Parmi les derniers services de presse, quelques livres à chaque
fois retiennent notre attention. Le temps manque hélas pour parler de
tous. en voici quatre parmi les derniers lus à Tramezzinimag.
N'hésitez-pas, chers lecteurs, votre avis sur les ouvrages présentés,
mais aussi à vous faire contributeurs en nous envoyant vos notes de
lecture, tellement d'ouvrages nous échappent.
Tartes aux pommes et fin du monde
Editions Pocket, 2015.
Une de ces couvertures qui nous viennent d'outre-Atlantique et qui
peuvent n'être qu'aguicheuses comme n'importe quel produit marketing
mais un texte étonnant pour ce premier roman d'un jeune homme de la
génération Mitterrand (Siaudeau est né en Charente en 1980). Un texte
agréable dès les premières lignes. Poétique et drôle. Un milieu banal,
une histoire d'amour, un garçon, une fille, une caissière face à une
boîte de maquereaux, un manutentionnaire parmi les palettes de
nourriture pour animaux et une propriétaire qui concocte des tartes aux
pommes, un revolver... Laissons Xavier Houssin nous en faire sa
description (parue dans le Monde des Livres) : "Étonnant premier
roman. Guillaume Siaudeau recueille l'écume des jours d'un titubant
jeune homme, mal à l'aise avec l'existence. Et l'on est sous le charme
de ce texte écrit en tendresse inquiète. Empli de poésie et de dérision". Et comme le rappelle l'éditeur : "Il
faudrait que les chiens puissent voler, avec des ailes en carton. Ou
qu'ils se réincarnent en revolver. Il faudrait que la caissière du
supermarché, pour laisser le temps aux amoureux de s'aimer, ne trouve
jamais le code-barres sur les boîtes de maquereaux. Il faudrait qu'au
fil suspendu des jours, les perles soient moins abimées. Bref, il
faudrait que la vie, toujours, ait le goût des tartes aux pommes. Auquel
cas, vraiment, ce ne serait pas la fin du monde". Aussi bon qu'une tarte aux pommes. A déguster sans attendre.
Venise, aller simple
Éditions du Seuil, 2016
Les auditeurs de France Culture s'en souviennent, créateur des Nuits
Magnétiques, poète et humaniste, Alain Veinstein distillait pour notre
plus grand plaisir une émission rare, Du jour au lendemain. Un soir
d'été 2014, le directeur de la station, Olivier Poivre d'arvor pour ne
pas le nommer, décide d'arrêter la programmation et supprime purement et
simplement l'émission... Quelques années auparavant, l'auteur avait
publié un roman, L'Intervieweur, chez Calmann-Lévy. Il s'y interrogeait
sur le métier, si difficile, de journaliste littéraire, présentateur
radiophonique pour une émission littéraire, spectateur de tous ces
écrivains. Un jour, à force d'entendre les discours bien préparés, il a
l'impression de ne plus rien comprendre, rien entendre... Mais le
personnage du roman n'était pas lui, pas seulement. Ou pas encore...
Après l'interruption, du jour au lendemain, de son aventure
radiophonique (la vraie pas celle de son héros), commencée dans les
années 70 si ma mémoire est bonne, Veinstein a senti le besoin de
revenir vers ce personnage inventé et, comme il explique lui-même : "[...]
Je disposais de la distance et de la disponibilité nécessaires à une
vue plus juste de ce qui avait été la passion de ma vie. En même temps,
ce personnage était voué à substituer d'autres passions (pourquoi pas un
grand amour ?) à celle dont le temps du deuil était venu. Comment
allait-il s’accommoder de cette infortune? Un aller simple pour Venise
suffirait-il à combler l'immense vide ouvert devant lui ?". Un très
beau texte, rempli de mélancolie mais qui offre au lecteur tout au long
des pages un tel plaisir qui prouve combien le déclin apparent, les
regrets, la perte de sens ne sont qu'apparents, Alain Veinstein a encore
en lui de belles pages, de jolis mots, de belles idées colorées d'un
enthousiasme et d'un grand talent que certains directeurs de radio aux
noms trop ronflants ne pourront jamais atteindre. Chacun sa place au
panthéon des arts. Veinstein n'a jamais été aussi prêt du sommet, n'en
déplaise aux pisse-vinaigres.
Une année avec les classiques
Traduction de Luc Hersant
Les Belles Lettres, 2015.
"Que d'autres se targuent des pages qu'ils ont écrites ; moi je suis fier de celles que j’ai lues." Fidèle
à ces vers de Jorge Luis Borges, Nuccio Ordine nous invite à éprouver
la même humble fierté en nous donnant à lire (et à relire) quelques-unes
des plus belles pages de la littérature. Après le succès international
de L’Utilité de l’inutile (best-seller traduit en dix-huit langues),
Ordine, éminent spécialiste de littérature italienne, poursuit son
combat en faveur des classiques, convaincu qu’un bref extrait (brillant
et sortant des sentiers battus) peut éveiller la curiosité des lecteurs
et les encourager à se plonger dans l’œuvre elle-même. Un autre
roboratif ouvrage qui fera les délices des lecteurs de Tramezzinimag.
Toutes les personnes à qui j'ai offert ce livre se sont régalées. car la
culture, la littérature, les classiques, le temps et la pérennité des
idées et de la pensée qu'ils ravivent font tellement de bien dans ce
monde grisâtre où la Princesse de Clèves est méprisée et le grec et le
latin chassés du bloc élémentaire et premier de la Connaissance
inhérente à la fabrique de l'honnête homme, seul moyen d'assurer demain
la démocratie et la paix entre les peuples. Mais ces propos paraîtront
déplacés aux suiveurs et aux collabos serviles qui n'ont rien compris,
une fois encore. Comme si Munich était oublié autant que Staline, Pol
Pot ou Mc Carthy... Lisez vite cette petite bibliothèque idéale,
offrez-là à tout ceux qui comptent pour vous et qu'ils l'offrent à leur
tour !
Donna Leon
Brunetti entre les lignes
Éditions Calmann-Lévy, 2016.
Ce n'est pas le meilleur roman de la dame du New Jersey mais suivre le
rutilant commissaire Brunetti dans les rues de Venise et dans ses
raisonnements demeure un vrai plaisir. Lecture facile pour les petits
matins paresseux ou les longues stations en chaise-longue, les voyages
en train ou les soirées solitaires, le Fou de Venise s'y retrouve
toujours. Se laisser porter au fil des pages brodées par Donna Leon,
dentelière habile, revient à suivre au hasard la caméra de Google
Streets. On y retrouve l'atmosphère, la lumière, les bruits quotidiens.
Il faut y vivre pour pouvoir transposer avec des mots cette ambiance
unique que l'écrivain dépeint avec beaucoup d'amour et de sensibilité,
elle y mêle depuis quelques années des considérations moins littéraires
mais ô combien vraies sur la (terrible) situation de la cité des doges,
cette fuite en avant de ses dirigeants, la corruption, la démission,
l'invasion des barbares. Au fil des livres, la signora Leon a su rendre
Brunetti, Paola son épouse, leurs enfants, la signorina Elettra, le
comte et la comtesse aussivrais et vivants que les gondoliers, les
boutiquiers, les vénitiens qu'on croise chaque jour sur les ponts, au
café, sur le vaporetto. Rien que pour ce prodige, lire ses romans est un
bonheur. Quand l'énigme part d'une bibliothèque où sont conservés de
magnifiques ouvrages de collections, des incunables et des Manuce,
somptueux ouvrages du XVIe siècle sortis des presses du typographe
vénitien et qui font rêver tous les amateurs de livres rares et
précieux. dans le livre, on en meurt.
1 commentaire :
Commencer par la fin : quand nous avons appris la mort d'Umberto Eco, nous étions en train de lire, à haute voix, comme d'habitude, L'Île du jour d'avant. Je crois que nous avons pleuré. À voir, plusieurs reportages sur Arte. Dona Leon : incontournable quand on n'est pas allé à Venise depuis quelques mois. Hersant : il est déjà sur notre liste d'achats prochains. Veinstein : tellement suivi sur France Culture, également dans une liste. Tartes aux pommes ? Un ovni ?
Lectures en cours : la septième fonction du langage, jouissif. Un déjanté : l'homme dé, Et puis Proust et encore Proust et toujours Proust....