Affichage des articles dont le libellé est Carnaval. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Carnaval. Afficher tous les articles

12 septembre 2011

Le Bal du Siècle ou la dernière fête du Palais Labia (Suite et fin)



(Suite et fin de l'article paru le 07/12/2010,
pour fêter le 60e anniversaire de ce bal inoubliable, en écho à l'article de Maïté paru le 03/09/2011 sur son blog "Ma Venise".)
;;;
Le 3 septembre 1951, Carlos de Beistegui donna en sa somptueuse demeure vénitienne nouvellement restaurée à grands frais, le fameux palazzo Labia, célèbre pour ses fresques de Tiepolo, certainement le plus fameux bal costumé du XXe siècle, connu depuis sous le nom de "Bal du siècle". La soirée, l'une des plus fastueuses de l'après-guerre, réunit plus de 1500 invités costumés, dont la liste peut se lire comme un supplément de l'Almanach du Gotha et du Bottin Mondain la princesse Hohenloe, le Marquis de Cuevas, Barbara Hutton, Leonor Fini, l'Aga Khan, Lady Churchill venue seule sans son mari qui avait décliné l'invitation et préféra rester au Lido où le couple séjournait. Jusqu'au dernier moment, on parla de la venue de la princesse Margaret d'Angleterre et même du roi de Grèce. Jean Gabin à l'affiche d'un film en compétition n'était plus à Venise ce jour-là. Il était de toute manière trop peu mondain pour être sur les listes.

La Mostra du cinéma venait de commencer, amenant à Venise, acteurs, producteurs et cinéastes, la belle Gene Tierney et Orson Welles en tête.L'actrice américaine Irene Dunne, arrivée la veille pour la Mostra n'avait pas reçu de carton, mais elle transportait dans ses bagages un magnifique costume de velours vert, au cas où. Il fallut de longues tractations entre les producteurs Hollywood et le milliardaire pour qu'elle fut invitée... une heure avant le début du bal. Daisy Fellowes, "la femme la plus élégante du monde", dans une somptueuse robe de Christian Dior, en reine des Indes, portait un collier de pierreries spécialement monté pour l'occasion qu'elle ne remit plus jamais ensuite. Le maître de maison ayant interdit l'approche du palais aux bateaux à moteur, ce fut en gondole, selon l'antique tradition, que tous les invités se rendirent au bal. Quelques uns arrivés en taxi devant la gare ou par le casino voisin, vinrent ensuite à pied par l'entrée sur le campo della chiesa où la foule s'était amassée et qu'on distrayait avec des funambules et des pantomimes. Robert Doisneau, Cecil Beaton et André Ostier furent les photographes de la soirée. Le peintre Alexandre Serebriakoff a également peint une série d’aquarelles représentant différents moments du bal.

 
Les costumes étaient somptueux. certains étaient l'œuvre de Salvador Dali, de Christian Dior, de Nina Ricci, Jacques Fath et de Pierre Cardin, alors débutant. Les ateliers de ces grands couturiers travaillèrent pendant plusieurs mois à la confection des somptueux costumes dont on parle encore soixante ans après. Le prince Jean-Louis de Faucigny-Lucinge écrivit en se remémorant l'événement : "Beistegui décida de donner la Fête des Fêtes sur le thème le plus logique en ces lieux : la Venise de Longhi et de Casanova, et de lui réserver l'ampleur d'un spectacle de cour. Il en fut ce qu'il espérait. […] Les invités étaient venus de tous les coins de l'Europe, de Lady Clementine_Churchill au vieil Aga Khan, en passant par les plus belles princesses romaines ou napolitaines. […] Car Carlos de Beistegui tenait aux références : nom, talent, beauté, notoriété, et — j'ajoute — amitié, car c'était un ami très fidèle. "Jean Cocteau s'est également intéressé à l'évènement : "Bal de Venise. Beistegui n'avait pas invité la méchante fée : le journalisme. Donc, son bal est un désastre et il a plu. La vérité c'est qu'il n'a pas plu et que le bal était une réussite. Le peuple de Venise adore les fêtes et applaudissait les costumes. […] Beistegui avait refusé huit millions des Américains pour filmer le bal." Paul Morand, qui était l'un des invités, évoqua l'œuvre de Beistegui dans son livre consacré à Venise : "Palais aux fresques si renommées en leur temps que Reynolds et Fragonard avaient fait le voyage de Venise pour les copier (...) L'histoire des Labia : un demi-siècle de puissance outrageante, de vaisselle d'or jetée par les fenêtres, de murs vierges confiés au talent de Tiepolo, de Zugno, de Magon, de Diziani ; ruinés par Napoléon, les Labia avaient cédé l'édifice (...). Notre fastueux ami B. avait décidé de tenir tête au temps ; reconstituer un palais, c'est dire non au gouffre, c'est comme d'écrire le Temps perdu. Son œuvre terminée, B. s'en désintéressait."
Certains membres de la Jet-set d'après-guerre, comme par exemple la milliardaire (et ambassadrice) Perle Mesta, amie et soutien des Kennedy, convoquèrent la presse pour signifier au monde que s'ils n'en étaient pas, c'était bien voulu de leur part : "je veux qu'il soit bien compris que je n'y vais pas", lança-t-elle aux journalistes...


Ce fut une splendeur. En ces années où le monde libre essayait
d'oublier les séquelles de la guerre, de ses privations et de ses drames, la peur du communisme et montée de la guerre froide, la fête commença vraiment vers 22 heures.
Sous un ciel dégagé, le grand canal et le canal de Cannaregio où se mire l'imposante façade du palais Labia, étaient couverts d'embarcations. Au milieu de dizaines de lampions flottants, les gondoliers en grande tenue ou parfois costumés comme du temps de la République, amenaient les invités jusqu'au ponton recouvert d'un somptueux tapis ancien. Comme pour la Regata Storica, de nombreux vénitiens avaient pris place le long des rives sur des barques pour mieux apercevoir les personnalités qui arrivaient.Toutes les fenêtres des immeubles voisins avaient été louées au tarif de 80.000 lires par personne (une somme pour l'époque !). Le prince Aga Khan, classiquement vêtu d'un domino vénitien, arriva parmi les premiers, suivi de Barbara Hutton habillée en Mozart, dans un costume valant plus de 15.000 dollars, puis le Prince et la Princesse Chavchavadze couverte de bijoux devenue Catherine II...


Un peu avant minuit, des trompettes naturelles sonnèrent et les 1.500 invités furent introduits dans la grand salle de bal du palais sous les fresques de Tiepolo, par le maître des lieux vêtu d'une toge de damas écarlate, portant une longue perruque bouclée et grandi par des talons comp
ensés de plus de 40 cm (il ne mesurait en vérité qu'1 mètre 68). Le sol avait été recouvert d'un plancher en trompe-l’œil reproduisant les motifs d'un tapis de la Savonnerie qui avait nécessité plusieurs centaines d'heures de travail aux décorateurs. Il aura fallu plusieurs semaines de préparation, et les invitations furent envoyées six mois avant, afin de permettre aux happy few concernés d'organiser leur agenda et de prévoir leur costume ?


La musique classique, les ballets, les menuets et les valses laissèrent la place aux rumbas,
sambas, charlestons très à la mode dans ces années-là. Dans les salons, de somptueux buffets couverts d'écrevisses, de jambons, de saumons en gelée et autres délices étaient pris d'assaut.
Le champagne coula à flots jusqu'à l'aube. Dans le cortile du palais, Don Carlos, très royal, avait organisé une fête pour les gens du commun comme il disait : on pouvait y trouver à boire mais c'était payant. Il y avait un spectacle gratuit de marionnettes et un mât de cocagne avec des prix pour ceux qui parviendraient à grimper au sommet. Les deux mondes parfois se mêlaient.

 
C'est ainsi qu'on a pu voir la très distinguée Madame Louis Arpels (l'épouse du célèbre joaillier parisien), en train de danser avec un jeune vénitien en chemise ouverte montrant des pectoraux avantageux. Comme les images d'un film, l'expression la plus affirmée de la Dolce vita. Tous s'amusèrent magnifiquement. Pourtant ce n'était pas l'objectif de tous ces gens. S'affirmait dans leur participation à cette extraordinaire fête, la volonté d'en finir avec les terribles années de guerre, avec les blessures qui restaient loin de s'être cicatrisées. L'amusement vint en prime, après que tous se furent montrés les uns aux autres et, ensemble, au monde. Parmi les invités, certains pourtant n'étaient pas dupes et confièrent aux journalistes qu'ils étaient certains que que cette oisiveté, toute cette gabegie de luxe ostentatoire, ces dépenses somptuaires pour un seul soir, était en train de disparaître et sombreraient bientôt dans l'oubli. "Je ne crois pas", déclara le prince Aga Khan, alors que la soirée touchait à sa fin, "qu'il nous soit donné de voir encore quelque chose comme cela."




29 août 2011

La bête curieuse

Chesterton a écrit : «C'est une chose que de raconter une entrevue avec une gorgone ou un griffon, une créature qui n'existerait pas.[...] Ce dont souffre le monde moderne, c'est d'un évident déficit d'émerveillement.» souligne Martin Steffens, dans son admirable Petit traité de la joie. Et il continue en écrivant ces lignes que je trouve fondamentales (dans le genre «Mais bon sang, c'est bien sûr, pourquoi n'y ai-je pas pensés plus tôt ?») :
« Preuve en est, le rôle qu'il donne aux loisirs et, plus particulièrement, à cette faculté que nous avons d'imaginer :l'imagination servirait à s'évader, à fuir la réalité, à inventer d'autres mondes. Elle serait une porte sur l'ailleurs, ailleurs dont nous aurions besoin pour ne pas étouffer dans ce monde trop réel. Pour Chesterton, les choses sont différentes : le monde est en lui-même digne de notre émerveillement. Et si nous voulons le fuir, c'est faute de lui prêter attention. Or une telle attention peut nous être donnée par l'imagination : celle-ci porte en elle un pouvoir de déréalisation. Elle oppose à ce qui est ce qui aurait pu être. Ainsi naissent les gorgones et les griffons, les délires et les utopies. Mais cette fuite peut être plus qu'un aller sans retour : vacance de l'attention au réel, cette évasion permet de mieux revenir sur ce qui est, lavés de nos lassitudes. Par elle, il s'agit non tant de voir de nouvelles choses que de voir à nouveau les choses. Comme de s'imaginer un animal aux yeux petits comme des billes mais à la carrure imposante, grise autant que magnifique, dont l'obtuse tête, terminée par une corne et de profonds nasaux, se trouve à la hauteur de pattes rondes et lourdes qui semblent clouer le sol - animal terrifiant, et cependant végétarien... Une gorgone ? Un griffon ? Non point : un rhinocéros. Un quelque chose qui, ayant le malheur de faire partie du monde réel, a été soustrait à notre faculté d'émerveillement. Un quelque chose qui, sitôt qu'on le déréalise, redevient étonnant, impossible, et par là surprenant. Le monde est gorgé d'impossibilités dont nous avons pris l'habitude. Le monde est plein de merveilles auprès desquelles nous avons omis de nous émerveiller.»
Je ne sais pas vous, mais moi, ce texte m'a littéralement bousculé. Comme tout l'ouvrage d'ailleurs que je vous recommande ardemment. Ce fut une des lectures de mon été dans notre presqu'île du Cotentin, dévorées parfois bien installé sur un bon vieux et confortable transat en toile rayée, à l'ombre de notre gros mûrier, avec le parfum des roses anciennes et de l'herbe coupée, sur la plage au milieu du varech avec le cri des mouettes, mais aussi - le plus souvent cette année, hélas - devant la cheminée de la vieille maison où brûlait un grand feu bienvenu.
Martin Steffens
Petit Traité de la joie
Ed. Salvator, 2011
192 pp.


1 commentaire d'origine :
Anne a dit...
 
Merci pour le tableau, la référence et l'extrait bien choisis. Ils donnent envie de lire ce livre. 
 

02 février 2011

C'est aujourd'hui la Chandeleur

Sans parler des américains qui fêtent aujourd'hui la marmotte (!) et sont bien plus proches du paganisme primaire des «natifs», et très éloignés de la tradition chrétienne quoi qu'ils en disent, Venise comme toute l'Italie et le reste de l'Europe célèbre aujourd'hui la chandeleur, la commémoration de la présentation du Christ au temple. et, depuis je ne sais plus quel pape (en 1372), la purification de la Vierge. Fête de la lumre où on bénit les cierges qui illuminent toutes les églises, ce jour est pour moi plein de délicieux souvenirs d'enfance. A cause des crêpes bien sur, du panettone de San Biagio et des fritelle qu'on faisait chez ma grand-mère. C'est le passage attendu qui mène à la fin de l'hiver. Un vieux dicton que tout le monde connaît à Venise, le précise :
.
«A la Madona Candelora
de l’inverno semo fora,
ma se piove o tira vento
de l’inverno semo drento»
.
Quand il pleut et qu'il vente, l'hiver-enfer (inverno-inferno) est toujours là et redevient virulent. Mais il fait beau depuis quelques jours à Venise et le ciel est serein aujourd'hui encore, en dépit d'une température encore bien basse. Ce jour est ainsi un passage, entre Hiver-obscurité-mort et Printemps-lumière-renaissance. Ce passage est fêté symboliquement par la purification et la préparation des corps et des âmes à la nouvelle saison.
.

Chandeleur en italien se dit «Candelora» dérivé du latin «candelorum», et «candelaram» signifiait la bénédiction des chandelles, très vieux rite romain d'origine juive. Les premiers chrétiens décidèrent de remplacer la fête païenne par l'anniversaire de la présentation de Jésus au Temple et de la purification de sa mère, quarante jours après sa naissance. Ne pas confondre avec l'anniversaire (qu'on ne fête plus de nos jours) de la circoncision de l'enfant qui eut lieu comme le prévoit la loi hébraïque huit jours après (soit le 1er janvier). Cette tradition vient de la foi juive, où après sa délivrance, une femme était considérée comme impure pendant quarante jours (si elle avait mis au monde un garçon, pour les filles c'était encore plus long). Passé ce délai, on se rendait en procession au temple. En dépit de formes diverses, la fête a partout en Occident la même signification. Chez les romains, c'était les "Lupercales" qu'on célébrait aux Ides de Février, le dernier mois dans le calendrier antique. Il s'agissait de se purifier avant d'entrer dans la nouvelle année. Le rite était censé préparer à la fertilité des terres et à la prospérité. Ce jour-là, les femmes romaines arpentaient toutes les rues de Rome avec des cierges pour purifier la ville et ses habitants. .
...
Venise célébrait ce jour-là les Marie ce jour-là en organisant des mariages collectifs pour les jeunes filles méritantes qui recevaient trousseau et argent de généreux donateurs qui penser certainement acheter ainsi leur purification et la bénédiction du ciel, ces Indulgences que la Réforme vilipendera des siècles plus tard. La célèbre Feste delle Marie, reprise depuis quelques années dans le cadre des manifestations officielles du Carnaval, est restée un grand moment dans la mémoire collective vénitienne, puisque la légende raconte qu'un jour de Candelora, des barbares enlevèrent des jeunes filles venues des îles pour être mariées par le patriarche et que suite à un combat héroïque, les jeunes fiancés et leurs amis massacrèrent les kidnappeurs et récupérèrent leurs belles (et les dots, bien entendu !). Mais tous les historiens ne sont pas d'accord sur l'évènement et son déroulement exact.

Demain, on fête Saint Blaise, le martyr arménien. C'était chez nous l'occasion de faire un magnifique panettone au goût unique et, par cet esprit d'escalier qui inonde de digressions mes articles, cela me fait penser à la petite église de San Biagio, édifice méconnu des touristes et qui a une histoire très particulière. Saviez-vous qu'il abrite les restes d'un archiduc autrichien fou amoureux de Venise. Enterré dans la chapelle du Grand Prieuré de l'Ordre de Malte, San Giovanni del Tempio (appelée aussi chiesa dei Furlani) le prince Frédéric-François d'Autriche avait demandé à ce que son cœur demeure dans la chapelle de la Marine de Venise. Il repose aujourd'hui dans la sacristie. En fait, l'église de San Biagio existe sans exister. Elle est un peu comme une annexe du Museo Storico Navale et dépend des autorités militaires depuis la décision de la Magistrature des Eaux d'en transférer la gestion aux affaires culturelles. Son curé est en fait l'aumônier militaire de Venise, et San Biagio est la chapelle de la Marine et des Forces Armées cantonnées à Venise.
...
Datant du XIVe siècle, avec une nef byzantine à l'origine, elle a été restructurée et dotée d'une façade moderne au milieu du XVIIIe. Avec la chute de la République, l'église est en partie détruite. Les autrichiens contribuent à sa réinstallation en y amenant des vestiges d'autres églises de la Sérénissime. C'est ainsi que les autels proviennent de l'église Santa Anna, à Castello, qui abritait autrefois une communauté de bénédictines et que Buonaparte fit fermer en 1807, pour faire des locaux un collège, puis un hôpital pour la Marine. On y trouve aussi un superbe monument funéraire provenant de l'église Santa Maria dei Servi, à Cannaregio, (aujourd'hui Casa Studentesca Santa Fosca). 

Il s'agit du monument érigé par la République à la gloire du célèbre capitaine Angelo Emo, héros de la guerre contre le Bey de Tunis, en 1785. Ce patricien éclairé tenta de réformer la marine vénitienne, sur le modèle de la marine anglaise qui tentait de supplanter notre magnifique marine royale, voulue par le clairvoyant Louis XVI.
.
Voilà bien des informations dans un billet un peu brouillon. On s'aperçoit qu'il y a mille curiosités dans cette cité magique qui fut, notre époque a tendance à l'oublier, la capitale d'un état souverain très puissant et très riche. La chute de la République, le pillage de Buonaparte, la mise en servitude par les autrichiens et l'unité de l'Italie en ont fait une petite bourgade de province nantie de merveilleux monuments et forte d'une histoire qui ne mourra que lorsque plus personne ne se souviendra de ce que fut la Sérénissime. Bonne fête de la Chandeleur !
 
2 commentaires non sauvegardés par Google...

29 janvier 2010

Voici que revient enfin le temps des Galani !

Bientôt le temps du carnaval, et des gourmandises qui vont avec ! Personnellement c'est seulement ces dernières qui me rendent cette période agréable. En général, il fait froid, il pleut, Venise est envahie par des hordes de gens excités avec des déguisements ridicules et des attitudes saugrenues et la foule est tellement dense, qu'il est impossible d'avancer dans les rues. Mais tous les lecteurs connaissent mon mauvais caractère et mes sautes d'humeur. J'ai "fait" de nombreux carnavals. Les premiers notamment, spontanés et merveilleusement frais, quand débarquaient essentiellement de jeunes italiens d'abord venus des environs, puis de toute la péninsule, puis arrivèrent les français et les allemands, et puis le reste de la planète. Il y avait des bals partout et les palais s'ouvraient souvent aux inconnus masqués pour de somptueuses soirées où tout devenait possible. Comme avant, du temps de la République. L'essentiel des costumes reprenait l'idée qu'on se faisait - à juste titre - du carnaval vénitien d'antan : masques traditionnels, manteaux et tricornes, marquises et chevaliers enperruqués, saltimbanques de la Commedia dell'Arte

Partout des Polichinelles et des Colombines, des Pantalone et des Grisdelda. Trop de Pierrot ensuite, avec leur visage blanc marqué d'une larme noire, quand les français débarquèrent. Puis des Mickey et des Blanche-Neige arrivèrent, des travestis fantasques et ce fut le triste mélange d'une gay-pride salace et du cortège traditionnel du carnaval de Nice avec un peu de Rio. Beaucoup de bruit, beaucoup de vulgarité et plus aucune spontanéité. La description peut sembler bien noire mais c'est ainsi que je vois les carnavals d'aujourd'hui. Sauf à être invité à une de ces magnifiques fêtes costumées dans un des salons d'apparat du Grand Canal, de pouvoir assister au bal de la Fenice ou de se retrouver entre amis et de vouloir s'amuser entre soi, le carnaval de Venise n'est qu'ennui et odeurs de fritures.
.
A propos donc de fritures, on me demande la recette des Galani, ces "merveilles" vénitiennes qu'on trouve partout pendant ce temps du carnaval. Voici celle de ma grand-mère.

Ingrédients (pour 6-8 personnes) : 6 œufs, 100 g de sucre en poudre, 15 cl de grappa, 15 cl de vin blanc, 100 g de beurre, 1 kg de farine, 1 gousse de vanille, 1 citron, sel, huile de friture.

Fouetter ensemble dans une terrine le sucre, les œufs, le zeste du citron, la vanille grattée, la grappa, le vin blanc, le beurre fondu et du sel. Ajouter ensuite la farine. Bien mélanger. Laisser reposer au moins une heure à température ambiante. Pétrir ensuite la pâte sur un marbre, puis l'étirer. L'appareil obtenu doit être très fin.

L'idéal étant une machine à pâtes qui permettra de réaliser de belles feuilles très fines, mais pas transparentes sinon elles se déchireraient à la cuisson. Quand les feuilles sont prêtes, les les plier en trois. Les aplatir de nouveau. Il faut refaire cela plusieurs fois, jusqu'à obtention de longues bandes bien fines et régulières. A l'aide d'une roulette, découper des rectangles de 3-4 cm de large sur 10 cm de long environ. faire un trou au centre de chaque pièce.

Verser dans l'huile chaude. Laisser gonfler et dorer 3 à 4 minutes en les retournant. Les Galani gonflent et se couvrent de grosses bulles qui mettent l'eau à la bouche des petits gourmands vénitiens. Après les avoir égoutter sur du papier absorbant, les saupoudrer largement de sucre et déguster froid.

 

9 commentaires: (Archives Google)

J F F GrandsLieux a dit…
Glace, le sucre, n'est-ce pas ?
C'est le contraste entre le gras craquant soufflé de la pâte et la légèreté sèche et douçâtre du sucre glace qui rend ces bugnes - pardon ces galani si délicieuses.
A propos, savez-vous d'où vient ce non particulier de galani ?
J F F GrandsLieux a dit…
Je voulais dire ce nom
Florence a dit…
Ah les Galani que mon père faisait. Il les laissait s'égouter sur du papier jaune, que je ne trouve pas en France. Puis du zucchero velo et hum on se régalait. Moi, en cette période je fais des fritelle alla veneziana. Je peux vous donner ma recette familiale si vous le souhaitez.
A presto. Fiorenza.
VenetiaMicio a dit…
Miam, les Galani ! J'en ai vu ce matin chez l'Italien de St Rémy ...
Merci pour la recette de votre "Nano", je la garde.
Mais non, vous n'avez pas "mauvais caractère", qui dit cela ? Je dirai que aujourd'hui vous avez l'humeur chagrine, vous qui avez connu sans aucun doute de merveilleux et joyeux carnavals.
Je vous taquine, car je suis totalement d'accord avec vous, pour moi "Le" carnaval de Venise c'est celui des masques et costumes traditionnels de la Commedia dell'ArtE. En 2008, j'ai vu les 7 nains et Blanche-Neige comme vous le dîtes, ce n'est plus l'esprit de Venise, j'avais l'impression d'être dans le monde de Disney.
Bon week-end
Danielle
Michelaise a dit…
Toute la magie est, vous avez raison, dans ces fameuses bulles qui sont autant d'appels à la gourmandise ! je ne connaissais pas les galani, seulement, autres lieux autres noms, et recette toujours différente, les bugnes !
Lorenzo a dit…
Bugnes dans l'Est et le Midi, Merveilles dans le Sud-Ouest, Galani, orechini en Italie. Le plaisir gourmand reste le même. ce papier jaunâtre se trouve encore dans certaines drogueries italiennes.
maite a dit…
i gaeàni venexiane, i galài veronesi, i grostoi trentini, i cenci toscani, le bugie piemontesi, le frappe umbre, etc...et à Bordeaux, les merveilles !
anita a dit…
....et les "oreillettes" du côté d'Avignon !!!!

miam !!!!

anita
Lorenzo a dit…
Il faudrait organiser un concours de dégustation et comparer les mérites de toutes ces recettes ! C'est un peu comme avec les crêpes, il existe tellement de recettes différentes toutes aussi excellentes les unes que les autres !

29 janvier 2008

La piazzetta dimanche dernier

 Aucun commentaire

3 commentaires:

Florence a dit…
Pourtant d'après il Gazzettino, deux chambres d'hôtel sur trois sont libres.
D'où vient cette foule et où se loge-t-elle??
Ma cousine Claudia attend avec impatience la fin du Carnaval. Si elle pouvait fuir Venise en cette période, car c'est l'invasion....
Ciao e a presto

AG a dit…
Bonsoir Lorenzo,
Aucun commentaire, effectivement, la photo parle d'elle-même.
Mais surtout, à mes yeux, AUCUN INTERET : être étouffée, malmenée au milieu de cette foule... pour voir QUI ? QUOI ?
Vive la Venise dite "mineure" qui me correspond si bien.
Bonne soirée. Agnès

Tietie007 a dit…
J'ai vu les images à la TV, c'est assez incroyable ! Je crois que je préfère Venise juste après le carnaval, car là ...
Bonne journée !

Georges Clooney, invité d'honneur du Grand Bal du carnaval

10/08/2022 : A la demande de Google ce billet publié en 2008 suite à l'annonce du choix de l'acteur et réalisateur américain Georges Clooney comme invité d'honneur du Carnaval, a été retoqué pour satisfaire aux règles. Cependant, après avoir parcouru attentivement celles-ci, nous n'avons trouvé aucune injure, menace, ou attaque personnelle contre l'acteur. Nous exprimions dans ce billet notre opinion relayant celle de milliers de vénitiens et de journalistes intéressés au sort de Venise et des vénitiens. Ce n'était pas non p lus une attaque contre la municipalité qui cherche sans arrêt des solutions pour sauver Venise. Nous critiquons seulement certains choix qui selon nous ne vont pas dans le bon sens.

Beaumarchais a écrit : "Les faits sont sacrés mais les commentaires sont libres". Cet article donne, dans le respect des faits et dans le cadre de la liberté d'opinion, l'avis de la rédaction  ne peut être censuré où alors nous changeons de paradigme et la démocratie a du souci à se faire quand on s'attaque à la liberté d'opinion ! 

Tramezzinimag n'a rien contre Monsieur  Clooney, bien au contraire. C'est un fantastique acteur et un excellent réalisateur. Notre propos à l'époque, comme aujourd'hui, était d'informer nos lecteurs de ce qui semblait initier une dérive qu'avec de nombreux vénitiens et d'observateurs, nous obserons depuis quelques années et qui nous parait dangereuse. 

Nous sommes nombreux à penser que ni le développement du tourisme de masse, ni la disneylandisation de la ville, ni la gentrification des lieux ne sont de bonnes choses pour la cité de Venise, ni pour ses habitants de moins en moins nombreux au vu des immeubles fermés avant d'être transformés en auberges de luxe et du prix des loyers. 

Peut-être que l'acteur américain n'est pas au fait de tout cela. Peut-être à sa décharge, pense-t-il que l'argent que lui et ses pairs laissent à Venise,  est sa manière d'aider la ville à se maintenir vivante et active.


Il va finir par s'installer à Venise ou par y acheter un palais... Cela étant, mes filles seraient ravies de le croiser quand elles vont chercher des croissants le matin... Venise cherche vraiment à attirer le maximum de "people" pour faire parler d'elle autrement. 
 
Ce qui est inquiétant c'est que tous ces gens qui vivent au-delà du monde du commun des mortels de ce siècle risquent de renforcer le côté Happy Few et anéantir ce qui reste de la Venise authentique, entraînant les prix vers le haut et transformant, certainement à leur corps défendant, la Sérénissime en un Lunapark à la Disney, figé dans un pittoresque mortifère ou tout est attraction (payante). 
 
Ce serait tellement bien si Monsieur Clooney devenait citoyen actif de Venise et par sa célébrité, ses réseaux, il s'engageait à sauver Venise en défendant son patrimoine, ses traditions et ses habitants.

 

3 commentaires:

AG a dit…
Mille fois d'accord avec vous, Lorenzo. Venise n'a pas besoin de toute cette "pipolisation", ce côté "bling-bling". Georges CLOONEY a déjà élu domicile au bord du lac de Côme. Alors pourquoi pas AUSSI Venise. Bonne soirée. Agnès
Lorenzo a dit…
il vient en voisin.
Jaio a dit…
En effet, et on voudrait tous dire tire toi de là que je m'y mette:-) Ce que je ne comprends pas, c'est que la population diminue très fort chaque année et qu'il n'y a pas moyen de trouver une maison libre!

28 janvier 2008

Des nouvelles du carnaval 2008

Comme le rappelait une fidèle lectrice, cette année l'ange qui volait sur la piazza était un homme. Il s'agissait du rappeur Coolio qui, tout de blanc vêtu descendit du campanile jusqu'aux pieds du doge et de son cortège, précédé de grandes lettres de mousse épelant le mot "angelo". La foule était plus que dense et c'est amusant de voir parmi les gens d'aujourd'hui quelques tricornes et des plumes de toutes les couleurs... Il y avait du monde en effet (la société des chemins de fers Trenitalia a déclaré avoir vendu pour la journée de dimanche près de 30.000 billets pour Venise) mais tout c'est bien passé. Certainement grâce aux 140 policiers sur le qui-vive. 120 bus, 1800 véhicules privés. Plus de 8000 tickets de vaporetto. La Questure estimait le nombre de visiteurs à plus de 50.000 rien que pour dimanche. Il ne fait pas bon sortir ces jours-ci...

Sauf pour ceux qui rêvent de rencontre la toujours ravissante Ornella Muti, choisie cette année par le toujours vif Bruno Tosi pour être la marraine de la Fête des Maries, célébrée avec encore plus de faste et de solennité que les autres années. Le spectacle en costume qui fait fureur parmi les hordes de touristes est maintenant bien rodé. Les jolies jeunes filles, sélectionnées il y a quelques jours par un jury mais aussi par la population de Venise (par le biais des quotidiens du cru), ont traversé toute la ville du campo San Pietro jusqu'à la piazza sur des brancards portés à bout de bras par de solides gaillards, rameurs ou gondoliers pour la plupart. 




L'actrice était entourée de ses enfants. Après avoir accueilli en compagnie du doge le cortège des douze jeunes filles, elle honorait de sa présence les salons de l'hôtel Luna Baglioni où l'organisation du Carnaval offrait un chocolat chaud apparemment bienvenu (initiative de l'Association Internationale pour la Promotion du Carnaval de Venise que préside Giovanna Barbiero). Les discussions allaient bon train pendant ce cocktail sucré : très lié au XVIIIe et au XIXe siècle dans l'esprit des gens, ce carnaval aurait besoin de se renouveler sans lâcher ses origines. Certains parlaient même d'innovations transgressives... A quand un gigantesque défilé-lupanar comme la défoulante gay-pride en passe de devenir une institution respectable ? Je crains que c'est ce que ces adeptes du modernisme à tout crin veuillent nous concocter pour les années à venir. 


Sont-ils capables d'autre chose d'ailleurs ?Cela renforce l'opinion de bon nombre de mes amis (je la partage à 100 %) : Venise pendant le carnaval n'est vraiment pas un endroit où il faut être ou alors enfermez-vous chez vous, bien au chaud avec de bons bouquins et de la bonne musique et si par un malheureux coup du sort, le facteur vous apporte un bristol, vérifiez bien qu'il s'agisse d'un bal costumé Renaissance ou XVIIIe dans les salons d'une comtesse au-dessus de tout soupçon ou bien d'un concert de musique ancienne. Là vous ne risquerez pas l'attaque d'apoplexie devant ces troupeaux de travestis rebutants, ces costumes en tissus synthétiques chatoyants mais tellement artificiels. Patience dans quelques jours tout cela sera fini. Bonhomme Carnaval brûlera en place de grève pour la plus grande joie des vénitiens qui pourront de nouveau vivre en paix chez eux ! Mais tout n'est pas si noir. la Festa Veneziana, superbe spectacle aquatique a été très apprécié. Grande parade en costume d'apparat sur une soixantaine de barques avec des musiciens, des saltimbanques. Moment d'émotion parmi les vénitiens : sous le pont du Rialto, les gondoliers ont chanté à l'unisson l'Hymne de San Marco.



1 commentaire:
Anonyme a dit…
Bonsoir, Actuellement en France et étudiante à Marseille en événementiel, master 2 (bac +5) je réalise une thèse sur le pouvoir de l'événementiel et je prend des exemples concrets qui sont les Carnaval de Venise et l'empire Armani. Je me permets donc de vous demander si vous auriez des sites ou des adresses mails à me communiquer pour avr des infos sur ce sujet et ce qui a été fait et comment ceci marche toujours autant. Grazie mille Claire Bellone stregona21@hotmail.com