06 avril 2012

Au hasard de nos promenades...

Connaissez-vous le Palazzo Montecuccoli ? Construite au XVème siècle dans le style de Pietro Lombardo, cette vaste bâtisse se trouve au sud du Grand Canal, non loin du pont de l'Accademia, pratiquement en face du Palazzo Franchetti. 
 
Plus connue sous le nom de Ca' Contarini dal Zaffo, l'imposante demeure est couramment appelée aujourd'hui Palazzo Polignac. Ce fut la résidence de Winnerita, Princesse de Polignac, la fille de l'homme d'affaire américain Isaac Merritt Singer, fondateur de la célèbre entreprise de machines à coudre. Sa sœur qui avait épousé le Duc Jean-Elie Decazes s'étant suicidée, elle élèvera ses neveux et leur lèguera le palais. C'est sous le 5e duc, Elie, disparu l'année dernière, arrière-petit-neveu de la Princesse de Polignac, que j'ai eu le bonheur de fréquenter cette maison tellement hospitalière qui grouillait d'amis inconnus et de visiteurs illustres. Dans l'un des premiers billets de ce blog, un lecteur anonyme m'en avait fait le reproche assez crûment alors - je racontais ces rencontres incroyables pour le jeune homme que j'étais : le vieux prince de Faucigny-Lucinge sourd comme un pot quand cela l'arrangeait qui nous racontait sa jeunesse et se moquait de son neveu par adoption, l'ancien président Giscard ("celui au nom d'emprunt" comme avait dit avec malice le Général de Gaulle), le chef lyonnais Paul Bocuse... C'est dans ces murs aussi que j'appris à mieux connaître mon ami Roger de Montebello, petits-fils du duc, ses cousines Sabran, les Breteuil... Une famille très unie, drôle qui vivait simplement et s'amusait beaucoup. La duchesse Solange servait le soir après dîner du tilleul venant de leur propriété de Libourne, les dîners étaient souvent monochromes, concocté par un chef emprunté à quelque ambassade, le service impeccable et un protocole royal qui effrayait un peu - c'était voulu - le jeune homme mal dégrossi que j'étais. Combien d'après-midi passés dans le jardin à papoter... Et cette fameuse visite de la reine mère d'Angleterre venue inaugurer des vitraux restaurés de San Giovanni e Paolo qui passa prendre le thé au palais.
 
Walter Richard Sickert, l'artiste qui a peint cette toile (entre 1901- 1904) et qui avait rencontré la princesse à Dieppe fut convié quelques temps après à Venise. Il y réalisa de nombreux dessins et on connait de sa période vénitienne plusieurs belles vues du palais Polignac. Certains de ses dessins sont aujourd'hui dans des collections publiques, comme une très belle ébauche de ce tableau au crayon et à l'encre rouge, conservée à la Whitworth Art Gallery de Manchester.

Vendredi Saint

La pluie et le ciel bas ce matin illustrent ce jour terrible où les chrétiens pleurent la mort du Christ sur la croix. Dans les rues désertes, les pavés luisent et quelques oiseaux s'essayent transperçant par la joie de leur chant la pesanteur du jour. Temps orageux. Lumière violente. 
 
Le double chœur qui débute la Passion selon Saint Matthieu de Johann Sebastian Bach adoucit ces moments que nul croyant ne peut affronter sans ce mélange de terreur, de chagrin et d'espoir. Office des Ténèbres à l'aube chez les dominicains. Beauté des psaumes et du rite millénaire. Les quinze cierges qui brillent dans l'église sombre, l'église vidée de la présence de Celui qu'elle vénère. Gravité des voix qui montent et se répandent. Elles sont au-delà de la plainte ou de la louange. Le visage caché par leurs capuchons noirs, les moines sembleraient de pierre s'ils ne relevaient parfois la tête pour faire éclater leurs voix. Harmonie parfaite. Une expérience esthétique et mystique incomparable.

La certitude qu'avec l'assistance les anges et l'âme des morts sont présents et chantent aussi. Il faut avoir assisté à ce rite très ancien pour comprendre combien les esprits les plus rétifs sont saisis, combien on est très vite placé face à une inextinguible vérité qui nous dépasse et, loin de nous écraser, nous soulève et nous grandit. En découle une envie de louange et une grande joie. Une grande paix aussi. Que ce soit à San Giovanni e Paolo, chez les bénédictins de San Giorgio où sur l'île de Saint François, au couvent des Arméniens ou bien chez les jésuites, le Triduum pascal est un temps très fort, immuable et profond, passerelle entre notre monde imparfait et la perfection de l'amour divin. La plus importante fête de la liturgie chrétienne est commencée. Elle débute par l'horreur d'un abandon, la douleur d'une mort pour s'enflammer dans l'incroyable joie de la Résurrection. Combien de peintres, de sculpteurs, de musiciens et de poètes ont fait de chefs-d’œuvres sur la Pâque chrétienne !
 
Et pourtant, à Venise comme ailleurs, le temps de Pâques qui succède au temps du Carême, le temps le plus important du calendrier liturgique chrétien, comme Pessa'h l'est pour les juifs, passe inaperçu désormais dans notre monde déspiritualisé. Et cela n'a rien à voir avec la laïcité, principe fondamental de liberté et de droit. La vie continue, les touristes arpentent avec autant d'avidité les parcours balisés par les guides au pas de course, les gens vont et viennent dans les magasins, vaquent à leurs occupations. beaucoup se rendront exceptionnellement à la messe du jour de Pâques voire même à la veillée pascale.
 
 
La plupart savent qu'il s'agit de commémorer la mort et la résurrection du Christ. On mange de l'agneau et on cache des poules en chocolat dans le jardin pour les enfants... Mais combien sauront se recueillir un moment en famille et penseront à cet évènement extraordinaire constitutif de ce que nous sommes, de notre civilisation, de notre lien à l'autre, de nos engagements, de notre relation à l'autre ?
"Il était déjà environ la sixième heure, et il y eut des ténèbres sur toute la terre, jusqu'à la neuvième heure. Le soleil s'obscurcit, et le voile du temple se déchira par le milieu."

03 avril 2012

COUPS DE CŒUR (HORS SERIE 25) : La Venise de Francesco da Mosto 1ère partie (1-6)

Réalisé pour la BBC, le somptueux documentaire du NH Francesco da Mosto, architecte et Fou de Venise où ses ancêtres sont présents depuis plus de mille ans, n'existe à ma connaissance qu'en version anglaise. Ce film a ses détracteurs et on peut trouver le fringant Da Mosto un peu trop hollywoodien (ou Las Vegan plutôt), mais il a le mérite de présenter avec des phrases claires et de belles images une histoire de la Sérénissime dramatisée et très réaliste.
















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6 commentaires:

AnnaLivia a dit…
J'avais regardé ces émissions il y a quelques années, bien intéressant et quel personnage : ) Bonne journée Lorenzo!
Lorenzo a dit…
Bonne journée à Québec !
Veneziamia a dit…
Dans la série reportage, en voici un très intéressant qui passe actuellement sur tv5.ca et que l'on peut voir sur ce lien : http://video.tv5.ca/ports-d-attache-2/venise Bonne journée Lorenzo !
Coyote a dit…
Dommage qu’il cause en langue roastbeef ce vénitien…. Je n’ai hélas pas saisi le quart de son discours, j'ai du me consoler avec l’image….
Lorenzo a dit…
on va demander à la BBC une version française ou des sous-titres sinon on va s'y atteler.Promis.
dominique a dit…
unusual ... merci

01 avril 2012

COUPS DE CŒUR (HORS SERIE 24) : Il se nomme Claudio Boaretto


Il est né à Venise et ne parle que le français et... le dialecte. Sa vie, depuis son retour sur les lieux de son enfance, est celle de tous les vénitiens : la barca, la pêche, les copains, les baccari. Il a passé l'essentiel de sa vie en France. Auteur-compositeur et interprète, il s'est exprimé en chantant sa vie durant, dans la lignée des Georges Brassens, Hugues Aufray, Léo Ferré et Jean Ferrat, se taillant une bonne et solide réputation dans le milieu folk francophone. Le peu que je sais de lui me fait affirmer que c'est un vrai poète. Un troubadour. Je vous recommande son blog, écrit depuis Castello qui permet aux lecteurs une plongée directe dans la vie vénitienne. Sa musique sonne vraie et j'imagine une soirée au Paradiso Perduto ou dans un bacaro plus secret, entre amis avec Claudio Boaretto et sa guitare. On prend date ?


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3 commentaires:

Virginie Lou-Nony a dit…
Oui, moi je veux bien prendre date! (en juillet, svp…)
Coyote a dit…
C’est trop d’honneur, Monseigneur…. Merci Lorenzo pour cette élogieuse présentation, les poils de ma barbe en rougissent de confusion…. Petite précision malgré tout : contrairement à mon frère ainé, Renato Boaretto, maitre d’art, créateur d’automates reconnu, notamment et évidemment des personnages de la Commedia dell’Arte, je ne suis hélas pas né à Venise…. Mes parents ont quitté la Sérénissime pour émigrer en France deux mois à peine avant ma naissance…. Il s’en est fallu de peu…. Conçu à Venise, j’ai donc commencé très jeune à voyager pour voir le jour sur les plages Normandes ; Arromanches, Asnelles ont bercé ma prime jeunesse…. Venise, c’était pendant les grandes vacances avec la nona Gemma e el nono Giovanni…. Mia Mama ne parlant que le vénitien, (elle trouvait l’italien trop snob) ce fut ma langue maternelle, j’appris plus tard le français à l’école…. Merci encore Lorenzo pour « le vrai poète » mais c’est un qualificatif lourd à porter pour mon modeste talent…. Je préfère me présenter plus naturellement comme un « artisan parolier » et revendique plus facilement le titre « d’artiste »…. Pour mes chansonnettes, c’est quand vous voudrez, mais devant un auditoire francophone car la richesse de la rime française ne touche pas encore le public italien….
Anonyme a dit…
OK Claudio, on attend le jour J. 
Venessiamente 
Gabriella