01 mars 2006

COUPS DE CŒUR (HORS SÉRIE 1) : La bulle de Tiepolo

En revenant de Venise la dernière fois, j'ai eu l'agréable surprise, en me promenant parmi les rayons de la librairie Mollat, de découvrir un joli petit livre exposé sur une table, éclairé par un rayon de soleil très joueur. Petit, peu épais, énième rejeton de l'illustre collection blanche de la Maison Gallimard, revêtu d'une jolie robe polychrome, représentant cette fresque de Tiepolo récemment restaurée et de nouveau très fraîche, qu'on peut admirer à la Ca'Rezzonico. Il s'agit du dernier roman de Philippe Delerm, "La bulle de Tiepolo". Joli cadeau pour un retour en douceur à la vie quotidienne.
 
Non pas que ma vie à Venise soit hors du quotidien. A part le fait d'être en chair et en os, et non plus seulement par la pensée, dans l'un des plus beaux lieux du monde, mes séjours dans la lagune sont certes autant de petits bonheurs retrouvés, mais j'y vis comme ailleurs. Le quotidien y prend seulement une autre couleur. Celle des reflets sur l'eau des canaux, des murs peints, des ciels si changeants et tellement beaux... Mais d'autres savent mieux que moi parler de tout cela.
 
De quoi s'agit-il donc dans ce petit livre inspiré ? Deux personnages que tout oppose – un critique d'art, la cinquantaine, qui vient de perdre sa femme et sa fille dans un accident, et une jeune romancière italienne qui connaît un succès inattendu avec un petit livre consacré à Venise – se disputent un tableau déniché dans une brocante parisienne : lui parce que le style évoque Vuillard, elle parce qu’il porte la signature de son grand-père.
Après cette rencontre inattendue, ils vont partir ensemble pour Venise, où le critique doit étudier une version peu connue d’un tableau de Tiepolo, "Le Nouveau Monde", conservé dans une villa palladienne.
 
Ce tableau énigmatique s’articule autour d’un personnage central qui désigne un point du ciel au moyen d’une baguette. Mais la version que renferme la villa diffère singulièrement des autres représentations : ici, la baguette se termine par une forme étrange, qui ressemble à une bulle de savon irisée. Altération de la peinture, ou volonté de l’artiste de donner un sens nouveau à son œuvre ? Peu importe : aux yeux du critique comme à ceux de la jeune femme, cette bulle, réelle ou fantasmatique, pourrait bien symboliser leur tentative commune de mettre à l’abri, comme dans une bulle d’éternité, les instants les plus précieux de la vie, ceux qu'il ssont en train de vivre, ensemble...
 
Lorsqu'on visite la Ca'Rezzonico, après les salles gigantesques au mobilier imposant, les damas de soie sur les murs, les plafonds peints et sculptés, c'est un plaisir que de se retrouver dans de longs corridors aux tons pastels, donnant sur de jolies petites pièces très intimes couvertes de stuc rose, vert ou bleu ciel. C'est là, dans un parfum d'huile de lin et de cire d'abeille, que sont installées les fresques de Tiepolo. Souvent la lumière, dansant sur les miettes de marbre poli qu'on appelle ici le terrazzo, donne à ces salles un délicieux air de maison de famille. J'ai ressenti la même atmosphère un après-midi d'été au petit Trianon à l'étage des enfants, un couloir peint à tempera éclairé par le soleil, les portes ouvertes sur de petites salles presque humbles mais très belles de proportion. Une noble simplicité. Ce que le XVIIIe siècle a su produire d'harmonie et de grâce est contenu dans ces minces espaces qu'un soleil joyeux éclaire dans le silence du jour, arrachés comme par faveur au luxe et à l'ostentation du reste du palais. C'était bien le meilleur écrin possible pour présenter cette série de peintures joyeuses et fantasques qui, à chaque fois que je leur rend visite, me donne l'impression d'être à une autre époque et rend l'illusion quasi parfaite : ces êtres vus de dos semblent vivants. Les polichinelles dans la pièce à côté vibrent et frémissent. On entend presque la musique de leurs instruments et le son de leurs voix. Enfant, je rêvais de demeurer là après que le musée soit fermé. J'étais convaincu que la nuit tout ce monde s'animait pour de bon et, descendant des parois, dînait, s'amusait, dansait jusqu'au petit matin. Parfois le lendemain, une coupe de champagne renversée sur le sol, un peigne d'écaille, des miettes intriguaient les gardiens et ils maudissaient à chaque fois les femmes de ménage trop pressées qui n'avaient pas bien nettoyé ces petites salles éloignées. Il est de ces mystères à Venise...

La bulle de Tiepolo

En revenant de Venise la dernière fois, j'ai eu l'agréable surprise, en me promenant parmi les rayons de la librairie Mollat, de découvrir un joli petit livre exposé sur une table, éclairé par un rayon de soleil très joueur. Petit, peu épais, énième rejeton de l'illustre collection blanche de la Maison Gallimard, revêtu d'une jolie robe polychrome, représentant cette fresque de Tiepolo récemment restaurée et de nouveau très fraîche, qu'on peut admirer à la Ca'Rezzonico. Il s'agit du dernier roman de Philippe Delerm, "La bulle de Tiepolo". Joli cadeau pour un retour en douceur à la vie quotidienne.

Non pas que ma vie à Venise soit hors du quotidien. A part le fait d'être en chair et en os, et non plus seulement par la pensée, dans l'un des plus beaux lieux du monde, mes séjours dans la lagune sont certes autant de petits bonheurs retrouvés, mais j'y vis comme ailleurs. Le quotidien y prend seulement une autre couleur. Celle des reflets sur l'eau des canaux, des murs peints, des ciels si changeants et tellement beaux... Mais d'autres savent mieux que moi parler de tout cela.

De quoi s'agit-il donc dans ce petit livre inspiré ? Deux personnages que tout oppose – un critique d'art, la cinquantaine, qui vient de perdre sa femme et sa fille dans un accident, et une jeune romancière italienne qui connaît un succès inattendu avec un petit livre consacré à Venise – se disputent un tableau déniché dans une brocante parisienne : lui parce que le style évoque Vuillard, elle parce qu’il porte la signature de son grand-père.
Après cette rencontre inattendue, ils vont partir ensemble pour Venise, où le critique doit étudier une version peu connue d’un tableau de Tiepolo, "Le Nouveau Monde", conservé dans une villa palladienne.

Ce tableau énigmatique s’articule autour d’un personnage central qui désigne un point du ciel au moyen d’une baguette. Mais la version que renferme la villa diffère singulièrement des autres représentations : ici, la baguette se termine par une forme étrange, qui ressemble à une bulle de savon irisée. Altération de la peinture, ou volonté de l’artiste de donner un sens nouveau à son œuvre ? Peu importe : aux yeux du critique comme à ceux de la jeune femme, cette bulle, réelle ou fantasmatique, pourrait bien symboliser leur tentative commune de mettre à l’abri, comme dans une bulle d’éternité, les instants les plus précieux de la vie, ceux qu'il sont en train de vivre, ensemble...
Lorsqu'on visite la Ca'Rezzonico, après les salles gigantesques au mobilier imposant, les damas de soie sur les murs, les plafonds peints et sculptés, c'est un plaisir que de se retrouver dans de longs corridors aux tons pastels, donnant sur de jolies petites pièces très intimes couvertes de stuc rose, vert ou bleu ciel. C'est là, dans un parfum d'huile de lin et de cire d'abeille, que sont installées les fresques de Tiepolo. Souvent la lumière, dansant sur les miettes de marbre poli qu'on appelle ici le terrazzo, donne à ces salles un délicieux air de maison de famille. J'ai ressenti la même atmosphère un après-midi d'été au petit Trianon à l'étage des enfants, un couloir peint à tempera éclairé par le soleil, les portes ouvertes sur de petites salles presque humbles mais très belles de proportion. Une noble simplicité. 

Tout ce que le XVIIIe siècle a su produire d'harmonie et de grâce est contenu dans ces minces espaces qu'un soleil joyeux éclaire dans le silence du jour, arrachés comme par faveur au luxe et à l'ostentation du reste du palais. C'était bien le meilleur écrin possible pour présenter cette série de peintures joyeuses et fantasques qui, à chaque fois que je leur rend visite, me donne l'impression d'être à une autre époque et rend l'illusion quasi parfaite : ces êtres vus de dos semblent vivants. Les polichinelles dans la pièce à côté vibrent et frémissent. On entend presque la musique de leurs instruments et le son de leurs voix. 

Enfant, je rêvais de demeurer là après que le musée soit fermé. J'étais convaincu que la nuit tout ce monde s'animait pour de bon et, descendant des parois, dînait, s'amusait, dansait jusqu'au petit matin. Parfois le lendemain, une coupe de champagne renversée sur le sol, un peigne d'écaille, des miettes intriguaient les gardiens et ils maudissaient à chaque fois les femmes de ménage trop pressées qui n'avaient pas bien nettoyé ces petites salles éloignées. Il est de ces mystères à Venise...
posted by lorenzo at 21:10

28 février 2006

4000 ! Vous êtes 4000 et je vous en remercie !

Le compteur est formel. Le quatre millième visiteur a franchi les rives de nos rivages... TraMeZziniMag a été visité 4000 fois ! J'en suis ravi et tout émoustillé. Ce travail réalisé avec les moyens du bord (le soir tard à mon cabinet ou le matin avant de travailler, le weekend quand je peux et parfois, je l'avoue, en pleine journée, entre deux rendez-vous), attire du monde et, si cependant peu d'entre vous laissent des commentaires, beaucoup viennent et peut-être reviennent. Parler de Venise m'est une joie. D'illustres écrivains savent le faire bien mieux que moi et avec plus d'intelligence. Je ne fais qu'essayer de transcrire mes sentiments pour ce qui est plus qu'une ville, plus qu'un lieu géographique. C'est tout un univers, le mien. J'en partage la clé avec beaucoup de monde certes, mais Venise est un peu comme l'amour maternel dans la sublime description de Victor Hugo :
"Ce pain merveilleux qu'un Dieu partage et multiplie : chacun en a sa part et tous l'ont en entier..." 
Je continue donc et chercherai à décrire le plus sincèrement du monde mes impressions vénitiennes. J'essaierai de présenter à mes lecteurs des lieux méconnus, des endroits agréables. Parce que la Sérénissime mérite d'être abordée autrement que par des hordes de barbares, iconoclastes et pressés, suivant comme un troupeau, mégaphones et parapluies jaune canari brandis par des guides submergés en guise de fanion, .... Haut les cœurs, Venise n'est pas encore vaincue. Venise ne sombre pas. Elle resplendit !
posted by lorenzo at 23:17

26 février 2006

Les quatre rustres

Comme me le faisait remarquer Civetta, "I Quattro Rusteghi", l'opéra en trois actes de Ermanno Wolf-Ferrari dont la première a été quelque peu troublée, a été écrit d'après la comédie de Carlo Goldoni par Luigi Sugana et Giuseppe Pizzolato. Parmi les quelques enregistrements de cet opéra, il n'existe à ma connaissance qu'un seul bon enregistrement, paru il y a quelques années et qui est encore au catalogue du label Gala, avec Magda Olivero, Nicola Rossi-Lemeni, Fedora Barbieri, Agostino Lazzari, le Chœur et l'Orchestre du Théâtre Municipal de Turin sous la direction d'Ettore Gracis.

Voici la notice de la pochette : "Wolf-Ferrari a une place à part dans l'opéra italien de la première moitié du 20ème siècle. Rattaché à la culture allemande par son père le peintre August Wolf, il trouva dans l'illustration musicale de la comédie vénitienne inspirée de Goldoni une veine d'inspiration féconde. I Quattro Rusteghi (Les Quatre Rustres) créé à Munich en 1906 en allemand a été enregistré au Teatro Comunale de Turin le 21 décembre 1969 dans sa version italienne cette fois-ci. Amours contrariées des enfants et vieux barbons acariâtres sont les héros de cette œuvre qui remporta un vif succès dès ses débuts. La sensibilité du compositeur et son talent d'orchestrateur s'y déploient à merveille. Son art très personnel, sans se rattacher à une école ou à un mouvement particulier, est clairement intégré à une approche musicale attentive aux courants musicaux contemporains. Écrivant subtilement pour la voix qu'il connaissait bien, il demande à ses chanteurs une grande exigence vocale non pas tant en virtuosité qu'en finesse d'interprétation. L'équipe réunie pour cette soirée turinoise frôle la perfection. Les timbres appauvris de Rossi-Lemeni et de Barbieri sont les seuls bémols à concéder à cette excellente soirée mais leur expérience et leur intelligence dramatique compensent cette faiblesse. C'est l'homogénéité qui constitue finalement la principale qualité de ce coffret. Il faut admirer en effet l'art avec lequel la grande Magda Olivero se fond dans l'ensemble sans pour autant être effacée! Comment le pourrait-elle d'ailleurs avec une telle maîtrise du legato et une telle juvénilité d'émission (trente-sept ans après ses débuts !) ? Mariella Adani non impressionnée par l'art de son aînée est la grâce même et son soupirant, Agostino Lazzari, lui donne une réplique pleine de lyrisme et sans mollesse. L'orchestre du Théâtre de Turin est tenu avec fermeté et souplesse par un Ettore Gracis attaché à garder une grande lisibilité d'écoute de la partition. Goldoni revisité par la modernité de Wolf-Ferrari est ainsi brillamment célébré".
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Il est né et a vécu à Venise, dans une belle maison à côté de la Ca'Rezzonico, à San Barnaba. Une plaque le rappelle sur la fondamenta qui mène au musée des arts décoratifs. La maison transformée en fondation, abrite un superbe jardin ouvert depuis quelques années maintenant au public, et qui est un délicieux endroit où se rafraichir en été avant ou après la visite du musée. Avec le petit jardin de l'université, c'est un lieu toujours paisible, ombragé, où la foule des touristes ne pénètre qu'au compte-goutte. Tant mieux.
Ermanno Wolf Ferrari était vénitien par sa mère et sa naissance et bavarois par son père. C'est d'ailleurs chez les compositeurs allemands qu'il aura puisé son inspiration. Mozart l'a beaucoup marqué. Sa musique a été très en vogue jusqu'à sa mort, mais quasiment oubliée aujourd'hui. Comme Respighi, Casella ou Malipiero, il s'est toujours senti très proche du prestigieux passé musical d'Italie qu'il a essayé d'honorer dans ses oeuvres et on peut le considérer comme un des maîtres de cette brillante"génération 1880" souvent cachée par le charismatique Puccini.
posted by lorenzo at 20:18

24 février 2006

Zola dit Venise


"[Venise,] c'est bon pour un repos après une grande douleur. Il faut y laisser bercer sa vie. Pour un long travail aussi. La ville du silence."


Emile Zola (in Mes Voyages, 1894)
posted by lorenzo at 23:29

Les spectateurs et la Fenice : une histoire d'amour.

Mardi dernier, un "blackout" vocable anglais que les italiens utilisent volontiers pour parler des grèves qui perturbent la vie courante de la péninsule, avait empêché l'ultime répétition d'un opéra et les mises au point techniques nécessaires à la bonne marche du spectacle. L'oeuvre, présentée en création mercredi, n'avait donc pas pu l'être en entier ce qui avait provoqué quelques mouvements d'humeur parmi les spectateurs. L'administration du théatre avait alors proposé le remboursement partiel des billets.

Le Gazzettino de ce matin s'est fait l'écho d'une belle histoire d'amour qu'il faut absolument faire connaitre tant l'attitude des uns et des autres a été superbe et très noble. Les abonnés ont fait savoir qu'ils se félicitaient de l'attention et du respect démontrés à leur égard à l'occasion de la Première de l’œuvre de Ermano Wolf Ferrari, "I quatro rusteghi" donnée que partiellement suite à l'annulation de la répétition générale du matin suite à la grève générale qui a laissé la ville sans électricité pendant une bonne partie de la journée. Vittorio et Yaya Coin, Barbara di Valmarana, Luciana Malgara, Lucia Zavagli, Jérome Zieseniss, Pier Paolo Campostrini, mélomanes vénitiens bien connus dans la Cité des Doges, se sont faits les porte-paroles des abonnés et ont refusé purement et simplement l'offre très courtoise du théatre. Celui-ci proposait un remboursement des billets et d'une partie du prix de l'abonnement. 


"Ce que nous avons vu du spectacle a été très beau et cela nous a vraiment plu" a dit Vittorio Coin au Superintendant Giampaolo Vianello. Personne parmi les abonnés n'a demandé à être remboursé. L'attitude de l'administration de la Fenice a été des plus courtoises, montrant un respect des spectateurs hélas peu répandu dans les théâtres modernes, en proposant aux spectateurs présents à cette soirée inaugurale un peu mouvementée, le remboursement de 60% du prix du billet. Cette correction vis à vis du public est tout à l'honneur de la Fenice et méritait d'être citée en exemple. D'autant plus que cette décision a été prise à un moment où la Fondation de la Fenice traverse une crise économique terrible. En dépit de ces difficultés financières, la Fondation n'a pas voulu mettre de côté la considération du public sans qui les spectacles n'existeraient pas. Cette belle réaction prend toute sa valeur quand on sait combien le spectacle inachevé a été applaudi par une salle archi-comble, démontrant ainsi la qualité de la production en dépit des difficultés techniques imprévues. 

"Nous aimons trop notre Fenice pour accepter un quelconque remboursement" ont déclaré en chœur les spectateurs. Belle leçon : tout un public qui soutient son opéra. Une administration qui prend le risque d'accroître son déficit par respect de son public ! Belle leçon vraiment. Je vais paraitre grandiloquent - ce qui réjouira mes détracteurs - mais je tiens cette attitude pour typique des vénitiens, qui ont tous les défauts sauf celui d'être mesquins. Depuis toujours (c'est ce que le monde entier a détesté chez elle), la Sérénissime République a donné des leçons (des exemples ?) de noblesse, de grandeur et d'efficacité au monde civilisé. Ce petit évènement en est l'illustration.

posted by lorenzo at 22:27

23 février 2006

Un festin de roi...

J'ai diné ce soir, seul, comme un roi. Un repas simple à réaliser, délicieux et gourmand, comme on devait en savourer dans l'antique République de Venise : un plat de polenta. Goldoni en parle dans ses mémoires (cité par Agnès Michaux, dans son anthologie "le roman de Venise", paru chez Albin Michel en 1996)...

"Nous emplirons d'eau une grande marmite et nous la poserons sur les flammes. Quand l'eau commencera à murmurer, je prendrai cette poudre belle comme de l'or qu'on appelle farine jaune et petit à petit je la ferai tomber dans la marmite dans laquelle tu traceras des cercles et des lignes de ta cuillère savante. Quand la matière deviendra dense, nous l'enlèverons du feu et tous deux ensemble, avec une cuillère chacun, nous la ferons passer de la marmite sur un plat. Nous étalerons ensuite une abondante portion de beurre frais, et ensuite ? Et ensuite Arlequin et Rosaura, l'un d'un côté, l'autre de l'autre, chacun une fourchette à la main, prendront deux ou trois bouchées d'un seul coup de cette polenta fameuse et feront un festin de roi..."
Carlo Goldoni
La Donna di garbo, 1743

Simple à cuisiner, bien qu'il existe mille variantes et autant de possibilités de recettes, la polenta est un régal. Coupée en carrés, j'en ai presque toujours d'avance au frais. Elle peut se servir en purée pour accompagner volailles et rôtis où elle remplit avec aisance le même rôle que le délicieux yorkshire pudding des dimanches britanniques, celui de notre purée de pommes de terre ou du riz pilaf : elle permet de savourer les jus et les sauces. Dans les Landes, on fait des "cruchades", sortes de galettes de polenta frites à l'huile et servies chaudes après avoir été recouvertes de sucre... Agréable canapé quand on les recouvre de saumon, de tapenade, de caviar d'aubergine, de guacamole, la polenta se fait alternative aux blinis...

Ce soir, j'en ai fait revenir quelques morceaux à la poële avec un soupçon d'huile d'olive, je les ai dressé brûlants sur une assiette. J'y ai mis du beurre qui a doucement fondu, du parmesan fraîchement râpé. J'y ai ajouté de fines tranches de jambon de San Daniele, des lanières de carottes et de radis noir crus , de la mozarella (de la vraie, faite avec du lait de bufflesse) coupée en lamelles et un oeuf poché. J'ai arrosé les crudités et l'oeuf d'un peu de vinaigre balsamique. Le festin était prêt. Ah, j'oubliais, il y avait un peu de tapenade maison, pour la couleur. Un régal accompagné d'un verre de Bardolino à la saveur très ample, très longue. Un festin de roi vous dis-je ! 

"Un beau jour, entre l'Oglio et le Brenta, Vint au monde la polenta"
(chanson populaire de Vénétie)
posted by lorenzo at 23:05

22 février 2006

Le temps qu'il fait


Temps maussade sur la lagune. Il faisait 6° aujourd'hui. Il pleuvra certainement demain, selon la météo. Le vent soufflera encore plus fort qu'aujourd'hui et en chassant les nuages, ramènera pour dimanche un ciel dégagé et un soleil presque printanier.

posted by lorenzo at 23:03

21 février 2006

Bons baisers 1900 de Venise

Bons baisers 1900 de Venise

posted by lorenzo at 01:31

C'est aujourd'hui le carnaval des enfants

Joli programme encore aujourd'hui pour le carnaval 2006, qui bat son plein dans la joie, et apparemment dans la bonne humeur. Tous les participants, forestieri (étrangers) et vénitiens, se préparent à un après-midi marathon de danses et de jeux traditionnels. Il y aura même des marionnettes.


Relancé spontanément il y a plus de vingt ans, le carnaval est devenu un rendez-vous obligé pour les vénitiens et le monde entier. Les attractions ne manquent pas. Aujourd'hui par exemple, dès 15 heures, sur la piazza San Marco, ce sera le "bal della quadrilla e del laccio d'amore" (cette danse traditionnelle des mariages depuis les temps très reculés) présenté par un groupe de danseurs venu de Lauro, en Campanie. A 18 heures, concert de "Il suono improvviso" sous la direction de Paolo Vianello qui ouvrira la danse sur la piazzetta Pendant ce temps au Gazebo, pour les amateurs de musique classique, ce sera l’Opéra de chambre de Venise qui se produira.
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Mais cette journée est avant tout celle des enfants. Car, cette année encore, les organisateurs ont pensé à eux. Le groupe "Lion e Mandragola", sur le campo San Polo, présentera de 15 heures à 18 heures, un spectacle intitulé "Scusate il disturbo, stiamo giocando per voi" (excusez le dérangement, nous sommes en train de jouer pour vous), une série de jeux traditionnels auxquels les enfants participeront. "Macrame", le laboratoire de fabrication de masques leur permettra d'apprendre l'art ella maschera. Puis entrera en scène "L'aprisogni" (l'ouvre-rêves), le théatre de marionnettes et juste après, ce sera un bal costumé rien que pour les enfants.
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Au Rialto, ça va déménager de 19 heures à 23 heures, sous la férule des "Cacao Brothers Dj and Guest". Point de ralliement des jeunes qui auront la possibilité de danser jusqu'à 4 heures du matin (rarissime à Venise où dès 1 heure, le silence d'habitude se fait total dans les night clubs) puisque ce sera la "Carnival Night". La gigantesque piste de danse est installée à la gare maritime de San Basilio, située assez loin du centre historique et des habitations, histoire de ne pas déranger ! 
Autre information utile (et agréable) : aujourd'hui encore comme pendant toute la durée du carnaval, il est possible de faire un tour en gondole, de nuit, à un prix discount (excusez le langage) grâce à l'Association "Gondolieri di Venezia - Assemblea dei Bancali". La seule condition : être masqué.
C'est aussi aujourd'hui, le premier rendez-vous du festival de théatre de Maurizio Scaparro, sous l'égide de la Biennale. Je vous en ai déjà parlé. Placé sous le double signe du "dragon et du lion", la manifestation débute à l' Ateneo Veneto (à côté de la Fenice) à 17 heures avec "La Cina raccontata da Calvino, Parise, Terzani, Ricci, Xianyong" (la Chine racontée par...). Federico Rampini, correspondant de la Biennale à Pékin, parlera de la croissance de ce pays incroyable qui abrite le cinquième de la population terrestre pendant que Donato Sartori se souviendra des terribles journées de Tienanmen. Invité par la Biennale, il présentera des masques témoignages du massacre.
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Mais revenons à la fête. A 19 heures, sur le petit Campiello del Milion, (derrière le Théatre Malibran), la Compagnia della Calza - I Antichi" dont j'ai le privilège d'être membre diplômé, donnera vie à la première lecture publique et intégrale des temps modernes de l'ouvrage de Marco Polo, "Il Milione". Les vénitiens comme les étrangers présents à Venise sont invités à venir lire le texte. Cette manifestation, baptisée "Un Milione di letture", veut contribuer à bâtir un travail collectif de narration populaire, destiné à devenir un DVD sous le titre "Tutto il Milione recitato a più voci".
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A la corderie de l'Arsenal, on peut admirer les somptueux costumes du film "Le dernier empereur"de Bertolucci, et son pendant à Ca'Pesaro, l'exposition "Dalla Cina a Venezia", mérite le détour : vêtements d'apparat, porcelaine et jades de la dynastie Qing (1644-1911). Il ne vous reste plus ensuite qu'à vous rendre au Malibran, où à 20 heures, la Fondazione Teatro La Fenice - Circuito Cinema Comunale (dirigé par mon ami Roberto Ellero), présentera en avant-première, "Wu Ji", le colossal péplum chinois de Chen Kaige, projeté à Berlin il y a quelques jours, ("promise" en anglais et en français "la légende des cavaliers du vent" ). D'après mes informations, le public de Berlin a souvent rigolé devant la grandiloquence des scènes mais les costumes et les décors sont somptueux et l'atmosphère fabuleuse. Voilà, il fera bon se déchausser ce soir en rentrant d'une pareille journée. Gageons que les enfants dormiront bien !
posted by lorenzo at 01:25