06 septembre 2012

Drôle de Redentore cette année


Un ami vénitien me disait ce matin au téléphone qu'il n'avait jamais vu une nuit du Rédempteur aussi décharnée que celle de cette année. Cette venezianità qui fait les délices des vénitiens, de sang ou de cœur - et le régal des voyageurs qui savent combien s'imprégner des us et des coutumes d'un lieu a d'importance - a été bien malmenée.
 
D'abord par notre concitoyen, le milliardaire Pinault qui avait fait interdire la Pointe de la Douane au public ce soir-là ( ! ) parce qu'une fête privée était organisée dans les locaux dévolus à sa Fondation d'Art contemporain. La Pointe de la Douane, vous imaginez ? Un lieu mythique où il est depuis toujours d'usage de s'installer pour admirer le feu d'artifice (lieu favori des enfants, comme sur le cliché de Graziano Arici ci-dessus) pour ceux qui n'ont n'a pas la chance de pouvoir passer la soirée sur une des barques décorées qui envahissent tout le Bassin de San Marco cette nuit-là. 

Les barques décorées, parlons-en aussi, car à cette aberrante confiscation de l'espace public s'ajoutait l'interdiction formelle, édictée par la Capitainerie du Port, de décorer les  embarcations à moteur et de les doter de tables. Sanctions pénales lourdes pour ceux qui utilisaient des mototopi et autres petites barques pour transporter des gens. On n'avait jamais vu autant d'interdictions pour une nuit du Rédempteur. «Scandaleux» crièrent bon nombre d'habitants de la Sérénissime. «A quand la suppression du pont votif au nom du principe de précaution ? » criait mon ami très remonté à l'autre bout de la ligne.

Heureusement, tout le monde garde le souvenir des nuits du Redentore d'autrefois, quand la fête était joyeuse, sans débordements, sans vulgarité, sans incidents et sans restrictions. Mais les temps changent et la barbarie s'immisce partout.

© Photographie de Graziano Arici

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05 septembre 2012

Petit jardin à Venise

On dit souvent que Venise est une ville très minérale où les espaces verts sont peu nombreux. Quelques jardins publics,  d'autres privés le plus souvent cachés aux regards des passants, des arbres sur les campi et des pots de fleurs sur le rebord des fenêtres. Depuis quelques années, les vénitiens ont pris l'habitude d'orner les entrées de maison de plantes. Il suffit de quelques pots de géranium, d'un arbuste ou deux, pour rendre un cortile accueillant et transformer une simple cour en jardin comme celle-ci.

03 septembre 2012

Regata Storica 2012 : un Grand Cru !

Encore eux ! Pour la 11e fois, les cousins Vignotto, vénitiens de San Erasmo ont défrayé la chronique de la traditionnelle Regata storica. Une nouvelle victoire après un suspense digne des films américains assortie d'une énième polémique comme ils nous y ont habitué depuis longtemps. Pas de bagarre, une poignée de main au contraire au sortir de la course, quand les équipages, encore essoufflés se rapprochaient de la Macchina, le ponton d'honneur où devait leur être remis les bandiere, ces fanions de couleurs qui sont à la régate vénitienne ce que furent les couronnes de laurier aux athlètes d'Olympie.  "On ne peut pas régater de cette manière" a déclaré l'un des vainqueurs, "Tout le monde sait que celui qui est le plus près du piquet doit tourner en premier. Ils ont voulu nous pousser, et finalement nous avons passé le virage en second !" Mais passée cette attaque directe aux méthodes de l'équipage de Gianpaolo d'Este avec qui le duel fut rude et magnifique, ces deux-là, s'ils sont de vrais râleurs - comme leurs deux challengers - ont un coeur d'or et c'est avec de l'émotion dans la voix qu'ils sont dédié leur victoire à Michele Bozzato, le gondolier chantant, disparu le 23 août dernier d'une maladie fulgurante, devenu ces dernières années une véritable institution et dont la mort a vraiment affligé tout le monde à Venise.
Regata Storica di Venezia 2012: vincitori e risultati




Belle journée donc, qui fait dire à certains chroniqueurs vénitiens que la Sérénissime a vécu un pur et grand moment de venezianità, se prouvant - et prouvant au monde qu'elle n'est pas un musée ou un parc de loisirs, mais bien un lieu de vie et d'innovation. La Régate historique n'est pas une des ces inventions folkloriques artificielles pour gogos en mal d'émotion. C'est  un évènement culturel lié à la tradition historique mais aussi très implantée dans le quotidien des vénitiens d'aujourd'hui. Cette course fait le lien entre un passé extraordinairement riche (le succès du défilé historique dépasse le pittoresque des costumes en faisant découvrir des métiers et des usages oubliés) et les vénitiens du XXIe siècle. Chacun a ses favoris et nombreux parmi le public local sont ceux qui pratique la remiera dans un des nombreux clubs de la lagune.


Avec un ciel redevenu clément, sans les pluies que tout le monde redoutait, Venise s'est contemplée sans faux-semblants, telle qu'elle est vraiment :  attirante et authentique. Parmi les milliers de visiteurs qui avaient envahi le centro storico, beaucoup étaient vénitiens, Venus de toute la lagune, des îles comme de terraferma, ils ont rappelé au monde leur attachement à la Sérénissime. L'évènement s'ajoutant à la Biennale d'architecture et à la Mostra du Cinéma, qui se déroulent en ce moment, faisant de Venise la capitale culturelle de l'Italie. Des journalistes parlaient même de capitale politique ce dimanche, puisque on notait la présence d'un nombre impressionnant de membres du gouvernement et de parlementaires dans la tribune d'honneur, la Machina, simplifiée cette année, avec un accès central bien plus pratique, qui accueillait autour du Patriarche de Venise et du Maire Orsoni, près de 800 invités.


Commencée à 16 heures avec le cortège historique, traditionnel défilé de bateaux reproduisant l'entrée triomphale organisée par la Sérénissime pour le retour de Caterina Cornaro, avec à sa tête le doge et  dans le rôle de la fameuse reine de Chypre, la splendide Margot Groia, de Mestre qui remplace dans le rôle une autre vénitienne partie faire ses études en Angleterre. Toutes les embarcations étaient là, parmi lesquellles la Bissone, la Dogaressa, la Serenissima. Il ne manquait que la Bisantina et Neptuno qui sont cette année en restauration. Manquait aussi le Bucentaure dont on devrait voir flotter d'ici quelques années la réplique exacte. Puis après le long cérémonial du défilé nautique, ce fut le début des compétitions.


Quatre régates au total, celle des giovanissimi (catégorie des plus jeunes rameurs) sur des pupparin, remportée cette année par les brillants Nicolà Ballarin et Andrea Rosada, puis le mascarete réservées aux filles, remportées par Risultati Regata storica Venezia 2012, i vincitori
Luisella Schiavon
et Giorgia Ragazzi, celle des caorline (barques à six rames) gagnée par l'équipage de Burano en 37'48"08, et la course la plus attendue, celle des gondolini. Celle où se défiaient une fois de plus les cousins Vignotto et Gianpaolo d'Este et son équipier Ivo Redolfi Tezzat, les vainqueurs de 2011 qui ne sont arrivés que troisième, devancés par deux plus jeuens gondoliers, Roberto Angelin et Fabio Barzaghi. Bataille et résultats très commentés par le public.


D'autres évènements contribuèrent à l'extraordinaire animation de cette journée avec la régate des bisse du Lac de Garda, course traditionnelle véronèse, des maciarelle, celle des Atenei Veneti, réservée aux étudiants - vénitiens et étrangers- et la compétition des 8-14 ans, espoirs du nautisme vénitien. L'occasion de rappeler à nos lecteurs que le mot régate est un mot d'origine vénitienne qui est utilisé dans le monde entier et qui dérive du vénitien regatar (mettre en ligne). Au moment du départ, les embarcations sont toutes regroupées côte à côte sur une même ligne pour ne faire qu'un bloc et retenues par un câble appelé spageto attaché à la poupe de chaque embarcation.



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02 septembre 2012

Regata storica : c'est aujourd'hui et en ce moment !


Le miracle de la technique : presque comme en vrai, j'assiste via Skype, à la 116e régate historique depuis une embarcation amarrée près de la Ca'Farsetti, la mairie. Les barques se succèdent : bleu, violet, rose, orange rouge. Et toujours les violons de Vivaldi, et la foule joyeuse. Quel grand et beau moment que cette régate qu'on appelait Regata Reale autrefois. ..En dépit de la chute de la République en 1797, les régates n'ont pratiquement jamais été interrompues à Venise. Les français quand ils occupèrent la Sérénissime organisèrent même des courses spéciales, notamment pour fêter le 14 juillet puis une autre en l'honneur de Joséphine de Beauharnais, devenue l'épouse de Buonaparte qui n'était encore qu'un général ambitieux. Dix ans plus tard, une autre grande régate fut organisée pour le corse devenu empereur. En 1815, quand la ville devint autrichienne, on fit de même pour l'empereur d'Autriche. L'occupant eut l'intelligence de comprendre l'importance de ces régates pour la population et tout fut mis en place pour qu'elles se déroulent régulièrement. C'est à partir de 1841 que la Regata telle que nous la connaissons a pris forme. Interrompue par la révolution de 1848, elle ne reprendra qu'en 1866, l'année même où Venise fut annexée au nouveau Royaume d'Italie et, en 1899, suite à la proposition du maire de l'époque, Filippo Grimani, la régate royale prit le nom de régate historique.

Pendant que j'écris sur l'histoire de la manifestation, la compétition fait rage entre les cousins Rudi et Igor Vignotto (gondoliers qui font partie de l'équipe du traghetto de la Pescheria) qui sur leur gondolino bleu profitent de leur position à l'intérieur de la boucle du grand canal pour dépasser les autres favoris, les vainqueurs de l'année précédente, Ivo Rodolfi Tezzat et Gianpaolo d'Este (ceux du traghetto de la Riva del Carbon) sur la barque rouge. Le gondolino jaune dont l'un des équipiers, Luca Ballarin est le plus jeune de la course, vient d'arrêter suite à un incident inattendu. La foule est au comble de l'excitation. c'est le moment le plus important de la régate. Les deux équipes favorites sont au coude à coude. Partout les tifosi brandissent des ballons aux couleurs de leur équipe. C'est magique, même à distance !


Impressionnante cette course comme chaque année, avec ces athlètes d'une force incroyable, grands  -Gianpaolo d'Este mesure deux mètres ! - et musclés, ils démontrent une incroyable endurance et leur course est vraiment le clou de la manifestation. Mais quelle surprise, la barque violette, de Roberto Angelin et Fabio Barzaghi semble en première position, largement devant les deux équipes favorites. Quel suspense ! Les Vignotto dépassent le gondolino violet, bloquant les rouges. Beaucoup de mains levées, ce qui annonce pas mal de discussions et de débats avec les juges à l'arrivée. Le cri des tifosi se fait hurlements de joie : L'équipage celeste (bleu ciel) des Vignotto est le vainqueur de la 116e Régate Historique devant l'équipe de la terraferma (une première), la barque violette d'Angelin et Barzaghi de la Remiera Mestrina, avec qui il faudra désormais compter. Evviva Venezia !

  

Le retour

Un mois, un long mois de farniente sans internet, sans les bruits de la ville, sans la pollution et le stress d'un quotidien trop souvent déterminé malgré soi. Un mois pour appliquer un vrai "lâcher prise" et rester en dehors des tensions et des préoccupations du monde. Promenades dans les dunes, baignades dans les énormes rouleaux des grandes marées, balades à vélo dans les chemins creux à l'ombre des noisetiers, mais aussi longues heures passées dans le jardin, parmi les hortensias et les rosiers, à lire... Un rythme paisible partagé en famille, loin du monde, du petit-déjeuner préparé et pris en commun jusqu'au dernier verre devant un feu de cheminée. Tout cela est terminé et déjà la rentrée est là. Sans regret ni nostalgie, une page se tourne. Dès demain, les plus jeunes reprendront le chemin de l'école... La douceur de l'air, la lumière rendent la transition plus douce. J'aime cette période de l'année, ou aux étals des boutiques, pêches, melons et abricots se mêlent aux poires, prunes et raisins et qu'on traîne encore volontiers le soir dans la douceur du couchant. 
C'est aujourd'hui dimanche, le premier en ville depuis plus d'un mois. Les rues inondées de soleil sont encore presque vides. Au loin, une cloche sonne qui rappelle Venise. Les odeurs marines de la rivière voisine qui se faufilent par la fenêtre ouverte porteraient-elles à nos oreilles la musique de Vivaldi qui à cette heure inonde le Grand Canal à l'occasion de la 116e Regata Storica ? Pas de miracle sinon celui de la technique : des amis vénitiens ont branché la caméra de leur ordinateur et grâce à Skype, je suis un peu avec eux. Si j'entends les applaudissements (ils sont fournis au passage du Corteo historique) et la musique, il manque la chaleureuse ambiance de la barque, le vin blanc frais et les ciccheti. Être à Venise ce premier dimanche de septembre sera pour une prochaine fois, quand les enfants seront grands. Dieu voulant ! Bonne rentrée à tous.


28 juillet 2012

Tramezzinimag prend quelques jours de vacances

 
Vous l'aurez remarqué, ça ne turbine plus beaucoup à TraMeZziniMag. Cela sent les vacances ! En effet, votre serviteur prend quelques semaines de repos (mérité) sur ses lointaines terres normandes. Le temps de s'oxygéner et de retrouver un rythme paisible et bienheureux : promenades en famille dans les dunes, balades en vélo, confitures et pâtisseries comme autrefois, lectures et farniente dans le jardin ou sur la plage si le temps le permet, ou devant la grande vieille cheminée (c'est Cotentin avec le climat qui va avec !). Le temps de reprendre des forces pour affronter la rentrée, l'automne puis l'hiver. Bonnes vacances à tous nos lecteurs et à bientôt.

19 juillet 2012

Fête de San Giacomo dell'Orio : A Venexia se divertimo ancora cussì...



Pour ceux qui sont à Venise en ce moment, touristes ou vénitiens, une manifestation devenue une tradition, se déroule jusqu'au 21 juillet : c'est la fête de San Giacomo dell’Orio. Pendant dix jours, le campo accueille chaque soir des stands gastronomiques et des concerts. La fête comme on sait la faire à Venise. Musique et bal comme autrefois, avec une musique d'aujourd'hui. Sur la scène se succéderont des groupes vénitiens dont certains commencent à se tailler une bonne réputation comme par exemple le groupe Ska-J, les Pitura Stail pour les amateurs de reggae et la Salsa du groupe Batisto Coco, rythme des Balkans avec le Rimmonnim Klezmer Band, on pourra aussi entendre La Ghenga Fuoriposto de Marghera. Toutes les informations ICI.

17 juillet 2012

Les chats de Venise : quelques rescapés




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Un grand remerciement aux auteurs de ces superbes photos
 et aux chats qui acceptent que leur image soit diffusée.
 

Délices à la vénitienne : la poêlée d'anguilles

 "Magna e bevi che la vita xe un lampo" ..

 Quand vient l'été, le temps des vacances et du farniente, on a souvent envie de changer un peu ses habitudes. Le train-train quotidien, qui laisse peu de place à la fantaisie, est loin derrière nous pour de longues semaines. C'est souvent le désarroi au début. On ne sait plus très bien où on en est. Autre rythme, autres lieux, il faut tout réinventer mais bien vite le corps et l'esprit s'adaptent au nouveau décor. Finies les contraintes, les coups d’œil nerveux à la montre, le stress. C'est enfin le temps pour soi, pour ceux qu'on aime. L'occasion de concocter de bons petits plats et de les savourer. Bien que le temps jusqu'ici n'est pas été des plus cléments, un repas en famille sous la tonnelle, dans le jardin ou un pique-nique sur la plage, quoi de plus sympathique ? Pour nous ce soir, c'était un festin de doge. Jugez vous-même : un gargantuesque plat de polenta fumante couverte d'une épaisse couche de bon beurre fondu et de parmesan frais pour accompagner des Bisati in teglia(anguilles à la poêle) comme on les savourait déjà du temps de Casanova. La recette - qui diverge un peu de la mienne - est d'ailleurs citée dans l'excellent ouvrage "Casanova, un Vénitien gourmand".
 

Il vous faut : 1 kg d'anguilles préparées et coupées en tranches, des gousses d'ail, un bouquet de ciboulette et un de persil, du romarin frais, et de la sauge (fraîche aussi), huile d'olive, beurre frais, vin blanc, sel et poivre, polenta.

Bien nettoyer les tronçons de poisson, les faire dorer à feu vif dans l'huile d'olive mélangée au beurre. Ajouter ensuite l'ail et les herbes finement ciselées et après avoir bien mélangé le tout, ajouter les feuilles de sauge. Remuer puis ajouter peu à peu le vin blanc en prenant soin de déglacer complètement la poêle pour avoir une sauce très dense. Saler et poivrer. Servir aussitôt sur de la polenta fumante couverte de beurre et de parmesan. Une autre possibilité est de servir les anguilles avec des grandes tranches pain blanc, genre Ciabatta (à faire à la maison, c'est meilleur) que l'on imbibera de sauce. C'est un plat divin.
..Comme je disposais d'oignons et de poireaux frais coupés du jardin des voisins, j'avais garni les assiettes avec une fondue de poireaux et d'oignons cuite doucement avec du poivre dans de l'huile d'olive et du beurre avec un peu d'ail haché . Cette compotée allége parfaitement la polenta et les anguilles couvertes de leur onctueuse sauce. N'ayant plus de polenta sous la main, j'ai servi cette poêlée avec des pâtes simplement juste agrémentées de jeunes tomates bien mûres, d'ail et de romarin frais du jardin. Un délice.