31 janvier 2007

Recette gourmande : Pasticcio di melanzane et Ragù alla napoletana

Une amie de l'Académie italienne de la cuisine me rappelait que l'aubergine est un légume d'été et qu'il vaut mieux éviter d'en acheter en hiver parce que certainement poussées en serre, donc pleines de nitrates et autres saletés qui en modifient le goût et les qualités nutritionnelles. C'est pour cela que mes belles aubergines italiennes (provenant d'un joli potager de Mazzorbo, sur la lagune de Venise,ont été blanchies, coupées en tranches fines et aussitôt congelées l'été dernier. Je les préserve le plus possible et j'essaie d'en faire le meilleur usage : risotto aux légumes (avec des fèves, de la tomate, des herbes, des petits oignons-sauce un peu sucrés), mais surtout pour faire mon "pasticcio de melanzane et maccheroni alla napoletana". Cette fameuse timbale d'aubergines et de macaronis à la napolitaine qui faisait les délices de Casanova, le gourmet. En voici les grandes lignes. On la sert avec du Ragù alla napoletana dont le bouillon est utilisé pour cette préparation. 

Il vous faut 800 grammes de macaronis dits "mezzi ziti", 6 longues aubergines, 2 litres de ce fameux ragù (je vous expliquerai ensuite comment le réaliser), 30 grammes de beurre, de l'huile d'olive, du parmesan fraîchement râpé, 300 g de mozzarella,une vingtaine de feuilles de basilic, 200 grammes de viande hachée, 2 tranches de pain de mie, du lait, un œuf, du persil, de la noix muscade, sel et poivre.

La veille ou quelques heures auparavant, préparez le ragù à la napolitaine. Couper les aubergines en tranches plutôt minces dans le sens de la longueur et les faire frire. Hacher grossièrement la mozzarella. Préparer une farce avec la viande hachée, le pain trempé dans le lait, l’œuf, le parmesan, le persil finement ciselé, le sel et le poivre et une cuillère de muscade fraîchement râpée. 

Modeler des boulettes de la taille d'une noisette et les faire dorer à feu doux dans une poêle avec 2 cuillères à soupe d'huile. Beurrer un moule à charlotte de 25cm de diamètre assez haut (12 ou 13 cm). En tapisser le fond avec des tranches d'aubergines puis les parois en posant les tranches verticalement, les faisant se chevaucher légèrement et en les laissant déborder du moule afin de pouvoir ensuite en recouvrir la timbale. Réserver suffisamment de tranches d'aubergines pour couvrir le moule et couper les tranches restantes en morceaux pour servir d'assaisonnement aux pâtes. 

Faire cuire les ziti à l'eau bouillante salée. Égoutter 2 minutes après la reprise de l'ébullition et les passer aussitôt sous l'eau froide pour interrompre la cuisson qui doit ainsi être al dente. Assaisonner avec une bonne quantité de ragù chaud. Ajouter le parmesan, le basilic ciselé, les boulettes de viande, les morceaux d'aubergines et la mozzarella hachée. 

Remplir la timbale avec les pâtes assaisonnées et refermer le tout avec le reste des aubergines. Replier les morceaux qui dépassent. Mettre au four pendant 30 minutes (four préchauffé à 200° C.). 

Sortir du four et laisser reposer 10 minutes avant de démouler l'appareil sur le plat de service. On peut préparer deux timbales de taille différente dans deux moules pour présenter une timbale à deux étages du plus bel effet. Servir avec la viande du ragù. Dégustez, c'est un délice. 

Ragù alla napoletana 
Tel que le préparait Enrietta, ma "gouvernante" de la calle dell'Aseo. C'était une sfrataï (littéralement "expulsée") comme il y en avait tant dans les années 80 à Venise. Restée longtemps au service d'une vieille patricienne partie en maison de retraite du côté de Vérone, elle avait dû quitter son petit appartement et arrivée à l'âge de la retraite, elle souhaitait enfin se reposer. N'ayant pas assez d'argent pour retourner dans sa Sardaigne natale et rénover sa petite maison de famille, elle était logée aux frais de la municipalité le temps de pouvoir repartir dans son île. Elle avait toujours travaillé à Venise, chez plusieurs prêtres, dans deux ou trois familles patriciennes dont la dernière où elle resta 18 ans, faisant office de gouvernante, de cuisinière et de lingère. 

La signora Matilde Grinziato Biasin qui me logeait calle dell'Aseo, lui loua aux frais de la Commune le petit studio voisin de mon appartement, au piano terrà de l'immeuble qu'elle occupait avec son mari. Comme son petit studio ne disposait pas de cuisine, elle venait chez moi préparer ses repas. Me voyant un jour submergé de linge à repasser et de vaisselle à faire, elle entreprit de mettre de l'ordre dans ma vie de célibataire pour me remercier de lui laisser l'usage de ma cuisinette. 

Bien m'en prit : à partir de ce jour là, la brave Enrietta s'occupa de ma modeste domus : elle cira, dépoussiéra, nettoya, reprisa, repassa. C'était sa vie. Mais plus que tout, elle me fit la cuisine. Grâce à son art, j'ai eu pendant près d'un an l'illusion de vivre comme autrefois, servi comme un prince par une vieille dame drôle, efficace et stylée qui refusait de dîner en même temps que moi, se faisait toujours discrète et dont les plats était un régal. Elle finit par être indemnisée de la perte de son appartement et put rentrer chez elle finir ses jours. J'ai gardé quelques unes de ses recettes, qu'elle nota pour moi dans un petit carnet de chez Paolo Olbi qu'elle acheta en cachette et m'offrit quand elle s'en alla. Un adorable vieille femme dont je me souviens toujours avec émotion. 
Pour réaliser le ragù manière Enrietta, il faut un beau rôti de bœuf dans le rond, un bon morceau de jambon cru (environ 250 grammes), des herbes (persil, marjolaine, thym), de l'ail, des oignons, 3 ou 4 petites carottes, 2 branches de céleri, du concentrato di pomodoro, du vin rouge, un bouillon cube, du sel et du poivre.
Faire des lardons de jambon cru et les rouler dans de la marjolaine fraîche mélangée au thym, poivre et gros sel (Enrietta utilisait un sel qu'elle préparait elle-même avec du thym et d'autres herbes séchées et qu'elle conservait dans un pot de terre sur sa fenêtre). Piquer ces lardons préparés dans la viande. 

Mettre le rôti dans une cocotte avec 6 cuillères à soupe d'huile et le faire revenir lentement de chaque côté. Quand il est bien doré, le retirer et le réserver au chaud dans une terrine couverte.
Faire revenir dans la graisse de cuisson un hachis confectionné avec le persil, l'ail et le gras du jambon. Ajouter les légumes en julienne et cuire à feu doux sans laisser brunir les légumes. La cuisson doit être très lente pour ne pas vous obliger à rajouter de l'eau. Remettre alors le rôti dans la cocotte en remuant bien le tout pour que les sucs se mélangent bien.
Mouiller peu à peu le rôti avec un verre de vin rouge. Quand le vin est complètement évaporé, ajouter le concentré de tomate peu à peu en le mélangeant bien avec une cuillère de bois. Quand tout est incorporé, mouiller avec du bouillon jusqu'à presque recouvrir la viande. Couvrir. Laisser cuire à feu très doux 4 à 5 heures pour obtenir une viande très tendre et très cuite et une sauce dense, abondante et parfumée. Servir la viande coupée en tranches épaisses nappées de la sauce du ragù. Utiliser la plus grande partie de cette sauce pour la timbale de macaronis. J'ajoute sur les tranches de viande du parmesan râpé et un peu de persil ciselé et frit dans un mélange huile et beurre pour le décor.

4 commentaires: (archives Google du blog originel)

Anne-Marie a dit…
ça a l'air drôlement bon mais pas simple simple à préparer. Je vais essayer ce WE avec des amis qui reviennent de Venise justement et qui m'ont fait connaitre votre superbe blog.
Francis Jacques a dit…
Salut Lorenzo
Vous souvenez vous de Francis Jacques - aquarelliste blogger - de Venise et autres.
Je visite toujours votre lieu d'expression et d'Amour de Venise.
Toujours la rencontre de la passion, de la lumière, de la tendresse comme dans l'amour, que vous avez pour ce lieu magique.
Bien à vous.
Francis Jacques
Lorenzo a dit…
merci Francis Jacques pour vos visites et ce sympathique commentaire. Je poursuis mon parcours amoureux mais votre indulgence est grande, j'ai parfois l'impression de ne pas apporter grand chose. Tant de gens mieux nantis que moi ont su écrire leur passion pour Venise. Mais je continue. je continue.
Anonyme a dit…
è un peccato che tu non mi abbia almeno risposto, la mia era una domanda onesta senza alcun interesse se non di far conoscere le tradizioni di venezia, grazie lo stesso Guido
http://coquinare.over-blog.com

29 janvier 2007

Salon des Antiquaires 2007



Disparition d'un jeune vénitien


La nouvelle est tombée, comme un bloc de pierre qui se serait effondré d'un angle du palais des doges. Surnommé Max le Gazzettin par ses amis, un jeune journaliste du Gazzettino, directeur du "Gazzettino Illustrato", écrivain en promesse, esprit brillant, fondateur d'une agence de communication qui commençait à faire parler d'elle, Massimiliano Goattin, est mort à 25 ans sur une route encombrée de Phukett, en Thaïlande où il venait juste d'arriver. 

Fou d'Orient, ce jeune homme rêvait depuis toujours de ce voyage. Déjà, il y a deux ans un périple au Japon l'avait bouleversé. Ce nouveau Marco Polo se promettait de ramener de ses pérégrinations orientales des tas de notes. Matière à un livre ? Chi lo sà ?  

Il est mort bêtement, sur une moto de location et sa famille vient juste d'en être informée. Il y a parfois comme cela à Venise, comme ailleurs, des disparitions injustes. Inexplicables. De jeunes esprits brillants, de belles âmes qui s'en vont trop tôt. Trop vite. 

TraMezziniMag adresse ses sincères condoléances 
à ses parents, à sa famille et à toute la rédaction du Gazzettino.

No Pizza !


Cette affichette aperçue dans la vitrine d'un café. Elle manifeste la lassitude des vénitiens devant les hordes de touristes qui dévalent les rues et affamées, se répandent dans les magasins et les bars à la recherche de n'importe quelle pitance consommable immédiatement. Leur vocabulaire limité comprend au moins ce mot "pizza", ainsi que "birra", "café", "Toilette", "gondola"... 
Elle peut se traduire par "Touriste soit le bienvenu, entre et installe-toi, commande un café, un verre de vin, un chocolat ou des pâtisseries, mais nous ne vendons pas de pizzas nous sommes désolés". Paroles qui pouvaient être prononcées trois ou quatre fois dans la semaine autrefois, mais qu'il est impossible de réciter aujourd'hui, car il ne faudrait faire que ça : "no pizza, no pizza, no pizza, no pizza, no pizza"... Il ne faut pas leur en vouloir à ces vénitiens, ils sont simplement fatigués de cette invasion débridée !

26 janvier 2007

Venise au XIXeme siècle

Par un matin calme devant le campo San Zanipolo.

Matin d'hiver sur les Schiavoni


" L'air de Venise est sain, les femmes y vieillissent moins vite que dans les autres climats chauds de l'Italie, et les hommes y conservent de la fraîcheur et de la force jusqu'à un âge très avancé."
M.Perrot,
Nouvel Itinéraire portatif d'Italie (1827).

25 janvier 2007

Tramonto d'inverno


Matin d'hiver


Ou bien était-ce en automne ? La lumière cependant est toujours aussi belle et l'ambiance est là, unique et formidablement roborative. On ne se lasse jamais du quotidien à Venise.

Concours pour la dévolution de la Pointe de la Douane : Guggenheim et Pinault à égalité

50/50 pour le premier round, ainsi en a décidé le comité technico-scientifique présidé par Achille Bonito Oliva, qui est chargé de décider qui se verra attribuer les locaux de la Pointe de la Douane.


Égalité absolue donc tant pour ce qui est de la qualité architecturale proposée, des réponses apportées au cahier des charges notamment les solutions préconisées par les deux institutions pour la gestion et le déploiement culturel des lieux, le choix des œuvres qui seront mises à disposition et le rayonnement international qui en découlera. C’est maintenant à la direction vénitienne du Patrimoine qu’il appartient de trancher. L’assesseur, Mara Rumiz a suggéré une synergie entre les deux fondations pour instituer un nouveau pôle culturel de portée internationale avec la présentation d’une collection commune. Du jamais vu. Le rapprochement de la pensée muséale américaine avec la pensée européenne et française… Un rêve qui, s’il devenait réalité permettrait à Venise d’offrir au monde entier un extraordinaire périple artistique en déployant dans sa plus ample expression une vision de la création contemporaine des années 50 à nos jours. Je subodore que les autorités avaient déjà cela en tête et qu’il fallait une commission ad hoc pour renforcer la conviction que les deux fondations aujourd’hui implantées presque à égalité à Venise : le siège des deux collections est un passage obligé pour les amateurs d’art moderne, le prolongement permanent des expositions de la Biennale dans un des lieux les plus prestigieux du monde, une ville unique qui refuse de se contenter d’un tourisme de masse venu contempler (consommer ?) les vestiges de sa puissance et les témoignages de sa grandeur passée.
 

Les intéressés n’ont pas réagi de la même manière. Le Gazzettino soulignait la satisfaction de la Guggenheim prête à étudier un rapprochement avec sa concurrente. Jean-Jacques Aillagon, le directeur du Palais Grassi, se montrait un peu plus distant et laconique. Il doit bien entendu en référer au patron dont la vanité - et personne en l’occurrence ne peut le lui reprocher – risque de souffrir de cette association qui pourrait réduire l’impact de son installation à Venise. Si les deux candidats s’entendent, nous aurons bientôt dans ces magnifiques locaux, revus par deux architectes de très haute volée, un des plus intéressants musées d’art contemporain du monde qui draînera des visiteurs douze mois sur douze au même titre que le Centre Pompidou ou le Moma de New York ! Venise accéderait ainsi avec les collections et les expositions temporaires du Palais Grassi, avec les collections du Musée Guggenheim, avec l’exposition internationale de la Biennale, ses galeries privées et ses collections municipales, au rang d’une capitale internationale de l’art contemporain. Quel coup de fouet pour l’activité économique. Quelle chance unique de pouvoir se positionner autrement qu’en Disneyland pour tourisme de masse avec ses masques et ses verroteries. Le maire qui s’exprimait hier sur ce sujet ne disait-il pas qu’outre la restauration très lourde de l’édifice (il faudra respecter sa structure originelle comme on le fit à Bordeaux avec l’entrepôt de denrées coloniales qui abrite le CAPC - Centre d’Arts Plastique Contemporain), il s’agira de présenter des collections permanentes avant tout et de permettre à la ville de participer à la programmation culturelle du centre.
 

"La "fusion" des deux collections que la Fondation Guggenheim et la Fondation Pinault ont proposée au comité" a observé l’assesseur Mara Ramiz, "serait la meilleure solution pour le public comme pour Venise, pour l’impact mondial qui en découlerait". D’autant plus que les collections se complètent parfaitement, la Guggenheim possédant des pièces fondamentales pour la compréhension de l’art contemporain des années 50 à 80 et la Fondation Pinault disposant essentiellement de pièces des années 80 à aujourd’hui. Pinault a les moyens d’aller seul jusqu’au bout, sa Fondation peut assumer l’intégralité des charges et il est donc le mieux placé pour l’emporter si malheureusement aucun rapprochement n’était possible. A l’annonce du verdict de la Commission, les réactions n’étaient pas vraiment les mêmes : on sentait dans le communiqué officiel publié par Jean-Jacques Aillagon une froideur contenue sinon de l’irritation. En revanche, le communiqué américain montrait une plus grande disponibilité et une parfaite compréhension de la position de la Commune. En fait les américains de la Guggenheim sont en contact – et en phase - avec la réalité vénitienne et la philosophie locale depuis bien plus longtemps que l’ultra-parisienne équipe Pinault. A suivre.
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P.S. : Pour ceux qui veulent davantage d'explications sur ce roman et qui n'ont pas tout suivi, vovi un lien vers un article de Jean Jacques Bozonnet, paru dans le monde l'été dernier : http://www.vannes-off.net/