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13 novembre 2015

E arrivato il momento ! :


Il faudrait être enfermé dans des certitudes dépassées, confit dans un engagement spirituel mal compris où les paroles de Dieu sont mal interprétées, pour continuer de refuser ce qui n'est pas qu'un simple effet de mode, pas plus que ce n'est le produit d'une éventuelle décadence de notre civilisation ou le résultat d'un perte des vraies valeurs morales : Le mariage pour tous arrive en Italie. Dans la joie. Car, comme le montre cette vidéo très émouvante, il y a beaucoup de joie à se dire que le mariage de deux êtres au nom de l'amour est un droit universel et que nul ne devrait en être exclu. Gageons que cette avancée sociale et morale ne donnera pas lieu chez nos amis cisalpins aux terribles errements qu'a connu la France quand la loi sur le mariage pour tous est devenue une réalité. Comment ne pas être ému par ces images. Oui, en Italie aussi, le moment est arrivé !



29 décembre 2014

Réflexions sur l'art

..On a souvent "prétendu que l'Italie de la renaissance était dominée par l'idée d'art. C'est une confusion : ce qu'on appelle ici art n'a rien à voir avec les Beaux-Arts. C'est en réalité le triomphe de la logique, la perfection, raisonnée en toutes ses parties, qu'un souverain donne à l’organisation de ses états... Bref, l'idéal propre à tous les ouvriers de la pensée."  

..C'est avec ces quelques mots lus d'un ouvrage de Müntz, qu'un de mes maîtres me fit comprendre pourquoi la Renaissance a tant tardé à s'introduire à Venise et pourquoi Venise n'apparait pas aux yeux des historiens comme un lieu moteur et innovateur dans la création artistique de cette période extraordinairement féconde partout en Italie. Le doge avait bourse et poings liés par le Sénat qui, par sa nature et ses fonctions, restait dans tous les domaines autres que ceux qui pouvaient contribuer à la protection des acquis de la république, de son pouvoir, son influence et de sa fortune, très conservateur et frileux. Le système politique de la Sérénissime évitât la dictature et permit aux vénitiens une certaine liberté enviable à l'époque, mais freina beaucoup les inventions de l'art. L'inquisition veillait aussi. Pourtant, avec les échanges commerciaux et l'importance de l'activité portuaire, Venise voyait passer du monde et parmi eux des savants et des artistes dont les idées et les innovations forcément essaimaient les esprits. C'est ainsi qu'on ne peut imaginer le passage à Venise de Leonardo da Vinci sans qu'ait eu lieu un échange de nature philosophique, scientifique ou artistique avec ceux qu'il a pu rencontrer pendant son séjour.

..C'était en mars 1500. Le XVIe siècle n'avait pas trois mois. On sait qu'il était chez le célèbre luthier Gugnasco, derrière San Zaccaria, à qui il montra le portrait au fusain qu'il venait de réaliser d'Isabelle d'Este (cf Tramezzinimag, billet du 24/3/2007). La tradition voudrait que les plans et dessins des navires amphibie, ancêtres des sous-marins, aient été dessinés pendant son séjour. On sait qu'il rencontra des esprits brillants et cultivés et sa renommée lui aura forcément fait prendre contact avec les plus grands artistes vénitiens... Que n'avons-nous pas de témoignages vidéo ou simplement sonores de cette période... Si seulement cela avait existé alors, quelle richesse pour nous... Nous saurions ce qui fut dit, la nature des échanges chez les uns ou chez les autres et qui forcément contribuèrent à l'évolution des idées, la modernité entrant comme un courant d'air dans les palais comme dans les esprits vénitiens.
 
 
..Mais qu'importe les hommes, ce qui compte avant tout, c'est l’œuvre d 'art elle-même et la personnalité de son auteur n'intéresse que dans la mesure où elle permet d'expliquer la genèse et l'esprit de cette œuvre. Ne fait-on pas de nos jours trop cas de l'auteur de l’œuvre, glosant sur le pourquoi du comment ? Mais l'artiste est avant tout l"intermédiaire qui transforme une intuition, une idée, un ressenti en son expression visible et accessible à tous... Un besogneux doué d'une intuition et naturellement d'un savoir-faire du même type finalement que celui du boulanger ou de l'ébéniste... Saviez-vous que pour les grecs, le mot qui servait à désigner un sculpteur servait aussi pour définir un simple fabricant d'assiettes ? 
 
 
..Mais le sujet mériterait bien des développements qui ne peuvent trouver leur place sur un blog. Nos temps sont au court, au rapide, au pré-digéré. Un critique n'a-t-il pas écrit il y a quelques années, au sujet des billets de ce blog, qu'ils étaient trop longs et trop sophistiqués. J'ai pris cela comme un compliment... Encore une autre histoire... Bonne dernière semaine de l'année à mes lecteurs!

06 juillet 2014

Intoxication



"Devant ce flot d'histoires extravagantes, je songeais à la Venise du candide de Voltaire, Venise aujourd'hui auberge de fous, autrefois auberge de rois."
Jean Lorrain
Un Intoxiqué
(1903)
TraMeZziniMag aura bientôt dix ans. Dix ans passés à nourrir l'appétit des Fous de Venise, de ceux qui ne se remettent jamais de leur passage sur les bords de la Lagune, de ceux qui n'arrêtent jamais d'y revenir, d'en parler, de s'en nourrir. "Fous de Venise", l'expression est bien plus ancienne. Elle date de la fin des années 60, lorsque des happy few parisiens exprimèrent le souhait de prolonger l'immense et universel sursaut de compassion pour la ville inondée par les inondations catastrophiques de 1966, en contribuant par tous les moyens en leur possession à la Sauvegarde de Venise, alors entre les mains de vieux aristocrates britanniques et de quelques millionnaires américains (on ne disait pas encore "milliardaires"). Fous de Venise, d'autres sont arrivés, de Belgique, du Canada et bien entendu de France aussi. La plupart n'avaient ni l'entregent, ni la notoriété, ni les moyens financiers des premiers. Mais ils se sont mis au travail avec acharnement et passion, diffusant dans leur univers quotidien une autre image de Venise que celle répandue alors dans les médias, contribuant, chacun à leur niveau à changer la vision des journalistes justement, qui dans leur grande majorité aujourd'hui, relaient la véritable image de la Sérénissime. Ce blog a montré le chemin, faisant de nombreux émules au fil des années. certains ont disparu, d'autres se sont étoffés au point de dépasser en activité ce bon vieux TraMeZziniMag. Nous revendiquons pourtant le titre de premier magazine virtuel des Fous de Venise. 

De temps à autres, outre les commentaires de nos fidèles lecteurs, des contributeurs se proposent. Ils ne sont pas assez nombreux. Journalistes, professionnels ou amateurs, étudiants Erasmus en séjour à Venise ou vénitiens en France, écrivains... Vous êtes les bienvenus pour soutenir le rythme et amener un peu d'air frais dans ces pages et raviver l'esprit Tramezzinimag qui s'étiole un peu parfois. Vous pensez, après dix ans, on finit forcément par dire un peu toujours les mêmes choses, avec les mêmes mots. Alors si le cœur vous en dit, envoyez vos textes, vos projets d'articles, vos billets d'humeur, vos poèmes, des extraits de vos journaux, vos carnets de voyage, vos croquis, vos vidéos. Nous les publierons dans le respect des droits d'auteur.
Envoyez vos projets de contribution à : tramezzinimag@yahoo.it 
 

03 juillet 2014

Chaque rue est un canal, journal illustré d’un Noël à Venise, par Pierre et Jean Adrian

La route de fer vers Venise, le fracas du train sur les rails. Je me suis couché entre Paris et Lyon. Je me réveille dans quelque banlieue de la mer Adriatique. Un train de nuit est un train qui fend la nuit... Un début prometteur pour ce journal de voyage d'un Noël à Venise par Pierre et Jean Adrian, jeunes lauréats 2014 du concours Libé-Apaj que Tramezzinimag suit fidèlement. Rappelez-vous l'an dernier, nous fêtions en grande pompe le prix d'Antoine Lalanne-Desmet, ami très cher et collaborateur précieux de Tramezzinimag avec qui j'ai de nombreux projets en cours d'élaboration (nous en reparlerons très vite). Extraits.
"Venise n’a pas résisté à Attila, à Bonaparte, aux Habsbourg, à Eisenhower ; 
elle avait mieux à faire : survivre; ils ont cru bâtir sur le roc;
 elle a pris le parti des poètes, elle a bâti sur l’eau." (Paul Morand,Venises)
21 décembre 2013, vers Venise
La route de fer vers Venise, le fracas du train sur les rails. Je me suis couché entre Paris et Lyon. Je me réveille dans quelque banlieue de la mer Adriatique. Un train de nuit est un train qui fend la nuit. Dans ces villages tristes et vides que traverse le train, même une station d’épuration est coloriée. En Italie, le jour de l’hiver, quelques draps pendent aux fenêtres. Un crissement hystérique et le wagon s’arrête en gare de Vicenza.
Arrivée
Le train est lancé sur l’eau, bordé de pilotis. J’aperçois les premières gondoles. La banlieue industrielle laisse sa place à quelques îles froides et marécageuses. Le ciel gris sale pèse sur l’eau et confond sa couleur.
Passé les portes de la gare Santa Lucia, je débouche sur le Grand Canal. Pour la première fois du voyage, je deviens spectateur. Venise force à l’attitude passive. On accepte tout, y compris cette agitation trop italienne.
Six ans plus tôt, je tombais sur Venise inondée de soleil. Aujourd’hui, un début de pluie, une odeur d’urine : la beauté aussi a parfois ses relents.
Au petit matin nous traversons la ville pour déposer nos bagages. Des groupes de vieux Vénitiens en bonnet, à la barbe blanche et emmitouflés dans de gros manteaux d’hiver, discutent. On a peine à croire qu’ils vivent ici.
Des canaux fangeux se perdent au lieu de ruelles. On se contente de barques à moteur plutôt que des automobiles.
Une eau couleur pétrole.
Dans chaque boutique, au détour d’un kiosque, à chaque coin de rue, je cherche un peu de Pasolini.
22 décembre 2013
Les vaporetto: des bus qui roulent dans un couloir d’eau.
Promenade de fin d’après-midi sur les quais de la Ponta della Dogana. Les figures d’une crèche en carton surplombent un vieux voilier qui se repose au bord du quai. La nuit se mélange à la brume, et les lampadaires qui guident l’eau renvoient leur lumière floutée, blafarde.
Maman: "ses lacets sont défaits."
Papa, déjà un peu sourd: "c’est la saison des fées ?"
C’est amusant une famille où une phrase mal perçue devient un hémistiche.
23 décembre 2013
La crypte de l’église saint Zacharie, c’est l’intimité d’un édifice vénitien. Un parterre en eau, on n’y marche que sur un filet de pierre émergée. Laure dit que c’est un des lieux les plus bas de la ville. Au fond, inatteignable à cause de l’eau, une statue de la vierge, tête vers le ciel, semble soupirer. L’eau ronge les briques, le mur s’effrite. Venise est née sur l’eau, elle agonise et elle mourra en elle. La ville est debout, assise sur des milliers de manches de poignards plantés dans l’eau. Ça me fait croire en l’homme. L’homme est capable.
Simplicité romane. La nuit se couche derrière les lucarnes de la crypte claustrale. C’est le début des lunes.
 
24 décembre 2013
Nous partons pour les îles Murano et Burano au large de Venise. Chacune a sa spécialité : la verrerie et la dentelle.
A Murano, une drôle de sculpture surprend : deux lampadaires ont été fondus jusqu’à enlacer leur long cou. Ils tournicotent et leurs lumières s’embrassent.
Quelques vieilles dames discutent, le cabas sagement posé à leur droite. Une promenade dans un quartier vide aux potagers crevés, ses briques tremblantes de solitude, et les revoilà au même endroit. Elles n’ont pas bougé. Dans ces villages où tout le monde se connaît, partir faire son marché c’est ne retrouver son perron qu’après une longue matinée.

Burano. Ici, choisir sa maison, c’est choisir le parfum de sa glace. Je suis une nouvelle fois impressionné devant la splendeur de ces maisons cassis, vanille, pistache ou chocolat. Dans quelques mètres carrés se rejoignent une demi-douzaine de couleurs. Auraient-ils trouvé un remède à la tristesse ?
Les coups de vent agitent les linceuls accrochés devant l’entrée des maisons. Il faut se perdre parmi ces ruelles de couleur. On débouche soudain sur une pelouse qui se jette à la mer, lacérée par des sèches linge dénudés. Nous sentons les miasmes d’une grillade, une odeur de poisson grillé, de vacances au bord de la mer.
A Burano, les linges qui pendent sur un fil entre deux maisons sont des drapeaux.
Une pompe à essence pour bateaux s’ennuie, tournée vers le large.

La vigie de Noël. Nous fêtons la naissance de Jésus avec quelques verres de Spritz. Jean décide d’une promenade nocturne dans Venise. Nous lui emboitons le pas, excités par cette nuit de Noël, par les haleurs de l’alcool familial. Nous attendons plus de cette Ville. A ses oreilles endormies, nous faisons ronfler de grandes tirades de Parisiens avinés. Comme c’est agréable une ville sans trottoir. Au milieu des rues, les poètes peuvent crier à la lune sans être dérangés par les crissements des pneus des automobiles.
Jean veut prendre les photos de la vitrine d’un magasin niché dans une maigre ruelle, en face de la maison du dramaturge Carlo Goldoni. C’est une boutique de masques vénitiens, d’automates, de pendules et de poupées. Dans l’obscurité, on devine le regard laconique de Pinocchio, le sourire crispé de Pierrot, les jambes de bois pendantes d’une marionnette prête à s’animer. Quelle vision effrayante pour des enfants. Ils sont tous là, rongés par la solitude : Arlequin, Scaramouche, Léandre… Leur vie ne tient qu’à quelques ficelles qui les retiennent au plafond. C’est le bal des pendus. Je toque contre la vitre, je veux attirer le regard de Polichinelle. Mais non, son visage masqué demeure inanimé, inerte, le front baissé et les yeux écarquillés vers le vide. Quand nous partirons, Jean, après tes photos, rejoueront-ils la comédie ? Pierre, le cadran de leur vie s’est arrêté pour toujours. Tic tac tic tac tic. Plus rien. Venise est une ville comme dans les livres d’images. Ici, les poètes ont gagné.

"Il faut choisir entre le musée et la vie." (Paul Morand, Venises)


 © Pierre Adrian (Texte) et Jean Adrian (Photos).
 Avec l'aimable autorisation 
des organisateurs du concours Libération-Apaj 2014.
 Tous Droits réservés.

01 juin 2014

Venise par Virginie Dubreuil illustrée par Charles Aznavour...


Venise © Virginie Dubreuil

Oui, je sais bien ce que mes chers lecteurs vont dire, quelle scie et quel cliché, la tristesse de Venise. Roubaix-Tourcoing et les corons du Nord, c'est joyeux quand on s'aime. La beauté de Venise accroit la douleur des amours mortes, c'est clair. Ce qui est triste après tout, c'est le fait de se rendre compte qu'on ne s'aime plus.Ah l'amour, l'amour...
Mais foin de ces ratiocinations d'un matin de solstice, cela ne sied pas à Venise, ni à l'été qui commence, à la beauté du jour qui point. Le ciel est chargé d'orage, l'atmosphère lourde et pesante que les parfums de l'été ne parviennent pas à adoucir. J'entends déjà certains d'entre vous s'écrier, "mais, nous l'aimons aussi cette tristesse-là puisque c'est à Venise"... Ils n'ont pas tort.
Bonne journée et bonne plage pour ceux qui y sont déjà.

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07 octobre 2013

Et mihi et Petro... où comment un morceau de marbre rouge aura fait rêver un enfant

Combien souvent, enfant, avais-je rêvé à l'arrivée du tout-puissant empereur Barberousse à Venise et à son entrevue avec le pape Alexandre IIIqui le traita comme le dernier des derniers...

J'imaginais la scène, je voyais les galères toutes voiles dehors sur lagune devant les colonnes de la piazzetta, j'entendais la rumeur de la foule subjuguée, les cloches qui sonnaient, les oriflammes qui claquaient au vent... Venise triomphante devenait le centre de l'univers. Tous les regards du monde civilisé étaient enfin tournés vers cette petite République. Grâce à la Sérénissime, la paix du monde d'alors venait d'être sauvée, après dix sept ans d'impitoyables conflits au nom de la Foi et de longues négociations... Je jouais pendant des heures avec mes petits soldats, imaginant le cortège de l'empereur ramené à l'humilité face au Vicaire du Christ dont un schisme avait menacé l'omnipotence mais qui resta droit et comme illuminé par sa mission. 


Je voyais en rêve la scène historique, l'Empereur agenouillait devant le pape qu'il avait combattu. Le siennois Orlando Bandelli avait tenu bon face au puissant monarque qui soutint tour à tour trois antipapes Victor IV, Pascal III et Calixte III, si ma mémoire est bonne. J'avais fabriqué avec du papier bristol peinturluré, les navires allemands. Des petits soldats représentaient la garde et la cour de l'Empereur. Je mêlais dans mon imaginaire les images de la lente procession de François-Joseph et Sissi sur la Piazza découverte dans un film diffusé aux Dossiers de l'écran, aux images d'une encyclopédie historique où l'on voyait les Gibelins contre les Guelfes. La scène occupait tout le sol de ma chambre, les deux colonnes de la piazzetta étaient en Lego surmontées d'une figurine de saint trouvée dans un gâteau des rois et un petit lézard en plastique vert collés avec de la pâte à modeler...

Nous sommes le 23 juillet de l'an de Grâce 1177. Les deux colonnes devant le môle viennent à peine d'être érigées. Depuis des semaines on s'empresse autour de la basilique, on refait le pavement, on nettoie les abords du ruisseau qui sert de douves, on repeint, on décore. Le doge va recevoir l'Empereur et sa délégation. Le pape, après s'être réfugié en France, a été invité par le Sénat. Le doge Sebastiano Ziani est venu le chercher en grande pompe sur la terre ferme il y a plusieurs mois déjà. Ainsi Venise la marchande, Venise la mercenaire est devenue pour un temps la capitale de la Chrétienté, le siège de Pierre. Ne dit-on pas que si le trône d'Attila est à Torcello, celui que l'Apôtre utilisa à Antioche est dans la basilique qui lui est consacrée, là-bas tout au bout de la ville, dans ce qu'on appelait à l'époque l'île d'Olivolo ? Mais je ne savais pas tout cela encore. Mon imagination vite enflammée n'avait pour se nourrir que les livres illustrés à ma portée. Je découvrirai bien plus tard les ouvrages d'histoire conservés à la Marciana.

Quelques années plus tard, dans les débuts de mon adolescence, je rangeais petits soldats et Lego et commençais de me plonger dans de vrais livres d'histoire avec la même passion que du temps de mon enfance. Nos parents nous amenèrent en Italie et pour la première fois, je foulais le sol de la terre de mes ancêtres. Je découvrais Venise ! La première visite à San Marco reste très ancrée dans ma mémoire. J'avais un peu plus de treize ans. J'ai retrouvé les sensations qui furent les miennes bien des années plus tard en lisant La Description de San Marco deMichel Butor. Ma première visite de la basilique fut un émerveillement. Plus que toutes les splendeurs que renferme cet édifice, c'est une simple dalle de marbre rouge de Vérone, barrée d'un losange blanc, juste à l'entrée, devant le portail principal, qui me fascina. J'en avais tellement entendu parler : elle marque l'emplacement même où se fit la fameuse rencontre entre Alexandre III et Frédéric Barberousse, le 23 juillet 1177. Là, pour obtenir la levée de son excommunication, l'empereur s'agenouilla pour baiser le pied du pape.

La légende raconte que le Souverain pontife voulut humilier son ancien ennemi en lui mettant le pied sur la nuque au moment où l'empereur s'agenouillait. Il prononça très distinctement ce verset du psaume 91 : 
"Super aspidem et basilicum ambulabis et conculcabis leonem et draconem ("Tu marcheras sur la vipère et le scorpion et tu fouleras aux pieds le lion et le dragon") 
 
L'entrevue est entrée ainsi dans l'histoire. L'empereur, fin et cultivé avala sa rage tant il désirait l'absolution du successeur de Pierre et répliqua "Non tibi sed Petro" ("ces paroles ne s'adressent pas à vous mais à Pierre"). Alexandre répondit par un retentissant "Et mihi et Petri" ("elles s'adressent à moi et à Pierre"). Gentile et Giovanni Bellini avaient peint pour la salle du Grand Conseil un cycle consacré à cet évènement. Malheureusement le grand incendie du palais en 1577 en effaça la trace.

Le pape voulant témoigner sa propre reconnaissance à la République pour les bons services qu'il en avait reçus, accorda beaucoup de privilèges et d'indulgences et offrit au doge plusieurs objets, parmi lesquels l'anneau, avec lequel chaque année ce dernier devrait épouser la mer en signe de la suprématie de Venise sur la mer et de la soumission de la mer à la République. L'usage voulut vite qu'un anneau soit ainsi chaque année, jeté à la mer en signe de ces épousailles béni une fois pour toutes par Alexandre III. L'enfant plein d'imagination que j'étais ne pouvait que trouver de quoi se nourrir avec les légendes et les chroniques de Venise. 

Bien des années plus tard, cette histoire mouvementée et somptueuse continue de faire mes délices et de nourrir mes songes...

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31 août 2013

Alto Futuro : le monde bouge, Venise est sur le pont


..Il faudrait être vraiment obtus ou de très mauvaise foi pour ne pas se rendre à l'évidence : notre monde moderne n'a jamais eu autant de moyens pour parvenir au bonheur mais ce sont pour la plupart ces moyens qui risquent de détruire la planète et tous ses habitants. Les gens sont dubitatifs. Beaucoup envisagent encore l'écologie un phénomène de mode pour bobos repus et imaginent les défenseurs de cette alternative comme de doux illuminés hirsutes fumeurs de joints et déconnectés des réalités de la vie. Déconnectés d'un credo qui nous ont été trop longtemps imposés, c'est une certitude, mais pas inconscients ni idéalistes.

..La révolution des mœurs et des mentalités est en marche : peu à peu des millions de gens se convertissent à une pensée différente - alternative - qui repositionne l'homme au centre de tout et non plus le profit. L'écologie politique n'est pas une composante de la pensée socialiste pas plus qu'elle n'est issue d'un mode de réflexion réactionnaire ou conservatrice. Elle est innovante et humaniste, pacifiste et réaliste. Cela, les italiens, et parmi eux bon nombre de vénitiens, l'ont compris depuis belle lurette. depuis cette époque où justement les militants écologistes portaient des pulls tricotés avec la laine des moutons du Larzac, des sacs en macramé et de longs cheveux mal lavés, laissant derrière eux des relents d'herbe et de chou.

..Aujourd'hui il faut être aveugle pour ne pas voir la désagrégation de notre environnement, l'empoisonnement de la nature, la croissance du stress et des maladies nerveuses, les évènements aberrants d'une société qui ne sait plus ce qu'elle fait ni où elle va, totalement coupée de ses racines et des valeurs fondamentales qui depuis le début de l'humanité ont guidé les hommes. Alors, se sont levés des esprits ouverts, conscients de l'urgence d'un changement, qui expliquent et définissent les moyens de sortir de ce cercle infernal pour mieux vivre et sauver notre planète. Venise me parait depuis toujours un lieu symbolique où convergent de plus en plus souvent les mouvements alternatifs pour se faire connaître et travailler à la mise en œuvre des solutions pour le monde de demain. 

..Venise de par son positionnement géographique, la lutte de ses habitants contre les méfaits de la nature mais aussi contre les prédateurs humains qui en s'attaquant à cette nature qui la protège mettent en danger la survivance même de la Sérénissime. Venise depuis toujours a su mettre en place des moyens et des techniques sociales et commerciales adaptées à la nature qui l'environne et les maux actuels sont pour la plupart liés à l'abandon de ces techniques ancestrales, à la perte des connaissances des vénitiens d'autrefois qui avaient su acquérir une parfaite maîtrise de l'environnement lagunaire et adaptèrent leurs objectifs à cet environnement. 

..Ce n'est pas un hasard si bon nombre de colloques et de symposiums ont lieu ici. Dans quelques jours s'ouvrira pour sa seconde édition, sur les Zattere (du 13 au 15 septembre) puis ensuite à Mestre (du 19 au 22 septembre), Altro Futuro 2013, foire de la décroissance et de la ville soutenable. Tramezzinimag vous en reparlera. 


23 juillet 2013

Inédit : Le journal de Nicolas W. de W.

Pour A., 
qui peut-être lira ses lignes. 

[...] Il referma la grille du jardin sans un seul regard vers la rue. Déjà, l'air se faisait différent. L'agitation de la rue, les bruits de la ville s'estompaient comme montait en lui une infinie tristesse. Un goût amer dans la bouche, il renifla pour retenir ses larmes. Comme tout avait été simple. Un adieu rapide, quelques mots brefs prononcés avec indifférence. Un dernier regard puis l'absence, le vide et le silence. Plus rien jamais ne serait comme avant. Pourtant il fallait qu'il en soit ainsi, il le savait. La satisfaction d'avoir agi sagement pourtant n'atténua pas le cataclysme intérieur qui s'était emparé de lui. Ses pas sur le gravier, le chant d'un merle dans les buissons, l'odeur des roses et l'herbe coupée, tout cela d'habitude le réjouissait quand il pénétrait dans ce jardin. Pourtant, tout lui semblait fade et moche à cet instant. Un premier chagrin véritable qui le laissait brisé, anéanti, perdu. [...] 

 ..Quelques lignes écrites par un inconnu, quelques mois avant la première guerre mondiale. Un jeune aristocrate comme l'Europe en produisait encore. Il se prénommait Nicolas Weyss de Weyssenhoff. Un joli nom pour un bien grand mystère. Il y eut longtemps quelques traces de lui à Venise. Des témoins. Olga Rudge m'avait présenté à une de ses amies musiciennes qui avait connu sa famille... Adolescent, la lecture d'un carnet retrouvé dans notre vieille maison, quelques photos, des lettres piquèrent ma curiosité. On me montra la tombe de sa mère Marie de Wirouboff, qui resta longtemps dans un angle du cimetière orthodoxe de San Michele, non loin du monument de Caterina Potemkine.  Elle mourut, assez jeune encore, dans un palais vénitien dont je n'ai jamais retrouvé l'adresse, un jour d'hiver 1899. Je crois que Nicolas naquit à Constantinople, comme sa tante Hélène Stoyanovich, morte elle aussi à Venise à l'aube du XXe siècle. J'ai longtemps voulu écrire un roman de sa vie. Mais il eut fallu presque tout inventer, faute de documents. Pourtant, son amour pour Venise, la mélancolie de ses propos et les quelques vers bien tournés de son carnet pourraient constituer l'ébauche d'une biographie imaginée. Un jour peut-être. Rien ne presse.



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19 octobre 2012

Croquis : de Canaletto à nos jours


 
Justin Henton est un jeune londonien très doué qui dessine ce qu'il voit à l'occasion de ses voyages. Vous connaissez la prédilection de Tramezzinimag pour les carnets d'artistes. On ne peut les sans signaler la présence à paris d'un des plus extraordinaires spécimens du genre : le fameux carnet de croquis de Canaletto.  
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Très rarement présenté en dehors de Venise où il est conservé, l'objet, qui date probablement aux années 1720, est un chef-d’œuvre émouvant. En le feuilletant, on suit le cheminement de la pensée de l'artiste, « depuis la formation d’une idée jusqu’à son développement sur le papier, puis sa réalisation sur la toile. » Les croquis sont presque toujours accompagnés d'annotations que le peintre utilisera ensuite dans l'élaboration de ses toiles. Croquis pris sur le vif, détails, mouvements, ce qu'on voit au fil des pages est fascinant.  

Crédit photo : Antoine Manichon
 
Comme l'écrit Annalisa Perissa Torrini directrice du cabinet de dessins de l'Accademia, dans le catalogue de l'exposition, dans ce Quaderno di schizzi :
« Il y écrit le nom des palais et des échoppes, signale la présence d’un bac ou d’un atelier de réparation de gondoles, ou précise le nombre de fenêtres et de colonnes. Il n’oublie pas non plus de noter les couleurs - marron, blanc, jaune, noir, blanc cassé, rouge, ocre, ocre jaune -, en en précisant la tonalité, claire ou sombre. Les mesures sont elles aussi indiquées : “plus large”, “un peu plus long”, “plus étroit”, “juste”. De même des matériaux (plomb, pierre, brique, bois) et des lieux, et jusqu’aux enseignes.»
Ce carnet est aussi un témoignage précieux sur Venise et ses habitants au XVIIIe siècle. Composé de 148 pages, il contient 138 dessins sur un papier épais filigrané. Au XIXe siècle on y ajouté huit pages au début et à la fin lors de la reliure de l'ouvrage. Le sceau qui apparait sur certaines pages est le cachet de Borsato, intendant de la Galerie de l'Accademia. Ce sont avant tout des esquisses documentaires donc et non pas des dessins élaborés destinés au public. C'est ce qui les rend fascinants. Canaletto utilisait un engin appelé camera oscura, boite optique qui lui permettait de relever tous les détails d'un paysage ou d'un bâtiment. Mais tous les dessins contenus dans le carnet n'ont pu être réalisés avec cet ancêtre des appareils photo, notamment les croquis fait depuis une barque, l'appareil pour donner un résultat optimal, nécessitait une stabilité absolue. Mais qu'ils soient à main levés, ou transcription à l'encre de la vue obtenue par le moyen de cet engin, les dessins sont tous très beaux et très émouvants.
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Tramezzinimag reviendra plus en détail ce weekend  sur cette exposition Canaletto au Musée Maillol et sur celle du musée Jacquemart-André..




Pour en savoir plus sur cette exposition : 
 
 
Avis aux lecteurs
Les 5 commentaires reçus lors de la publication ont été perdus lors de la disparition du blog en août 2016.

09 mai 2012

On ne peut devenir qu'autant qu'on soit déjà

9 mai 2012 
C'est Novalis qui écrivait cela. Profitant d'un beau soleil, je relisais assis sur l'herbe des poèmes de Rainer Maria Rilke. Leur beauté m'a renvoyé, par un de ces mystères de la pensée, vers Louis Émié, cet auteur bordelais peu connu encore, mais qui est l'un des plus grands poètes de notre époque.

Dans Le Mémorial, son journal, édité en 2000, j'avais trouvé le texte suivant qui date de 1941 je crois, quand la France était occupée. Il m'avait paru alors tellement en adéquation avec ma vie. Plus de dix ans après, ces lignes restent tout aussi fortes. 

"Est-ce un bonheur ou un malheur que de savoir qu'il y a des choses que l'on ne pourra jamais faire, qu'on demeure toujours limité à soi-même malgré tous les efforts que l'on accumule pour se dépasser ? 

"Il y a des livres que je ne lirai jamais, des villes que je ne connaîtrai jamais. J'en éprouve par instant un regret aussi douloureux qu'un soudaine brûlure. Et puis, je jette un coup d’œil sur moi-même, sur mon passé et mon présent. Je reprends ainsi conscience du peu que j'ai réussi à être - et, alors, je me résigne. 

"Naguère, la résignation me paraissait la plus lâche, la plus méprisable des solutions. En ce temps-là, il y avait en moi des sursauts, des révoltes. Tout cela est mort, maintenant. Au courant de la vie, quelque chose de nous s'émousse, s'évanouit peu à peu. J'ai cessé d'être un révolté ; j'accepte les évènements et je m'accepte tel qu'ils me font. Philosophie assez rudimentaire, prudente et facile, sans aucun doute ; mais du moins, m'évite-t-elle de tomber dans le pêché d'orgueil et me permet-elle de connaître mes véritables limites, au-delà desquelles je ne puis sans danger m'aventurer." 


..Un jour de mai tout pareil à aujourd'hui, j'allais avec un ami sur les eaux de la lagune, en direction de Pellestrina. Le ciel était d'un bleu très doux, l'air plein de senteurs nouvelles. Il n'y avait pas de vent et l'eau sur laquelle notre barque glissait semblait faite d'une soie précieuse, d'un joli vert aux reflets mordorés. Tout était douceur et silence. Nous avancions comme dans une prière. Cette plénitude qui nous prenait tout entier, je ne saurai l'exprimer. Nous étions à la fois joyeux et inquiets. Portés par l'effort qu'il faut donner sans cesse pour avancer, amplifier le rythme et se caler dans cette profonde harmonie qui unit vite les rameurs et leur donne une sensation de sereine plénitude. J'avais la sensation qu'un moment comme celui-là était une bénédiction et qu'il fallait en absorber chaque bribe. Savourer l'instant où fondus dans un même effort, nos deux êtres s'unissaient dans la même ferveur, lançant à l'unisson une même louange au Créateur pour toutes ces merveilles. 

,,L'impossibilité au retour d'expliquer aux autres cette expérience, fit éclater cette triste vérité : je ne pouvais pas, je ne pourrai jamais, donner en partage cette émotion, cette joie profonde que j'assimilais naturellement à Dieu. Le texte de Louis Émié résume bien cette incapacité. C'est peut-être pour cela que, depuis toujours, j'écris sans cesse...

Louis Émié Mémorial 
Préface de Pierrette Sartin 
Présentation et appareil critique de Francesco Maria Mottola 
Éditions Opales 


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3 commentaires

02 mai 2012

La Venise d'avant (1)


,,L'église de la Pietà que l'on peut voir aujourd'hui sur le quai des Esclavons n'est pas celle où Antonio Vivaldi dirigeait les jeunes musiciennes du couvent. Elle a été construite après sa mort. L'église qu'il connut et où eurent lieu les nombreux concerts qu'on venait écouter de toute l'Europe n'a été démolie que plus tard et remplacée par un palais aujourd'hui transformé en hôtel, l'Albergo Metropole. La gravure ci-dessus montre l'entrée de la chapelle de l'Ospedale della Pietà telle que Vivaldi et ses jeunes musiciennes l'ont connue. 

,,On peut encore voir des colonnes de l'ancien bâtiment dans le hall de l'hôtel. Est-ce l'esprit du prêtre roux qui fit décider le propriétaire de l'hôtel d'organiser chaque semaine des concerts de musique de chambre ou des récitals de chant dans un salon à côté du hall où trônent les deux colonnes vestiges de l'église reconstitue plus loin ? CertainementMais ce fut surtout à la mémoire de son fils, mort dans un accident de voitures et jeune violoniste.



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"Gelido in ogni vena", Vivaldi chanté par Cecilia Bartoli


En relisant mes notes sur l'Ospedale della Pietà, j'ai eu envie d'écouter ce magnifique disque enregistré par la grande Cecilia Bartoli, The Vivaldi Album, paru il y a un certain temps déjà (en 1999 !) chez Decca. Une merveille que tous les amateurs de musique baroque connaissent. Tout est beau dans ce disque. Avec l'enregistrement du Nisi Dominus de James Bowman, les Gloria et Magnificat dans la sublime version de Riccardo Muti avec la grande Teresa Berganza, c'est un des plus extraordinaires enregistrements consacrés à la musique du prêtre roux. Dans son Dictionnaire amoureux de Venise, Philippe Sollers décrit parfaitement la beauté émouvante de cette musique et le portrait qu'il dresse de la cantatrice est totalement justifié par ces images. Qui disait si bêtement qu'Antonio Vivaldi avait passé sa vie à écrire le même concerto ?

Il m'est impossible de parler de Vivaldi sans évoquer la mémoire d'Olga Rudge et d'Ezra Pound. Sans eux, le compositeur serait considéré à l'aulne de ce qu'en a écrit Goldoni dans ses mémoires, ("un bien médiocre compositeur", sic). Johan Sebastian Bach lui, qui avait transcrit nombre de pièces du vénitien, ne s'y était pas trompé : Vivaldi est un grand compositeur, un poète et un précurseur. Son œuvre est mystérieuse comme sa vie. Ce qui est évident, c'est le rôle de Venise, de la lagune, de cette ambiance unique, dans l'inspiration du musicien. Quand on tend l'oreille - et le cœur - à l'écoute d'une de ses pièces, c'est la lumière, les odeurs, les sons de Venise qui surgissent soudain. Et puis cette musique divine ramène toujours le soleil et une sérénité joyeuse... 

Cet aria, Gelido in ogni vena (« Chacune de mes veines se glace »), extrait de Farnace, est en fait une citation d'un texte de Metastasio écrit pour Siroe, cantate du compositeur napolitain Leonardo Vinci, représentée en 1726, que le librettiste a repris dans l'opéra de Vivaldi

4 commentaires:


Gérard a dit…

Un joli article !
Il faut toujours pour le grand Antonio à chaque fois remettre l'ouvrage sur le tapis tellement il fut vilipendé , maltraité , etc , etc , ....
Perso , " La Stravaganza " ou " La notte " , et ce , dans la nuit froide et noire de la Sérénissime .
La clarté cristalline de son violon , de sa flûte , telle qu'elle est parce qu'il l'a voulue ainsi , suspendue au milieu de l'orchestre , nous guide , on la suit dans le dédale de partout : elle nous envoûte à tout jamais , son but .
Il percevait les sons , et les sens , comme peu .
Et nous les rend , 3 siècles après , merveilleusement intacts .
Un vrai artiste authentique , en somme !
Sa plus belle qualité .
Une individualité immortelle .
Et bien sûr , par là , très très précieuse .

kate.rene a dit…

Celui qui disait bêtement que Vivaldi avait passé sa vie à écrire le même concerto était Igor Stravinsky !

Anonyme a dit…

SUBLIME ! Comme Venise.
Merci Lorenzo.
Gabriella

Lorenzo a dit...

Il y a encore des musiciens, baroqueux pour la plupart à ma grande surprise, qui font leur la perfide flèche de Stravinsky - qui n'est ni à son honneur ni au leur ce me semble - mais il faut rappeler qu'à l'époque où le musicien russe disait cela, on connaissait de Vivaldi peu de choses et toujours les mêmes qu'on ne savait jouer qu'à la manière pompeuse du XIXe avec des instruments à un diapason bien différent de celui de l'époque du prêtre roux !

01 mai 2012

Premier matin de mai


"Quelle ville pour les marins ! Tout flotte, et rien ne roule. Un silence divin. l'odeur de la marine, partout. Même ignoble, aux carrefours de l'ordure croupie, des choux pourris, des épluchures et de la vase, l'odeur salée se retrouve encore ; et toujours monte la douceur sucrée du filin et l'arôme guerrier du goudron, cet Othello des parfums. C'est un bonheur d'aller grand'erre sur les eaux dociles : le charme de Venise contente tout caprice. Et moins l'on sait où l'on est, moins l'on sait où l'on va, plus l'issue a de grâce, le plaisir s'y parant de la surprise. Il n'est canal qui ne mène à la lumière." 
André Suarès  

30 avril 2012

Dimanche. Un livre, un gâteau, et la musique de Bach.

Les dimanches que j'aime sont toujours de la même couleur. Celle d'un bonheur tranquille que rythment joyeusement les Suites anglaises de Bach sous les doigts de Glenn Gould. Peu importe le temps qu'il fait au dehors, dans la maison le soleil brille de tous ses feux. Le chat ronronne de plaisir, la table pour le thé réunit toute la famille. Scones dorés, thé fumant et parfois, un de ces gâteaux qui réveillent en nous mille souvenirs d'enfance. Hier, c'était un Fondant à l'orange. Constance qui s'est prise de passion pour ces petits bracelets de ruban qu'on garnit de breloques retrouvées dans les tiroirs et les vieux coffrets de sa Bonne-maman (comme la recette du délicieux Fondant), s'affaire près de la fenêtre. Tout autour d'elle, fils et tissus dans un joyeux désordre, illuminent de couleurs acidulées le gris du ciel. 

La sarabande de la Deuxième Suite se glissent dans toute la maisonnée. Dehors, la pluie continue sans arrêt depuis plusieurs jours. Une accalmie ce matin nous a permis d'aller à la messe sans parapluie. Joie de ce moment de soleil si doux. En rentrant, petit détour par des ruelles silencieuses pour admirer quelques vieilles pierres, rajouts très anciens qu'un architecte habile a utilisé autrefois, nous permettant aujourd'hui d'admirer là une fresque gallo-romaine, ici un arc médiéval. Le temps passe vite quand tout est en harmonie. La panique et l'angoisse de vendredi envolées, le blog retrouve peu à peu l'ensemble de son contenu. Ouf... 

Dix sept heures sonnent au clocher voisin. L'heure sacrée du thé. Les scones, la confiture de poires faite l'été dernier, la gelée de coings, celle de mûres un peu liquide... Le roman découvert par hasard et qu'on ne peut plus quitter. Hier, c'était La liste de mes envies de Grégoire Delacourt (à lire toutes affaires cessantes !). Un petit bijou d'émotion et d'humour aussi. Comme la vie ordinaire. Un passage émouvant sur un père retombant en enfance, des pages sur l'utilité des blogs. Dehors, des enfants rient en pataugeant bruyamment dans les flaques. Leurs rires répondent à la musique du Kantor de Leipzig. Même rythme, même ton. Combien j'aime ces dimanches tranquilles tout remplis d'âme et de paix. 

Le Fondant à l'orange de Bonne-maman : 
Il vous faut : 175 g de bonne farine tamisée, 1/2 sachet de levure, 3 œufs frais, 80 g de beurre frais, 175 g de cassonade, 125 g de sucre glace, 3 oranges à jus, une pincée de sel, 1/2 cuillère à soupe de rhum ou de Cointreau. 

Commencez par mélanger le beurre ramolli avec le sucre jusqu'à obtenir un mélange bien crémeux. Ajoutez le zeste d'une orange, puis les œufs en remuant vigoureusement, puis la farine, la levure et le sel, quand l'appareil est homogène, versez-y le jus d'une orange. Bien mélanger. Versez la pâte ainsi obtenue dans un moule à manqué beurré et fariné. Cuire à feu doux (th 4, 150°) pendant environ 40 minutes (jusqu'à ce que le dessus soit joliment doré et qu'une pointe de couteau ressorte sèche du gâteau (tout le monde sait ça, pourquoi me sentir obligé de l'écrire une fois encore ?). Pendant la cuisson, faire un sirop avec le jus des trois autres oranges et le sucre. Laisser bouillir plusieurs fois et maintenir au chaud. le sirop est prêt quand le sucre a entièrement fondu. Inutile d'écumer, après cuisson le sirop va s'éclaircir et la mousse disparaître. Quand le gâteau est cuit, le démouler aussitôt et le renverser sur une grille que vous poserez sur un plat. Imbibez-le avec le sirop de façon à ce que toute la surface et les côtés soient mouillés, recommencez tant qu'il y a du sirop dans le plat. Servir tiède ou froid. Les deux manières ont leurs partisans. Personnellement, je le préfère tiède. Servi avec une crème anglaise peu sucrée (la vraie), c'est absolument à se damner ! 

Le soleil est revenu faire un petit tour, jouant avec les miettes sur la nappe sous le regard ravi du chat qui n'aime pas toute cette humidité. Des images iconoclastes qui nous parviennent de Venise n'entameront pas notre bonne humeur. Pourtant il y a de quoi enrager. Ces horribles grandi navi qui se font chaque jour plus nombreux et dont personne ne veut dans le centro storico et ces (superbes) vieux modèles d'automobiles qui ont envahi le parvis de San Giorgio, à l'occasion de l'arrivée d'un rallye parti de Monaco et dont les prix étaient remis en grande pompe lors d'une soirée de gala, dans les salons de la Fondation Cini. C'était la maison Vuitton qui était l'instigateur). Voir des voitures à Venise qui a su lutter depuis toujours contre ce qui enlaidit les autres villes du monde, à de quoi faire hurler. Exactement comme la vitrine Ferrari qui faisait tâche (rouge) sur la Piazza ! heureusement, Buonaparte n'a pas eu le temps de mettre ses menaces à exécution, et le petit Attila corse est parti vers Sainte-Hélène avant que de transformer le grand canal en boulevard carrossable !

Crédits photographiques © OliaiKlod