30 janvier 2017

Jean Cocteau, Venise vue par un enfant

 "Rien ne saurait décrire mon arrivée à Venise.
J`avais le souvenir de bousculades grinchues dans des gares sonores,
de l`omnibus aux banquettes mouchetées qui traverse avec son fracas de vitres 
et son odeur suffocante une ville aux habitudes heureuses […]"
Jean Cocteau
.

J'ai découvert Jean Cocteau à quinze ans. Les premières pages qui me sautèrent au cœur furent celles de son roman Le Grand écart, d'Opium, a Difficulté d'être qui me fascina et Le Passé défini. C'est dans cet ouvrage que j'ai retrouvé des notes qui ont amené à ce texte publié aujourd'hui. J'ai beaucoup hésité. Qui suis-je après tout pour donner mon avis sur l’œuvre d'un de nos plus grands écrivains modernes ? Tant de textes approximatifs, remplis de contre-vérités et d'erreurs grossières sont propagées sur la Toile... Mais Venise a eu à faire à lui ou bien est-ce le contraire. Comme rien de ce qui touche à Venise ne saurait échapper à TraMeZziniMag, laissez-moi livrer à votre indulgence le premier volet de mes réflexions sur jean Cocteau, son œuvre et Venise.

Les avis sont partagés et plus aucun témoin ne demeure qui pourrait confirmer ce que Jean Cocteau prétendait sur son premier voyage effectué peu après le suicide de son père tant aimé. Aucune preuve non plus, tout semble irrémédiablement perdu. Il ne reste aux exégètes qu'à ausculter les écrits du poète, rassembler les textes qui parlent de ses séjours en Italie et les recouper. Les confronter. Mais que de contradictions évidentes, d'enchevêtrements... Jean Cocteau tout au long de son existence a pris soin à bâtir sa légende. Le mythe est né de sa plume et de ses mots.
"Je me demande comment les gens peuvent écrire la vie des poètes, puisque les poètes eux-mêmes ne pourraient écrire leur propre vie. Il y a trop de mystères, trop de vrais mensonges, trop d'enchevêtrement. [...] Les dates se chevauchent, les années s'embrouillent. La neige fond, les pieds volent. Il ne reste pas d'empreintes." (Jean Cocteau, Opium).
L'écrivain Philippe de Miomandre publia dans les années 80 une biographie (1) du poète qu'il fait parler à la première personne dans un dialogue avec un certain Angelo, double de Cocteau. Venise y est évoquée et c'est par ces pages que j'ai découvert une raison supplémentaire d'aimer l'auteur des Enfants terribles et de La Difficulté d'être, deux ouvrages, bien différents, qui ont marqué mon adolescence : cette nouvelle publiée en 1913 dans la Revue hebdomadaire, Venise vue par un enfant (2) qui m'attendait sur les rayonnages de la bibliothèque familiale et sur laquelle je tombais par hasard.

Cocteau transcrit ce qui serait le souvenir et les états d'âme de l'enfant de quatorze ans qui découvre la Sérénissime, que la pratique de Musset et de Byron rendait familière et attirante, alors qu'il est désormais un jeune auteur célèbre et un poète reconnu. La rencontre avec Venise, qu'elle ait eu lieu une première fois en 1903 ou seulement en 1908 aura sur l’œuvre de Cocteau une influence importante, dont on retrouve la marque dans presque tout ce qu'il a écrit, toute entière contenue dans ce petit texte publié en 1913.

Le biographe règle une fois pour toutes les différentes présuppositions sur la véracité de ce premier voyage avec sa mère. Cocteau a de longue date cherché à aménager la vérité de ses jours, non pas tant pour l'embellir et s'en glorifier, mais parce que sa vie elle-même se devait d'être poésie. et puis qu'importe au lecteur après tout s'il prend plaisir à lire ces lignes....
 
Jean Cocteau en 1908

Vrai ou pas, ce premier voyage en Italie effectué quelques mois - le temps du deuil - après la mort du père, existe désormais. Qu'il soit le produit de l'imagination d'un tout jeune écrivain de 19 ans ou la mémoire d'un enfant sensible emmené par sa mère loin du terrible souvenir de ce père mort sans raison connue, ce texte fait partie de l’œuvre de Cocteau. Il résume la formation intellectuelle du jeune grand bourgeois, la tentation de se ranger dans la lignée des Chateaubriand, Stendhal, Balzac, Gautier . Et puis, c'est un bien joli texte. Voilà ce que Philippe de Miomandre fait dire à Cocteau :
"La Venise de mes quinze ans se noie sous les impressions successives de mes voyages ultérieurs et que dissimule tout à fait l'impression plus vivace que je conserve aujourd'hui de mon voyage de septembre 1950, lorsque le prix international de la critique du festival de Venise fur décerné à Orphée et où je retrouvais, avec quel sentiment d'épousailles, cette Venise dont j'écrivais à vingt ans dans Venise vue par un enfant :"
S'en suit une citation du dernier paragraphe de ce texte de jeunesse :
"Angoisse de la solitude peuplée, mélancolie de ne se jamais sentir natif des lieux que l'on préfère, révolte de n'être pas multiple et de vivre captif dans notre étroite mesure d'espace, lassitude de franchir les phases normales d'une tendresse dont nous désirons l'immédiate réciprocité, c'est alors, je crois bien, que je reçus dans mes veines la première goutte de votre philtre amer, car je demeurais là, inerte, penché sur ce fleuve immobile chargé de lampions, de soupirs et de romances, et pleurant de n'être pas le soliste avantageux, l'auteur de la musique et tous les couples de toutes les gondoles."

Beaucoup a été écrit sur les séjours vénitiens de Cocteau. A commencer par lui-même. L'entreprise d'automythographie (3) que Cocteau débuta très tôt a hélas induit en erreur bien du monde. Ainsi les allégations du génial imposteur ont souvent été reprises sans aucun approfondissement par de nombreux médias, jusque dans des travaux universitaires. Personne n'est à mettre en cause. cela montre seulement combien Cocteau - mais tout le monde sait qu'il ne fut pas le seul : Sartre, Malraux pour ne citer que ceux-là ont agi de même mêlant dans leur œuvre le vrai, le faux et le possible - a été un véritable magicien des mots et des idées et qu'il a su entraîner avec lui le public reconnaissant. Il n'est pas donné à tout le monde de nous faire passer de l'autre côté du miroir. Parler de cette automythographie n'enlève rien à l'admiration que nous pouvons porter à l'auteur. Bien au contraire. D'autant que cela nous offre plusieurs sujets liés à Venise sur lesquels nous nous pencherons dans les semaines à venir.

Notes : 

1-  Philippe de Miomandre, Moi, Jean Cocteau. Ed. Jean-Cyrille Godefroy, 1985) 
2- Revue Hebdomadaire, vol. 18, livraison du 3 maI 1913.
Le texte a été repris dans les Œuvres complètes parues dans la collection la Pléiade. 
On le trouve aussi dans Venise, Histoire, promenades, anthologie & dictionnaire paru chez Laffont en 2016, dans la collection Bouquins (pages 873-879).
3-  Jean Touzot, Cocteau et son automythographie. In-la Revue des Lettres Modernes, 1998.

29 janvier 2017

Le Ricettario de TraMeZziniMag est de nouveau disponible

Il aura fallu de longues heures pour rechercher les billets du blog originel portant le libellé "Gourmandises" dans les archives du net et les remettre en lien dans la liste mise à mal comme le reste du premier Tramezzinimag par la décision toujours inexpliquée de Google de supprimer le blog après douze années de parutions et une notoriété évidente. Pour ceux qui ne seraient pas au courant, Google a suspendu le compte éditeur de TraMeZzinimag fin juillet 2016 sans donner aucune explication. 

Six mois après, je n'ai toujours pas eu de réponse à mes demandes et j'en suis réduit à des conjonctures : piratage de mon compte, erreur, malveillance. Google reste taisant. Tout a été passé en revue. Aucun incident qui aurait pu mettre le blog en infraction des règles de Google, mis à part l'intervention d'une jeune prétentieuse qui s'est cru plagiée et n'a accepté aucune espèce de conciliation ni explication - les temps modernes ! - L'affaire avait été rapidement réglée en son temps avec diplomatie et efficacité de la part de Google, et n'a jamais mis en cause l'intégrité du blog et de son auteur. Rien dans l'usage qui était fait de mon compte Google ne pouvait donner lieu au moindre doute ni aucun incident qui aurait pu amener à une quelconque infraction de mes obligations contractuelles. Et puis, si cela avait été le cas, il est évident que j'aurai régularisé très vite la situation et n'aurai jamais pris le risque  de voir douze années de travail effacées à tout jamais... 

Mais cet incident appartient au passé. il m'a permis de reprendre d’anciennes lectures. Celle de mon maître Jacques Ellul quand il anticipait les désagréments, les risques et le danger de la Technique quant elle se substitue trop facilement à l'homme et ne remplit plus sa mission qui est d'aider et d'accompagner l'humain en facilitant sa tâche... 

Cela m'a permis aussi de reprendre, via les archives du net, celles de lecteurs précautionneux et les quelques sauvegardes que j'avais pu faire en dehors du compte Google (car tous mes œufs étaient dans le panier Google, archivages, images, brouillons, sources, bibliographies,  contacts, etc.), tout le travail réalisé sur Venise. Bref, tout ce travail méticuleux, s'il m'empêche de produire autant que je le souhaiterai de nouveaux billets, a permis un travail de restauration et d'élagage, mais aussi de réflexion sur l'utilité ou disons plutôt le rôle de ce blog, vieille chose désormais - après avoir été précurseur - dans ce monde médiatique d'aujourd'hui où tout va très vite, se démode et s'oublie... 

A commencer par le Ricetario. En reconstituant ainsi l'ensemble des recettes publiées entre 2005 et aujourd'hui et les textes d'où elles sont issues que beaucoup de lecteurs se lamentaient de ne plus pouvoir consulter, j'ai eu de nouvelles idées de publications et je ne manquerai pas de revenir vers vous quand le projet sera plus avancé et la maison d'édition mieux "calée"...

Pour consulter l'ensemble des recettes, il suffit de vous rendre sur la colonne de gauche du blog, à la rubrique Les Recettes Gourmandes de TraMeZziniMag et de cliquer sur celle qui vous intéresse.

20 janvier 2017

Traghetti da parada, de nouveaux horaires pour ce qu'il en reste

© Gian Luigi Vianello - Tous Droits Réservés
Il y a quelques jours, La Giunta comunale (le conseil municipal) de Venise s'est prononcée en faveur des nouveaux horaires de fonctionnement des traghetti, ces gondoles (barchette en dialecte) qui assurent depuis toujours la liaison entre les deux rives du Grand Canal, que nous appelions autrefois le Canalazzo et qui coupe la ville en deux. 

Pour ceux qui ne le savent pas, pendant des siècles il n'y eut aucun pont sur cette somptueuse voie d'eau jusqu'à la construction du pont du Rialto.  Puis trois siècles plus tard on édifia le pont de l'Accademia puis celui des Scalzi, en face de la gare et récemment le très critiqué pont dessiné par l'architecte Calatrava. Le seul moyen de se rendre de l'autre côté sans faire de grands détours était donc ces gondoles da Parada qui font inlassablement la navette entre les deux rives. 
© Photographie Catherine Hédouin - Tous Droits Réservés
Les prédécesseurs  de Luigi Brugnaro, le premier magistrat de la ville, ont tous contribué à l'organisation de ces navettes. Il y en avait tout le ong du Grand canal de la pointe de la douane jusqu'à Santa Lucia, L'édition pour 1698 du guide de Venise de Coronelli en décompte presqu'une trentaine. Il ne faut pas oublier que la ville était très peuplée et qu'il y régnait l'animation d'une capitale.  

Aujourd'hui, trois traghetti subsistent, à San Toma vers Sant'Angelo, à Santa Sofia pour la Pescaria et le Rialto et à Santa Maria del Giglio pour rejoindre la Salute. Il y a encore quelques années, on pouvait aussi traverser le Grand Canal à San Marcuola pour rejoindre le Fondaco dei Turchi (Musée d'Histoire naturelle), mais aussi à San Barnaba pour rejoindre San Samuele, Calle Vallaresso pour aller à la Pointe de la douane.  


Lorsque j'étais étudiant, dans les années 80, il y avait aussi le traghetto de Santa Lucia pour se rendre à la gare depuis la Fondamenta San Simeone. Le traghetto de la Riva del Vin à la Riva del Carbon a repris en novembre dernier. Il semblerait qu'on se rende compte en haut-lieu qu ece moyen de transport traditionnel (chaque barchetta peut transporter jusqu'à 14 personnes, permet d'alléger les files d'attente aux arrêts des vaporetti, facilite le déplacement des citadins et permet aux touristes de se déplace d'une manière pittoresque pour seulement deux euros (70 centimes pour les résidents). Ce service fait travailler plus de 400 gondoliers et 160 ouvriers et artisans. 

Encourager le maintien de ce mode de transport local relève d'un choix politique à long terme qui allie la tradition et l'histoire aux nécessités de la vie moderne. La Sérénissime a toujours pensé d'une manière innovante. Ce qui passait pour anachronique dans l'esprit des édiles modernistes et adeptes de la modernité à outrance s'avère, là encore, un outil fonctionnel et efficace, même au XXIe siècle ! Le nombre de plus en plus grand de visiteurs, les difficultés pour les résidents à se mouvoir dans une ville envahie désormais toute l'année par des millions de visiteurs, sont autant de justificatifs au maintien voire au redéploiement des gondole da parada.
A compter de lundi prochain, 23 janvier 2017, les nouveaux horaires seront les suivants : 

San Tomà et Santa Sofia :
Horaires d'hiver (du 1er octobre au 31 mars), de 7h.30 à 18h.30.
Horaires d'été (du 1er avril au 30 septembre), de 7h.30 à 19 heures. 
Santa Maria del Giglio : 
Horaires d'hiver (du 1er octobre au 31 mars), de 9 heures à 17 heures. 
Horaires d'été (du 1er avril au 30 septembre), de 9 heures à 18 heures.

Le traghetto sera suspendu le jour de Noël et le 26 décembre, ele jour de l'An, le 15 août (Ferragosto),  Le service fonctionnera seulement jusqu'à 13 heures les veilles des fêtes. 
Sans vouloir être critique, les horaires récents (du temps où la traversée coûtait 50 centimes et les lignes étaient encore au nombre de sept) étaient largement plus étendus : certains traghetti commençaient déjà à 7h30 mais s'arrêtaient à 20 heures (San Tomà, Santa Sofia notamment). Certes, il y avait davantage de gondoliers et d'embarcations en état. Davantage de résidents usagers aussi... Le financement du traghetto (salaire des gondoliers, entretien des embarcations et des pontons)  provient des recettes quotidiennes mais aussi de subventions municipales.  La tentation a parfois été grande de réduire voire de supprimer cet apport.

L'association El Felze que soutient activement Tramezzinimag se bat pour que ce moyen de transport ne soit pas considéré comme un élément folklorique qui participe à l'animation du Veniceland, parc d'attraction et musée à ciel ouvert, mais comme un moyen de transport plus efficace et plus économique que les transports en commun motorisés, un moyen de lutter contre le moto ondoso (la lenteur du déplacement de ces barques obligent les bateaux à moteur à ralentir - ce n'est pas rien sur le Grand Canal !), un gisement d'emplois permanent, un lien avec la tradition et le savoir-faire artisanal de la Sérénissime et une démonstration audacieuse que les us et coutumes qui nous viennent du temps de la République s'avèrent toujours mieux adaptés que tout ce qui a été imposé depuis des décennies et ne convient pas à l'infrastructure si particulière de la cité des doges. Oser faire ce qui s'avère un véritable choix culturel, montre une fois encore que Venise peut être un modèle et une référence pour le reste du monde. Idée que nous ne cessons de défendre dans Tramezzinimag
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10 janvier 2017

Le Grand Canal à l'aube par David Howell


David Howell, peintre de la  Royal Society of Marine artists (RSMA)

Le trésor du Cardinal Bessarion

Il y a 614 ans naissait à Trébizonde, sur les bords de la mer noire, celui qui allait devenir le célèbre cardinal Bessarion, théologien, philosophe et scientifique de haut vol qui s'attacha toute sa vie durant à défendre les sciences et la culture, préserva de l'oubli des centaines d’œuvres littéraires et philosophiques antiques qui sans lui auraient été irrémédiablement perdues et tenta de réunifier l'Eglise d'Orient et Rome. Après une vie bien remplie où foi et diplomatie, recherches et réflexions guidèrent ses actions au service de l'intelligence, le cardinal, qui fut un temps pressenti pour devenir pape, légua à Venise sa riche bibliothèque qui donnera  naissance à la Marciana, l'un des fonds les plus riches de manuscrits directement copiés d'originaux antiques. Il lui légua aussi un état d'esprit qu'il serait bon de retrouver.
« Ce 2 janvier, jour de naissance du cardinal, nous avions choisi de nous rendre dans l'antique chancellerie de la Scuola devenue le Musée de l'Accademia, salle dite dell'Albergo (ou dans le langage pratico-fonctionnel, dont notre époque raffole : salle XXIV). C'est là qu'il est possible d'admirer un des plus beaux objets de l'art chrétien jamais réalisés, une staurothèque byzantine de toute beauté, restaurée il y a peu et qui n'a plus de secret pour les archéologues.»


Ce sont les premiers mots d'une lettre (une vraie avec timbre et papier, cela existe encore je vous l'assure), reçue il y a un an d'un ami historien, sorte de journal que nous échangeons depuis de nombreuses années. Douze mois plus tard, et un communiqué de presse retrouvé et enfin lu, ces lignes m'ont donné l'idée d'écrire ce billet sur un homme fascinant et sa flamboyante époque, déterminante pour le monde.

Pour se représenter l'homme que nous allons évoquer, imaginer le décor de sa vie, les modes et manières de son temps, l'iconographie est riche. Par la magie d'une évocation d'Alvise Zorzi, j'ai toujours eu la sensation d'entendre respirer (et penser) Basile Bessarion dans le magnifique tableau de Carpaccio, longtemps présenté comme Saint Jérôme dans son cabinet de travail (1). Cela pourrait être notre cardinal, par un beau matin, à Rome, écrivant à son maître le philosophe Piéthion, débattant avec lui à distance sur Platon et Aristote que les deux opposèrent dans plusieurs écrits qui influencèrent longtemps la pensée byzantine. Mais, on peut le retrouver aussi dans plusieurs portraits, notamment  ceux des fresques - qui subsistent encore de nos jours - de l'église des Saints Apôtres à Rome ainsi que dans l'atrium de la maison de campagne du cardinal, sur la Via Appia il me semble...


 
Le décor et les costumes
Pour compléter décor et costumes, les tableaux de Gentile Bellini aussi sont de merveilleux témoins, tel le Miracle de la Croix où un clerc brandit en majesté le fameux reliquaire qu'il est parvenu à récupérer dans le rio San Lorenzo, devant la foule parmi laquelle Gentile a représenté des illustres de ce temps, notamment Caterina Cornaro, la reine de Chypre,  le peintre lui-même et son frère Giovanni...

L'époque peut paraître arriérée et de fait, le Moyen-âge vit ses dernières années mais Venise et l'Italie sont depuis quelques décades dans la lumière. La stabilité politique de la République de Venise conforte les idées et les mœurs modernes. Les relations commerciales créent depuis longtemps un flux et reflux qui permettent la propagation de modes et d'usages qui se répandent bientôt sur la majeure partie du continent. Les années sombres de la barbarie et de la violence générale sont loin. Le raffinement, la culture, les idées nouvelles, le développement des arts et des techniques ne sont pas encore moyens d'asservissement de l'homme mais outils de libération et de pacification. Pourtant ce monde bouillonne, les idées modernes sont confortées par la diffusion des pensées antiques, la menace des ambitions du Turc renforce l'union des esprits et des âmes derrière l'étendard de la Foi véritable.

C'est ce qui peut aider à comprendre l'extrême  dévotion des vénitiens pour les symboles de cette foi chrétienne qui régit la vie des hommes et lui donne un sens. la Croix du Christ en est un parfait exemple. Cette vénération dont a toujours fait l'objet les reliquaires venus de Jérusalem, les morceaux de la vraie croix, des lambeaux de la tunique du Seigneur, n'est en rien feinte. Particulièrement à Venise, haut-lieu où se mêlent la foi grecque, un décor byzantin et la foi catholique romaine...  



Le reliquaire légué par le cardinal à la communauté dont il fut le protecteur, indique combien celui-ci se sentait proche de la Sérénissime, lien naturel entre l'Orient et l'Occident où le religieux ne pouvait que se reconnaître, lui pur produit de ce mélange de cultures et de civilisations. Venise, maîtresse encore des mers et du destin des peuples de la Méditerranée, du moins dans les esprits demeure, après la chute de Constantinople, témoin et rempart de la tradition byzantine et donc de sa foi et de sa culture. 


Comme Byzance, Venise brillait à ses yeux non pas seulement par son rôle déterminant dans la défense de la chrétienté face aux sarrasins vus comme des sectateurs de Mahomet, mais peut-être surtout dans la volonté de la République de défendre (et d'utiliser) les Arts et les savoirs transmis par le monde antique et dont l'empire romain d'Orient et Byzance furent les gardiens pour mieux défendre la civilisation chrétienne. La chute de la capitale impériale, son abandon par les puissances oublieuses de leurs engagements à défendre la foi véritable face à un Islam honni ne pouvait pas laisser indifférent l'humaniste et le savant cardinal.

Mais avant cela, fait higoumène (2) du monastère Saint Basile de Constantinople, puis Métropolite de Nicée, il arrive à Venise en 1438 avec l'empereur Jean VIII Paléologue pour se rendre à Ferrare où doit avoir lieu un concile, ultime tentative de réconciliation des grecs et des latins, pour réunir les deux Églises, seul moyen qui permettrait de combattre efficacement les turcs arrivés aux portes de Constantinople. 
 

Le concile déplacé finalement à Florence car une épidémie de peste venait de se déclarer à Ferrare, c'est du haut de la chaire de Santa Maria del Fiore, que  Bessarion lit, le 6 juillet 1439, la version grecque du décret d'union des Églises, tandis que la version latinen est lue par le cardinal Giuliano Cesarini (3) qui mourra quelques années plus tard dans la croisade contre les turcs, du côté de Varna. 

Invité à rester à Rome et fait cardinal par le pape vénitien Eugène IV (4), il préfère repartir pour Constantinople afin de faire accepter la réunification que les orthodoxes réfutent. L'échec de ses tentatives pour l'unification va l'oblige à revenir en Italie. Il s'installe à Rome où sa maison devint le rendez-vous de tous les intellectuels humanistes. Il acquiert rapidement une grande influence politique et théologique auprès des papes. À la mort de Nicolas V puis de Paul II, un grand nombre de voix se prononcèrent pour qu'il reçoive la tiare pontificale. On peut rêver à ce que son pontificat aurait pu représenter dans la lutte contre les turcs, la défense de la pensée antique, la protection des lettrés et le déploiement de la culture grecque, hâtant la fin du Moyen-Age et parvenant à réunir catholiques et orthodoxes...

Protecteur des Basiliens, l'ordre qui précéda les Bénédictins et dans lequel il grandit (et qui existe encore chez les melkites d'Arménie et d'Alep), il devient ensuite celui de l'Ordre des Frères mineurs, plus communément appelés Franciscains, avant d'être nommé Légat à Bologne où il restaura l'antique université. La chute de Constantinople fait de lui un émissaire de la lutte contre les turcs. Chargé d'organiser la mobilisation contre les infidèles, il est successivement à Naples et à Mantoue en 1455, à Nuremberg et à Vienne en 1460,de nouveau à Venise en 1463, puis en France en 1472, son ultime mission diplomatique. Après de nombreuses nominations comme évêque, Pie II lui confère en 1463 le titre de patriarche latin de Constantinople (1463).
 
La staurothèque
Mais de quoi s'agit-il ? Parmi les milliers d'objets rares et précieux qui peuvent être admirés partout à Venise, pourquoi consacrer un billet à un reliquaire byzantin ? S'il fallait donner à nos lecteurs une seule raison, ce serait la suivante : Le cardinal Bessarion contribua à la sauvegarde la culture antique et à la préservation de manuscrits fondamentaux pour la civilisation. Ayant vécu à une période charnière pour celle-ci, cet homme ayant vécu entre Orient et Occident, esprit ouvert, humaniste en même temps qu'homme de foi, totalement imprégné de transcendance, L'éminent personnage est un modèle d'intelligence, de culture  et de passion, un de ces témoins qui font avancer l'humanité, symbole de cet esprit de la Renaissance que l'Italie a porté. Tour à tour prêcheur, conseiller, diplomate, sa personnalité, son éloquence et sa grande culture le fit très vite remarquer dans l'entourage du pape. Il fut cardinal, évêque des Saints Apôtres de Rome - où il est inhumé - occupant ainsi l'un des postes les plus importants de la Curie romaine, la voie directe pour le trône de Pierre.

Imaginer un jeune homme à peine pubère, venu d'une province éloignée de l'empire,  issu d'une famille de peu, introduit dans l'univers de la capitale impériale, engloutissant avec gourmandise tout ce que lui apporte l'enseignement qu'il reçoit, digne d'une prince où théologie, philosophie, histoire, science et médecine sont abordés. Il grandit et sa culture augmente chaque jour, passionné, intelligent, vif, charismatique, excellent orateur, le jeune moine est vite remarqué et deviendra l'un des piliers de l’Église byzantine puis de l’Église romaine. Quel destin !

Adolescent, il suivra à Mistra, l'enseignement du grand philosophe néo-platonicien, Giorgios Gemistos, plus connu sous le nom de Piéthion, ami et protégé de l'empereur Manuel II Paléologue, qui le fit engager dans la suite impériale pour le concile de Ferrare-Florence. Le maître, qui s'appliqua sa vie durant à développer le concept d'une filiation directe entre les byzantins et les grecs de l'Antiquité, lui donna le goût de la philosophie et la curiosité intellectuelle qui font de lui un des premiers grands humanistes de la Renaissance. C'est en 1472, l'année de sa mort, que le cardinal offrit à la Scuola Grande Santa Maria della Carità, le fameux reliquaire qu'on peut admirer dans la fameuse salle XXIV.

Fatigué mais toujours ardent, le cardinal est envoyé en France par le pape Sixte IV. Le 29 août 1463, Marco da Costa, le Guardian Grando de la Scuola et la plupart des membres de la confraternité se retrouvèrent dans la grande salle du monastère bénédictin  de San Giorgio Maggiore où, après une messe, pour nommer le cardinal, Confratello d'Onore à la place du cardinal Prospero Colonna, humaniste et archéologue, grand bibliophile aussi, décédé en mars de cette même année et dont la dépouille repose dans l'église des Saints apôtres de Rome où le rejoindra quelques années plus tard le cardinal Bessarion.

Pour marquer sa reconnaissance, Bessarion fit don à la Scuola du précieux reliquaire qui en deviendrait la détentrice à sa mort. Les actes de cette cérémonie, aujourd'hui conservés dans les archives de la République, contiennent la première description détaillée du reliquaire et son histoire. La staurothèque fut la propriété de la princesse Helena Dragas épouse de Manuel II après avoir appartenu à Irène Paléologue, nièce de l'empereur Michel IX et épouse de l'empereur déposé Mathieu Cantacuzène, puis revint  à leur fils, l'empereur Jean VIII qui à son tour en fit cadeau à son confesseur, Grégoire III Mammas, qui deviendra patriarche de Constantinople. Déposé en 1450 par les opposants à l'union avec l’Église romaine, ce dernier se réfugia à Rome amenant avec lui le reliquaire qu'il remit à Bessarion queqlues jours avant sa mort,en 1459, à charge pour ce dernier de le conserver à son tour jusqu'à sa mort. 


C'est parce qu'il sentait que sa fin était proche que, neuf ans après cette cérémonie, et  à la veille de cette mission en France qu'il pressentait devoir être la dernière, le cardinal - il avait presque soixante-dix ans - fit transporter le précieux reliquaire à Venise par trois émissaires. Ainsi, le 24 mai 1472, le fragment de la vraie croix arriva de Bologne à Venise. Tout d'abord exposé dans la chapelle du doge, à San Marco, le reliquaire fut solennellement transporté en procession conduite par le doge lui-même et les corps constitués, jusqu'à l'église Santa Maria della Carità où il fut consigné aux membres de la confraternité qui l'installèrent dans la salle de l'Albergo. A la demande du cardinal, le reliquaire avait été auparavant enrichi d'argent ciselé. Magnifique exemple de l'orfèvrerie de la Renaissance, ce travail est vraisemblablement dû à des artisans de Bologne. 

Pour protéger la donation du cardinal, la confraternité commanda à Gentile Bellini un panneau représentant l'objet, destiné à servir de porte au tabernacle réalisé pour le protéger quand il n'est pas exposé au public comme c'était alors l'usage. Ce panneau, aujourd'hui conservé à la National Gallery de Londres, montre le cardinal agenouillé en compagnie de deux membres de la confraternité au pied de la staurothèque représentée au premier plan telle qu'on peut la voir  encore aujourd'hui mais plus grande que dans la réalité.

Le cardinal légua à la République de Venise plus de trois cents ouvrages provenant de Constantinople, ouvrages rares qui constituèrent le fonds de la bibliothèque Marciana où on peut encore les admirer. Le reliquaire et la bibliothèque du cardinal constituent un trésor lié à l'antiquité grecque, à la foi orthodoxe, à la tradition philosophique humaniste. un trésor venu renforcer l'imprégnation de la Renaissance dans la civilisation vénitienne et scellant le lien naturel et historique entre le défunt empire chrétien d'Orient et la Sérénissime, son successeur naturel. Lecteurs qui passez par Rome, ne manquez pas d'aller vous recueillir devant le tombeau du cardinal dans l'église des saints Apôtres, ni d'admirer, non loin de là, le palais où il vécut et de vous rendre sur la Via Appia, dans la charmante Casina Bessarion, qui a conservé l'aspect que cette demeure champêtre devait avoir du temps de son propriétaire.


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Notes :

(1)  La Vision de saint Augustin, célèbre tableau de Carpaccio, n’est pas seulement la description d’un cabinet d’érudit à la Renaissance. Savante construction d’un espace perspectif, cette peinture repose sur l’acte d’écrire comme support essentiel de la valeur symbolique accordée aux objets qui, multiples et précis, assurent le lien entre les mondes terrestre et céleste, dont la Vision est le cœur. L’Augustin de Carpaccio pourtant ne voit pas : il songe, comme la sainte Ursule d’une autre peinture de l’artiste, avec laquelle celle-ci entretient de singulières relations. Le songe permet à Augustin, par le truchement de la musique, d’approcher le Divin dont l’expression majeure est cette lumière surnaturelle imprégnant tout le tableau. (https://rhr.revues.org/4183)

 (2)  Supérieur d'un monastère orthodoxe ou catholique oriental. Le terme équivaut à celui d'abbé ou d'abbesse dans l'Église latine.

(3)  https://fr.wikipedia.org/wiki/Giuliano_Cesarini_(1398-1444)

(4)  Il s'agit de Gabriele Constant Condulmer, issu de cette famille originaire de Pavie anoblie après la chute d'Acre qui a laissé une superbe villa sur le Brentà et donné trois cardinaux à l'Eglise de Rome.

Pour ceux qui veulent en savoir plus sur le cardinal : https://fr.wikipedia.org/wiki/Basilius_Bessarion

06 janvier 2017

Dans Venise la rouge, il y a toujours des choses qui bougent...

La nouvelle était tombée en mars 2015 et tous les défenseurs du patrimoine vénitien, les associations de protection de la ville soufflèrent : l'ex Teatro Italia, fleuron de l'art Liberty néo-gothique vénitien ne deviendrait jamais un énième supermarché. Du moins c'est ce qu'exprimaient les tenants de l'opération à la presse qui en fit ses gros titres. Tramezzinimag s'était réjoui alors de savoir ce local superbe, récemment encore utilisé par l'université de Venise comme salle de conférence et de cours magistraux, ancien théâtre et cinéma ayant fini sa carrière culturelle dans la catégorie à luce rossa (cinéma pornographique mais où fut diffusé aussi des films en première vision comme KingKong en 1976 et Batman en 1979). Protégé, le bâtiment construit dans les années 1910, ne pouvait être transformé, la façade, les fresques intérieures, l'organisation des salles, les ouvertures, tout devait demeurer comme l'avait conçu les architectes... Plus d'un an après le bâtiment a été restauré et rafraîchi. sa destination ? Un supermarché  !


Le 28 décembre dernier, tôt le matin - à huit heures exactement - devant l'ensemble du personnel et en présence de quelques riverains et de clients curieux, la cérémonie d'inauguration a été simple et discrète. Un ruban coupé, quelques mots et le supermarché le plus beau d'Italie venait officiellement d'ouvrir ses portes.



Quelle surprise, dès le hall, tout a été restauré, remis à neuf, la belle rampe de fer forgé, les plafonds et les parois à fresque, les moulures et les ouvertures de plus pur style Liberty comme l'aimait le début de XXe siècle.  Ce qu'on craignait à été soigneusement évité et il faut rendre hommage aux initiateurs du projet pour la qualité de l'aménagement et des restaurations. Le cahier des charges était clair : mettre en valeur et protéger la structure. C'est ce qui a été fait largement au-delà de toute attente.

C'est ainsi
qu'un joli mobilier en bois, de faible hauteur, offrant à la fois une praticité optimale pour les usagers et un positionnement qui permet de laisser libre à la vue - et permet d'admirer de partout - la structure historique et sa décoration parfaitement rénovée. 

Le respect très marqué pour les lieux par les commanditaires (une société immobilière de Piero Coin, proprtaire des murs et Despar) s'est ainsi concrétisé dans le choix de matériaux ayant un impact environnemental réduit : éclairage au LED installé directement sur le mobilier, pour ne pas endommager structure et fresques restaurées, récupération totale de la chaleur produite par les moteurs des comptoirs réfrigérés, du système de chauffage du bâtiment et de la production d'eau chaude des sanitaires, Système de traitement des vapeurs pour la suppression des odeurs et émissions de particules, portes sur les comptoirs et les vitrines pour réduire la consommation d'énergie et limiter la dispersion de la chaleur et d'humidité, dans le but de protéger les fameuses fresques et les gypseries du décor Liberty.

L'espace de vente proprement dit est de 580 m² où sont disponibles près de 8700 produits, presqu'exclusivement alimentaires. Le magasin dispose de 7 caisses dont 4 automatiques mais qui ont été conçues comme réversibles de façon à se transformer si besoin en caisses traditionnelles. 


Large plage horaire, de 8 heures à 21 heures, sept jours sur sept, et pour garantir la continuité du service tout en permettant au personnel de disposer de temps de repos suffisant, l'organigramme du supermarché est largement plus rempli qu'il ne l'est en général dans des magasins de taille identique : 41 personnes sont sur le site en permanence dont 35 pour qui il s'agit d'une premier emploi.


Tout a été pensé pour répondre aux exigences des vénitiens - le communiqué de presse précisant bien qu'on trouve au Despar Teatro Italia tout le nécessaire pour les courses au quotidien - autant qu'à celles des touristes, des gens qui viennent chaque jour travailler à Venise et des étudiants avec un grand choix de produits Take away. Un service de livraison à domicile va être mis en place. D'ores et déjà, il est possible de commander à l'avance des produits du rayon traiteur, pâtisserie et boulangerie. Si tout cela se déploie comme l'annoncent les dirigeants de SPAR, il n'y aura rien à redire et c'est bien.De plus, on ne peut qu'apprécier la teneur des propos du responsable de Despar Nordest, Marino Fineschi quand celui-ci souligne, je cite, combien l'entreprise est consciente que certains vénitiens auraient préféré une autre utilisation de l'ex-Teatro Italia : "Nous croyons cependant qu'en choisissant notre enseigne, les propriétaires du bâtiment s'est rapprochée d'un partenaire conscient du privilège de disposer un lieu aussi  exceptionnel - et des responsabilités qui en dérivent : nous prendrons soin du Teatro Italia !"


Une leçon pour l'ensemble des compagnies qui prennent à bras-le-corps tant de rénovations et réappropriation de lieux historiques publics ou privés.3 Montrer que la modernité peut aussi être au service des vénitiens et de leur ville et non pas à leur détriment. Quand, à Tramezzinimag, on vous dit que la particularité de Venise et ce depuis toujours, est et demeure l'innovation, l'exemple de cette restauration-mutation le prouve. Le problème n'étant pas dans la mise en place des bonnes idées et la volonté des rénovateurs en charge de projets commerciaux ou sociaux. L'imagination ni les idées ne manquent.

Ce qui pose problème - et question - c'est l'attentisme pathologique et la bêtise de beaucoup de responsables des organismes-clés de la ville et de sa région, leur goût pour le gain facile et leur complet désintérêt pour ce qui touche la sauvegarde de la vie à Venise. Tant que l'esprit de lucre, le manque de vision à long terme et la non-intégration en priorité dans les choix qui sont faits des besoins des habitants et que ne seront pas sanctuarisés sur l'ensemble du territoire de la commune et de la lagune le droit au logement, à la santé, à la disposition d'un cadre de vie normal pour les citadins, rien ne sera résolu et l'immigration des vénitiens vers la Terraferma continuera. Pas besoin d'être médecin pour savoir qu'une hémorragie non contenue finit par tuer le corps malade qui en souffre...