19 janvier 2007

Etes-vous gourmands ?

Nous les sommes à Tramezzinimag et nous l'assumons. Particulièrement des pâtisseries vénitiennes traditionnelles, celles à base de pâte d'amande. Pour vous mettre l'eau à la bouche, voici quelques échantillons de pâtisseries locales :


18 janvier 2007

Venise au fil de l'eau...


Une lectrice, fidèle et attentive, qui suit ce blog depuis sa création, me faisait remarquer que je ne parle pas souvent des eaux de Venise. C'est vrai et cela peut surprendre. Mais parle-t-on souvent de l'air qu'on respire ? L'eau à Venise est tellement constitutive de ce qu'elle est, de ce qui compose son essence même. Il n'y a pas pour moi d'éléments distincts dans l'objet de l'amour que je porte à la Sérénissime et son autre appellation de Dominante, j'accepte sans réserve qu'elle le soit sur mon cœur, mes jours, mes désirs et mes choix. Sur ma vie tout entière. N'est-ce pas cela l'amour inconditionnel après tout ? L'eau à Venise, celle du Bacino, qui vient lécher depuis plus de mille ans les rives de la cité unique, celle du Canal Grande - le Canalazzo - , trépidante et qui palpite à toutes les heures du jour, justifiant mieux que partout ailleurs ce terme souvent employé d'artère, mais aussi ces rii (pluriel de rio, qui est le nom véritable de ce que les étrangers appellent canaux (car il y a peu de canaux à Venise outre le Grand Canal : il y a celui de la Giudecca, celui de Cannaregio par où on pénétrait autrefois dans la magie de la Sérénissime...), toutes les autres voies d'eau sont des rii), l'eau à Venise, nous en sommes imbibés.

Elle coule dans nos âmes et ses reflets animent dans nos yeux notre regard d'amoureux éperdu, nous les Fous de Venise. C'est pour ne pas devenir littéralement fou, que nous en parlons si peu. Je connais des dizaines de photographes, amateurs ou professionnels qui passent leur temps quand ils arpentent la ville, à figer dans leur objectif les reflets changeants des eaux. Jamais satisfaits, ils poursuivent leur chasse car, même réussi, aucun cliché ne reproduira jamais l'effet réel que cette magie suscite en nous... Et puis l'eau qui permit à nos aïeux de se protéger et se défendre, ne fut pas qu'une alliée - le terrible phénomène de l'acqua alta en est la preuve la plus criarde - mais bien souvent aussi une ennemie. L'ouvrage de Piero Bevilacqua, Venise et l'eau ( Liana Lévi, 1996 pour sa version française) aborde cette thématique d'une cité dont l'histoire s'est écrite avec et malgré l'eau, à la fois fondement de son développement, de son expansion et de sa richesse mais aussi menace constante. Il faut connaître l'histoire des rapports des vénitiens avec l'eau pour comprendre la ville. 

Pour Liliana Magrini, l'amie et traductrice d'Albert Camus, l'eau à Venise trouble l'esprit. Voilà ce qu'elle écrit dans son merveilleux Carnet vénitien (Galimard, 1956)
"[...] Pas une vibration sur cette épaisse couche d'eau. Est-ce cela son agonie ? Mais bientôt mon vaporetto n'est plus entouré que d'un clair reflet de ciel. Comme suspendu sur ce pur émail, un long profil ténu de toits brisés, de minces clochers, de coupoles estompées reparaît au loin. Je cherche en vain à y situer l'endroit où, en ville, je dois me rendre. Le chemin lui-même me semble improbable. Si connu pourtant, il se multiplie dans la mémoire qui le cherche, de même que les maisons qui le longent, les rues qui le croisent : tantôt aériens jeux de pierre, tantôt blancs éclats épars, tantôt lisses surfaces ténues ou mol amas qui s'effilochent dans le gris, ou facettes brisant la lumière en d'innombrables reflets. Comment poursuivre là-dedans une image certaine de Venise ? [...]"
Ne voyons-nous pas la magie des mots, bien plus clairement que par une photographie combien l'eau s'immisce en tout dans le réel comme dans la mémoire quand on évoque Venise ? Réalité ou construction de l'esprit qu'enjolive notre amour, Venise au milieu de ses eaux est peut-être après tout seulement une invention de l'âme... Combien trop souvent nos considérations quand il s'agit de Venise s'apparentent à la seule introspection. C'est encore Liliana Magrini qui vient écarter la confusion et répond à notre réflexion :
"[...] Venise n'existe pas. Voilà tout son secret. Les autres villes, on peut les mesurer ; on peut de la main, tâter leurs pierres : rêches ou douces, elles répondent par leur chaleur ou leur glace, leur moiteur ou leur sécheresse - infiniment solides, vaste corps hostiles ou maternels. C'est un geste qu'on n'est jamais tenté de faire à Venise. Ce n'est pas qu'il s'agisse, comme le prétendent de tendres fadaise, d'une ville de rêve ou de brumes solidifiées. Non, ce n'est pas un rêve : loin de là. C'est un très lucide mensonge. Un mensonge d'homme éveillé ; et qui ne croit pas qu'on puisse autrement s'en sortir.
C'est, dans un sens, le théâtre. Un théâtre où la notion du sacré est nulle, celle su spectateur, indifférente : sauf du spectateur qu'on est à soi-même.[...]
[...] Non, on n'y croit pas trop, et l'on sait ce que ça vaut : et qu'on peut faire ce qu'il y a à faire, puisque en tout cas aucune aide ne vient d'ailleurs, mais qu'en même temps, sans les masques et les fards du théâtre, on ne pourrait pas déjouer le vide.
Sous un soleil asséné, Venise se serait peut-être dépouillée, dureté blanchie par une aveugle lumière. ce serait une ville méditerranée. Les lagunes l'embuant de vapeur l'ont obligée à un jeu plus souple. [...]
Tout est dit. J'ai invité ma charmante lectrice à (re)découvrir les pages du carnet de Madame Magrini, si possible dans l'édition de la Collection Blanche, au format si propice et qui rappelle bien qu'il s'agit d'un carnet. La prochaine fois que vous serez à Venise, mettez-le dans votre poche et laissez-vous porter par ces textes ciselés qui, même écrits il y a plus de soixante ans, demeurent parmi les plus authentiquement porteurs de l'amour qu'on puisse porter à la Sérénissime.

17 janvier 2007

Aimez-vous le panettone ?

 
Traditionnelle brioche des fêtes de Noël jusqu'à la Befana, le panettone est apprécié des petits et des grands. Truffée de raisins de Corinthe et du cédrat et des oranges confites, il y en a partout mais rares sont ceux qui le fabriquent chez eux. Il y a à Venise un boulanger qui continue d'en faire de la même manière depuis 150 ans. Un délice autrefois réservé au doge et aux familles patriciennes. Il s'en fabrique plus de 200 millions chaque année dans le monde. Avec un vin blanc frizzante ou un chocolat chaud... Je ne pouvais pas parler de l'hiver vénitien sans évoquer cette icône gourmande. En voici la vraie recette un peu modernisée, car la recette originale prévoit trois jours de travail ! Bien que simplifiée, elle reste assez difficile à réaliser mais avec le coup de main et quelques essais, le résultat en vaut la peine.

Il vous faudra de la levure fraîche (20 grammes), du lait tiède (225 ml), de la farine (350 g) , du sucre roux (60 g), du beurre (100g), 3 oeufs, des fruits confits (cédrat et orange ou pamplemousse (40g de chaque), des raisins de Corinthe ou de Malaga (50g), de l'essence de vanille, le zeste d'une orange et d'un citron, du sel, un peu de lait et de la patience.

Au travail :
Tout d'abord, délayer la levure dans le lait. Il faut que tous vos ingrédients soient à température ambiante. Mélanger la farine et le sel dans une grande terrine. Faire un puits au centre de la farine et y verser la levure délayée dans l'eau. Mélanger avec une cuillère en bois. Faites le peu à peu afin d'obtenir une pâte molle. Ne pas incorporer toute la farine. Laissez lever environ 20 minutes puis mélanger le restant de la farine.

Pétrir l'appareil sur une table farinée jusqu'à ce que la pâte devienne lisse et élastique. Former une boule et la mettre dans la terrine. Recouvrir d'un linge sec en prenant soin qu'il ne soit pas en contact avec la pâte. Faire lever dans un endroit tiède, à l'abri des courants d'air jusqu'à ce que la pâte ait doublé de volume (cela prend environ une heure à Venise).
Quand votre pâte a bien gonflé, l'écraser avec le dos de la main pour chasser l'air. Elle doit se dégonfler largement. Laissez la reposer 10 minutes.

Pendant ce temps mettre les raisins secs dans de l'eau tiède, Beurrer un moule (certains recommandant un moule à fond amovible d'un diamètre de 20 cm et d'une hauteur de 15 cm. mais un moule à brioche rond peut faire l'affaire). 
Chemiser le moule en faisant dépasser le papier (environ 12 cm en hauteur). Égoutter les raisins. Mélanger les aux fruits confits et aux zestes râpés, ajoutez l'essence de vanille. Puis mélangez le beurre avec le sucre, les jaunes d'œufs. Quand vous avez obtenu une pommade ajoutez le mélange de fruits. 
Incorporer le tout à la pâte et pétrir pendant à nouveau (cinq bonnes minutes). Former une boule et déposer dans le moule. Avec la pointe d'un couteau, faire une incision en forme de croix au milieu de la pâte. Couvrir d'un linge et laisser lever jusqu'à ce que la pâte double de volume (environ deux heures). Badigeonner le panettone avant de l'enfourner avec un mélange fait d'un jaune d'œuf et d'une cuillère à soupe de lait froid. Préchauffez votre four (160°c). Mettre à cuire environ 45 minutes.
 
Il est cuit quand la pointe d'un couteau plantée au centre en ressort lisse. Démouler alors sur une grille et laisser refroidir complètement. Quand il est presque froid, je le nappe de sucre glace qui peu à peu va imprégner la croûte et disparaitre à l’œil. Attendre quelques heures pour déguster. Le panettone se conserve plusieurs semaines dans une boite en fer ou un linge s'il a un glaçage, jusqu'à un an s'il est tel quel et emballé dans un sac bien clos.


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9 commentaires: (Archives Google 2007)

danielle13 a dit…
C'est très bon ...
Je viens de découvrir le blog et de l'ajouter à mes favoris pour le découvrir tranquillement, car nous serons à Venise pour 5 jours début juin.
A bientôt
Danielle
Lorenzo a dit…
super c'est l'une des meilleures périodes. Si vous avez besoinde tuyaux Danielle, n'hésitez-pas !
Anonyme a dit…
Je pense vous avoir souvent rencontré sur les forums concernant VENISE avec des commentaires très pertinents.Nous ferons le voyage en train de nuit et serons à la Locada Antica Venezia. Je m'interroge surtout comment nous restaurer, à midi sur le pouce au cours des promenades et le soir ???
Je vous donne mon e-mail
danielle13g@yahoo.fr
Merci
Amicalement
danielle
Lorenzo a dit…
Sur le pouce ? A midi ? Mais dans les bacari, à la vénitienne : un verre de vin blanc soave ou pinot grigio et des tramezzini choisis au comptoir, tous frais : tonno-uova, carciofi, melanzane-uova,... chaque bar a ses variétés. Et toujours le pain délicieusement fondant, le mélange mayonnaise et thon, ce n'est pas forcément léger mais c'est délicieux et alla venexiana ! Et puis il y a les tavole calde traditionnelles fréquentées par les vénitiens et les étudiants. Ma préférée : La Rosticerria San Bartolomeo, derrière la place près du Rialto, là où il y a la statue de Goldoni. Vous choisissez au comptoir soit des choses à grignoter si votre appétit est léger : polpette, fritelle, crostini ou vous commandez un plat servi à l'assiette : risotto, lasagnes, gnocchi. C'est simple et délicieux. Mais je vais vous détailler tout cela par mail ! Vous m'avez donné faim.
danielle a dit…
Merci d'avance, j'espère que vous aurez également le temps de compléter " itinéraires choisis pour un petit séjour ".
Grace à vos blogs et à Venice Daily Photo, l'après-midi a été particulièrement agréable malgré la tempête qui a touché également la Touraine.
A bientôt de vous lire
Athena a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Athena a dit…
Quel super blog!
Miam...Miam...Hum la rosticeria San Bartolomeo est mon QG! Je me régale de cichetti avec un verre de vin blanc! J'ai faim, j'ai soif de Venise! Dans 15 jours je vais enfin humer son parfum et me perdre encore et encore dans sa toile...quel bonheur!
Fabienne a dit…
J'adore le panetton et je ne peux pas résister, en principe j'en achète pour les fêtes de Noël !
Lorenzo a dit…
Il ne faut surtout pas résister !

16 janvier 2007

Mais oui c'est vrai, il neige parfois à Venise.

Parfois et même souvent en hiver. Pour beaucoup de monde, Venise c'est l'Italie donc le sable chaud, la mer, le ciel parfaitement bleu. Mais Venise est au nord de l'Adriatique, ne l'oublions pas, au pied des montagnes, sa lagune attire les vents glacés du Nord et de l'Est. J'ai reçu récemment un courriel d'une petite fille qui avec sa classe travaille sur Venise. Elle me demandait s'il était vrai que la neige recouvrait la ville en hiver.

Si c'est moins vrai qu'autrefois, il n'en demeure pas moins que chaque année ou presque - changements climatiques obligent - la Sérénissime se recouvre d'un beau manteau blanc. Comme dans toutes les villes du monde la transformation du paysage urbain pose quelques problèmes de circulation mais les habitants n'en sont pas troublés pour autant. Histoire d'habitude en fait. Certes, ce n'est plus jamais comme dans le passé, quand la force des vents froids venus de l'Est et du Nord et la baisse rapide des températures faisaient de Venise une ville engloutie par la neige et la glace pendant plusieurs semaines. On avait l'habitude de patiner sur les canaux gelés et parfois même on se déplaçait jusqu'à la terre ferme ou à Murano en traineau sur la lagune glacée. De nombreuses peintures de l'époque en témoignent. Pour ma part, pendant mes années vénitiennes, j'ai connu la neige quasiment chaque année.

Je me souviens même d'un des premiers carnavals qui débuta ainsi. La neige recouvrait Saint Marc, le ciel était très gris et le brouillard qui tombait transformait la ville en scène de théâtre. Il fit tellement froid que l'approvisionnement en électricité ne suffit pas et un soir ce fut le blitz : une panne générale isola toute la ville et ce fut comme un retour instantané dans le passé : les masques blancs semblaient surgir des tableaux de Longhi ou de Bella, tout était sombre. Des lampes de poche et des bougies apparaissaient ça et là aux fenêtres des maisons. Un silence troublant pesait sur la ville et parfois on croisait dans le brouillard des groupes de gens chuchotant ou riant. Cela dura plusieurs heures. Magique, ce fut magique. 


Le reste du temps, il fallait composer. Ceux qui connaissent l'Amérique du Nord en hiver savent combien on est chaque matin partagé entre la joie enfantine qu'on ressent devant cette étendue immaculée qui rend tout plus beau et efface toutes les laideurs de la vie moderne et le poids des contraintes que le blizzard impose quand il est impossible de circuler, quand il faut déblayer des kilos de neige sur le chemin pour pouvoir sortir de chez soi. Ici on s'en accommode. Les parapluies et les manteaux surgissent de partout et on continue à vivre. Il n'y a pratiquement plus de panne d'électricité ou elles ne durent pas longtemps. 

Les bateaux circulent, encore plus lentement. Les bruits familiers sont étouffés, on n'entend guère les oiseaux et les pigeons ont froid aux pattes sur la Piazza. Batailles de boule neige et glissades font le bonheur des enfants. Les plus vieux s'aventurent en clopinant cherchant à ne pas glisser. Les passants s'entraident. Mais la neige ne dure jamais très longtemps de nos jours. Le soleil fait vite fondre la magie et l'élément principal du paysage vénitien reprend sa texture habituelle. Le blanc manteau redevient de l'eau sale... Mais ne dépoétisons pas. Ces temps de neige sont de merveilleux moments arrachés au quotidien et à la grisaille de l'hiver. Si vous avez la chance d'être à Venise quand il se met à neiger, vous verrez que c'est bien de magie dont il s'agit...



13 janvier 2007

Navigation vénitienne, suite.

La suite : rien que de très banal, des barges qui circulent sur un canal, les passagers qui bavardent, l'ambulance qui passe avec sa sirène tonitruante et les remous...

11 janvier 2007

Vigili del fuoco, les pompiers de Venise

Un lien trouvé sur le forum nous offre une vidéo sur le vif : un bateau des pompiers qui fonce à vive allure, sans se préoccuper du fameux moto ondoso, ces vagues qui rongent les fondations des immeubles en bord de canal. Regardez, c'est très court. Castello, l'auteur de ces images a bien failli être arrosé de haut en bas ! Je vous recommande une visite sur son site. Encore un passionné de Venise !



10 janvier 2007

Promenade à Venise (2)


Le rio, l'église et le squero San Trovaso, depuis les zattere, sur le ponte dei frati... A deux pas sur la droite, après les arcades de la vieille caisse d'épargne, il y a Nico, le glacier aux célèbres gianduiotti. Hmm! vivement l'été, qu'on se régale à nouveau de ces somptueuses glaces en marchant le ong des zattere jusqu'à la pointe de la douane !

09 janvier 2007

Promenade à Venise (1)



Le Grand Canal vu du pont du Rialto avec le palais des Camerlingues à gauche. Une vision estivale pour supporter la grisaille des jours d'hiver...

06 janvier 2007

Ida Barbarigo chez Fortuny

I Terrestri, exposition des derniers travaux de l'artiste au Palais Fortuny depuis le mois de septembre et jusqu'à la mi-décembre. 200 travaux réalisés la plupart dans son atelier de Venise, sont présentés au public. Une sorte d'allégorie du parcours artistique et humain de l'artiste.

Cette grande dame, grande artiste, compagne de Zoran Music, chez qui François Mitterrand logeait (au Palazzo Balbi-Valier), lorsqu'il venait à Venise, a présenté sur les cimaises du Palais Fortuny un travail magnifique, très parlant, sorte de synthèse de l’œuvre qu'elle peaufine depuis de nombreuses années. Il est difficile de parler d'un artiste et de son travail quand on n'a pas sous les yeux sa création. Je ne suis pas un spécialiste de l'art contemporain. Le travail chez Graziussi, la fréquentation de nombreuses biennales à Venise, des expositions à Bâle, à Paris, puis les leçons de vie et d'art de Bobbo Ferruzzi m'ont aidé à comprendre que le meilleur œil est celui qui se fait humble et sensible. Sensible à ce que le cœur peut ressentir de ce qu'il nous est donné de voir. peu importent les liens, les écoles, les idées. Il me semble que c'est d'émotion dont il s'agit.

J'ai découvert l’œuvre d'Ida Barbarigo quand je travaillais à la galerie de Giuliano Graziussi, a San Fantin, en face de la Fenice. C'est Arbit Blatas qui me montra un jour des gravures qu'elle avait publié. J'appris qu'elle était la fille de Guido Cadorin, professeur à l'Accademia (l’École des Beaux Arts de Venise), mais avant tout peintre et poète. Sa mère aussi était peintre. Extraordinaire lignée que cette famille Cadorin : des peintres, des sculpteurs, des architectes, des écrivains...

Ida Barbarigo a d'ailleurs étudié l'architecture avec un de ses oncles, Brenno del Giudice, mais elle préféra vite le dessin puis la gravure. A Paris, puis de nouveau à Venise, elle a énormément travaillé, restant cependant toujours à distance des courants modernes ou plutôt "à la mode" n'avait pas un grand succès. Elle est cependant toujours restée fidèle à sa vision de la réalité et son travail est aujourd'hui reconnu dans le monde entier. Elle a épousé Zoran Music en 49 je crois. Installé à Venise (il logeait au début sous les combles du Conservatoire Marcello), il devint l'assistant de son père.


Mais revenons à son travail présenté jusqu'à ces derniers jours à Ca'Fortuny. 200 toiles récentes (réalisées entre 2003 et 2006) consacrées toutes à la représentation matérielle de l'énergie de vivre qui caractérise l'être humain jusqu'à son dernier souffle. La décoration due à Daniela Ferretti tentait de reconstituer l'atmosphère de l'extraordinaire atelier de l'artiste : des structures polygones ouvrant et fermant l'espace en même temps permettent de voir les toiles comme sur la cimaise d'un atelier afin d'induire un contact émotionnel avec le visiteur, celui-là même qui vous prend lorsque vous pouvez toucher, tenir une toile qui vous plait chez vous ou chez l'artiste. Ces travaux récents montrent une humanité pleine de vie, qui bouge, hésite, tombe, se redresse, avance, recule, s'arrête, fuit, mais de qui toujours émane une vitalité "organique", induite, absolue et nécessaire.

A cette présentation des "terrestres" s'ajoutait un parcours didactique qui voulait reconstituer le cheminement artistique du peintre de 1962 à 1997 (avec le magnifique "Saturne") par une sélection de dix toiles toutes rassemblées sur un mur entier de la salle d'exposition.

Très beau catalogue publié chez Marsilio avec des textes de Giandomenico Romanelli (le directeur des musées de Venise), Jean Clair (ancien directeur du musée Picasso à Paris et qui vient de publier un roboratif "journal atrabilaire").


Ida Barbarigo
I Terrestri
2004