fîmes en commençant par le marché qui était beaucoup plus authentique et florissant qu'aujourd'hui. 

© Catherine Hédouin
Chers lecteurs, laissez-moi reprendre l'explication que je lui donnais : les moeche (pluriel de Moeca en dialecte vénitien), sont des crabes verts mâles (crabes communs à cinq pattes thoraciques, dits aussi crabes enragés qu'on retrouve un peu partout dans les estrans d'Europe occidentale. Mais ce vocable ne désigne ces petits crustacés qu'à un moment bien précis de leur croissance. Ceux qui sont pêchés et dont nous parlons aujourd'hui sont les jeunes mâles arrivés au dernier stade avant la mue, où ils sont le plus vulnérables mais aussi où leur chair est la meilleure. Cette pêche spécifique aux eaux de la lagune de Venise est aussi une culture au même titre que les huitres ou les moules ailleurs. On en trouve la trace dès le XVIème siècle et savants et naturalistes ont commencé de s'y intéresser scientifiquement dans les années 1750. 

Les vénitiens ne prononçant pas les l, le féminin pluriel moleche est devenu moeche (prononcez [mo'èké]). Les femelles sont appelées masanete (Tramezzinimag du 15/11/2007 ICI). Connue depuis des siècles, cette culture spécifique à la lagune à laquelle se sont intéressés savants et naturalistes dès le XVIIIe siècle est reconnue officiellement : mâles et femelles sont inscrits au répertoire italien des Produits Alimentaires Traditionnels (PAI) bénéficiant d'une protection légale. 

Ces petits crabes communs en phase de mue sont pêchés au moment où ils perdent leur carapace devenue trop petite pour leur corps qui s'étoffe et juste avant que la nouvelle soit assez formée. C'est ce qu'en terme savant, on nomme l'exuvie (1). L'enveloppe du jeune mâle n'est toute molle que pendant un temps très bref, car la mue se fait en quelques heures au contact de l'eau saumâtre de la lagune. Le crabe est alors suffisamment tendre pour être cuisiné et mangé facilement.
© Catherine Hédouin - Tous Droits Réservés.
Cette pêche qui se pratique exclusivement dans la lagune de Venise, et plus précisément dans les environs de Burano, Chioggia et de la Giudecca, a lieu deux fois par an, entre la fin janvier et le mois de mai, puis de la fin septembre à la fin novembre. Bien sur, tout cela dépend des conditions météorologiques et les années se suivent sans que les quantités soient les mêmes. On dit ici que les meilleures moeche sont celles récoltées au printemps. C'est donc le moment encore pour quelques semaines si vous êtes à Venise (vois plus loin les restaurants recommandés par Tramezzinimag où vous en trouverez à coup sûr). 

© Catherine Hédouin - Tous Droits Réservés.
Sur le marché, selon les années, les prix oscillent entre 50 et 80€ le kilo. Produit rare et donc coûteux mais qui met à la bouche des gourmets. On raconte souvent la requête poignante faite il y a quelques années par un homme gravement malade. En phase terminale, il appela de Rome pour demander qu'on lui expédie des moeche qu'il voulait goûter une fois encore avant de mourir. Comme l'expédition était impossible, ce sont ses fils qui sont venus jusqu'à Chioggia récupérer de quoi en préparer assez pour un ultime repas familial. Les pêcheurs offrirent des bouteilles du meilleur prosecco. 

Pour être certain de pouvoir en obtenir, à moins de connaître le poissonnier le mieux est d'avoir dans ses relations un pêcheur spécialiste. Celui que je connais à la Giudecca est maintenant assez âgé et annonce chaque année qu'il va se retirer. Plaise à Dieu qu'il hésite encore longtemps et nous ramène longtemps encore ces délicieux dons de la lagune ! 

© Catherine Hédouin - Tous Droits Réservés.
En réalité, il ne s'agit pas tout à fait d'une pêche comme celle des poissons. C'est aussi un élevage. En résumé, les moeche ne sont que des crabes dépouillés de leur ancienne carapace et pas encore recouverts par la nouvelle. Cette période de mue ne durant que quelques heures, cette courte phase pendant laquelle le crabe devient moeca, où il est quelque sorte tout nu, sa chair sans protection, qu'il doit être pêché. Mais ils ne s'organisent pas pour être tous au même moment prêts à fournir le marché. Il faut donc s'assurer d'en avoir le plus grand nombre car tous ne sont pas arrivés au même stade de mutation quand ils se retrouvent enferrés dans les nasses des Moecanti.


L'art des moecanti. 
Ainsi, aussitôt pêchés, les crabes sont triés. Ceux proches de la mue seront immédiatement acheminés au marché et ceux pour qui il faudra attendre un peu vont être mis dans des viviers d'où ils seront sortis au fur et à mesure. Ce travail n'est pas aussi simple qu'on pourrait le croire. Il faut des dizaines d'années d'expérience aux moecanti (ou molecanti, nom donné à Venise aux pêcheurs et éleveurs de moeche) et sinon l'assistance de collègues plus expérimentés pour sélectionner les pièces et faire rapidement ce tri. Car il faut faire vite et ne pas laisser les crabes mourir. 

En quoi consiste exactement ce tri ? Il s'agit de sélectionner les crabes spiantani (ceux qui sont presque à l'état de moeche) et les boni (ceux qui deviendront spiantani à leur tour dans quelques jours). Ainsi triés, les crabes sont transférés dans des viviers, sortes de caisses ajourées, les vieri, qu'on accroche à des pieux (pali) fixés sur le fond de la lagune. Ces pépinières permettront de suivre les phases du développement des moeche. Véritables nurseries, elles font l'objet d'une attention quasi constante. Les caisses qui contiennent les spiantani sont ouvertes chaque jour, parfois même plusieurs fois par jour, pour récolter au juste moment les pièces arrivées au stade de moeca. Les molecanti savent d'un coup d'œil reconnaître les moeche à point.

Il faut voir la surprenante vélocité des pêcheurs au moment du tri. A suivre leurs gestes, on pourrait croire que tout cela est machinal mais leur regard concentré montre bien la difficulté de la chose. C'est un métier ! Le travail des molecanti est une activité extrêmement complexe qui est inscrite dans la tradition vénitienne.

C'est ainsi que les techniques et les secrets jalousement préservés de cet élevage, se transmettent dans les familles de génération en génération. Pour confirmer le lien profond qui lie cette activité à la culture vénitienne, il suffit de voir le nombre de coopératives et d'associations qui permettent aux touristes comme aux passionnés de la nature, de découvrir cette pêche lors d'excursions passionnantes. Suivre avec il moecante le parcours qui se déploie le long de la route de pêcheurs est une expérience unique (3)



Mais quelle différence avec les crabes habituels me direz-vous ? Tout. Leur goût n'a vraiment rien à voir. Les moeche ont une légère saveur de crustacés à la fois bien plus fine et plus prononcée que celle du crabe habituellement consommée. La chair est vraiment d'une finesse incomparable et le fait que ces crustacés ne soient disponibles en l'état seulement quelques semaines par an, en font depuis toujours un mets rare et recherché ; un peu comme les pibales de Gironde. 

Cuisiner les moeche. 
Si certains cuisiniers en quête d'innovation se sont essayés à de nouvelles recettes, il n'est dé véritable manière de les consommer que la traditionnelle friture. Ainsi est leur destin, tant physique que métaphysique : finir frits pour notre plus grand plaisir. L'usage est de les laisser mariner vivants toute une nuit dans une préparation d'œufs battus (tels quels ou assaisonnée différemment selon les goûts de chaque cuisinière), afin qu'ils en soient gavés, puis de les passer dans la farine et de les faire frire dans de l'huile bouillante. Même sans la phase marinade aux œufs le résultat est excellent. La chair est extrêmement tendre, le goût très fin. Pattes et pinces sont croquantes. Les moeche doivent être mangées bouillantes et bien salées. 

Il est primordial que les crabes soient vivants et en tout cas très frais car sans leur carapace ils pourrissent très vite. Il faut toujours les sentir avant de les acheter en ne se laissant pas tromper par leur parfum qui est très prononcé. Il faut les voir cavaler sur la table quand on les ramène à la maison, pendant qu'on enfarine leurs petits camarades ! Même tous blancs ils continuent de se mouvoir. On pourrait penser que leur sort est cruel. Mais ne vous inquiétez-pas, leur mort est très rapide une fois jetés dans la friteuse. Certaines cuisinières disent parfois qu'elles refusent d'en manger car elles les ont vu vivants quelques secondes plus tôt... Respectons leur refus, mais elles ne savent pas ce qu'elles perdent. Tant mieux pour les autres qui en ont ainsi davantage. Général une fois qu'on en a goûté on a vraiment envie d'y revenir ! Les enfants apprécient beaucoup en général cette légèreté et ce côté croquant. 

La Recette: 
Ingrédients : il faut, pour 400 grammes de moeche vivantes, un œuf entier bien frais plus un jaune, un verre de lait entier, de la farine, de la bonne huile de friture, sel, citron.
- Laver et bien égoutter les moeche. 
- Battre les œufs avec le sel et le lait. 
- Deux possibilités ensuite : soit inciser le dos des crabes pour en sortir l'eau puis les plonger dans la préparation puis les rouler dans la farine avant de les frire, ou les mettre vivants à tremper dans les œufs pour qu'ils les absorbent, les fariner puis les mettre à frire. 
- L'huile doit être bouillante. Y déposer les crabes. Les retourner à mi-cuisson et les servir aussitôt afin qu'ils soient bien croquants. Ils sont prêts quand la friture fait de gros bouillons. Ils doivent être suffisamment cuits mais ne doivent pas brunir (comme se doit d'être toute bonne friture) et servis très chauds. 
- Ajouter du sel à volonté, du citron et à table ! Il est des cuisinières qui les passent quelques minutes au four à basse température pour les rendre plus friables. 

Daniele Zennaro, le très créatif cuisinier du Vecio Fritolin qui connait parfaitement le territoire lagunaire, ses secrets et ses traditions, interprète la préparation des moeche en innovant. L'idée est d'amener le goût naturel du produit à sa quintessence qu'une friture mal préparée peut complètement détruire. Valoriser ce qui est naturellement bon et améliorer les faiblesses du produit. Ce qui fait la différence entre la bonne cuisine et la Grande cuisine. Si les moeche sont mises à frire vivantes comme le veut l'usage, il ne les trempe que très brièvement dans un mélange d’œufs et de lait. De cette manière, les moeche conservent une légèreté divine. Délicatement croquantes en surface et moelleux à l'intérieur.

Que boire avec ce plat ? 
Dans l'ordre, nos préférences à Tramezzinimag vont d'un traditionnel soave de qualité, bien frappé, à du champagne en passant par du prosecco :
  • Soave : J'aime beaucoup les produits des Vini Gini, particulièrement celui le Salvarenza Vecchie Vigne 2011 des grains de garganega pour le bonheur du palais récoltés à la main qui donnent un nectar à la couleur mordorée. Une alliance parfaite avec les moeche. Vin un peu cher mais qui mérite sa réputation d'excellence. 
  • Prosecco :  mon favori, celui de l'azienda Le Colture, Valdobbiadene Docg Prosecco superiore. Les spécialistes disent que ce n'est pas un prosecco pour touristes ! Inhabituel en effet par rapport à ces prosecco vendus en France, avec ses parfums très denses de pêche et d'abricot qui se transforment ensuite en fleur d'agrumes et de pétales de roses. En plus il a un bien joli nom : Rive di Santo Stefano brut Gerardo 
  •  Champagne : Ce sont des amis vénitiens qui m'ont fait découvrir ce champagne incroyable, 100% pinot noir, le vin rare de Marie-Noëlle Ledru, grande dame champenoise. Sa cuvée 2007 de Goulté blanc de noirs brut est un vin d'appellation Grand Cru AOC, produit en viticulture raisonnée. Un trésor. Il y a aussi le champagne Terre de Vertus, Blanc de Blancs du domaine Larmandier-Bernier, parmi les plus anciens domaines travaillant en agriculture biologique. Millésimé nature, c'est un vin raffiné, minéral très expressif issu des Vieilles Vignes de Cramant qui ont entre 5 et 80 ans. Une explosion de sensations. 
Les moeche, tous ceux qui en ont goûté en raffolent. A la saison, les gourmets se précipitent. Même les journalistes du Guardian et ceux du New York Times en sont fous. Heureusement pour les crabes, cette période de totale fragilité qui leur coûte de finir dans nos assiettes est courte.En attendant de les cuisiner vous-mêmes sur place, ci-dessous un choix parmi les restaurants de Venise qui servent des moeche. Partout ailleurs, il y aura forcément erreur puisque les crabes doivent être cuits vivants et consommés très rapidement. Si vous en voyez à la carte d'un restaurant de Paris, Bruxelles, Montréal ou New York, passez votre chemin ! 

Où manger des moeche ?
1 - Vecio Fritolin, Calle Regina, Rialto.
2 - Al Gatto nero à Burano, Viale Marcello.
3 - Alle Testiere, Calle del Mondonovo.
4 - Anice Stellato, Fondamenta della Sensa, Canaregio.
5 - Osteria da Rioba, Fondamenta della Misericordia.
6 - Muro Rialto, Campo Bella Vienna, Rialto.


Mais me direz-vous, si tout le monde veut goûter à ce produit miraculeux, n'y-a-t'il pas un risque que l'on décime cette espèce ? La vraie menace pour les moeche et les masanete, comme ailleurs pour les moules, les huîtres, les œufs de poisson sauvage ou les pibales bordelaises, c'est la pollution des eaux et des sols. Longtemps l'homme a pêché et chassé non pas en prédateur égoïste mais en consommateur éclairé, conscient de la nécessité de préserver tous les dons de la nature et il savait l'incongruité imbécile de vouloir s'en emparer à tout va pour faire du profit. On en revient toujours là... 

© Catherine Hédouin - Tous Droits Réservés.

Notes
1- L'ancienne carapace, devenue trop petite, que l'animal abandonne, s'appelle l'exuvie. On appelle plus particulièrement exuviation le rejet de l'ancienne carapace. Le terme ecdysis (repris du grec), utilisé en langue anglaise pour désigner la mue des arthropodes, est mieux traduit en français par exuviation, car il correspond strictement au moment du rejet de la cuticule, alors que l'on peut considérer que la mue (moult en anglais, molt en américain) englobe aussi des étapes préparatoires à l'exuviation (dites pré-exuviales) et des étapes qui lui font suite (dites post-exuviales). In-Wikipedia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Mue_des_arthropodes (18/03/2017)

2- Un arthropode est plus vulnérable durant toute la mue, non seulement pendant l'exuviation, où il n'a plus la possibilité de fuir et où les risques de blessure sont fréquents, mais aussi dans les étapes pré- et post-exuviales où la vieille cuticule se ramollit et où la nouvelle n'est pas encore suffisamment durcie. 

3-  Se renseigner auprès de la Cooperativa San Marco di Burano qui propose sur réservation des escursions de  Pescaturismo (tel. : 041 730076), avec un molecante.

08 mars 2017

Les vénitiens et le racisme ordinaire




Au risque de passer une fois encore pour un réactionnaire, (au sens négatif qu'emploient les bien-pensants - quand j'y vois une qualité et un état d'esprit progressiste), les récents évènements montés en épingle presque continuellement par les médias internationaux et la tension qui se fait jour dès qu'on évoque la empêtrés dans la règne violence et la pauvreté, en servant d'enjeux politiques et de matière aux journalistes pour faire vendre leurs feuilles de chou trop souvent indigestes et cela n'est bon pour personne.

Lieux communs, pensée unique et raccourcis.
Une fois encore, on nous impose une façon juste de penser, un mode de réflexion qui s'il ne nous convient pas et que nous refusons d'y souscrire, fait de nous des ennemis du bien commun, de gros méchants nantis égoïstes. A entendre les grands-prêtres de la bien-pensance, nous autres qui nous entêtons à vouloir penser par nous-même et qui savons bien, par instinct, par expérience ou par simple bon sens, ce qui est bien et ce qui ne l'est pas, ce qui a de l'importance ou ce qui n'en a pas. Plus que jamais, il nous est enjoint de hurler avec les loups ou de rester chez nous. Surtout ne pas déroger aux instructions subliminales que véhicule la presse et qui servent cette oligarchie qui s'offusque de nous entendre penser autrement que le préconise leur catéchisme.

C'est dit, c'est définitif et in contournable : les italiens (du Nord-Est particulièrement) et notamment les vénitiens puisque c'est d'eux dont il s'agit le plus souvent dans TraMeZziniMag, seraient de méchants racistes qui se cachent derrière leurs particularismes insulaires et voudraient bien faire croire qu'ils sont les plus gentils, les plus accueillants et les moins regardants des peuples d'Europe. Le mal est fait, quelques cris mal interprétés, des âmes trop sensibles qui prennent pour eux des mots ou des attitudes lancées sans aucun arrière-pensée et c'est l'anathème lancé contre tout un peuple. La tyrannie que le monde a connu dans un passé pas si lointain ne procédait pas autrement. Les meilleurs procès, les plus sanglants et les plus radicaux sont ceux qu'on contraint le peuple de faire après que quelques intellectuels jolis parleurs aient inoculé leur venin.

Mes amis, c'est quasiment gravé dans le marbre des nouvelles tables de la loi : les vénitiens sont de méchants racistes, rapaces à la petite semaine, méchantes personnes indifférente  aux malheurs du monde et des immigrants en particulier. Honte à eux !  Shame on them pour reprendre la langue officielle. Et comme du temps de Mussolini ou de Hitler, de Staline, de Mao ou de Fidel Castro. Suit en général une liste de reproches sanglants dressée par des journalistes, des philosophes, des sociologues et des adeptes de la politique de comptoir est soudain reprise par des membres de la population visée. Les premiers à crier au scandale sont des vénitiens. Heureusement, il s'agit d'une petite minorité mais celle-ci est écoutée sans aucun esprit critique et la maîtrise des réseaux sociaux permet à ces tristes sires de donner un écho universel à leurs cris d'orfraie.

Ils ne sont pas les premiers. On n'a plus le droit de traiter son meilleur pote de pédé ou de tata, cela pourrait amener un autre camarade de la cour de récréation à se pendre, parler des africains de couleur - il y en a qui sont blancs aussi - en employant le terme de nègre, dire bougnoul pour arabe, rital ou polac, etc. Tout cela est banni, politiquement incorrect et passible d'un attentat terroriste individualisé que pourrait concocter un pseudo-intello piquée à vif et sur-protéiné aux idées en vogue... 

La discrimination galopante.
Quelle pitié d'en arriver là. Certains, que leur médiocre talent retiendrait dans des postes largement subalternes, ont déjà tout compris et en s'emparant de ce concept fourre-tout "discrimination", se taillent reconnaissance et promotions...  Quelle hypocrisie.  Ne nous voilons pas la face : sous couvert de lutte contre la méchanceté gratuite - qu'on assimile automatiquement à de la discrimination, le business de l'éradication de l'inacceptable racisme est devenu florissant. Pour quelques purs esprits qui agissent vraiment par conviction, des milliers de faux-croisés ne se battent que pour eux. Pour se faire entendre et connaître. Ces gesticulateurs font mousser les choses. Ils se moquent bien de contribuer à faire surgir du racisme là où il n'existerait pas si on n'en parlait pas autant. 

Comme la médecine officielle sponsorisée par les laboratoires qui se contente de traiter les effets d'une maladie sans jamais se donner la peine ni les moyens d'en soigner les causes (question d'argent : faire disparaître le cancer rapportera toujours moins que les traitements et les outils employés pour tenter de le soigner)...  Il en est de même avec ce concept très in gamba (à la mode, fashionable) de discrimination. Mes quatre années d’activité dans le milieu associatif m'ont quotidiennement mis en contact avec ces professionnels de l'indignation. Bien peu étaient sincèrement convaincus de l’impérieuse nécessité de leur combat. Beaucoup trop tenaient boutique et lorgnaient médailles et honneurs. Cela ne mériterait qu'un haussement d'épaules si leur militantisme n'empoisonnait pas jusqu'aux plus hautes sphères de l’État, persiflant partout, insufflant une sorte de mystique frelatée qui sème le doute et fait le lit des communautarismes et de la délation. Au "si tu n'es pas avec nous tu es contre nous", mon esprit réplique spontanément "Dieu reconnaîtra les siens"!

I had a nightmare.
Je force à peine mes propos et en toute connaissance de cause. S'il s'agissait vraiment - et je sais que des gens sincères et au cœur pur s'emploient jour après jour à lutter contre les ravages du vrai racisme actif, organisé et structuré (ceux-là œuvrent sans but inavouable, sans dessein caché, mais juste pour le bien, par conviction, par humanité véritable, par amour du prochain), celles-là ne sont nullement en cause - d'éviter souffrance et douleur pour les victimes présumées, il n'y aurait rien à redire. Seulement, cette religion nouvelle qu'on essaie de nous imposer dans tout l'occident n'a d'humaniste que le nom. Un jour, leur discours se fera plus clair que relaieront les médias du monde entier, du genre :
" Faites ce que je dis mes amis mais surtout pas ce que je fais... Légiférons pour que soient lavées au savon les bouches de ceux qui oseront dire ces vilains mots méchants mais laissez-nous employer - au black (!) - des migrants clandestins sous-payés et mal logés. Pourfendez les mal-parleurs mais laissez les bien-pensants s'enrichir du commerce des armes et s'empiffrer des ressources naturelles des pays sous-développés, regardez, nos lois le permettent et vous, le peuple souverain, avez mis au pouvoir ceux qui les ont votées..." 
Passez-moi ce coup de gueule, mais cela devient parfois insupportable et tellement, tellement sot. Le racisme n'est pas une chose naturelle. Les enfants vont spontanément vers les autres, tous les autres, sans prévention ni hésitation. Leurs critères de choix : l'échange, la sympathie, la gentillesse, l'échange. cela dure tant qu'à la maison on ne les a pas prévenu contre cette spontanéité, tant qu'on ne leur montre pas une vérité tronquée. Tant qu'on ne leur fait pas peur.

Ce fut longtemps le rôle de l’Église de répandre un message d'amour et de main tendue vers l'autre, notre frère. Hélas l’Église est faite d'humains et les humains se laissent souvent gagner par la soif de domination, le besoin de pouvoir, l'appât du gain,  la jalousie et la haine. Et c'est aussi l’Église qui a classifié l'humanité en purs et en impurs, en Bénis de dieu et en Gentils... De politique il s'agissait alors, pas d'amour. Rien à voir avec le message d'amour et de fraternité des prophètes...

Ascari e schiavoni.
Il y a à Venise peut-être davantage de gens prompts à employer des termes ordinaires à leurs yeux mais violents pour d'autres. C'est le cas par exemple de deux termes bien innocents du langage courant (en dialecte) dont peu à peu le sens a changé. C'est surtout la manière dont on l'emploie, la consonance qui sera appliquée, toutes ces nuances de la linguistique, qui sont autant d'armes contondantes mais aussi d'instruments d'amour et de fraternité selon l'usage qu'on veut en faire. Ainsi les termes Ascari et Schiavoni. le premier, souvent utilisé encore aujourd'hui, en dialecte, devenue une véritable expression proverbiale, et le second quasiment disparu du langage courant d'aujourd'hui. La vidéo ci-dessous, réalisée dans le cadre d'une intéressante exposition qui était présentée en début d'année à Venise, Ascari e Schiavoni, Il Razzismo coloniale a Venezia (*), à l'occasion du 80e anniversaire des lois raciales de l'Anno XV du fascisme) (nous y reviendrons) tente de démontrer que ces termes, sous des airs totalement anodins, inoffensifs, ont pu avoir une connotation raciste et que celle-ci fut lourde de conséquences. Ce fut le cas après 1937 et les lois racistes du Fascisme (**). De quoi rassurez nos lecteurs. Il y a bien des limites dans l'usage qu'on peut faire de certains mots mais diaboliser une liste de vocables sur ce seul prétexte me parait totalement disproportionné et dangereux. Tout est toujours une question de mesure, de raison et donc tout est une question d'éducation.




Notes :
(*) Ascaro : dans son premier sens est un synonyme de soldat indigène des colonies italiennes d'Erytrée et de Somalie (vient de l'arabe askari : soldat). Devenu en langage populaire un être différent, puis bon à rien (se dit des parlementaires qui ne font rien pour le peuple, d'un paresseux, etc.). Schiavoni : les slaves ou esclavons qui furent longtemps mercenaires à la solde de la République de Venise.